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Les principaux paradigmes des études sur les masculinités 70

CHAPITRE 3 – POSTURE ET ATTITUDE 21

3.4   Les théories et concepts centraux de cette thèse 26

3.4.5   Le genre 68

3.4.5.6   Les principaux paradigmes des études sur les masculinités 70

Selon Genest-Dufault (2013) il existe, sur le plan théorique, cinq principaux paradigmes compréhensifs dans le domaine des études sur les masculinités : biologique, identitaire, normatif, structurel et performatif. Au sein de chacun de ces paradigmes, influencées par le contexte historique et l’état de développement des théories de la connaissance liées à ce contexte, les masculinités sont comprises de façon différente.

71 Le paradigme biologique

De 1860 à 1920, l’identité des hommes, tout comme celle des femmes, s’explique essentiellement par le sexe biologique. Il existerait donc une nature masculine supérieure à celle de la nature féminine. On se retrouve ici dans le paradigme biologique.

Le paradigme identitaire

À partir de 1920, cette compréhension essentialiste des masculinités est remise en question par le mouvement des suffragettes et le développement des connaissances en psychologie et anthropologie. De 1920 à 1965 s’impose le paradigme identitaire qui explique les différences de sexe à partir du concept de « male sex role identity » (MSRI) ou de « l’identité de rôle de sexe mâle (IRSM) issu des travaux du sociologue américain Talcott Parsons. Selon ce courant, l’IRSM suppose l’existence chez les hommes d’une nature psychologique acquise par une identification à un rôle de sexe transmis par des institutions, principalement la famille.

Le paradigme normatif

De 1965 à 1980, le paradigme identitaire est l’objet d’une remise en question tant sur le plan de la recherche que sur celui des attitudes sociales relativement aux rôles de sexe. Selon Genest-Dufault, sur le plan de la recherche

[…] une distinction entre l’identité de genre et le rôle de genre est établie. L’identité réfère à la conscience et à la satisfaction d’être un homme ou une femme alors que la notion de genre concerne la manière dont les individus ont les traits, les attitudes et les intérêts attendus en rapport à leur sexe.(Genest-Dufault, 2013: 70)

Toutefois, c’est le mouvement féministe et les chercheuses féministes qui sonneront le glas de ce paradigme en établissant une nette distinction entre le sexe biologique et le sexe social et qui sera à la base, selon Genest-Dufault (2013) des études sur les hommes et les masculinités.

En 1981, avec la publication « The myth of masculinity » de Pleck, on assiste alors à un changement complet de paradigme. Cet auteur propose le concept de « gender role strain » (GRS) ou la « contrainte de rôle de genre » qui suggère que les rôles de genre sont établis non pas selon la nature, mais par la culture. Pleck s’inspire des premières recherches anthropologiques sur le sexe de l’anthropologue Margaret Mead (Sex and Temperament in Three Primitive Societies, 1935), à

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l’origine des études sur le sexe social (ce qui deviendra le concept de genre). Dans cette étude, Mead démontre que selon la société à laquelle ils appartiennent, un homme ou une femme peut avoir des rôles sexuels adaptés ou non. La masculinité est donc conçue, selon Pleck, comme une prescription à agir en fonction des stéréotypes de genre socialement construits. Il accorde ainsi une importance essentielle aux implications normatives de la socialisation. Dans toute société, il existerait donc des standards culturels de la masculinité vers lesquels le processus de socialisation est orienté et ayant des effets négatifs sur les hommes ne correspondant pas à ces standards. Selon Pleck, il existerait trois types de tension de rôle de genre : l’« inadéquation » ou l’impossibilité à correspondre aux standards de masculinité, le « trauma », soit les effets négatifs à long terme à payer pour correspondre aux standards et la « dysfonction », soit l’incapacité à concilier les standards avec d’autres rôles (ex. le rôle de « pourvoyeur » versus celui d’être « père »).

Le paradigme structurel

Selon Genest Dufault (2013), le paradigme de la masculinité hégémonique reproche à celui élaboré par Pleck d’être trop statique c’est-à-dire que le changement est quelque chose qui arrive au genre. Dans ce paradigme, on ne peut comprendre le genre qu’en essayant de comprendre ce qui le lie à d’autres facteurs comme la classe sociale, l’origine ethnique, etc. La masculinité est donc plurielle, relationnelle et situationnelle. Elle est plurielle c’est-à-dire qu’elle varie selon les cultures, la période historique, le cours de la vie, et les rapports de pouvoir au sein d’une société donnée. Voilà pourquoi, à partir de ce facteur de pouvoir, Connell (Connel,1995 cité dans (Genest-Dufault, 2013) en arrive à la conclusion qu’il existerait une masculinité hégémonique par laquelle les hommes exercent une domination sur les femmes. Cette masculinité hégémonique s’imposant comme une norme à partir de laquelle les hommes mesurent leur propre masculinité. Ainsi, selon le type de rapport à cette masculinité hégémonique, il existerait trois autres types de masculinité : la masculinité subordonnée, la masculinité complice et la masculinité marginalisée (Connell, 1995; Connell & Messerchmidt, 2005 cité dans (Genest-Dufault, 2013). La masculinité est relationnelle parce qu’elle est une réalité sur laquelle les individus agissent et construisent et non qu’ils subissent passivement (Clatterbaugh, 1998 cité dans (Genest-Dufault, 2013). Enfin, la masculinité est situationnelle c’est-à-dire qu’elle varie selon les différents contextes sociaux et institutionnels.

73 Le paradigme de la masculinité performative

Selon Genest-Dufault, ce paradigme aurait commencé à émerger au début des années 1990 et ses principaux auteurs sont identifiés aux courants postmoderniste et poststructuraliste : Connell, Gutterman, Petersen, Whitehead et Barret. Au cœur de ce paradigme, il n’y a plus de masculinité stable, car celle-ci se construit quotidiennement, comme une performance théâtrale, en répétant des pratiques discursives et corporelles. Dans ce paradigme, une attention particulière sera donc accordée aux discours au quotidien parce que ceux-ci sont l’une « des clés pour performer, étiqueter et interpréter les masculinités » (Genest-Dufault, 2013: 42). Le corps est également « abordé comme une surface inscriptible ou un canevas à peindre » (Genest-Dufault, 2006: 36) et devient également un objet de recherche.