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Les hommes pauvres plus à risque de vivre certains problèmes de santé et de

CHAPITRE 4 – PERTINENCE SOCIALE DU LIEN PAUVRETÉ ET MASCULINITÉS 81

4.1   Connaissances sur les hommes en situation de pauvreté 81

4.1.3   Les hommes pauvres plus à risque de vivre certains problèmes de santé et de

Depuis plusieurs années, il est reconnu que les hommes et les femmes vivent des problématiques sociosanitaires différentes. Déjà, en 1998, dans sa Politique de santé et de bien-être, le Gouvernement du Québec constatait les écarts suivants entre les hommes et les femmes :

L’espérance de vie des hommes est inférieure de sept ans à celle des femmes, et les hommes courent davantage que les femmes le risque de mourir prématurément, notamment à cause de certains comportements. Les accidents, les suicides et les cancers des voies respiratoires sont, dans une très large mesure, des problèmes masculins. La consommation d’alcool représente également un autre problème important chez les hommes; elle est souvent associée aux accidents, à la violence, au suicide.

14Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale. (2014). Rapport statistique sur la clientèle des programmes

d'assistance sociale du mois d’août 2014. Direction de la statistique et de l'information de gestion – Statistique. Direction générale adjointe de la recherche, de l'évaluation et du suivi de la performance. Québec : Gouvernement du Québec.

15Proportion de la population qui bénéficie d’un des programmes d’assistance sociale.

16Aide financière des programmes d’aide financière de dernier recours qui comprend la prestation de base, les allocations

supplémentaires accordées selon le type de contraintes à l’emploi, les ajustements pour enfants à charge ainsi que les prestations spéciales. La prestation versée prend en compte également les éléments de réduction de l’aide versée, tels que les revenus et la valeur excédentaire des biens et avoirs liquides.

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Les femmes vivent en général en moins bonne santé que les hommes, du moins si l’on se fie à la mesure de l’état de santé global. L’affirmation vaut pour tous les groupes d’âge, à l’exception des moins de 15 ans, et pour tous les groupes socioéconomiques. Les femmes sont plus nombreuses parmi les groupes défavorisés et les écarts entre les deux sexes y sont même très marqués. (MSSS, 1998: 19-20)

En 2004, dans la première monographie québécoise consacrée à la santé des hommes, les auteurs de l’étude constatent que les hommes sont plus à risque de mourir de maladies de l’appareil circulatoire, de tumeurs, de maladies de l’appareil respiratoire, de suicide, et d’accidents de la route.

Afin d’améliorer l’état de santé des hommes, les auteurs de la monographie identifient plusieurs problématiques vécues par les hommes et auxquelles il faudrait s’intéresser davantage, soit le suicide, la séparation conjugale et la perte d’emploi, les sévices physiques ou sexuels vécus par certains garçons; le décrochage scolaire, et la prise de risques inutiles dans le sport, le travail et la vie. Les auteurs identifient également certains groupes plus à risque, notamment :

Les hommes pauvres, sans emploi et peu scolarisés semblent plus à risque sur le plan de l’insécurité alimentaire, de l’exercice physique, du poids corporel, des pratiques sexuelles à risque et de la perception de l’état de santé (Tremblay, et coll., 2004).

En ce qui concerne la mortalité prématurée, un lien entre le statut socioéconomique ou la classe sociale et l’espérance de vie des hommes pauvres a été démontré dans au moins trois études américaines : (Barnett, Armstrong, & Casper, 1997; Smith, Neaton, Wentworth, Stamler, & Stamler, 1996; Steenland, Hu, & Walker, 2004)

91 Une autre étude américaine établissant ce lien The Health of Men : Structured Inequalities and Opportunities (Williams, 2003) s’est intéressée à documenter les maladies à l’origine de la mortalité prématurée chez les hommes, les déterminants sociaux de la mortalité prématurée chez les hommes, et les pistes de solutions à mettre de l’avant dans les pratiques sociales afin d’améliorer l’état de santé des hommes.

