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Les premiers constats des écarts de réussite entre filles et garçons en EPS au baccalauréat en France : l’effet des variables individuelles des élèves

II. L’EPS : UNE EXCEPTION DANS LA REUSSITE SCOLAIRE DES FILLES ?

1. Les premiers constats des écarts de réussite entre filles et garçons en EPS au baccalauréat en France : l’effet des variables individuelles des élèves

1.1. Les premières alertes

Dès 1986, Davisse327 s’interroge sur les résultats des épreuves d’EPS au baccalauréat issus des deux années précédentes. Elle constate que les notes des filles sont régulièrement et notablement inférieures à celles des garçons de 0,5 point en moyenne sur la région parisienne, mais avec des écarts pouvant aller jusqu’à 2 points dans certains cas ou dans certaines activités physiques et

326 Toutes les organisations sont envisageables : certains établissements maintiennent le groupe classe administratif,

d’autres proposent ou imposent des regroupements sur la base d’une ou plusieurs activités.

sportives328. L’année suivante, avec Volondat329, sur 250000 candidats au baccalauréat, elle constate le même phénomène au niveau national. La moyenne obtenue au baccalauréat en EPS à l’examen est de 12,84/20 mais les garçons obtiennent un score de 13,28 quand les filles totalisent seulement 12,47. Les auteurs soulignent les variations observées selon les filières au baccalauréat : 1,46 points peuvent ainsi différencier deux filles selon la série au baccalauréat (C ou G). Mais les écarts filles/garçons sont aussi extrêmement sensibles au sein même des sections poursuivies : 0,26 point sépare seulement filles et garçons dans les classes scientifiques quand un point différencie les deux sexes au sein des classes technologiques.

En 1992, Combaz330, constate que les élèves réussissent plutôt bien aux épreuves du baccalauréat avec 90% des candidats au-delà de 10/20 et une moyenne générale à l’épreuve de 12,80. Il approfondit son travail en explorant et combinant entre elles les différentes variables sociologiques -dont le sexe- susceptibles d’influencer les résultats en EPS. Ses résultats confirment les données antérieures :

- Un point sépare filles et garçons sur les moyennes obtenues en EPS au baccalauréat. Un tiers des garçons réussit au-delà de 15/20 mais seulement un cinquième des filles dépasse cette valeur. Selon les séries cet écart prend des amplitudes plus ou moins contrastées se réduisant considérablement dans les classes scientifiques et se creusant dans les séries littéraires ou technologiques331.

- Les adolescents issus des catégories sociales défavorisées seraient moins performants en EPS au baccalauréat. Les lycéens issus des catégories socioprofessionnelles aisées tireraient selon lui bénéfice de leurs loisirs sportifs, plus proches des attentes institutionnelles. La variable sexe serait également sensible à la tonalité sociale : « les

328 Elle cite par exemple l’athlétisme et les sports collectifs

329 Davisse, A., Volondat, M. (1987). Mixité : pédagogie des différences et didactiques. Revue EPS, 206. 53-56. 330 Combaz, G. (1992). Sociologie de l’Education Physique. Paris : PUF.

Ses analyses reposent sur les résultats de l’enquête SPRESE 85-86 et sur les observations de Davisse et Volondat de 1986 puis 1987. Il note que moins de 1% des élèves obtiennent des notes très médiocres , en dessous de 4 quand plus du quart d’entre eux reçoivent une note supérieure à 15/20.

331

Combaz observe que les filières poursuivies sont très discriminantes : « les élèves qui obtiennent les meilleurs résultats aux épreuves d’EPS du baccalauréat seraient donc, dans la plupart des cas, ceux que l’on a jugé les « meilleurs » intellectuellement à l’issue des études secondaires ». Les séries scientifiques laissent les séries technologiques à plus d’un point et les notes se situent deux fois plus souvent par exemple entre 15/20 et 20 /20. A l’inverse quasiment aucun élève de ces séries ne se voit attribuer une note inférieure à la moyenne quand cette éventualité affecte environ 10% des élèves scolarisés dans les séries littéraires par exemple.

