• Aucun résultat trouvé

Principe du collage par les nanoparticules et premiers résultats

Chapitre I Assemblage d’hydrogels Assemblage d’hydrogels

IV. Vers le collage avec les organes

IV.2. Assembler des organes avec des nanoparticules

IV.2.1. Principe du collage par les nanoparticules et premiers résultats

Un premier essai parfaitement réussi a consisté en l’adhésion de deux morceaux de foie de veau par une solution de nanoparticules de silice commerciale de Ludox® TM-50.6 Après avoir étalé cette solution entre les deux morceaux de foie et après avoir pressé

40 manuellement pendant 30 secondes le joint ainsi formé, une énergie d’adhésion de 25±5 J/m2

a été mesurée.

Cette technique innovante a ouvert de nouvelles perspectives dans le domaine médical et a été testée dans des conditions in vivo sur des rats de laboratoire en partenariat avec des médecins de l’Hôpital Bichat.30

Cette technique est simple, car elle ne nécessite pas de polymérisation in situ comme les colles polymères.8 La Figure I. 18 illustre le principe du collage de tissus biologiques par les nanoparticules: une solution de nanoparticules est étalée à la surface de la blessure à l’aide d’une micropipette puis les deux berges de la plaie sont accolées manuellement. Après quelques minutes, une adhésion entre les deux tissus est obtenue.30

Figure I. 18. Le concept de collage par des nanoparticules de silice. A gauche : une solution de nanoparticules

est étalée avec une micropipette ou un pinceau à la surface du tissu biologique à réparer. A droite : Les bords de la blessure sont maintenues en contact quelques minutes par pression manuelle (flèches bleues).30

La Figure I. 19 compare l’utilisation d’une solution de nanoparticules de silice pour refermer une plaie chez un rat à la suture classique (fil de suture non résorbable Ethicon) et à une colle commerciale cyanoacrylate très utilisée (Dermabond®). L’expérience a consisté à pratiquer des incisions de 1,5 cm de longueur et de 3 mm de profondeur sur la peau du dos de rats.30 Les solutions de nanoparticules ont été étalées avec une brosse ou une micropipette (V=2 à 15 μL) et l’excès de solution a été retiré à l’aide d’une compresse. Les bords de la paie ont été maintenus manuellement pendant moins d’une minute. Pour tous les rats, les plaies ne se sont pas réouvertes dans les trois cas de figure. La Figure I. 19 montre que la cicatrisation par nanoparticules est comparable à la suture classique et est bien supérieure à la cicatrisation par colle cyanoacrylate. En effet les adhésifs cyanoacrylates provoquent des réactions locales

41 (toxicité ou inflammation) et forment une couche rigide qui empêche un contact entre les deux berges comme le montrent les coupes histologiques.30 De plus la cicatrice obtenue, 3 jours après l’application de nanoparticules est plus esthétique que les deux autres cicatrices.

Le collage de tissus biologiques a aussi été réalisé par des nanoparticules d’oxyde de fer, présentant l’avantage d’être métabolisé par l’organisme. En effet les macrophages (globules blancs) présents dans les tissus biologiques peuvent assimiler le fer dont ils assurent le stockage et le recyclage.75 L’autre avantage de ces nanoparticules de fer est leur utilisation comme agents de contraste en imagerie par résistance magnétique.30,75

Figure I. 19. Comparaison in vivo de réparations de la peau du dos du rat par des nanoparticules de silices, par

suture avec du fil non résorbable ou par colle cyanoacrylate (Dermabond®). Après 3 jours, les cicatrisations de la peau sont identiques par suture ou par utilisation d’une solution de nanoparticules. Pour la colle Dermabond®

, les bords de la blessure ne sont pas joints correctement. Les coupes histologiques sont données pour comparaison.30 Les coupes histologiques sont des tranches d’organes assez fines pour être observées au microscope.

Les solutions de particules peuvent être aussi utilisées comme agent hémostatique. Elles présentent un réel potentiel pour des organes mous tels que le foie ou les poumons qui sont des organes humides et difficiles à suturer en raison de leur grande fragilité. Une coupure de 1.5 cm de long et de 6 mm de profondeur a été pratiquée sur le foie de rats vivants. Par application d’une solution de nanoparticules et par un rapprochement manuel des deux berges de la plaie, l’arrêt du saignement est obtenu au bout d’une minute. Trois jours après

42 l’opération, les rats étaient en bonne santé. L’activité du foie était normale et la cicatrisation était bonne comme le montre la Figure I. 20.a.30

D’autres expériences chirurgicales in vivo ont consisté à utiliser des nanoparticules pour attacher des membranes sur une section de foie pour stopper le saignement. Une ablation de 2/3 du lobe droit du foie a été pratiquée, puis une membrane d’alcool polyvinylique (PVA) recouverte de nanoparticules de silice a été appliquée sur la plaie pendant quelques secondes afin de stopper le saignement.30 L’hémostase a été obtenue immédiatement et aucune inflammation n’a été observée trois jours après l’opération. Une expérience de contrôle a été réalisée avec une membrane de PVA sans nanoparticules de silice et a confirmé l’absence d’hémostase (Figure I. 20.b). Suivant le même protocole expérimental, une pastille de polysaccharide poreuse et biodégradable a été collée sur le cœur d’un rat vivant. Après 3 jours, cette pastille était toujours en place malgré les contractions du cœur et l’immersion en milieu humide (Figure I. 20.b). De tels systèmes pourraient permettre la délivrance d’un médicament in situ.30

(a) (b)

Figure I. 20. (a) Réparation d’une blessure au foie avec des nanoparticules de silice. Une incision de 6 mm de

profondeur et de 1.5 cm de long a été pratiquée, puis a été appliquée une solution de nanoparticules Ludox TM50® sur la plaie saignante et les deux berges de la blessure ont été rapprochées. Au bout d’une minute, on obtient l’arrêt du saignement. L’image principale (coupe histologique) montre la formation de tissus de réparation à partir de la surface après trois jours.30(b) En haut : Hémostase après une résection du foie. Le lobe

droit du foie d’un rat a été sectionné (A) et le foie a ensuite été couvert par une membrane de PVA saupoudrée de nanoparticules de silice. (B) Le saignement s’est stoppé après 30 secondes. Après trois jours, le foie a été explanté et la membrane était toujours présente sur le foie. (C) En bas : Une solution de particules de silice Ludox® TM50 a été appliquée à l’aide d’une brosse sur la surface d’un cœur de rat vivant. Une pastille de polysaccharide poreuse et biodégradable a été posée sur la surface du cœur vivant. Trois jours après l’opération, la pastille était toujours attachée à la surface du cœur.30

43 En résumé, les nanoparticules peuvent jouer le rôle de colle chirurgicale et ainsi se substituer aux points de suture sans aucune préparation préalable. Les nanoparticules peuvent être aussi utilisées comme agent hémostatique afin de contrôler les saignements dans les chirurgies du foie et du cœur. Le principe illustré ici ne se limite pas seulement aux particules de silice et d’oxyde de fer, mais il peut s’étendre à des particules de différentes tailles, de différentes formes ou de différentes chimies de surface. En particulier, l’utilisation de nanoparticules présentant des effets biologiques intrinsèques comme la libération d’agent médicamenteux pourrait ouvrir de nouvelles perspectives.