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Matériels et méthodes

C. Le système libéral :

III. Promotion du médicament générique : Interaction de l’état et l’assurance maladies avec les médecins, pharmaciens et

2. les dispensateurs : les pharmaciens

Le pharmacien est un l’agent majeur dans la diffusion des génériques. Son rôle de dispensateur est notamment favorisé par le droit de substitution qui constitue un facteur important dans la promotion du médicament générique.

On entend par droit de substitution la responsabilité laissée au pharmacien de choisir le médicament à délivrer si la prescription est rédigée en DCI (7), ou de modifier la délivrance prescrite par le médecin, si un nom de spécialité particulier est indiqué.

Le droit de substitution du pharmacien trouve sa justification dans le fait que le pharmacien est censé mieux connaître l'éventail des médicaments disponibles et leur prix permettant donc de revaloriser l’acte pharmaceutique (30). Dans un contexte économique, vu que le prix du médicament générique est toujours inférieur au prix du princeps, le pharmacien doit donc trouver un intérêt le poussant à choisir la dispensation du générique au lieu du princeps. Par conséquent, la mise en place d'un tel dispositif doit s'accompagner d'une réforme du système de rémunération du pharmacien.

La pratique du droit de substitution dans les pays où il a été octroyé diffère en fonction des mesures d’accompagnements prises en compte pour encourager le pharmacien à dispenser les génériques :

 Aux Etats-Unis :

Le droit de substitution a été accordé aux pharmaciens depuis 1978 (9). Ces derniers ont considérablement participés à la promotion du médicament générique aux États-Unis grâce à ce droit. Les pharmaciens américains trouvent l’intérêt économique des médicaments génériques dans les accords qu’ils font avec les assureurs privés (système co-pay) et les laboratoires génériqueurs (remises, ristournes..) (48).

La FDA a mis en place un dispositif pour organiser la substitution, il s’agit de « l’orange book » qui est un guide pour les pharmaciens et les professionnels de santé regroupant les médicaments génériques en fonction de leurs efficacités thérapeutiques

(49). Il convient de noter qu’il existe des variations entre les états dans les exigences

pour quand les pharmaciens peuvent ou doivent délivrer le générique (55) : Certains états obligent le pharmacien à substituer le princeps par un générique «équivalent thérapeutique », d'autres ont une approche plus permissive ; la substitution en y est un choix et non pas une obligation avec éventuellement la possibilité d’imposer au pharmacien la demande du consentement du patient. Sans oublier que le médecin garde toujours le droit de refuser la substitution en le mentionnant sur l’ordonnance

(51).

Par ailleurs la réglementation de la substitution a mis l’accent sur le problème des médicaments à index thérapeutique étroit (56) : Narrow Therapeutic Index (NTI). Certains États interdisent la substitution par le générique quand il s’agit d’un médicament ayant un index thérapeutique étroit (NTI) sous préserve du consentement du médecin. Ces médicaments exigent un suivi particulier des patients vue qu’il y a

relativement peu de différences entre la dose efficace et la dose toxique. Comme exemple de ces médicaments on a : les antiépileptiques, la warfarine, et la digoxine.

La variation de la substitution d’un état à un autre avait un impact sur le taux de substitution. Une étude américaine a démontré que les états les plus exigeants en matière de substitution ont un taux de substitution de 25% plus bas que ceux qui sont moins exigeants (57). Cependant le taux de substitution totale aux États-Unis demeure élevé (83.3% en 2002) (60).

 La France :

Les pharmaciens en France sont devenus les premiers bénéficiaires de la concurrence sur les prix à laquelle se sont livrés les laboratoires génériqueurs (1), après l’octroi du droit de substitution (loi du financement de la sécurité sociale (LFSS) du 23 décembre 1998 article 21) (3) :

« Développer les génériques. Un répertoire complet des génériques est

disponible depuis juillet 1998. Le droit de substitution accordé aux pharmaciens, sauf refus explicite des médecins, permettra le développement de ce type de produit ».

