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I. LES RAISONS D’APPRENDRE EN EPS

2. L’attribution de réussite

2.1. La théorie des attributions causales

L’interprétation des résultats obtenus dans une tâche antérieurement influence directement la confiance en eux des élèves. Pour Weiner195, c’est essentiellement la stabilité d’une cause identifiée par le sujet qui influence les probabilités subjectives d’atteindre ultérieurement le même résultat. La connaissance de ses ressources et la possibilité d’intervenir ou non sur la mobilisation et la sollicitation de celles-ci sont en rapport avec les changements ou avec le maintien de la confiance en soi et conditionnent les scores à venir. La théorie des attributions causales, proposée par Weiner, catégorise les attributions possibles selon trois dimensions appelées locus (ou lieu où se situe la cause), stabilité (constance ou variabilité des causes selon le temps et les situations), et contrôle (degré d’intervention possible sur la cause perçu par le sujet). S’il existe un nombre infini d’explications possibles à une réussite ou un échec, elles peuvent néanmoins être catégorisées selon l’articulation de ces trois dimensions.

Pour Weiner, deux types d’attitudes différencient nettement les élèves et sont liés aux modes d’attribution : le premier concerne les élèves qui attribuent préférentiellement leurs échecs à des facteurs invariants ou incontrôlables, ils sont affectés par les écueils et altérés par la difficulté à venir ; le second s’applique aux enfants qui imputent leurs échecs à une insuffisance d’efforts, cette explication stimule alors leur motivation, les laissant entrevoir une probabilité importante de réussite. Or, ces deux approches sont généralement associées à des conduites sexuées. Les filles auraient tendance à justifier leurs échecs par des facteurs stables et incontrôlables (manque

194 Deschamps, J.C., Clemence, A. (1992). L’échec scolaire : une perspective attributionnelle en psychologie

sociale. In B. Pierrehumbert (Coord.). L’échec à l’école : l’échec de l’école ? Paris, Delachaux et Niestlé, coll. Textes de base en pédagogie, 17-43.

L’attribution est la recherche par un individu des causes d’un événement, c’est à dire la recherche d’une structure permanente mais non directement observable qui sous-tend les effets, les manifestations directement perceptibles.

195 Weiner, B., (1985), An attributional Theory of achievement motivation and emotion. Psychological Review. 92.

de force, incompétence, incapacité foncière, supériorité de l’adversaire dans le cas des pratiques sportives…) et les garçons fonderaient leurs échecs sur des facteurs instables et contrôlables (absence d’entraînement, qualité du matériel…).

Pour les filles, les chercheurs parlent aussi de « learned helplessness » ou découragement appris. Le sentiment de n’exercer aucun contrôle sur les évènements résulte souvent d’une expérience négative vécue par les individus. Quand une personne ne parvient plus à faire correspondre son investissement avec le niveau de résultats obtenu, la résignation et le sentiment d’impuissance apparaissent alors. Quatre conséquences s’ensuivent : une chute significative de la motivation à affronter à nouveau cette difficulté, une fragilité émotionnelle, un état dépressif et une inaptitude à comprendre, relier des faits, des actions avec leurs déterminants.

2.2. Une explication des échecs et réussite en EPS différente selon le sexe

En EPS, la théorie de Weiner permet d’expliquer les performances sportives des élèves bien que la dimension globalité ou généralité ait été introduite ultérieurement pour analyser les résultats des pratiquants en sport en général, dans une activité particulière ou même dans une habileté spécifique requise par le sport considéré. Les filles interprètent souvent leurs échecs à partir de causes internes et leurs succès à partir de causes instables quand les garçons rejettent leurs échecs sur des causes externes et leurs succès sur des causes stables et contrôlables. Schématiquement les filles se trouveraient « nulles » et incompétentes en EPS estimant qu’elles ne disposent pas des ressources nécessaires et elles expliqueraient leurs réussites par la chance ou la clémence de l’enseignant quand les garçons seraient persuadés du haut niveau de leurs habiletés et de leurs ressources qui justifieraient leurs succès, alors que leurs échecs seraient imputables à l’agencement de la situation, à la médiocrité de leurs partenaires, à la défectuosité du matériel… Lorsqu’il s’agit de réussite, dans le domaine sportif, les filles privilégient la thèse de l’assiduité à l’entraînement, de la répétition, de l’application quand les garçons retiennent davantage l’exploitation de leurs qualités physiques.

2.3. L’effet des pratiques familiales

Il semble qu’il faille chercher les raisons de ces causalités sexuées très tôt dans les pratiques familiales. Dès l’enfance, les garçons sont stimulés, incités à affronter des obstacles, surmonter des difficultés (particulièrement matérielles et physiques) mais aussi sanctionnés en cas de

conflits. Ces expériences les conduisent à plus d’autonomie et suscitent en eux des comportements d’auto-évaluation. Leur développement passe par une succession d’épreuves, d’oppositions, de conflits qui construisent en eux des habitudes d’adversité et de détermination et leur permettent d’acquérir davantage de confiance dans leurs capacités. Inversement, les filles sont moins souvent réprimandées, elles se conforment aisément aux attentes familiales et perdent rarement l’assentiment de leurs proches. Pour Duru-Bellat196, il semble que « les filles soient desservies par cette absence de stress, cette approbation constante de la part des adultes (que l’on peut lire tout autant comme un manque d’exigence) et ne soient pas amenées à élaborer des critères d’évaluation et d’estime de soi personnels ».

Les filles sont ainsi fréquemment présentées comme innéistes, elles manquent de confiance mais partagent aussi la conviction du caractère immanent des capacités nécessaires pour réussir. Persuadées ne pas disposer des ressources nécessaires, ne pas être douées, ne pas avoir de talents, elles interprètent leurs résultats à la lumière de leur travail, et imaginent les garçons possédant des aptitudes naturelles, physiques et/ou intellectuelles dont elles seraient démunies. La réaction devant des tâches nouvelles partage aussi les individus des deux sexes. Les garçons sont attirés par l’inconnu, la nouveauté et manifestent à l’égard d’un problème inédit concentration et détermination à maîtriser la difficulté. A l’opposé, les filles adoptent une attitude plus circonspecte, un engagement modeste et témoignent assez rapidement d’un comportement de renoncement, de défaitisme si la solution tarde à venir. Ainsi, la nouveauté radicale des situations déstabilise aisément les filles et on observe chez elles plus souvent le cas échéant, une réduction des efforts et de la concentration qui altère leurs résultats et les conduit à des performances décevantes. Pour Duru-Bellat, « de manière générale, alors que les garçons sont stimulés par les difficultés, les filles seront particulièrement mal armées pour affronter des situations où elles pensent devoir échouer et où les ruptures conceptuelles et les situations radicalement nouvelles et déconcertantes sont fréquentes ».