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En 1966, les cantons suisses ont adopté un « plan d’études romand », qui avait l’ambition de se substituer aux plans d’étude cantonaux, fort divers. Cette harmonisation, centrée sur les quatre premiers degrés de la scolarité obligatoire, n’a pas empêché les cantons de conserver en sous-main leur propre plan d’étude, ou du moins de donner des clés de lecture du plan romand. Cette évolution s’est accompagnée de la mise en œuvre d’une conception plus large des programmes : devenant annuels, ils laissaient aux enseignants la liberté et la responsabilité de planifier la progression dans les contenus au fil de l’année. Il devenait légitime que les classes suivant le même programme n’étudient pas toutes la même notion en même temps. Cette harmonisation s’est accompagnée de la production de moyens d’enseignement romands, commandés à des auteurs susceptibles de garantir la cohérence entre ces moyens et les programmes qu’ils sont supposés mettre en œuvre. Ces moyens sont parfois des manuels ou des recueils de fiches ou d’exercices, mais certains véhiculent, implicitement ou explicitement, des démarches d’enseignement-apprentissage. En 1980, ce mouvement s’est étendu aux degrés 5-6 et dans une moindre mesure au secondaire obligatoire.

Cette harmonisation s’est heurtée assez vite aux différences de structures : si l’école primaire accueille tous les enfants jusqu’au 4e degré, certains prolongent ce « tronc commun » jusqu’en 6ème alors que d’autres placent (ou plaçaient) la sélection et le passage au secondaire entre la 4e et la 5e. Ajoutons à cela la diversité des politiques de sélection. On comprend dès lors pourquoi, lorsqu’on avance dans le cursus, on passe d’un véritable programme romand à un programme-cadre laissant une marge importante d’interprétation aux cantons et aux professeurs.

En 1990, les instances romandes de coordination décidèrent de « réécrire » le curriculum formel, en explicitant les objectifs d’apprentissage et en allégeant des plans d’études jugés trop lourds. Cette réécriture fut confiée au Groupe romand d’aménagement des programmes (GRAP), qui associa de nombreux enseignants. Un peu plus tard, une version allégée sera baptisée « GRAP light ». Nul ne sait clairement si cette double réécriture annule et remplace les plans d’études préexistants ou fait figure de mode d’emploi, d’aide à l’identification de priorités.

En 2000, la Suisse romande décida de se doter d’un programme cadre baptisé PECARO (Plan d’Etude Cadre Romand), renommé plus tard PER (Plan d’études romand). Ce dernier a été mis en consultation à l’automne 2008. Il n’est pas encore en vigueur, mais il fait partie du paysage depuis des années et nombre de ses composantes circulent et sont mises en œuvre avant la lettre. On mesure l’ambiguïté du prescrit, fait de textes qui ont force de loi mais ne se substituent pas entièrement aux textes antérieurs et sont en même temps en voie d’être dépassés par le nouveau

9 Accord intercantonal sur l’harmonisation de la scolarisation obligatoire du 14 juin 2007 signé au nom de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (Isabelle Chassot-présidente et Hans Ambühl-secrétaire) - Harmos (Harmonisation de la scolarité

obligatoire) – entre en vigueur en 2011-2012 -

http://www.edk.ch/f/CDIP/Geschaefte/framesets/mainHarmoS_f.html

Plan d’études romand (PER) – en cours d’élaboration – introduction prévue en 2010 - http://www.ciip.ch/index.ph

Le document romand « Objectifs et activités préscolaires » ( 1993)

Les objectifs d’apprentissage de l’école primaire genevoise, édité en août 2000, par la direction de l’enseignement primaire, Département de l’instruction publique, République et Canton de Genève. http://www.geneve.ch/enseignement_primaire/objectifs_scolaires.asp

Plan d’études de l’enseignement primaire 1E-6P, rentrée 2007- ftp://ftp.geneve.ch/dip/Rentree07/EP3_Plan_etudes_2007.pdf

plan romand. Autant dire que le prescrit permet et oblige même chaque enseignant à « faire son marché ».

