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L’organisation du travail scolaire de l’équipe professionnelle dans l’école de Lise est bousculée par la prescription indiquant la fréquence de l’évaluation. Dans cette école, ils négocient cette fréquence de l’évaluation à donner aux parents car elle entre en conflit avec leurs savoirs pédagogiques sur la dynamique des apprentissages et des divers projets entrepris dans l’école ou dans chaque classe. Pour cette équipe, les apprentissages sont au centre de leur attention et alors les enseignants considèrent que les évaluations selon les prescriptions officielles sont trop fréquentes pour montrer aux parents un projet ou un apprentissage dans sa globalité. Les enseignants sont donc fidèles à leurs présupposés pédagogiques et à leur expertise sur les savoirs acquis des élèves.

Dans l’histoire de l’école de Lise, on voit comment l’équipe pédagogique a travaillé sur les prescriptions concernant le travail avec les parents, comment cette équipe a joué un rôle précurseur dans la mise en place de nouvelles prescriptions. Et on voit dans ce cas-ci comment une nouvelle prescription peut entrer en conflit avec la manière de travailler qui l’a inspirée.

Puisque nous n'avions pas de note, il fallait leur donner quelque chose. Dès le départ, puisque l'association de parents chez nous existe, il fallait aussi un échange avec les parents. Mais où dans les prescriptions dans lesquelles nous sommes embêtés, c'est que tout à coup, il est arrivé une prescription dans laquelle on dit que toutes les quatre semaines les parents doivent recevoir quelque chose de l'école, pas forcément une évaluation mais un travail qui a été fait. Et ça c'est quelque chose qui ne nous appartient pas et qui ne nous correspond pas du tout.

Le portfolio est arrivé dans toutes les écoles, c'est pour satisfaire les parents inquiets de voir arriver les notes et la direction a écrit toutes les quatre semaines.

(…) Ce qui fait que les parents sont très demandeurs, en demandent plus, et nous on les invite, on ouvre nos classes lorsqu'on veut expliciter autre chose des apprentissages des élèves. Les parents pensent que le papier-crayon, c'est comme ça qu'on voit ce qu'il se fait à l'école.

Il faudrait leur donner tous les trois jours une feuille sur le verbe « être» sinon ça les désécurise.

En compensation on a mis en place plein de choses, on essaie de montrer comment on travaille avec les élèves.

A chaque fois qu'on entame un projet, qui dure en moyenne six semaines et à la fin du projet, il y a un résultat qu'on peut amener à la maison, mais tant qu'il n'est pas fini on refuse de donner avant un projet qui n'est pas fini. Le projet, le travail de l'élève risque de ne pas revenir le lendemain à l'école, on ne peut pas continuer le travail avec les élèves, et l'on ne peut pas montrer quelque chose en cours de projet, ça n'a pas de sens et là on a des réactions des parents (Lise).

Ou encore Lise explique clairement l’importance des messages à donner aux parents mais leur travail n’est pas seulement codifié « papier-crayon ». La prescription sur la fréquence de l’évaluation entre en conflit avec la pédagogie en usage dans cette école.

(…) Nous sommes embêtés car avec notre manière de travailler, nous n'arrivons pas à donner aux parents toutes les quatre semaines mais toutes les six semaines, car lorsqu'on commence une activité, on veut leur donner quelque chose de fini, et non pas des travaux en cours, ça ne va pas pour une question d'organisation car les travaux ne reviendraient pas et qu'on ne peut pas continuer mais aussi pour des histoires qu'il ne faut pas donner aux parents un travail qui n'est pas abouti. Mais là les parents de notre association réagissent pourtant pour dire que nous le devrions ça officiellement toutes les quatre semaines. Mais c'est là qu'on leur dit que s'ils ont choisi cette école, ils savent donc qu'on fonctionne différemment. Mais pour arriver au bout d'une activité de longue haleine, ce n'est pas une fiche, il nous faut six semaines (Lise).

Tout d’abord, l’évaluation n’est pas seulement synonyme de tests ou d’épreuves, comme peuvent le croire les parents, très demandeurs de notations. L’évaluation est aussi une observation permanente et constante plus ou moins construite de la part de l’enseignant, lors d’activités les plus banales : corrections, la place de l’erreur chez les élèves, les difficultés des élèves, les obstacles des élèves…) ou encore la réalisation de projets en classe qui prennent parfois plusieurs semaines.

La fréquence des évaluations est donc parfois contestée ou renégociée par certaines équipes d’enseignants, qui résistent à l’idée qu’il faut donner des comptes aussi rapprochés aux parents, car le temps d’enseignement-apprentissage est trop court pour visibiliser des compétences significatives ou une réelle progression dans les apprentissages des élèves.

Pas vu, pas pris

Les enseignants débutants et suppléants sont très contrôlés en ce qui concerne les pratiques d’évaluation. Et ils appliquent fidèlement ce prescrit. Ce n’est pas le cas pour les enseignants installés dans le métier.

Mais un autre enseignant qui n'est plus contrôlé à ce niveau-là, qu'est-ce qu'il s'en fiche, il n'y a que les parents qui peuvent lui demander des comptes, si encore les parents savent qu'il faut trois notes. Mais entre collègues, tout le monde sait qu'il y a des personnes qui ne font pas les trois notes... C'est clair qu'il nous est arrivé en histoire le fait de se baser sur trois notes et puis la troisième ça peut-être une note de classeur ou rien si tu n'as pas eu le temps, c'est pas dramatique, ce n'est pas obligatoire, mais je pense qu'en français et en maths plus tu vas donner de chances à l'enfant, c'est différent en géographie, plus de chances de se tester, plus il aura des chances pour avoir une meilleure note. Si tu fais qu'une évaluation, tu vois. Pour moi ça ne me semble pas imaginable de faire que deux notes en français ou en maths par contre en géographie et en histoire si une fois je n'y arrive pas, je ne me sens pas mal dans la position de l'évaluation (Sandrine).