écarts entre la moyenne des filles et celle des garçons augmentent généralement au fur et à mesure que l’on descend dans la hiérarchie sociale ». Pour lui, « le fait d’être une fille issue d’un milieu social défavorisé constitue un double handicap pour réussir en EPS ».

- L’âge est présenté comme une variable influente qui s’articule aussi avec la variable sexe. « Les écarts entre filles et garçons augmentent régulièrement à mesure que l’âge augmente ». Il note que les filles les plus âgées sont la catégorie d’élèves les plus en difficulté à l’épreuve, ou en tout cas celle qui présente la moyenne la plus faible332.

- Combaz reste prudent au sujet des effets possibles des pratiques sportives extrascolaires qu’il n’étudie pas vraiment. Pour lui, la nature, la quantité et les modalités d’une pratique sportive sont vraisemblablement plus importantes et discriminantes que sa simple présence chez un élève. Selon les classes sociales, les jeunes privilégient certaines activités physiques et sportives et certaines de leurs formes et lieux de pratiques qui peuvent rencontrer ou heurter les attentes et savoirs de l’école.

- Combaz lie aussi résultats scolaires et résultats en EPS, il précise que les « résultats différent davantage en fonction du niveau d’instruction du père que selon celui de la mère ».

1.2. Et si le genre était une variable plus explicative que le sexe ?

En 1999, un travail de recherche conduit par Fontayne333 a cherché à différencier et expliquer les écarts de réussite en EPS au collège, non plus seulement en fonction du sexe de l’individu, mais aussi du genre. Parallèlement, il s’est appuyé sur les théories de la motivation pour montrer que les sujets ayant des profils masculin ou féminin porteraient un intérêt faible aux activités sportives ayant un typage sexuel non congruent avec leur orientation de genre, quand les sujets androgynes ou non différenciés seraient moins sensibles à la dimension sexuée des activités

332 Les élèves à l’heure au moment de subir l’examen réussissent mieux en EPS que ceux qui attestent d’un retard

scolaire. Les meilleurs scores sont obtenus par les élèves les plus jeunes et les moyennes chutent quand l’âge des candidats augmentent.

333 Fontayne, P. (1999). Motivation et activités physiques et sportives : influence du sexe et du genre sur la pratique

du sport et de l’éducation physique. Thèse de doctorat non publiée. Université Paris Sud ORSAY. Ce travail a été réalisé auprès d’une population de collégiens candidats au brevet des collèges et non pas au baccalauréat, nous présentons un certain nombre de ses conclusions en mesurant les distorsions toujours possibles avec un échantillon de lycéens.

physiques et sportives. Il a cherché à vérifier que les performances ou résultats en EPS seraient médiés par l’adhésion aux stéréotypes culturels et sensibles aux effets de genre chez les élèves.

- Il conclut à un effet significatif du facteur sexe sur les résultats obtenus par les élèves en EPS au brevet des collèges, les garçons ayant une moyenne de 13,09, supérieure à celle des filles calculée à 12,45.

- Le facteur genre (estimé à partir du passage du BSRI par les élèves de l’échantillon) présente lui aussi un effet significatif : les individus classés masculins ont obtenu 13,55 à l’examen, les androgynes 13,18, les féminins 12,19 et les non différenciés 12,11.

- Son étude montre un effet déterminant des pratiques sportives extérieures à l’école sur les résultats obtenus par les élèves. Les sportifs obtiennent un point de plus au diplôme que les non sportifs.

Pour lui, « le genre des sujets influence la perception de l’intérêt et de la difficulté, ainsi que le choix des activités physiques et sportives sexuellement typées susceptibles d’être pratiquées dans le cadre des cours d’éducation physique et sportive ». Les activités physiques et sportives sont perçues comme particulièrement typées sexuellement par les élèves et cette catégorisation influence les résultats de ces derniers. Les élèves de genre masculin ont alors de meilleures notes que ceux qui sont typés féminins, le sport étant un domaine plutôt masculin. Les individus « hauts en masculinité et bas en féminité » ont une probabilité de réussite élevée en EPS.