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Une des raisons de s’écarter de la grille horaire est de négocier l’emploi du temps effectif avec les élèves. Certains enseignants y trouvent des bénéfices. Ces derniers peuvent aussi s’organiser, anticiper. Certains enseignants donnent un horaire écrit en début de journée, d’autres le présentent oralement.

Les enseignants pratiquant ainsi disent que donner le planning du jour aux élèves permet de mieux cadrer leur travail et que les élèves, par là, se sentent rassurés et peuvent se préparer aux activités qui vont être abordées. Il y a aussi des enseignants qui négocient une série d’activités et de plages horaires avec les élèves, selon les moments de la journée ou de la semaine.

Certains enseignants ont cessé d’afficher l’horaire sur leur porte, car les parents s’en servent pour demander des comptes. Il est difficile de leur expliquer que cet horaire reste souvent fictif si l’on prend en considération la réalité de la salle de classe, avec toutes ses contraintes. Lorsqu’un enseignant a mis les élèves au travail et que ceux-ci sont plongés dans l’activité, il ne va pas couper cette dynamique juste pour suivre le planning prévu. La priorité de l’enseignant, est que les élèves entrent dans la tâche de travail, y restent un maximum de temps (time on task), s’investissent : cela est plus précieux à sauvegarder que le planning.

Chapitre 9.

Les devoirs

Selon les époques, l’institution scolaire prescrit ou proscrit les devoirs. Elle tente d’influencer les pratiques enseignantes et les pratiques des familles en fonction d’une conception qui varie selon les époques, selon des représentations et des idéologies à l’œuvre.

Dans la mesure où ce travail est demandé par l’école mais fait à la maison, il doit tenir compte plus que tout autre des attentes et des croyances des parents. D’autant qu’on leur demande de surveiller les devoirs, d’aider leur enfant à les faire sans les faire à sa place, consigne assez ambiguë pour créer des doutes et des angoisses chez les parents désireux de bien faire.

Les devoirs en principe sont censés consolider des apprentissages faits en classe et avoir une valeur éducative. De même, les élèves sont censés pouvoir les faire sans l’intervention plus ou moins massive des parents. Mais comment empêcher les enseignants de compter sur les devoirs pour compenser le temps qui leur manque en classe ? Et comment empêcher les parents de se saisir des devoirs pour en faire un enjeu, un levier, un objet d’interaction, d’éducation, de contrôle, de conflit avec leur enfant ?

L’autorité combat les abus, ceux des enseignants qui, n’arrivant pas à finir leur programme dans le cadre de la salle de classe, reportent certains apprentissages sur les devoirs. Les élèves ne sont pas censés découvrir à la maison des aspects nouveaux du programme, ni faire des exercices qu’ils n’ont jamais eu l’occasion de découvrir et travailler vraiment en classe. Abus des parents aussi, se saisissant des devoirs bien au-delà d’une relation d’aide.

Nul n’ignore que les familles des élèves sont inégales par rapport aux devoirs, certains parents ont les compétences pour donner des explications et de l’aide, et d’autres non; il arrive que les devoirs ne soient pas destinés aux élèves mais aux parents. On sait aussi que de nombreuses familles financent des cours d’appui extra-scolaires, des répétiteurs ou des maîtres particuliers, notamment pour offrir à leurs enfants une aide scolaire à la carte.

Au gré des évolutions des programmes, des conceptions de l’apprentissage, des pédagogies recommandées en classe, des visions du rôle des parents, des dispositifs d’études surveillées, des représentations des tâches utiles en conjugaison, calcul, etc., les prescriptions relatives aux devoirs ont changé, avec des inflexions voire des revirements.

On affirme aujourd’hui que les devoirs doivent être des occasions d’exercer ce qui a été appris à l’école, que leur mission n’est pas de faire apprendre de nouvelles notions. De plus, on entend de plus en plus souvent que, dans la perspective de la différenciation, les devoirs devraient être individualisés, prendre en compte les besoins des élèves. On préconise aussi qu’ils soient discutés ou négociés avec les élèves.

De plus, au départ, cette affaire individuelle, réglée dans le cadre du prescrit - entre l’enseignant, ses élèves et leurs parents, la question devient collective. Chaque établissement, chaque équipe développe des manières de concevoir les travaux à la maison, en prenant plus ou moins en compte les besoins des élèves.

