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Coller des organes par des polymères

Chapitre I Assemblage d’hydrogels Assemblage d’hydrogels

IV. Vers le collage avec les organes

IV.1. Coller des organes par des polymères

Les colles polymères peuvent être classées en trois catégories: les colles biologiques, les colles synthétiques et les colles semi-synthétiques.66,67,68

IV.1.1. Les colles biologiques

Les colles biologiques sont composées de protéines retrouvées dans le corps humain et animal. Les plus répandues sont les colles à base de fibrine, qui ont été les premières colles chirurgicales mises sur le marché. Elles sont constituées essentiellement de fibrinogène* et de thrombine* provenant de donneurs humains. Le mode d’action de la colle simule le stade final de la coagulation. En général, l’application de cette colle se déroule à l’aiguille ou par pulvérisation. La seringue ou le pulvérisateur contient généralement deux compartiments : l’un contient une solution de fibrinogène tandis que l’autre contient une solution de thrombine humaine. La mise en contact et le mélange des deux solutions dans des proportions appropriées entraîne la polymérisation du fibrinogène en fibrine insoluble sous l’action de la thrombine en quelques minutes.67 La fibrine ainsi formée adhère aux tissus traités, puis se résorbe en quelques jours en favorisant la reformation du réseau de collagène et donc la

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Hémostase : ensemble des phénomènes physiologiques qui concourent à la prévention et à l’arrêt des saignements.

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Fibrinogène : protéine du plasma sanguin qui se transforme en fibrine lors de la coagulation

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35 cicatrisation.66 A titre indicatif, 1 ml de colle de fibrine permet de traiter une surface de 25 à 100 cm2 par application en pulvérisation et 10 cm2 par application en goutte à goutte.66 La colle doit être appliquée en couche mince pour éviter la formation d’une quantité excessive de tissu de granulation et obtenir une bonne résorption de la fibrine formée.66 La polymérisation est lente environ 70% en 10 min et complète en 2 heures pour une colle de fibrine de type Tissucol® ou Quixil®.66,68

D’autres colles biologiques à base de gélatine (gel issu du collagène des os) et de thrombine bovine (Floseal®) ou à base de polysaccharides (alginate, chitosane,..) ont été développées ces dernières années.67 Toutes ces colles présentent de nombreux avantages : elles sont parfaitement biocompatibles et résorbables, elles favorisent la cicatrisation des plaies et ne possèdent aucune toxicité. De plus, elles ont une action hémostatique en déclenchant la coagulation.

Néanmoins étant donné qu’elles sont d’origine humaine ou animale, une possibilité de transmission d’un agent infectieux (i.e. hépatite A (VHA)) ne peut pas être écartée et elles peuvent présenter un risque allergique. Un autre désavantage est une résistance mécanique limitée les rendant inutilisables pour certaines opérations chirurgicales. Elles sont alors souvent utilisées en complément des sutures.8,67

IV.1.2. Les colles semi-synthétiques

Pour améliorer la tenue mécanique des colles naturelles et augmenter la force d’adhésion aux tissus biologiques, certaines colles utilisent un composé naturel (gélatine, polysaccharides,…) et un composé synthétique (aldéhyde, résorcine,…) comme agent de polymérisation.8 C’est le cas par exemple de la colle commercialisée BioGlue®, qui est la colle de référence dans la dissection aortique pour assurer la reconstruction tissulaire.66,8 Elle est constituée d’un mélange de gélatine et de glutaraldéhyde. Les composants sont contenus dans une seringue avec deux compartiments distincts pour éviter le contact direct entre le glutaraldéhyde toxique et les tissus.66 La colle polymérise rapidement en 2 minutes et forment des liaisons amides stables avec les fonctions amines des tissus biologiques quelle que soit la nature du milieu (humide ou sec).69 Néanmoins le produit est très peu dégradé et la colle est très rigide ce qui peut bloquer le processus de régénération tissulaire.67,66

