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A. MISE EN EVIDENCE ET CARACTERISATION DES TREGS

2. Les premiers marqueurs

Depuis les expériences de 1969, aucune avancée majeure n’est faite au sujet des Tregs. A tel point que certains commencent à douter de l’existence d’une population régulatrice. Ce n’est qu’en 1981 que Sakaguchi et al. ont amené de nouvelles évidences dans la caractérisation de cette population lymphocytaire suppressive. Toujours en utilisant le modèle murin de thymectomie néonatale, ils ont montré que le transfert de splénocytes pouvait prévenir le développement d’une ovarite auto-immune chez la souris en montrant que la population cellulaire responsable de la protection pouvait être restreinte par le phénotype suivant : T CD4+ CD5high (ou Lyt-1high) (246). CD5 est une glycoprotéine transmembranaire, exprimée fortement par les lymphocytes T activés, qui antagonise la signalisation en aval du récepteur à l’antigène chez les cellules T et B. De façon intéressante, cette molécule permet aussi de définir une sous-population de lymphocytes B, appelée cellules B1, jouant un rôle « immunomodulateur » (247).

Pour tester l’hypothétique fonction suppressive des différentes sous- populations de cellules T CD4+, la stratégie gagnante fut dès lors d’essayer de créer une brèche dans la tolérance en déplétant les sous-populations soupçonnées d’être régulatrices puis de vérifier que la reconstitution du compartiment éliminé permettait d’inhiber l’apparition et le développement d’un syndrome auto-immun. En utilisant cette démarche, l’équipe de Shimon Sakaguchi a confirmé en 1985 les résultats obtenus 3 ans plus tôt (248). Ces auteurs ont montré que l’élimination ex vivo des cellules T CD4+CD5+ permet l’induction, par la population CD4+CD5- résiduelle, d’une pathologie auto-immune multi-organes après transfert dans des souris nude congéniques. L’injection de cellules T CD4+CD5high suffit à prévenir le développement de la pathologie.

Suivant cette logique, l’effort de recherche s’est concentré sur la capacité à pouvoir mieux disséquer cette population régulatrice du compartiment effecteur autologue, de nombreux marqueurs ont donc été proposés afin de mieux l’identifier. CD45RB (protéine tyrosine phosphatase exprimée par la quasi-totalité des cellules d’origines hématopoïétiques) a été proposé par Powrie et al. en 1990. Ils ont montré que l’injection de la sous-population T CD4+CD45RBhigh à des rats congéniques athymiques induit une pathologie sévère s’accompagnant d’une perte de poids et d’une infiltration massive de cellules dans de nombreux organes. A l’inverse, le transfert adoptif de la fraction cellulaire T CD4+ CD45RBlow n’est pas pathogéne, les animaux continuant à gagner du poids normalement. De façon encore plus surprenante, le transfert de lymphocytes T CD4+ totaux n’est associé qu’à une morbidité mineure (249, 250). Même quantitativement minoritaire, la population T CD4+ CD45RBlow est donc capable de contrôler la population effectrice T CD4+ CD45RBhigh. En 1993, Powrie et al. et Morrissey et al. ont montré simultanément que le transfert de lymphocytes T CD4+ CD45RBhigh à des souris SCID (severe combined

immunodeficiency) induit le développement d’une pathologie inflammatoire et auto-

immune au niveau des muqueuses intestinales, l’IBD (Inflammatory Bowel Disease). L’injection de la fraction autologue T CD4+ CD45RBlow ou bien la co-injection des fractions T CD4+ CD45RBhigh et T CD4+ CD45RBlow n’induit pas l’IBD (251, 252).

L’inconvénient principal de ces marqueurs est qu’ils englobent encore des populations cellulaires trop importantes pour permettre vraiment de distinguer précisément les populations T régulatrice et effectrices. Les lymphocytes T CD4+ CD45RBlow représentent en effet entre 25 et 30% des lymphocytes T CD4+ totaux chez une souris naïve (253).

C’est en 1995 que Sakaguchi et son équipe identifient une population douée de propriétés immunoregulatrices, caractérisée par l’expression constitutive de CD25. Un grand pas est alors franchi puisque ce marqueur permet réellement de différencier, au moins fonctionnellement, la population de lymphocytes T CD4+ régulateurs des autres populations T. En effet, le compartiment T CD4+ CD25+ régulateur (Tregs) qui constitue entre 5 et 10% des lymphocytes T CD4+ totaux chez une souris naïve ainsi que chez l’homme constitue une population cellulaire prévenant le développement de pathologies auto-immunes dans des modèles de transferts adoptifs comme ceux décrits précédemment (254). De plus, l’élimination des cellules CD4+ CD25+ permet d’exacerber des réponses allogéniques ou xenogéniques. Ce travail a conforté des résultats publiés en 1990 qui suggéraient l’existence d’une population « suppressive » au sein du compartiment CD4+ CD25+ dans un modèle d’allogreffe cardiaque chez le rat (255). Ces auteurs avaient en effet mis en évidence, qu’après traitement des animaux receveurs avec de la cyclosporine, le système immunitaire des rats qui toléraient à long terme l’organe allogénique contenait une population CD4+ CD25+ incapable de rejeter le greffon après transfert dans un hôte lymphopénique. Mieux, ces cellules avaient la capacité d’inhiber le rejet induit par des lymphocytes T effecteurs naïfs, ou présensibilisés par des alloantigènes.

La caractérisation de ces cellules régulatrices a aussi permis d’expliquer les mécanismes sous-jacents dans le modèle de thymectomie néonatale. Une étude cinétique a en effet mis en évidence que la population CD4+ CD25+ n’apparaît dans les organes lymphoïdes périphériques que 4 à 5 jours après la naissance (256). Dans ce travail, les auteurs ont également montré que la reconstitution de ce compartiment suppresseur permet de prévenir la pathologie. Ainsi, la thymectomie à J+3 a pu être étroitement associée à l’absence de génération des lymphocytes T CD4+CD25+ et l’absence de développement de ces cellules régulatrices à l’apparition d’auto-immunité.

Toutefois, le marqueur CD25, étant exprimé par les lymphocytes T activés, n’est, tout comme les précédents, pas spécifique du compartiment régulateur. La quête pour un marqueur unique a donc continué et a permis de mettre en évidence l’expression d’autres marqueurs, tels CTLA-4 (257, 258) et GITR (Glucocorticoid- Induced Tumor necrosis factor Receptor family-related gene) (259). Cependant, ces derniers sont eux-aussi exprimés par les lymphocytes T conventionnels après activation.