Cette loi autorise le pharmacien à délivrer un générique du médicament prescrit, figurant sur la liste des médicaments équivalents, a condition que (4) :

 La spécialité délivrée par substitution appartient au même groupe générique que la spécialité prescrite.

 Le médecin n'a pas expressément apposé sur l'ordonnance la mention « non substituable », de façon manuscrite.

 Cette substitution n'entraîne pas de dépense supplémentaire pour l'Assurance Maladie.

Le répertoire des groupes génériques créé en 1998, pour organiser cette pratique, est devenu l’outil de référence du pharmacien en lui facilitant l’exercice du droit de substitution. Il s’agit d’une liste qui indique, l'ensemble des génériques ayant obtenu une AMM, pour chaque médicament princeps. Cette liste est fournie par l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) sous forme de tableaux, dont chacun correspondant à un groupe (1,4 ,6) : (Tableau 18)

Tableau 18: Exemple d’un groupe générique inscrit au répertoire

- R correspond à la spécialité de référence ou princeps - G correspond à la spécialité générique

- S correspond à spécialité substituable (quand il ne s’agit pas de la même forme comme pour l’Inexium® ou les génériques sont sous forme de gélules alors que le princeps est en comprimé).

Les groupes génériques sont classés, par ordre alphabétique de leur DCI, dosage, ainsi que par voie d’administration. Pour chaque médicament de référence sont répertoriés tous les génériques associés (6).

Le droit de substitution, aurait pu avoir un impact négatif sur l’économie de l’officine en France suite à la différence entre le prix du générique et celui du princeps. Pour les génériques, la marge du pharmacien d’officine est calculée en pourcentage du PFHT du princeps correspondant, et donc ces derniers sont confrontés à la perte de la marge préférentielle dont ils bénéficient en délivrant le générique (1). En d’autres termes, ils bénéficient de la même rémunération, qu’ils délivrent un générique ou un princeps. Cette marge préférentielle n’est pas applicable pour les médicaments génériques soumis au TFR(1,9). Bien que cela n’ait pas été prévu au départ, la réforme du TFR a incité les laboratoires à aligner le prix du princeps sur celui du TFR (1).

Les pouvoirs publics ont alors mis en place des mesures qui garantissent un bénéfice financier permettant ainsi aux pharmaciens d’officine de compenser leurs pertes. En effet, la réforme du mode de rémunération officinale de 1999 a introduit la règle d’une marge pour les médicaments génériques alignéé sur celle des princeps (1). Cette dernière dont la réalisation demande un travail d’explication particulier des pharmaciens, justifie des incitations financières importantes qui ont généré une forte mobilisation du réseau officinal en faveur des médicaments génériques (7):

- L’alignement de la marge du médicament générique sur celle du princeps (MG=MP) alors que le médicament générique contient économiquement moins de valeur que le médicament princeps ;

- La possibilité pour les pharmaciens d’officine de bénéficier de remises sur achat sur les médicaments génériques (17 % maximum du PFHT) très supérieures à celles des princeps (2,5 % du PFHT).

Les pharmaciens ont aussi bénéficiés de remises commerciales conséquentes, consenties par le fabricant et le grossiste strictement encadrées par le code de sécurité sociale, auxquels s’ajoutent des rémunérations versées par le fabricant en contrepartie de services de coopération commerciale qui correspondent à des services rendus par le pharmacien selon le code du commerce français (1).

En échange, les pharmaciens se sont engagés conventionnellement à respecter des taux de substitution de plus en plus élevés (tableau), passés de 70 % en 2006 à 83.7 % à fin 2012, qu’ils avaient tout intérêt à atteindre (8).