La Suisse entière s’engage en même temps dans une démarche d’harmonisation des

« standards », autrement dit des objectifs de la fin de scolarité obligatoire (HARMOS). Nul ne saisit très bien comment HARMOS et le PER vont s’articuler… Les optimistes disent que ces deux registres de prescriptions sont complémentaires et compatibles, d’autres voient les standards nationaux s’imposer comme la référence ultime, les textes régionaux n’ayant qu’à les décliner…

Il est donc difficile d’identifier le curriculum prescrit, fait de trois ou quatre couches successives, aucune n’abrogeant clairement les textes précédents. Le tableau se complique dès lors qu’on tient compte du fait que ces textes romands sont des compromis qui ne satisfont réellement aucun canton, ou du moins les diverses spécialistes, formateurs et didacticiens des disciplines à l’œuvre dans chacun. Il existe donc des commentaires cantonaux aux textes romands – et bientôt aux standards nationaux -, souvent « officieux », qui proposent des deuils, des ajouts, des inflexions, des interprétations propres au canton, en particulier pour les degrés 5-6, qui ne relèvent pas du primaire dans tous les cantons.

A ces complexités suisses et romandes s’ajoutent celles de Genève. A certains égards, la situation peut paraître plus simple : l’école primaire dure six ans et n’a donc pas la responsabilité de sélectionner les élèves destinés aux études longues avant 12 ans ; cette sélection est d’ailleurs dans une large mesure faite par le Cycle d’orientation, par un jeu de dérogations et de réorientations.

Tout cela colore l’interprétation cantonale du curriculum romand. Mais le curriculum formel devient entre 2000 et 2006 l’otage du débat politique sur l’école. Alors qu’une rénovation de l’école primaire s’orientait vers des cycles de quatre ans et la prescription d’objectifs de fin de cycle, une votation populaire va en 2006 mettre fin aux cycles pluriannuels, donc imposer le retour aux programmes annuels en même temps que le retour des notes.

Paradoxalement, compte tenu de l’abondance des textes, la rénovation de l’école primaire genevoise avait conduit à un nouveau texte de référence intitulé : « Les objectifs d’apprentissage de l’école primaire genevoise » (Direction de l’enseignement primaire, août 2000). Ce texte répondait à l’exigence de définir des objectifs de fin de cycle, mais ses auteurs ont toujours prétendu être en cohérence avec le PER et même le préfigurer ou au moins l’influencer. Cette refonte des objectifs de l’enseignement primaire visait à guider la progression des élèves sur les quatre années de cycle d’apprentissage. Des recherches et deux rapports précédents ont servi de jalons pour préparer le document de 200010 .

Ce texte prend la forme d’un classeur, dans lequel coexistent une présentation épistémologique (projet global de formation de l’élève, le cadre général de l’enseignement/apprentissage et de l’évaluation, définition de la terminologie) et une présentation disciplinaire par ordre alphabétique (éducation artistique, éducation physique, environnement, langues, mathématiques). L’organisation pour chaque discipline est la suivante : une partie présentant la discipline et traitant l’objectif-noyau (clarification épistémologique, approche didactique en vigueur, définition et articulation des objectifs), une partie traitant des attentes de fin de cycles (activités d’évaluation, indicateurs et seuil de réussite, illustration à travers des réalisations des élèves) et une partie traitant du plan d’études (progression de l’enseignement/apprentissage, contenus-clés) (p.1).

10 Une étude sur la notion de la transdisciplinarité dans le plan d’études (1988-94) avait été organisée par plusieurs inspecteurs, didacticiens, chercheurs et membres de la direction de l’enseignement primaire, Département de l’Instruction Publique, Direction de l’Enseignement Primaire et Service de la recherche pédagogique (1994) Groupe de réflexion transdisciplinaire, Rapport de synthèse et Département de l’Instruction Publique, Direction de l’Enseignement Primaire, Services des didactiques, (1995) L’harmonisation des didactiques, DEP (1998) deuxième version provisoire Les objectifs-noyaux : des repères pour mieux maîtriser la progression des élèves, des objectifs de fin de 6P, Genève.

