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Délivrées aux enseignants et mises à jour chaque année, les directives internes élaborées par la Direction de l’enseignement primaire (2002-2003/2003-2004) sont organisées en quatre parties :

« informations générales » (feuilles blanches) (pour tous les enseignants et pour les maîtres principaux et les responsables d’école), « enseignement » (feuilles roses), « moyens d’enseignement-fournitures scolaires-économat » (feuilles vertes), « catalogue environnement » (feuilles rouges).

Les directives internes sont rarement rédigées dans un style impératif. On y trouve beaucoup d’éléments du type informatif (les documents à disposition des enseignants, le matériel pédagogique, l’offre des formations existantes pour se tenir au courant des nouvelles modalités des moyens d’enseignement ou du système de l’évaluation, les directives des divers services d’enseignement : mathématiques, français, environnement, etc.). On rappelle sans cesse les documents de référence, comme Les objectifs d’apprentissage de l’enseignement primaire, août 2000.

On ne peut pas dire que les moyens d’enseignement30 sont formellement prescrits aux enseignants. On les présente dans les directives officielles comme des possibilités, des aides.

Dans l’enseignement primaire genevois, les moyens d’enseignement créés par les services des didactiques ne sont pas obligatoires. Ils sont proposés, mais avec une forte insistance, car ils sont pensés en fonction des objectifs d’apprentissage et donc en cohérence avec le curriculum.

On peut dire les épreuves institutionnelles et PISA sont des déclencheurs en matière de prescriptions de moyens d’enseignement.

On voit ici la contextualisation des conditions de création et d’imposition des moyens d’enseignement MIKA : une situation de mauvaise évaluation des apprentissages des élèves en lecture, des enseignants débutants ou peu ou pas formés.

29 Les directives éditées par la direction de l’enseignement primaire genevois : Mathématiques (Directive 2.7 / 23.08.04) ;

Ecriture (Directive 2.8 / 23.08.04) ; Français (Directive 2.9 / 23.08.04) ;

Education et ouverture aux langues à l’école – EOLE (Directive 2.10 / 23.08.04) ; Allemand (Directive 2.11 / 23.08.04) ;

Environnement (Directive 2.12 / 23.08.04) ; Ferme de Loex ( Directive 2.13 / 23.08.04) ;

Sciences de la nature, principes de sécurité (Directive 2.14 / 23.08.04) ; Expression plastique et artisanat (Directive 2.15 / 23.08.04) ;

Education musicale (Directive 2.16 / 23.08.04) ; Education physique ( Directive 2.17 / 23.08.04) ; Informatique pédagogique (Directive 2.18 / 23.08.04).

30 Mathématiques (Directive 2.7 / 23.08.04) ; Ecriture (Directive 2.8 / 23.08.04) ; Français (Directive 2.9 / 23.08.04) ; Education et ouverture aux langues à l’école – EOLE (Directive 2.10 / 23.08.04) ; Allemand (Directive 2.11 / 23.08.04) ; Environnement (Directive 2.12 / 23.08.04) ; Ferme de Loex ( Directive 2.13 / 23.08.04) ; Sciences de la nature, principes de sécurité (Directive 2.14 / 23.08.04) ; Expression plastique et artisanat (Directive 2.15 / 23.08.04) ; Education musicale (Directive 2.16 / 23.08.04) ; Education physique ( Directive 2.17 / 23.08.04) ; Informatique pédagogique (Directive 2.18 / 23.08.04).

Les épreuves ont précédé PISA ! Alors, on a réagi institutionnellement, surtout pour l'apprentissage de la lecture, on a mis en place les moyens MIKA.

La demande de départ, c'était pour les suppléants. Et après ce sera pour tout le monde. Et tous les enseignants de 1E et 2E ont reçu ce matériel.

Pour les suppléants, c'est fortement conseillé parce que le DESR va regarder de près. Et les autres titulaires font ce qu'ils veulent, parce qu'ils ne sont plus contrôlés et leurs pratiques ont démontré qu'ils s'en sortaient bien avec leurs moyens. D'ailleurs c'est trop tôt pour mesurer les effets de ce matériel, malgré le fait que nous ayons des demandes du type : « quel effet ça a » (formatrice 1) !

Si l’on veut utiliser d’autres moyens que ceux choisis officiellement, cela est aux frais de l’enseignant. Voici ce qu’une formatrice (2), créatrice de moyens d’enseignement dit à ce propos :

Il n'y a pas d'obligation pour les enseignants d'utiliser les moyens d'enseignement.