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IV.1.3. Les colles synthétiques

Présentant une meilleure tenue mécanique et étant plus simple à utiliser, les colles chirurgicales synthétiques sont de plus en plus nombreuses sur le marché. Elles sont constituées uniquement d’éléments étrangers au corps humain. Elles permettent la formation d’un film solide imperméable aux fluides et donc la prévention du risque hémorragique. Les plus utilisées sont les colles cyanoacrylates (Dermabond®, Omnex®) et les polyéthylènes glycols (CoSeal®).66,67 La polymérisation de ces colles est très rapide et varie de 60 à 120 secondes. En revanche leur mécanisme et leur temps de dégradation sont très variables selon leur classe chimique. Ce temps de dégradation peut varier de 30 jours à 24 mois.69

Les colles cyanoacrylate

Les colles cyanoacrylates utilisées dans le milieu médical sont des esters d’acide cyanoacrylique de formule CH2=C(CN)-COOR présentant une chaîne alkyle longue contrairement aux dérivés de colles industrielles. En effet, plus la longueur de ce groupe alkyle est courte, plus la polymérisation est rapide mais plus la toxicité est importante. En effet les chaînes alkyles courtes se dégradent rapidement en formant du cyanoacétate et du formaldéhyde dont l’accumulation dans les tissus entraîne une réponse inflammatoire.66

Au contraire, une chaîne alkyle longue entraîne une dégradation lente par hydrolyse de ces produits de dégradations cytotoxiques (formaldéhyde notamment) qui sont alors plus facilement éliminés par l’organisme notamment dans les urines et les poumons.66

Ces colles sont constituées d’un liquide de monomères, qui est déposé sur la peau, va former un film flexible rapprochant les berges de la plaie en quelques secondes. La polymérisation anionique survient par simple contact avec des bases faibles telles que l’eau et le sang.67,8 La réticulation des chaînes de polymères est réalisée en même temps que la formation de liaisons peptidiques grâce aux groupement « cyano » (-C≡N) avec les protéines de la peau. Pour obtenir une adhésion optimale au tissu, la surface doit être sèche et la colle appliquée en couche fine. En effet, ces adhésifs polymérisent trop rapidement en présence d’eau et de sang rendant l’adhésion avec les tissus faible.70,71,72,68

Ces colles sont caractérisées par leur facilité d’application par rapport à d’autres adhésifs chirurgicaux et par leur rapidité de prise, de quelques secondes à deux minutes pour une polymérisation complète.66 Notamment les colles composées de 2-octyl-cyanoacrylate, plus connues sous les noms de Dermabond® ou Omnex® ont déjà fait leurs preuves et sont largement utilisées en chirurgie

37 esthétique pour resserrer les plaies et favoriser la cicatrisation de coupures, lacérations et petites plaies. Néanmoins l’utilisation de ces colles se limite surtout à la surface des tissus superficiels car elles peuvent induire une réponse inflammatoire, être toxique pour les tissus mous internes et sont non résorbables. Leur dégradation par l’organisme peut prendre jusqu’à 2 ans.69,66

Les colles à base de polyéthylène glycol (PEG)

Les colles à bases de polyéthylène glycol (PEG) sont des agents hémostatiques et forment des membranes imperméables aux fluides une fois polymérisée.67 En Europe, CoSeal® est l’un des PEG les plus utilisé en chirurgie vasculaire en prévention de saignement.8,66 Il est composé de deux types de PEG synthétiques : l’un présentant une fonction carbonyle et l’autre présentant une fonction thiol. Ces deux fonctions réagissent entre elles pour former des liaisons covalentes par polymérisation in situ.8 Un hydrogel adhérant aux tissus biologiques est obtenu après 30 secondes. L’application de la colle se fait en couche fine sur une surface sèche, le plus souvent sous clampage après avoir épongé les surfaces. Les colles de PEG se dégradent par phagocytoses au bout d’un mois.66,69

Un des inconvénients des colles à base de PEG est leur capacité à fortement gonfler dans un milieu humide. Ces colles se dilatent jusqu’à quadrupler de volume dans les heures suivant leur application : les tissus avoisinants peuvent être endommagés par la compression.66 Pour limiter le gonflement du gel, une application sur surface sèche est préconisée.

