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Interprétation de l’essai et reproductibilité

Chapitre III Comment mesurer l’adhésion entre

II. Essai de joint de recouvrement

II.3. Interprétation de l’essai et reproductibilité

La Figure III. 4 (a) montre un exemple de courbes force-déplacement pour un joint de recouvrement constitué de deux hydrogels de PDMA_R0.1. Comme nous l’avons vu dans le chapitre II, les hydrogels de PDMA présentent un comportement élastique. Les deux courbes présentées permettent de juger de la reproductibilité du test pour deux gels provenant de deux lots de synthèses différentes. Ces courbes se divisent en deux parties. La première partie consiste en un étirement de la longueur des bras libres (zone se situant avant  sur la Figure III. 4 (a)) et la seconde partie correspond à la propagation de la fissure dans l’interface entre les deux gels, que nous assimilons à du pelage. La Figure III. 4 (c) montre des clichés de la propagation de la fissure à 5 instants successifs pour l’un des deux essais. Le cliché  montre l’amorçage de la fissure : les deux extrémités commencent à se détacher. Les clichés  et  montrent la propagation de la fissure à force constante. A partir du cliché , la force diminue avant d’obtenir le détachement des deux lanières (cliché ). A l’aide de ces clichés, nous constatons qu’au cours de la propagation de fissure, l’angle de pelage n’est pas constant et augmente de 20° (cliché ) à 90° en fin d’expérience (cliché ) sous l’effet du poids de la lanière.

L’estimation de la force d’initiation, Fc, c’est-à-dire la force de début de pelage se détermine à partir des clichés vidéo. Il est assez difficile de voir le moment exact d’amorçage de la fissure comme le montrent les photos de la Figure III. 4 (c). En analysant les images avant et après, nous estimons l’erreur de Fc/w à 0.2 N/m. A partir de cette force d’initiation,

nous estimons l’énergie d’adhésion grâce à l’équation (III. 22) dans le cas où les deux hydrogels sont similaires. Pour les deux essais présentés ici, l’énergie d’adhésion est du même ordre de grandeur, étant donné que la force d’amorçage est à peu près la même. Un point important à soulever est que le modèle de Kendall suppose que la fissure se propage avec une force constante. Or comme le montre la Figure III. 4, dans l’un des cas présenté ici (courbe en noir), l’essai est effectué à déplacement imposé et la force varie au cours de l’avancée de la fissure : elle atteint un maximum puis diminue ensuite. Pour l’autre essai, la force reste à peu près constante (rouge) tout au long de la propagation de fissure.

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(a) (b)

(c)

Vitesse traverse (mm/s) Vitesse fissure (mm/s) Fc/w (N/m) Gadh (J/m2)

0.0083 0.07±0.02 4.3±0.9 0.28±0.1

0.033 0.15±0.5 4.3±1 0.28±0.1

0.33 7±3 3.7±0.8 0.21±0.1

1.83 12±2 4.2±0.5 0.27±0.1

4.17 15±3 4.2±0.7 0.27±0.1

Figure III. 4. (a) Courbes de la force F normalisée par la largeur w en fonction de la déformation vraie estimée

par l’extensomètre vidéo de deux essais de joint de recouvrement constitué de deux hydrogels PDMA_R0.1. La longueur de recouvrement est de 50 mm et la vitesse de traverse est de 20 mm/ min (v=0.33 mm/s). (b) Vitesse de propagation de fissure en fonction de la distance parcourue par la fissure correspondant aux essais de joint de recouvrement de la figure précédente (c) Exemple de photos de l’avancée de la fissure à cinq instants successifs.

107 L’autre paramètre important mesuré à partir des clichés vidéo est la vitesse de propagation de fissure v. Cette vitesse est représentée en fonction de la distance parcourue par la fissure sur la Figure III. 4 (b). Trois régimes de vitesse se distinguent : le régime initial où la fissure accélère pendant une courte période (0-15 mm), un régime ‘plateau’ où la fissure se propage à une vitesse constante (15-40 mm), et enfin un régime catastrophique où la fissure accélère brutalement avant de rompre (40-50 mm). Ces trois régimes sont aussi observées par Kendall pour des élastomères.6 Nous notons que malgré une force d’amorçage similaire, pour les deux essais présentés ici, la vitesse de propagation v est assez différente : v=3±1 mm/s et

v=10±1 mm/s. La vitesse de propagation de fissure pour le régime ‘plateau’ est gouvernée par

la vitesse de traverse tout en étant différente : elle est souvent plus élevée comme le montre le Tableau III.1. Une hypothèse avancée est qu’au cours de la propagation de fissure, le poids de la lanière détachée est non négligeable, ce qui va entraîner une accélération de la propagation de la fissure. La fissure se propage alors à une vitesse plus élevée que la vitesse de traverse imposée par l’expérimentateur.

Le modèle de Kendall a été développé pour expliquer la propagation d’une fissure sous une force appliquée constante. Dans ce cas, la fissure se propage à une vitesse constante excepté aux deux extrémités du joint.6 En pratique, la plupart des mesures de joints de recouvrements reportés dans la littérature s’effectue à vitesse de traverse appliquée et elles sont validées quand la force mesurée est constante dans un domaine de déplacement.7,12 Nous constatons ici que la méthode telle que nous l’avons mise en œuvre, en supposant les hypothèses de l’analyse de Kendall, n’est pas toujours vérifiée dans le cas d’un joint de recouvrement d’hydrogels de PDMA. En effet, la fissure ne se propage pas toujours à une force constante et à la fin du pelage, le poids de la lanière qui se décolle accélère la vitesse de propagation.

De plus il faut souligner que l’adhésion de deux hydrogels neutres de PDMA est très faible, et cela nécessite beaucoup de dextérité pour parvenir à soulever le joint de recouvrement sans le rompre comme évoqué dans la référence 18. Notamment l’essai de joint de recouvrement n’est pas adapté dans les cas où les hydrogels de PDMA présentent des gonflements supérieurs à leur état de préparation. En effet, l’adhésion entre les deux gels gonflés est si faible qu’il est impossible de soulever la jonction gel/gel : les gels glissent et se séparent sous l’effet de leur propre poids. Pour éviter ces difficultés, Suo et ses collaborateurs ont essayé de mettre au point une technique expérimentale pour mesurer des adhésions faibles

108 comme le montre la Figure III. 5. Cette méthode consiste à venir coller ou apposer sur un substrat (élastomère) un petit morceau d’hydrogel, puis le substrat est étiré et une force de décollement critique est mesurée. Une énergie d’adhésion est ensuite estimée à partir de cette force critique. Ils ont appliqué cette méthode pour mesurer l’adhésion entre un élastomère acrylique et un hydrogel de poly(acrylamide) et ils ont mesuré une énergie d’adhésion de l’ordre de 0.5 J/m2

.19

Figure III. 5. Méthode expérimentale pour déterminer l’énergie d’adhésion entre deux matériaux très

déformables. (a) Dans l’état de référence, les deux matériaux ne sont pas déformés. (b) Dans l’état déformé, le système est soumis à une force par unité de largeur P. (c) Cliché d’une bicouche qui consiste en un film d’hydrogel collé sur un substrat élastomère.19

Les difficultés de manipulation du joint de recouvrement nous a conduit à développer et à mettre en œuvre d’autres méthodes de mesures où la force et la vitesse sont imposées. Par exemple, le pelage à 90° a été mis en place, où la vitesse de traverse est égale à la vitesse de propagation de fissure et où le pelage s’effectue à un angle fixe.

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