On s’interroge aussi sur le rôle des parents? Sont-ils des aides, des guides ou se sentent-ils responsables des devoirs comme si leur honneur était en jeu ? Les rapports des parents aux devoirs sont divers : certains y contribuent beaucoup, d’autres n’interviennent pas, par manque de temps et de compétences, certains en veulent plus, d’autres moins. Les devoirs sont en quelque sorte un bon analyseur des tensions à l’œuvre dans l’organisation du travail de l’enseignant et dans ses rapports avec les familles. En dehors de l’école, après l’école, une organisation complexe s’est développée pour contribuer au soutien scolaire (Glasman, 1992 ; 2001).

Les enjeux de la prescription pour l’autorité scolaire

Parmi toutes les fonctions possibles du prescrit, retenons celles qui semblent les plus prégnantes dans le domaine des devoirs :

Garantir l’équité et l’égalité de traitement

Régler les rapports avec les usagers de l’école (parents, associations de parents) L’autorité sait que les enseignants ont des positions très différentes à propos des devoirs et qu’une prescription trop fermée, dans quelque sens que ce soit, susciterait des réactions vives.

L’association professionnelle y veille, d’ailleurs et combattrait des prescriptions trop rigides.

L’autorité a sa propre doctrine du temps de travail à la maison, qu’elle défend au nom de convictions pédagogiques. Mais surtout, elle doit donner l’impression que l’institution ne laisse pas les devoirs à domicile au hasard des compromis locaux et garantit une certaine égalité de traitement.

Les parents ne pourraient comprendre que dans des classes suivant le même programme, parfois dans la même école, coexistent des conceptions très différentes des devoirs, de plus d’ampleur très variable selon les enseignants. C’est pourquoi elle ne peut dire « Arrangez-vous localement ».

Elle cherche donc une prescription qui ait l’air structurante, mais reste assez ouverte pour laisser une marge aux compromis locaux et aux croyances individuelles. L’autorité laisse un certain pouvoir d’initiative et de décision aux établissements et aux enseignants, car elle sait que les conditions de travail en classe et à la maison sont différentes selon les quartiers. L’autorité ne met pas en place un contrôle trop serré.

Les enjeux de la prescription pour les enseignants

L’enseignant donne ou ne donne pas des devoirs à la maison. Certains enseignants, comme certains parents d’ailleurs croient que les devoirs favorisent les apprentissages des élèves, consolident en partie ce que les élèves ont acquis au sein de l’école.

Pour d’autres enseignants, les devoirs ne sont pas à donner car ils renforcent certaines inégalités scolaires, car selon les familles, les élèves ne bénéficient pas d’aide dans cette matière.

Les enseignants donnent des devoirs et c’est la composition même de ces devoirs qui reste encore à analyser. Certains estiment que ce qui est fait en classe doit être répété, drillé et consolidé dans le cadre des devoirs.

D’autres utilisent les devoirs comme des lieux de différenciation pédagogique. En ciblant les difficultés des élèves, les enseignants fixent des priorités en visant quelques notions à répéter ou à exercer dans les devoirs. Pour les élèves avançant dans les objectifs d’apprentissage sans peine, alors les devoirs sont des lieux dans lesquels ils peuvent investir un nouveau sujet, une recherche ou encore approfondir des notions apprises.

Des dérives existent dans la fabrication des devoirs, à savoir lorsque l’enseignant n’a pas le temps d’aborder telle notion dans le cadre de l’école, alors il l’inclut dans les devoirs. Dans ce cas de figure, il est incertain que tous les élèves ont l’aide nécessaire de la part des parents.

Ou encore les devoirs sont utilisés dans la fonction de punition, lorsque les élèves rompent le contrat scolaire ou se trouvent en infraction avec le règlement.

Pour les enseignants, le prescrit dans ce domaine donne des repères didactiques et pédagogiques sur la fonction des devoirs et du temps de travail à la maison. Cela peut prévenir des dérapages comme :

- « Je mets dans les devoirs tout ce que je n’arrive pas à enseigner en classe »,

- « Les parents peuvent aider les enfants à consolider ce qui est enseigné en classe », etc.

Le prescrit peut aussi protéger les enseignants de revendications extrêmes de certains parents, qu’ils proposent de supprimer totalement les devoirs ou d’en donner trois fois plus.

Les enseignants ne tiennent pas pour autant à devoir appliquer des normes trop strictes, sachant que les devoirs prennent sens par rapport à leurs autres choix pédagogiques, aux pratiques des collègues aussi bien qu’aux attentes des parents de leurs élèves.