Tableau 19: Taux de substitution annuel atteint dans le territoire Français en fonction des objectifs prévus

Source : Vidal.fr :

http://www.vidal.fr/actualites/13452/medicaments_generiques_les_objectifs_de_substitution_2013_parus_au_jour nal_officil/

 En Belgique :

La réglementation (loi du 17 février 2012 portant des dispositions diverses

urgentes en matière de santé qui modifie l’article 11 de l’arrêté royal n°78 du 10 novembre 1967 relatif à l’exercice des professions de santé) permet au pharmacien

d’officine, pour des traitements aigus avec des antibiotiques et des antimycosiques, de substituer un médicament prescrit par un autre médicament avec la (les) même(s) substance(s) active(s), au même dosage, pour une même voie d’administration et avec une même fréquence d’administration, à condition que le prix soit plus avantageux et que le prescripteur n’ait consigné aucune objection thérapeutique (1).

À partir du 1er mai 2012 dans le cadre des conditions de remboursement des médicaments fixées par l’INAMI, la substitution par le pharmacien est rendue obligatoire. La réglementation belge a donc introduit deux nouvelles mesures (38) :

 d’une part, la délivrance obligatoire d’un des médicaments « les moins chers », pour les traitements aigus, sur présentation d’une prescription en DCI, ce qui représente environ 5 % du volume total des prescriptions. Le pharmacien devra cependant tenir compte des recommandations « no switch » pour les médicaments à marge thérapeutique étroite qui incitent à maintenir le choix du médicament initial tout au long du traitement ;

 la délivrance obligatoire d’un des médicaments de la liste des « moins chers» pour les prescriptions d’antibiotiques et d’antimycosiques avec néanmoins d’éventuelles exceptions dans l’intérêt du patient, ce qui correspond à la délivrance des génériques et/ou du princeps.

En 2010, avec la modification de la réforme de fixation des prix des médicaments, un nouveau mode de rémunération des pharmaciens a été mis en place afin de lier les bonnes pratiques pharmaceutiques à une rétribution juste et équitable des services rendus.

Par rapport à l’ancienne situation où la marge de délivrance des pharmaciens est en liaison directe avec le prix de vente du médicament, la réforme consiste à décomposer la rémunération des pharmaciens en (1,36,38):

 une marge économique qui reste liée au prix ex-usine du médicament et qui doit couvrir les charges inhérentes à l’activité économique du pharmacien  des honoraires qui constituent la rémunération des soins pharmaceutiques de

base et spécifiques et qui sont des montants fixes. La réforme a pour but (39):

- de mettre fin, pour des raisons économiques, à l’érosion de la marge

- de revaloriser le rôle du pharmacien vis-à-vis du patient, en liaison avec une reconnaissance accrue d'un suivi pharmaceutique de qualité comme exercé par les pharmaciens (utilisation correcte des médicaments, adhérence au traitement). En effet, le pharmacien accompagne de plus en plus souvent les patients pour une utilisation optimale des médicaments

La réforme n’a concerné que les spécialités remboursables. Pour les médicaments non remboursés, les pharmaciens continuent d’appliquer l’ancien régime de rémunération car l’application d’un honoraire de dispensation aurait entraîné une trop forte augmentation des prix pour le patient.

 En Allemagne :

Le droit de substitution octroyé aux pharmaciens est souvent une obligation. La règle « Aut-idem », instituée en 2002, impose néanmoins au pharmacien de substituer des produits équivalents moins coûteux, sauf indication contraire du médecin prescripteur (122). Les pharmaciens sont donc obligés d’effectuer la substitution avec un générique dont le prix se situe dans le tiers inférieur de la fourchette des prix du

groupe. La substitution ne doit pas être effectuée lorsque le médecin a déjà prescrit un médicament avec un prix faisant partie du tiers inférieur de la fourchette (25).

Il n’y a pas d’incitations économiques très fortes vis-à-vis des pharmaciens, la marge de distribution étant encore partiellement liée au prix (23) :

- Pour les produits remboursables sur ordonnance, le pharmacien perçoit un montant fixe de 8,10 € par prescription, auquel s’ajoute une marge proportionnelle au prix fabricant de 3%.

- Pour les produits OTC remboursables, il existe une marge dégressive.

