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Matériels et méthodes

C. Le système libéral :

III. Promotion du médicament générique : Interaction de l’état et l’assurance maladies avec les médecins, pharmaciens et

1. Les prescripteurs : les médecins

Les médecins représentent l'essentiel de la demande de produits génériques. Leur comportement en matière de prescription pharmaceutique détermine la part de marché de ces produits et l'essentiel des incitations à la prescription de génériques doit leur être destiné. En effet, les médecins semblent avoir des habitudes de prescription qu'ils ne changent que s'ils y sont fortement incités. Cette remarque est confortée par des études américaines qui mettent en évidence une certaine fidélité au produit princeps, même si le praticien dispose d'une copie 30 % moins chère (44).

 Aux États-Unis :

La prescription des génériques n’est pas encore une pratique commune car de nombreux médecins ont une perception négative sur les médicaments génériques et une absence de connaissance approfondie de la notion de bioéquivalence (45). Cependant, la prescription en DCI, a contribué à l’augmentation de la délivrance des génériques. En 2011, 75% des ordonnances prescrites étaient dispensée en génériques, ce chiffre voisine 80% actuellement (50). Les laboratoires du générique en collaboration avec les assureurs privés essayent continuellement d’améliorer la perception des médecins vis-à-vis des médicaments génériques par des campagnes de sensibilisations (1).

En revanche, les médecins européens sont largement impliqués dans la politique des médicaments génériques, notamment par la fixation d’objectifs en matière de coût de prescription et l’incitation à prescrire en DCI :

 En France :

Les mesures d’incitation des pouvoirs publics sur les médecins destinés à favoriser le développement des génériques se limitent à la seule incitation à libeller la prescription en DCI (30).

L'article 50 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la Sécurité sociale rend obligatoire la prescription en DCI pour les spécialités figurant au répertoire des génériques. Cette disposition visait essentiellement à faciliter la délivrance de médicaments génériques, toutefois elle n'est pas assortie de sanction en cas de non-respect, cela peut être l’origine du taux bas de la prescription en DCI observé en France par rapport aux autres pays européens (1): la figure ci-dessous montre que la France est en avant-dernière position en terme de prescription en DCI en comparaison avec : l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Italie.

Graphique 7 : Taux de prescription en DCI dans 5 pays européens

L’assurance maladie a par ailleurs régulièrement tenté de mobiliser les médecins en faveur de la prescription de médicaments génériques (46). Qu’il s’agisse de l’option conventionnelle instituant le principe du « Médecin Référent » en 1998, de l’accord conventionnel de 2002 portant le tarif de la consultation de médecine générale à 20 euros ou de l’accord conventionnel de 2009 créant les Contrats d’amélioration des pratiques individuelles (CAPI) (46). La prescription de médicaments génériques a systématiquement été posée comme une contrepartie au versement de primes individuelles (pour la première et la troisième mesure) ou collectives (pour la seconde mesure). L’assurance maladie a également essayé de sensibiliser les médecins via des compagnes informatifs et publicitaire comme celle de juillet 2002 qui visait l’explication de l’accord conventionnel du 5 juin 2002 et la mobilisation des Délégués de l'Assurance Maladie (DAM) sur le déploiement des engagements de maîtrise médicalisée dont certains concernent la prescription de

médicaments génériques (incitation à prescrire au sein du répertoire des génériques)

(47). Les messages délivrés par les DAM semblent relativement bien accueillis par les

médecins dont une majorité déclare qu'ils les incitent à modifier leurs pratiques (136). Pour autant, si ces différents accords ont permis à l’assurance maladie de s’assurer la neutralité bienveillante des médecins, ils n’ont pas réussi à faire de ces acteurs un promoteur actif du développement des médicaments génériques (1).

 En Belgique :

Pour limiter les dépenses en termes de médicaments, les autorités ont mis en place un système de contrôle de la prescription qui permet de maîtriser les volumes de prescription pour les médicaments les plus coûteux. En milieu ambulatoire on compte trois catégories (1) :

- chapitre I : prescription sans avis de l’INAMI ;

- chapitre II : prescription et contrôle a posteriori d’un médecin de l’INAMI ; - chapitre IV : avis préalable d’un médecin de l’INAMI.

Les médecins doivent prescrire un certain taux de médicaments dit «les moins chers» en l'occurrence les médicaments génériques, variant selon les spécialités médicales. Chaque médecin reçoit annuellement un bilan de sa prescription et des sanctions sont prévues (1).