Il faudrait aussi scruter de plus près le moment de passation des épreuves ou tests, tout de suite après les séquences d’apprentissage ou différé dans le temps ; de même que l’accompagnement ou

le soutien de l’enseignant durant ces moments des tests. Les pratiques des enseignants échappent lors de la passation de ces épreuves.

Des enseignants ayant pratiqué dans les deux mondes de l’évaluation, avec notes ou sans notes, trouvent que lorsqu’ils pratiquaient avec notes, ils avaient une double comptabilité à tenir, à savoir : faire des notes, des barèmes, et ensuite tenir un journal où ils inscrivaient plus précisément les objectifs non atteints des élèves, pour pouvoir différencier les apprentissages des élèves, en termes d’apprentissages et en termes de moyens pédagogiques.

Chapitre 11.

Les sanctions

Le système ne peut pas fonctionner sans règles de conduite. Ces règles n’ont pas d’effet si la déviance n’est pas sanctionnée. Il reste donc à savoir s’il faut laisser l’enseignant juge de la sanction adéquate ou normaliser les peines, les procédures et la conception de la sanction.

On ne peut rendre compte ici de l’immensité des travaux concernant la discipline à l’école. Mais nous pouvons rappeler que l’école impose une certaine discipline par sa forme même (Foucault, 1975), par la manière d’imposer ou de proposer une forme de travail aux élèves.

Une bonne partie du travail des enseignants consiste à imposer une discipline favorable tant à la coexistence qu’au travail. En cas de déviance, connaissant la situation particulière des élèves déviants, leurs antécédents et surtout les raisons de leur conduite, les enseignants semblent les mieux à même de juger de la nécessité, de l’ampleur et de la nature des sanction. Mais une réglementation dans ce domaine permet de protéger les protagonistes, les maîtres de la tentation de toute puissance, des dérives, des abus ; les élèves de l’arbitraire, de l’opacité ou des inégalités devant la répression et la sanction.

Les enjeux de la prescription pour l’autorité scolaire

Parmi toutes les fonctions possibles du prescrit, retenons celles qui semblent les plus prégnantes dans le domaine des sanctions :

Rendre les opérateurs partiellement interchangeables Garantir l’équité et l’égalité de traitement

Garantir les droits et la protection des personnes Prévenir les risques

Régler les rapports avec les usagers de l’école (parents, associations de parents) Depuis plusieurs années, l’indiscipline, la violence à l’école sont sous la loupe du public, des spécialistes de l’éducation et des enseignants eux-mêmes.

L’autorité scolaire prend des mesures pour ne pas donner l’image d’une école laxiste sans paraître pour autant devenir une machine répressive qui n’éduque pas.

L’institution prescrit des sanctions pour garantir une cohérence et une juste mesure dans la régulation des comportements des élèves déviants.

Les prescriptions sur les punitions et sur les sanctions protègent en quelque sorte l’élève ou les élèves des excès, de l’injustice et de l’humiliation des punitions et des sanctions, qui mettent en danger la dignité de l’enfant et sa sécurité.

Les mesures deviennent de plus en plus formalisées et ne sont plus laissées à la seule appréciation de l’enseignant.

De plus, les sanctions doivent souvent avoir une fonction éducative, réparatrice et constructive dans l’espace scolaire.

Les enjeux de la prescription pour les enseignants

Les enseignants sont confrontés quotidiennement à des élèves qui bravent les interdits, les lois scolaires, les règlements et qui défient les adultes.

Les enseignants recourent plus ou moins à des sanctions. Certains y croient, d’autres pas. Le rapport aux sanctions est en partie modelé par l’environnement du travail et l’équipe des professionnels.

Il y a des équipes qui privilégient la prévention, la mise en place d’un cadre de travail, les négociations, les discussions même multiples et répétées avant le passage à l’acte de la sanction. Il s’agit de la mise en place d’un certain cadre où se construisent la loi, le cadre de vie qui donne à chacun des élèves une place, du respect et de la sécurité pour apprendre.

Le recours systématique aux sanctions est utilisé lorsque l’enseignant a épuisé tous les moyens disponibles pour prévenir et donner un certain cadre aux élèves. Il est aussi possible dans les cas où les enseignants sont isolés, se sentent seuls dans leurs décisions. Là, les abus peuvent exister : vengeance et humiliation des élèves, risques d’injures, exclusion systématiquement du groupe, etc…

Il y a aussi des enseignants qui se trouvent plus facilement dans le registre de la punition (souvent immédiate, à chaud dans l’action, décidée par l’enseignant selon ses prises de position du moment) que dans le registre de la sanction qui est réfléchie, négociée avec plusieurs partenaires (enseignants, collaborateurs, parents, élèves, etc…) et surtout qui doit avoir une fonction réparatrice et constructive.

Les enseignants reçoivent des repères qui leur donnent des droits et des devoirs en matière de sanctions qui leur donnent une légitimité réelle de sanction tout en restant dans un cadre éthique et respectueux de la personne humaine.