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Mission impossible : des priorités, des raccourcis, des arrangements

Laure montre comment les enseignants sont conscients des manquements aux horaires proposés mais ils mettent les priorités dans les activités principales « français, mathématiques » en vue des évaluations institutionnelles externes.

Pour la répartition des horaires, tu vois ça c'est très difficile à appliquer, tu dois faire tant d'heures d'environnement de ça, chez nous c'est impossible, car déjà nos élèves n'ont déjà pas leurs quotas gym parce que pendant longtemps on n'allait pas à la salle de gym, et pour te dire lorsque tu as des activités décloisonnées, comme la gym, la couture, etc., il ne te reste pas beaucoup de temps et pour faire tes 6 heures de français, 4 heures de maths, c'est impossible, plus le dessin que tu es censé faire toi en plus en classe, moi je n'ai jamais réussi à faire tous les quotas, après je distribuais, j'essayais de faire chaque jour un peu de ci ou de ça, distribuer d'une manière cohérente, un horaire très précis, pour les habituer aussi pour qu'ils puissent savoir tous les matins ce qu'ils avaient et quelles affaires ils devraient avoir, tu le fais surtout en 6ème.

(…) Après c'est très libre, si depuis deux ou trois semaines je n'ai pas fait des sciences, alors je me prends un après-midi et on avance un grand coup (Laure).

Sabine reconnaît la nécessité d’avoir des repères mais en même temps l’impossibilité de tenir la grille-horaire. Sabine reconnaît l’utilité de garde-fous, mais elle expose aussi l’inévitable décalage entre le prescrit et le réel.

En début d'année en théorie, tu fais un horaire et dans la réalité tu ne fais pas du tout ça, simplement ça c'est un consensus entre nous dans l'équipe. (…) Mais je crois que pour tous les enseignants c'est comme ça. (…) Ces directives on voit combien d'heures on doit donner à toutes ces disciplines et on se rend compte qu'on n'y arrive pas de

donner tant d'heures en environnement, ou tant d'heures en gym, on essaie de tendre dans cette direction mais dans ces temps-là ne sont pas comptés tous les moments de déplacements, les moments où les gamins se changent tous ces moments de transition des moments pour gérer des conflits, des moments qui font partie de la vie de la classe, tous ces moments ne sont pas comptabilisés là-dedans. Si on avait une classe-robot et si on pouvait appuyer sur allemand de 8h00 à 9h00, et entre 9h00 et 9h01 on peut directement passe aux maths parce que tu n'as eu aucun problème et que tous les classeurs de maths étaient là (rires) et que tous les gamins sont présents à l'écoute, je veux dire qu'on pourrait, mais on se rend bien compte qu'on est loin de respecter scrupuleusement les horaires .

(…) Alors au début de l'année, l'inspecteur nous demande de remplir une grille-horaire mais c'est un guide. Il aimerait que nous nous intéressions de combien de temps on est censé donner dans chaque discipline et quelle est leur importance respective - donc à ce niveau-là je pense qu'il a raison de le faire d'autant plus qu'il ne va pas venir dans notre classe pour nous dire « à bon mardi vous êtes pas censés faire du chant entre... ». Je veux dire qu'il est bien conscient des réalités du terrain.

(…) L'organisation des apprentissages quand elle est modulaire, quand elle est intensive, elle change avec la grille horaire. Pour donner un exemple toutes ces dernières semaines on a peu fait d'environnement mais on démarre dans un module dans deux semaines et l'environnement va nous occuper tous les après-midis de la semaine. Il y a des équilibres comme ça, ce qui fait qu'on arrive à respecter une moyenne qui n'est pas très loin de la grille de départ mais conscients qu'il y a une marge d'erreur qui n'est pas négligeable. (…)

Il y a des grilles avec tous les objectifs qui sont sériés, en maths, c'est pareil en troisième primaire les enfants doivent manipuler les nombres jusqu'à 1000, et puis l'année d'après jusqu'à 10000.