Cet outil intègre l’organisation de l’école primaire en cycles de quatre ans.

Le but du document est de constituer un « guide » d’enseignement/apprentissage et d’évaluation pour l’ensemble du cursus primaire. Il est destiné à aider les enseignants à s’orienter dans leurs démarches d’enseignement et d’harmoniser leurs pratiques d’évaluation. Autrement dit il doit permettre d’avoir une vision large tout autant que précise des objectifs d’apprentissage et des attentes institutionnelles.

Véritables enjeux de la formation des élèves les objectifs d’apprentissage sont décrits respectivement :

- en termes d’objectifs-noyaux c’est-à-dire de compétences prioritaires à développer à l’école primaire dans le cadre de chaque discipline ; les objectifs-noyaux organisent un réseau d’objectifs plus spécifiques qui rendent possible une articulation de l’enseignement/apprentissage et de l’évaluation

- en termes d’attentes de fin de cycles élémentaire et moyen sous forme d’une série d’activités d’évaluation illustrant à l’aide de critères d’indicateurs de seuil de réussite et d’exemples de réalisations d’élèves le bagage scolaire indispensable pour tous les élèves au terme de chaque cycle de l’école primaire ;

- en termes de plan d’études conçu pour chaque discipline comme outil organisateur des contenus d’apprentissage à développer au cours de la scolarité. In « Les objectifs d’apprentissage de l’école primaire genevoise » (Direction de l’enseignement primaire août 2000 p.4).

Ce document met en exergue les compétences à acquérir pour l’élève dans un projet global de formation. On y découvre plus d’un but : « développer des compétences transversales à travers des activités disciplinaires, comprendre et utiliser les nouvelles technologies, les entrées disciplinaires et les compétences transversales ». Une conception constructiviste de l’apprentissage est privilégiée, de même qu’un travail par situations d’apprentissage complexes et des démarches de recherche (exploration, tâtonnement, anticipation, hypothèses, vérification), en insistant sur la métacognition et les échanges entre enfants, dans le respect mutuel et la réciprocité, avec un souci d’articulation entre le travail personnel et les travaux de groupes.

Le même document propose une conception de l’évaluation, celle-ci ayant trois fonctions : formative (le portfolio qui réunit chronologiquement les travaux significatifs pour l’élèves), informative (le livret scolaire et ses inscriptions en cours et en fin de cycle) et certificative (dans le livret, des bilans certificatifs en fin de cycle). Dans les directives internes, pour toutes les disciplines scolaires, on retrouve un rappel incessant à ce document de référence. Nul enseignant n’est censé ignorer Les objectifs d’apprentissage de l’école primaire genevoise, août 2000.

On y trouve aussi des propositions à propos des moyens d’enseignement. Rappelons que seuls les moyens d’enseignement proposés par l’institution sont fournis gratuitement aux enseignants. Le titre du document de référence insiste sur les objectifs. Le prescrit ne dicte plus ce qu’il faut faire avec les élèves, il souligne ce qui est important aux yeux de l’institution : l’atteinte des objectifs-noyaux d’apprentissage.

Du coup, l’institution ne fournit plus officiellement un programme aussi détaillé que dans le passé, alors que certains enseignants sont encore à la recherche de ce genre d’outil pour programmer leur enseignement. On peut dire que l’on a passé d’une logique de programme à une logique d’objectifs d’apprentissage à atteindre avec les élèves.

Les textes ont été fortement négociés au sein de différentes commissions. C’est là que sont intervenus les différents lobbies disciplinaires, aussi bien que le syndicat des enseignants.