En ce qui concerne les maladies à l’origine de la mort prématurée chez les hommes, l’auteur constate, autant chez les hommes blancs que chez les Afro-Américains, qu’ils sont deux fois plus à risque que les femmes de mourir par accident, suicide, cirrhose du foie et par homicide. Pour leur part, les femmes vivraient plus longtemps, mais en moins bonne santé et avec davantage de limitations physiques chroniques.

Si les hommes en général sont plus à risque de mort prématurée, les hommes ayant un faible statut socioéconomique mesuré selon le niveau de scolarité le seraient davantage selon cette étude :

Men in all SES groups are disadvantaged in terms of health compared with women, but low-SES men are especially vulnerable. For some types of mortality (all causes, chronic and non-communicable diseases, and non-HIV communicable diseases), the gender ratios are smaller at the higher levels of education, but the opposite pattern is true for HIV diseases and for injuries and accidents. (Williams, 2003: 724)

Et ces risques sont encore plus grands si en plus on appartient à une minorité raciale ou à un groupe ethnique, en particulier à la population afro-américaine. Selon cet auteur, s’il est vrai, que les femmes et les hommes de la population afro-américaine sont soumis à plus de facteurs sociaux et environnementaux plus désavantageux que la population blanche, il y aurait un risque supplémentaire lié à la masculinité :

African Americans have poorer health than the rest of the US population and are exposed to a broad range of social and environmental factors that adversely affect their health. However, both minority men and women are exposed to adverse pathogenic characteristics linked to SES and minority status. The health profile of men suggests that additional health risks are linked to masculinity as well. (Williams, 2003: 724)

En ce qui concerne les déterminants sociaux de la mort prématurée chez les hommes, l’auteur avance l’hypothèse d’un lien avec les croyances sur la masculinité et la virilité apprises culturellement et profondément ancrées dans nos institutions sociales :

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Men are socialized to project strength, individuality, autonomy, dominance, stoicism, and physical aggression, and to avoid demonstrations of emotion or vulnerability that could be construed as weakness. These cultural orientations and structural opportunities combine to increase health risks. » (Williams, 2003: 725)

Pour cet auteur, six facteurs découlant de la socialisation masculine joueraient un rôle déterminant dans les problèmes de santé des hommes pauvres : 1) L’absence de travail et la marginalisation économique feraient vivre énormément de pression aux hommes, car cette situation ne correspond pas aux normes de la socialisation masculine des sociétés occidentales où la réalisation d’être un homme passe par le travail. 2) Les hommes occuperaient des emplois plus dangereux et plus stressant que les femmes. 3) Les hommes auraient tendance, en accord avec les croyances de la masculinité et de la virilité, à ne pas prendre soin de leur état de santé. 4) Les hommes manifesteraient davantage leur résistance au stress par des désordres externes tels la consommation d’alcool, l’abus des drogues et des comportements antisociaux. 5) Les hommes auraient tendance à moins utiliser les services de santé et ces derniers n’auraient pas toujours des réponses adaptées à la réalité des hommes. 6) L’effet cumulatif et conjugué des facteurs mentionnés précédemment sur les mêmes individus tout au long de leur parcours de vie augmenterait les risques sur la santé de ceux-ci.

En conclusion de son article, après avoir rappelé que les différences constatées sur le plan de la santé entre les hommes et les femmes ne sont pas d’ordre biologique et qu’elles s’expliquent principalement par l’organisation sociale et économique de nos sociétés, l’auteur propose plusieurs pistes d’action, notamment l’organisation de campagnes de sensibilisation auprès des hommes afin de lutter contre la socialisation masculine traditionnelle qui les amène à adopter des comportements ayant des effets néfastes sur leur santé, et d’améliorer l’intervention clinique auprès des hommes vulnérables par une meilleure connaissance de leurs besoins spécifiques.