(…) Il y a un découpage dont il faudrait quand même tenir compte même à l'intérieur d'un cycle, maintenant nous on se permet une plus grande souplesse, on va pas forcément faire, freiner l'enfant qui tout jeune s'intéresse déjà aux très grands nombres, pourquoi pas ne pas l'inviter plus loin, si l'on sent qu'il est capable de le faire, et à l'inverse des élèves de 3ème qui n'ont pas tout à fait acquis les nombres jusqu'à 1000, on ne va pas prendre des décisions de redoublement.

(…) Effectivement nous avons le mandat ou la responsabilité de respecter un certain nombre d'heures par semaine en rapport avec les disciplines, je ne sais plus combien pour chaque discipline, je n'y accorde que peu d'importance et que personne ne vient me contrôler.

(…) Mais c'est écrit quelque part, et en cas de problème on pourrait venir me dire du français vous n'avez peut-être pas fait assez !

(…) Dans notre école, dans notre projet on se permet de la distance par rapport à ces prescriptions, dans le sens que nous pourrions aborder l'environnement de façon modulaire, pendant une période intensive et donc on prend des libertés par rapport à cette organisation. (…) Je crois que c'est plutôt une moyenne, en fin d'année, on aurait dû accorder tant de temps pour l'environnement, tant de temps pour la gym.

Et c'est vrai que c'est important que ce soit écrit quelque part, même si on prend des libertés avec cela, je crois qu'il y a des profs qui ne se passionnent pas pour la gym par exemple, j'y pense car cela me concerne, je sais que je dois tant de temps aux élèves pour cette discipline. (…) Et je crois que c'est important de s'y tenir, car ça fait partie d'un équilibre. (…) Donc ces prescriptions, d'une certaine façon on est peu contrôlé,

mais elles sont parfois là pour nous rappeler des directions de base, l'enseignement de la gym, ne pas l'oublier, le négliger (Sabine).

Lucie avoue qu’elle laisse parfois tomber certaines branches scolaires pour répondre aux exigences de l’évaluation, sachant que certaines branches sont évaluées et d’autres non. Elle ne veut pas prétériter certains élèves, elle s’assure qu’ils seront vraiment prêts pour les épreuves officielles institutionnellement. Alors les priorités vont se faire en fonction des disciplines sujettes à l’évaluation.

Il y a une répartition hebdomadaire du programme, je ne la connais pas par cœur, mais celle sur laquelle je me base en début d'année pour faire mon horaire, j'essaie de faire tant d'heures en français ou en maths, c'est vrai qu'au début on essaie d'être exhaustif et d'honorer toutes les disciplines, le contrat, mais on se rend compte que dans la pratique, on n'arrive pas forcément. Mais je pense qu'on sort du cadre, mais ça tout le monde. (…) Mais c'est vrai qu'à la base, quand on prépare l'horaire, on regarde la grille, mais après on compose.

(…) Mais en même temps, ce n'est pas dans l'autre sens, moi j'adore l'allemand alors je vais faire 9 heures d'allemand par semaine, et laisser tomber le reste.

(…) Je pense qu'il y a des branches qu'on laisse plus tomber que d'autres, pour moi, ce sera le dessin et puis des fois l'allemand. C'est les branches entre guillemets secondaires. (…) Si je vois que pour l'évaluation ils ne sont pas prêts, je travaille plus avec eux les branches qui me paraissent fondamentales au lieu du dessin. (…) Idéalement, je me dis que je vais compenser mais ce n'est pas vrai, je ne compense pas du tout (Lucie).