Nouvelle colle polymère hydrophobe photoactivable

En 2014, Lang et al. ont développé une nouvelle colle chirurgicale hydrophobe photoactivable (‘hydrophobic light-activated adhesive ‘: HLAA) qui est biocompatible, biodégradable, et facilement manipulable en milieu humide. Cette colle est à base de poly(glycérol sebacate acrylate) (PGSA), qui combiné à un photoinitiateur va former un gel par polymérisation au bout de quelques secondes par exposition au rayonnement ultraviolet (UV).73 Ainsi, après avoir étalé le liquide sur la plaie, le chirurgien a une maîtrise totale du déclenchement de la polymérisation. Le film ainsi obtenu est hydrophobe, élastique et il reste intact face à un débit sanguin intense. Un temps d’exposition de 5 secondes aux rayons UV est optimal pour obtenir une bonne adhésion sur les tissus biologiques comme le montre la Figure I. 17. Dans ces conditions, la colle HLAA présente de bonnes performances d’adhésion sur tissu biologique, trois fois plus importante que la colle de fibrine commerciale mais deux fois plus faible que la colle cyanoacrylate.

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Figure I. 15. Mesure de la force d’adhésion d’une colle de cyanoacrylate (CA), de fibrine (Fibrin) et de la colle

formulée (HLLA) à différents temps d’expositions aux UV (0, 1, 5 ou 30 s) sur un tissu épicarde (sac membraneux qui enveloppe le cœur)73

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L’interaction entre la colle HLLA et les tissus biologiques a été évaluée ex vivo par des images de microscopie optique à l’aide d’un colorant et par des images de microscopie électroniques à balayage (MEB) comme le montre la Figure I. 16. D’après les deux techniques, l’adhésif HLLA semble pénétrer dans les couches superficielles du tissu biologique et s’enchevêtrer avec les fibres de collagène comme le montre le cliché MEB, expliquant ainsi sa bonne adhésion sur les tissus biologiques.73

Figure I. 16. Interactions entre la colle HLAA et le substrat de collagène. A gauche : Un patch enduit de la colle

HLAA (A) a été appliqué ex vivo sur un épicarde porcin composé de collagène. L’échantillon a été colorée par le trichrome de Masson. (C). La colle HLLA semble être enchevêtrée avec les fibres de collagène (flèches noires). Echelle 20μm. A droite : Cliché MEB d’une coupure de l’interface gelée colle HLAA-tissu biologique. Echelle 2 μm.73

Cette colle représente une véritable opportunité pour la chirurgie mini-invasive. Notamment, Lang et al. ont enduit un patch de PGSA et l’ont collé sur un cœur de porc vivant et ce patch est resté en place malgré les contractions du cœur et un flux sanguin important.

39 Cet adhésif chirurgical a aussi permis de refermer immédiatement une plaie interne au niveau de l’artère carotide d’un porc sans aucune fuite comme le montre la Figure I. 17.73

Figure I. 17. La colle HLAA peut être utilisée pour la reconstruction des vaisseaux sanguins. (A) Une incision

de 2 mm dans une artère carotide ex vivo fut fermée avec le HLAA sans l’utilisation d’un patch. (B) Clichés de l’artère carotide juste après l’incision et 24h après avoir que l’incision ait été refermée par la colle HLAA.73

Cette colle sera commercialisée par la start-up Gecko dès 2017 et pourra être utilisée pour la reconstruction vasculaire et des vaisseaux sanguins en Europe et aux Etats-Unis.74