Par ailleurs, contrairement à la France, les médecins belges ne sont pas obligés à prescrire en DCI (38). Les autorités les incitent à le faire afin d’augmenter les chances au pharmacien à délivrer les génériques. Cependant, ils peuvent prescrire en DCI avec un nom de spécialité tout en gardant la possibilité de refuser la substitution en mettant la mention «non substituable pour objection thérapeutique» sur l’ordonnance et en mentionnant la raison de l’objection dans le dossier du patient qui peut alors être contrôlé par le service d’évaluation et de contrôles médicaux de l’INAMI (1,36).

Le centre belge d’information thérapeutique publie régulièrement « le répertoire commenté des médicaments » dans lequel les spécialités sont regroupées en 20 chapitres en fonction de leurs propriétés thérapeutiques et pharmacologiques. Le guide précise pour les pathologies principales, les traitements de référence, les effets indésirables, interactions et précautions particulières ainsi que le prix du traitement, le tout selon le principe de « pharmacothérapie basée sur les preuves ». Les prix des médicaments sont accompagnés d’un pictogramme permettant au médecin de savoir si le médicament est « bon marché » et donc exempté de supplément de ticket modérateur pour le patient (37).

 L’Allemagne :

En Allemagne, à côté de la prescription courante en DCI, les médecins sont obligés par la loi d’établir les prescriptions selon les directives des comités fédéraux fixées par le GBA (Arzneimittel-Richtlinien, AMR) (22) ainsi qu’ils sont contrôlés par des mécanismes que la même loi a installés afin qu’ils modifient de leur comportement prescriptif tout en se basant sur les critères de soins pharmaceutiques « adéquats, appropriés, efficients et économiques ».

Chaque année, les associations médicales négocient avec les médecins leur budget individuel en volume de prescriptions sur la base du volume de prescription fixé l’année précédente au niveau régional (23), ce budget leur sera octroyé en fonction de leur spécialité.

125% du budget individuel fixé, est la limite légale de sur-prescription que les médecins ne peuvent pas dépasser en prescription (1). Une fois que ces derniers arrivent à 115%, ils seront avertis par un écrit et seront invités à modifier leur comportement prescriptif (1). Dès qu’ils dépassent la limite, ils doivent se justifier. Si leurs arguments sont rejetés, ils seront amenés à rembourser la différence entre la

valeur prescrite et 115% du budget individuel. Les montants remboursés sont ensuite alloués aux caisses maladie obligatoires (24).

 Le Royaume-Unis :

Les génériques sont couramment prescrits au Royaume-Uni. Leur prescription formait plus de 83% des prescriptions en 2008 (27). En effet, les médecins jouent le rôle principal dans la promotion des génériques au niveau du système britannique. Dès le début de leur cursus universitaire, ils sont formés à la prescription en DCI (28), et incités à prescrire les médicaments les moins chers grâce au «British national formulary» (9). Il s’agit d’un dictionnaire des spécialités qui intègre le coût de tous les médicaments disponibles sur le marché. Cette incitation à prescrire en DCI appelée «generic prescription » est faite sous la forme d’une enveloppe budgétaire incluant les prescriptions pharmaceutiques. Il en résulte que le taux de prescription en DCI au Royaume-Uni est le plus élevé qu’en Europe. Il a atteint 82,7 % des prescriptions en 2012 (9).

 Au Maroc :

Le prescripteur au Maroc fait face à la complexité de l’offre médicamenteuse rendent son choix de plus en plus difficile. Il subit, à différents degrés, l’influence et les injonctions répétées et savamment diffusées de l’industrie pharmaceutique qui représente aujourd’hui la principale source du savoir pharmacologique et de sa vulgarisation (17). La force de la promotion médicale à travers la visite médicale et la puissance de la communication restent les principaux facteurs qui peuvent influer sur les ressorts de ce que peut prescrire un médecin traitant. Cette prescription médicale représente, en effet, un enjeu très important pour l’industrie pharmaceutique et des budgets importants y sont consacrés pour garantir les conditions de l’orienter et de l’influencer(17).

Une enquête a été réalisée en 2006 dans le cadre de l’obtention d’un doctorat en pharmacie à la faculté de médecine et de pharmacie de Rabat. Elle concernait un échantillon de médecins des secteurs publics et privés et elle a montré qu’une part importante de médecins enquêtés doute de la qualité des génériques (49 % du privé et 72 % du public). Selon certains médecins c’est le manque d’études de bioéquivalence et la non connaissance des modalités d’octroi d’AMM qui sont les raisons du doute. 52.9 % du privé et 62.3 % du public prescrivent souvent les génériques, d’autres rarement ou pas du tout. L’autre catégorie les utilise fréquemment (23.3 % du privé et 32.1% du public). Pour 36 % des médecins, les génériques ont entraîné des problèmes thérapeutiques. 51 % des médecins des deux secteurs sont favorables à un droit de substitution accordé aux pharmaciens (145).