- Pour les produits non remboursables, le prix étant libre, il n’y a pas de marge définie.

Les pharmaciens ne peuvent pas négocier des remises lors de l’achat des médicaments génériques. En revanche, ils sont incités à acheter des médicaments via le système des importations parallèles pour générer des économies supplémentaires

(1).

 Le Royaume-Unis :

Le Royaume-Uni fait l’exception en Europe en ce qui concerne la substitution. Les pharmaciens anglais ne disposent pas officiellement de ce droit de substitution. Cependant, la prescription en DCI leur permet de le pratiquer implicitement. Les pharmaciens à l’UK perçoivent l'écart entre le tarif de remboursement et le prix réel d'achat qu'ils auront négocié avec leur fournisseur (9). Par conséquent pour que les pharmaciens dispensent les médicaments génériques, les fabricants et les grossistes offrent des rabais substantiels sur le prix de remboursement, qui dépasse -60% ou même -80% pour certains médicaments (29).

 Au Maroc :

La vente des médicaments dans l’officine se fait selon un système où les marges bénéficiaires brutes étaient fixes à 30% quel que soit le prix des médicaments (17). Ceci constituait une barrière qui a tendance à favoriser les médicaments les plus chers de leurs catégories au détriment de ceux qui étaient les moins chers. Toutefois, le faible pouvoir d’achat d’une bonne partie des clients de nombreuses officines a poussé de nombreux pharmaciens à délivrer de préférence les médicaments les moins onéreux. Certains ont pratiqué la substitution économique par les génériques à un moment où celle-ci était considérée comme illégale. D’autres, sinon la majorité des officines de quartier, acceptent volontiers d’accorder des réductions de 5 à 10% du prix du médicament pour fidéliser leurs clients, en plus des facilités de paiement (17).

Une enquête a été réalisée en 2010 dans le cadre de l’obtention d’un doctorat en pharmacie à la faculté de médecine et de pharmacie de Rabat sous forme de questionnaire auprès d’un échantillon de pharmaciens d’officine de Rabat-Salé. Cette enquête avait pour but de connaître leur perception sur le générique et recueillir leurs propositions pour une politique d’encouragement des génériques (146).

D’après cette étude :

 La majorité des pharmaciens enquêtés conseillent les médicaments génériques aux patients (82.1%) et c’est le pouvoir d’achat qui est le critère le plus important sur la base duquel se fait le conseil.

 La multiplication des génériques a un impact négatif sur le pharmacien et sur la viabilité de son officine. La gestion de cette dernière devient lourde par ce que le pharmacien doit répondre à toutes les prescriptions des médecins (disponibilité) et en même temps éviter le surstock qui est financièrement pénalisant.

 La prescription des génériques est fréquente. Elle est influencée par l’information que présentent les laboratoires aux médecins et qui est souvent accompagnée par des cadeaux pour prescrire leurs génériques. Ce type d’information conduit à une concurrence déloyale entre les laboratoires pharmaceutiques.

 Lorsqu’un générique ou un princeps prescrits ne sont pas disponibles en officine : le pharmacien est obligé de consulter le médecin pour réaliser la substitution. Le pharmacien ne peut pas modifier, d’après la loi, l’ordonnance du médecin même si le même médicament peut être remplacé par une gamme des médicaments génériques disponibles à l’officine.

L’accord du droit de substitution aux pharmaciens au Maroc dans le but de diminuer la pression des coûts des médicaments sur l’assurance maladie, fait l’objet d’une polémique actuellement. D’un côté les pharmaciens ne sont pas toujours présents dans leurs officines, et donc il faudrait poser la question : Quel sera l’impact de l’absence de ces derniers sur la pratique de la substitution ? D’un autre côté, les pharmaciens d’officine estiment que ce droit constitue dans les circonstances actuelles une menace pour le secteur officinal et un danger pour un secteur déjà mal en point, si son octroi se fait sans la revue de certaines dispositions de ce système notamment le système de marges.