Entre la planification que l’enseignant établit et remet à l’inspecteur et la planification réellement réalisée, il y a un écart. D’ailleurs certains enseignants ne donnent même pas le programme hebdomadaire aux parents, de peur que ceux-ci scrutent les écarts et les en rendent responsables, avec la crainte que leurs enfants n’avancent pas normalement dans le programme. Le contrôle de la prescription concernant la planification et l’emploi de l’horaire appartient en premier lieu à l’enseignant, car elle distingue l’écart entre son temps d’enseignement et le temps de l’apprentissage chez les élèves.

Ce qui est sur le papier, c’est une chose, mais je ne le suis presque jamais, je n’arrive pas. Il y a des moments d’apprentissage qui sont plus longs que d’autres.

Souvent j’ai prévu une activité large pour deux semaines, mais dans la réalité je peux en mettre quatre. Alors, c’est vrai aussi que je ne veux pas donner ce plan aux parents ou une grille de semaine. Cela m’engage trop auprès des parents et auprès des élèves.

Ils m’attendent au tournant. Il y a des parents qui m’ont demandé le planning de la semaine, mais finalement je ne l’ai jamais donné. (Sandrine).

C’est clair que si je vois que les élèves ont pris du retard en maths et en français, alors je vais mettre la priorité sur ces branches. Ce qui compte c’est ce qui est évalué. A quoi ça sert d’être bon en géographie et en histoire si en maths et en français, on en mène pas large ! La priorité est là (Sandrine) !

Les enseignants ressentent une énorme liberté pour planifier les heures des disciplines scolaires dans la semaine, dans l’année et cela pour plusieurs raisons.

Jules, débutant dans le métier, s’astreint à un respect plus soutenu de la prescription :.

Pour la répartition, il y a tant d'heures pour chaque discipline, au départ lorsque je fais mon planning, j'essaie de m'en tenir, en plus je dois le présenter à mon inspectrice, parce que je suis en période probatoire. Je crois qu'elle le fait non pour savoir le bon

nombre d'heures mais pour savoir quand elle me visite, pour que je ne sois pas à la piscine. Mais c'est vrai qu'en début d'année, elle contrôle ça.

(…) Mais des activités comme le dessin et la gym, c'est très rare que je laisse tomber. Si j'ai quelque chose à finir, ça peut être les maths que je laisse tomber.

(…) Je ne fais pas de sélection ou de hiérarchie entre les disciplines. C'est le moment, dans la situation qu'on décide (Jules).

Les enseignants ont donc une latitude importante pour planifier leur enseignement sur l’année, en termes d’organisation du travail scolaire, de regroupement des élèves, de partage de tâches entre collègues, entre pairs, etc.

Concernant la planification, Jules explique que la planification se fait aussi en équipe, mais aussi à partir des situations des élèves dans les savoirs. Jules rend compte de la latitude dans le travail de planification.

Tu es très libre par rapport à la planification.

(…) Si tu prends ton classeur d'objectifs-noyaux, les synonymes tu dois les faire une fois dans quatre ans, tu pourrais les faire en 6ème primaire.

(…) Après tu as un planning, mais il y a des semaines où ça change complètement en fonction de la réalité du moment.

(…) Tu commences quelque chose en maths et après tu vois que les élèves sont dedans et tu continues, tu ne casses pas l'activité, sinon ça reporte à la semaine d'après, voilà des fois tu fais des maths toute une après-midi. Il y a des fois tu ne peux pas faire ce que tu avais prévu.

(…) Lorsqu'il y a un décloisonnement, tu es obligé de le faire, tu as tout organisé, il y a des élèves qui arrivent et donc tu ne peux pas arrêter quand tu veux. (…)

La proposition de la planification, je ne l'utilise pas, j'ai fait une organisation avec ma collègue. Mais en maths, oui, je l'utilise. J'ai ma propre planification. C'est ma collègue avec qui je travaille qui m'a passé sa planification, elle a de l'expérience, elle connaît bien le programme 3P. Et elle a son truc de prêt et je me suis intégré dans son programme, c'est très clair, je sais qui fait quoi, ce que je dois faire, ce qu'elle fait (Jules).