(…) On leur fournit le matériel d'enseignement sans obligation de les utiliser. Ca ne facilite pas forcément toujours la tâche. Car il y a des moyens d'enseignement qui ont été soigneusement choisis par les différents services parce qu'ils suivaient une voie logique dans le dispositif, la planification, dans la démarche qui est proposée et nous on y tient.

(…) Si on les a choisis, c'est bien pour ça, alors il faut qu'on accepte de distribuer nos livres aux enseignants, aux élèves et de voir que ce n'est pas forcément utilisé.

Mais ce n'est qu'une partie de l'autonomie. (…) C'est la partie qui concerne les moyens didactiques.

(…) Alors dans le cadre de formation (sur une année, ça c'est le cadre habituel), ils ont un certain nombre de séances et voient un certain nombre d'applications en classe et à la séance suivante.... (…) Souvent ce sont des manuels français dont on n’arrive pas à faire forcément la transposition, ce qui est dommage parce que je pense que (...) Mais je ne crois pas qu'il y ait d'indication formelle à utiliser les moyens qui sont donnés (formatrice 2).

L’institution scolaire n’a pas de budget supplémentaire pour financer des manuels autres que ceux choisis par les spécialistes au sein de l’institution.

Il y a clairement un choix institutionnel des moyens d’enseignement.

(…) Ce sont les moyens qui sont distribués à toutes les classes et il n'y en a pas d'autres. Si l'enseignant veut travailler avec autre chose, il devra payer de sa poche. (…) Si vous choisissez autre chose, il n'est pas question qu'on vous rembourse... La question s'est souvent posée, les enseignants qui écrivent dans les années précédentes « Ah mais comment le livre d'histoire de Fribourg est tellement plus intéressant que... ce que vous me proposez est tellement nul donc j'en ai achetés trente exemplaires pour ma classe, je vous envoie la facture... » C'est évident qu'on n'entre pas en matière. (…) Il n'y a pas de négociation possible. Le Département de l’Instruction Publique achète ces moyens-là.

Ces moyens sont mis à disposition... Point (formatrice 2).

Cette formatrice est sensible aux revendications des enseignants de moyens précis toujours à reprendre à leur compte.

Voici des exemples d’appropriation par les enseignants des moyens d’enseignement : choix, tris, coupures, simplifications.

(…) Alors déjà, les enseignants remanient, ils demandent souvent (...) et très souvent, on se rend compte qu'ils vont prendre trois objets différents, couper un petit bout par-ci par là, pour refaire leur propre document.

(…) On a l'impression parfois d'une appropriation par l'enseignant pour arriver exactement à ce qu'il veut à ce moment-là. Il a besoin de vraiment tout remanier pour arriver à ce qu'il veut. Alors que sa demande c'est aussi « donnez-nous quelque chose de directement applicable ». (…) Je n'ai jamais analysé ça à ce point-là mais là souvent, quand je vois le résultat, je me dis mais s'ils avaient pris les documents tels quels, ils arrivaient au même résultat. Ça, ça pourrait être l'objet d'un autre travail... quelle est la nécessité de remanier les documents et pourquoi on le fait et dans quel but et pourquoi on choisit tel élément plutôt que l'autre (formatrice 2).

Une autre formatrice dit que les moyens d’enseignement officiels ne sont pas suffisants pour enseigner tous les objectifs d’apprentissage. Elle pense qu’une bonne part de l’analyse appartient à l’enseignant, son appropriation.

La réalité dépasse le prescrit : diverses appropriations des moyens d’enseignement.

On sait bien que certains moyens sont restrictifs. Il faut que l'enseignant en ait conscience, s'il les utilise, il faut qu'il fasse autre chose à côté.

Mais les gens qui ont plus d'expérience, vous avez ces objectifs d'apprentissage, vous avez des suggestions dans ce matériel à votre disposition, et alors ce que les gens en font, je crois qu'il faut avoir beaucoup de patience, de les rassurer, c'est toujours difficile de se mettre dans un moyen d'enseignement que l'on n'a pas conçu soi-même, il faut se l'approprier et ensuite pouvoir s'en distancer, et jongler avec ça, ça demande du temps ! (…) c'est vrai qu'au début les gens (les enseignants) sont allés progressivement, il y a tous les cas de figure, les enseignants qui entrent dans un moyen d'enseignement parce que ça leur convient, mettent du sens et savent bien l'utiliser et d'autres qui ont plus les pattes au mur et résistent, et font d'autres choses (formatrice 1).

