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Adhésion, Fracture & Phénomène de dissipation

Chapitre I Assemblage d’hydrogels Assemblage d’hydrogels

III. Adhésion, Fracture & Phénomène de dissipation

Lorsque deux surfaces d’hydrogels sont en contact, des liaisons physiques ou chimiques peuvent se créer. Lors de la séparation de ces deux surfaces, ces liaisons ainsi créées vont s’étirer jusqu’à ce que l’énergie fournie soit suffisante pour les rompre. Cette rupture des liaisons affecte l’adhésion du système. En effet l’étirement d’une liaison nécessite l’extension des monomères se trouvant autour de cette liaison. Lorsque la liaison se rompt, l’énergie élastique de nature entropique stockée dans les monomères se libère de façon irréversible. Ainsi l’adhésion entre les deux surfaces sera d’autant plus grande que l’énergie accumulée lors de la sollicitation à la rupture est importante.

III.1. Théorie de la fracture : Lake & Thomas

Dans les années 1960, Lake et Thomas ont développé une théorie qui permet de déterminer l’énergie de rupture des élastomères en l’absence de dissipation viscoélastique. Le

31 modèle de Lake et Thomas56 postule que la rupture de liaisons covalentes dans un élastomère réticulé entraîne la libération de l’énergie stockée Γ0 dans les N unités monomères d’une

chaîne de façon irréversible. Si l’énergie nécessaire pour rompre une unité monomère est égale à U, alors l’énergie nécessaire pour rompre une chaîne de polymères contenant N unités monomères sera égale à NU, bien qu’une seule unité monomère soit rompue en réalité. Dans le cas d’un réseau parfait où toutes les chaînes contiennent le même nombre d’unités monomères N et ont la même longueur de déplacement à la rupture L, l’énergie de rupture de liaisons covalentes peut alors s’exprimer de la façon suivante :57

(I. 3)

avec υ la concentration en chaînes élastiquement actives ou encore le nombre de chaînes par unité de volume. Le terme Σ≈Lυ représente alors la densité surfacique de chaînes coupant le plan de fracture. La longueur L sur laquelle l’énergie est dissipée irréversiblement peut être déterminée par des expériences de fracture et elle est souvent de l’ordre de la maille du réseau moléculaire.57 L peut s’exprimer de la façon suivante : L≈aN1/2 où a est la taille d’une unité monomère. L’énergie de rupture peut s’écrire de la façon suivante :

(I. 4)

Avec M0 la masse molaire d’un monomère, ρ la concentration volumique en polymère, a la taille d’un monomère et N le nombre de monomères entre points de réticulation.

Un autre point intéressant à souligner c’est que l’énergie de rupture est inversement proportionnelle à la rigidité. Le module d’Young E est relié à la masse molaire entre points de réticulation Mc qui est relié à N le nombre de monomères entre points de réticulation.

(I. 5)

D’où (I. 6)

Dans le cadre de notre étude du système gel/silice/gel, ce modèle peut être appliqué à la désorption des chaînes de polymères de la surface des nanoparticules. Ce n’est pas la rupture des liaisons qui est responsable du relâchement de la contrainte et de l’énergie

32 dissipée mais la désorption.6 De plus contrairement, à la rupture de liaisons, qui est un phénomène irréversible, dans la couche de polymère adsorbée à la surface des particules, les unités monomères alternent entre l’état adsorbé/désorbé.33

Ces processus d’échanges permettent à la jonction collée de subir de grandes déformations et de dissiper de l’énergie.6,34

III.2. Dissipation viscoélastique

Dans le cas des matériaux polymères présentant des propriétés viscoélastiques, une contribution dissipative supplémentaire doit être prise en compte.58 En effet, le modèle de Lake & Thomas ne prend pas en compte l’énergie dissipée par la friction et l’étirement lors de la relaxation des chaînes de polymères ne coupant pas le plan de fracture.59,60,61,62

Baumberger et al. ont étudié le comportement viscoélastique dans les gels physiques, plus précisément dans la gélatine lors de la propagation de fissure.63,64 Ils font l’hypothèse que dans les gels physiques contrairement aux gels chimiques, les chaînes qui croisent le plan de fracture s’extirpent du volume de polymère existant en glissant. La propagation de fissure se fait alors par un processus d’extraction des chaînes et non par leur scission si la densité en polymère dans l’hydrogel est faible. Cette extraction conduit à un mouvement des chaînes de polymères par rapport au solvant qui entraîne une dissipation visqueuse en pointe de fissure. Ce modèle n’est valable qu’à des vitesses de déformation faible. A grande vitesse de déformation, la scission domine car les chaînes n’ont plus le temps de s’extraire.63

Un autre exemple de gels physiques où les mécanismes de dissipation sont dépendants de la vitesse de sollicitation sont les hydrogels nanocomposites.35,36 Tang et al. ont étudié les propriétés dissipatives sous traction uniaxial d’hydrogels de poly(N-isopropylacrylamide) dans lesquels ont été incorporés des plaquettes d’argile. Ils ont montré qu’à de petites déformations, la dissipation d’énergie est due à l’orientation des plaquettes d’argile et qu’aux grandes déformations, elle est due au détachement des chaînes de polymères des surfaces des plaquettes d’argiles comme le montre la Figure I. 14.59,65

33

Figure I. 14. L’évolution de la structure des chaînes de polymères lors des processus de charge décharge. (a) Les

plaquettes d’argiles sont distribuées aléatoirement dans les hydrogels et jouent le rôle de points de réticulation. (b) A petite déformation, les plaquettes d’argiles s’orientent selon une direction uniaxiale (représenter par les flèches vertes) et retrouvent leurs orientations initiales après décharge. (c) A grande déformation, des chaînes de polymères se détachent de la surfaces des plaquettes d’argiles (courbes rouges). (d) Lors de la décharge, une petite fraction de chaînes de polymères désorbées va se réabsorber à la surface des plaquettes d’argiles.59

La dissipation d’énergie pour les gels viscoélastiques peut contribuer de façon importante à l’énergie d’adhésion. Il est important de garder à l’esprit que l’énergie d’adhésion augmente fortement avec la vitesse de déformation de l’échantillon.58