De plus, elle dit qu’il y a un lien fort entre l’utilisation des moyens et les évaluations institutionnelles. Le contrôle des prescriptions (programmes et utilisation des moyens d’enseignement) se fait par l’évaluation institutionnelle, par les épreuves externes.

Comme effet régulateur, je pense que depuis qu'il y a des épreuves de fin de cycle, ça a déjà canalisé pas mal de choses. Les gens vont utiliser plus ces moyens parce qu'il y a les épreuves qui vont dans le même sens (formatrice 1).

Les deux inspecteurs interrogés donnent quelques pistes sur une certaine obligation des moyens : Les moyens d’enseignement devraient être appliqués par les enseignants. Si je

prends par exemple le domaine du français, les moyens d'enseignement doivent être utilisés, en mathématiques ça doit être utilisé. Bon, je pense que pour des disciplines comme l'environnement, on n'a pas de moyens d'enseignement à proprement parler. On a des directives, des cahiers, des services donc là je crois que l'autonomie est un peu plus grande. En revanche, en éducation physique, il y a une méthodologie. Par exemple, les membres spécialistes qui donnent des cours d'éducation physique ont une indemnité de méthodologie. Ils devraient générer une utilisation des méthodologies en vigueur (inspectrice 1).

Ou encore voici ce que dit le deuxième inspecteur :

L'institution donne des pistes. C'est vrai qu'on demande aux gens d'utiliser le matériel didactique, si quelqu'un est hors norme. Si quelqu'un utilise systématiquement autre chose que ce que nous proposons, alors il pourrait y avoir une intervention de

notre part. Et il faut observer ce genre de chose, mais pour observer il faut être en classe, pour observer les éléments et pouvoir intervenir. Et il faut aussi que les éléments nous parviennent.

(…) Dans certains cas, les enseignants utilisent systématiquement autre chose que ce qui est suggéré par l'institution, et dans d'autres cas ils combinent entre plusieurs apports externes ou internes.

(…) Il n'y a pas des cas nombreux d'enseignants qui se démarquent de ce qui est suggéré. Souvent, on utilise ce qui est préparé et si on parle de bricolage c'est parce qu'on bricole à ce qui doit être proposé encore par dessus ce qu'on a déjà, donc ce qui doit être ajouté, dans la plupart des cas, on rajoute. Si je prends une image pour parler, on a les moyens de proposer le tronc et les branches, mais pas forcément le feuillage.

Donc il y a un bricolage pour compléter les moyens à disposition. (…) Non, il n'y a pas d'obligation de moyens, tous les chemins sont ouverts pour atteindre les objectifs. C'est admis par l'institution, je pense, ça fait partie de la marge d'autonomie de l'enseignant.

(…) C'est plutôt sous forme d'incitation à utiliser le matériel et les moyens élaborés, ce n'est pas une obligation de moyens pour le moment, on verra par la suite, peut-être mais je ne sais pas... . l'impression que j'ai. C'est qu'on incite tout le monde à utiliser certains moyens, la majorité répond favorablement à cette incitation et reste à convaincre les plus irréductibles. Je ne sais pas si le hasard a bien fait les choses par rapport à PISA ou c'est PISA qui a incité de prendre ces options-là.

(…) On peut dire qu'avant PISA, les moyens pour l'apprentissage de la lecture faisaient défaut et en tout cas ce n'étaient pas des moyens utilisables par l'ensemble des enseignants, c'étaient des vieux moyens et qui ne couvraient pas l'ensemble du champ de la lecture. Je pense que ceux qui veulent des moyens et ceux qui n'en veulent pas, ces réactions-là ont toujours existé chez les enseignants, mais il faut réduire les irréductibles.

(…) Si quelqu'un a utilisé pendant 20 ans la même méthode, je caricature, je ne pense pas que ça existe et que 20 après on lui propose du nouveau matériel, cette personne va réagir du style : « j'ai demandé pendant 20 ans de matériel, je n'en ai jamais eu, je me suis débrouillée avec ce que j'avais, j'ai fait mes trucs, je n'ai pas besoin de ça » C'est une réaction de défense, cette personne-là il faut lui laisser le matériel à disposition, lui laisser le temps de le consulter, de l'utiliser partiellement, et si le matériel est bon alors il va être convaincu par l'exercice. Mais la décision de l'utiliser ou pas, ça lui appartient (inspecteur 2).

Les pages des directives destinées aux propositions des moyens d’enseignement sont libellées avec des formules de « propositions et de suggestions » mais elles sont lues parfois comme des

« suggestions fortes » pour ne pas dire comme des « impositions ».