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2EME PARTIE

I. LA RECHERCHE CONDUITE A PARTIR DES QUESTIONNAIRES

5. L’élaboration des questionnaires

5.1. Le questionnaire élèves

La construction de ce questionnaire s’est échelonnée sur trois mois, en plusieurs étapes afin d’assurer au maximum un haut degré de fiabilité des réponses obtenues. Plusieurs entretiens exploratoires avec les élèves de terminale d’un établissement scolaire345 ont été menés afin de cerner leurs représentations, motivations, pratiques sportives, revendications parfois, relatives à l’éducation physique et sportive et à l’évaluation au baccalauréat en EPS. Pour Ghiglione et

345 Les élèves sollicités dans cette toute première phase du travail n’ont pas été contactés ultérieurement dans le

Matalon, « une enquête par questionnaire doit commencer par une phase qualitative, sous la forme d’un ensemble d’entretiens non directifs et structurés… »346

Ces entretiens préalables avec les lycéens ont beaucoup apporté, précisant les champs à explorer, les formulations explicites pour les adolescents à retenir : douze lycéens élèves en terminale ont participé à des discussions improvisées d’une trentaine de minutes au cours desquelles ont été abordées les questions de l’évaluation en EPS au baccalauréat, les choix des activités physiques et sportives enseignées et évaluées par les enseignants, la place du sport et des pratiques physiques pour eux, le rôle et les attitudes des enseignants d’EPS, le caractère plus ou moins sexué des pratiques sportives, les contenus enseignés.

Un retour sur ces entretiens nous a permis de bâtir un pré questionnaire soumis successivement à des élèves de classes de 1ère, puis à des élèves de terminale scolarisés dans des établissements privés.

Cette première version a ainsi été testée puis modifiée à cinq reprises suite à ces pré-tests. La formulation des questions a fait l’objet d’une attention minutieuse, notamment dans le choix du vocabulaire et dans la recherche d’absence de toute ambiguïté possible. Il s’agissait de placer les lycéens dans un climat de confiance en rédigeant un texte convivial, sympathique et chaleureux qui s’appuyait sur leur vocabulaire, leurs pratiques tout en alternant les domaines interrogés : pratiques personnelles, scolaires, sentiments de compétence, représentations… et les modalités mêmes d’interrogations. Certaines questions nécessitent ainsi d’ordonner des items, d’autres de porter une appréciation…. Quelques questions sont ouvertes, d’autres appellent un chiffre en réponse, d’autres encore opposent en leur sein deux affirmations plus ou moins contradictoires et impliquent un choix en deux étapes successives… Variété et convivialité organisaient l’ensemble et un grand soin a également été porté sur la mise en page, le choix des polices de caractères, les illustrations… Le questionnaire, sans se revendiquer exhaustif, devait être le plus complet possible : il était exclu de revenir ultérieurement sur des données absentes et jugées a posteriori nécessaires. D’autre part, s’il pouvait se révéler long à remplir il devait en contrepartie avoir un caractère amusant, curieux, et susciter intérêt et désir d’exprimer des opinions, sentiments d’équité ou injustice face à l’examen national du baccalauréat.

Plusieurs tests de durée de renseignement du questionnaire ont été effectués au préalable : le temps nécessaire à une réponse complète s’est avéré être environ 30’. (Avec des minima relevés à 17’ et des maxima à 42’). Cette durée significative de remplissage du questionnaire constituait un écueil et un handicap considérable auprès des enseignants. Ces derniers, soucieux de

préserver un temps de pratique important en EPS pour leurs élèves de terminale candidats au baccalauréat ont parfois dû faire preuve de beaucoup de mansuétude à notre égard ou d’imagination pour permettre une collecte fiable des données : utilisation des récréations, des heures de permanence, intervention d’aides-éducateurs….

La construction, « la conception du questionnaire a en outre été entièrement déterminée par l’exploitation statistique prévue »347.

NB : Incontestablement, cette forme d’enquête appelle à la plus grande prudence. Nous avons du accorder une totale confiance aux enseignants d’EPS concernant les modalités de passation des questionnaires avec leurs classes. Vraisemblablement, certains élèves ont communiqué entre eux, plaisanté sur les questions, certains enseignants ont aussi plus ou moins commenté les questions voire même orienté les réponses. A la lecture des formulaires, nous ne négligeons pas ces biais. Ils nous semblent significatifs tout à la fois des réalités de l’enseignement de l’EPS et des attitudes des jeunes lycéens. Cette enquête interrogeait les élèves sur leurs représentations, motivations, relations à l’école, à l’EPS, à leurs enseignants… Comme tout questionnaire d’opinion, rien ne nous assure de la vérité des réponses apportées : il reste toujours une incertitude quant à la validité des réponses apportées : le désir du sujet interrogé de donner de lui même l’image d’une personne rationnelle. Les adolescents n’ont sans doute pas échappé à cet effet de désirabilité sociale exagérant même parfois le trait.

5.2. Le questionnaire enseignant

La démarche de construction n’a pas beaucoup différé de celle relative au questionnaire élève. Pour donner une cohérence aux deux enquêtes, le travail a été mené conjointement sur les deux populations concernées. Au cours du 2ème trimestre de l’année scolaire 2000 / 2001, nous avons rencontré et interrogé six enseignants d‘EPS exerçant en lycée sur leurs perceptions des inégalités de réussite entre les garçons et les filles au baccalauréat. Chacun a proposé des pistes d’investigations possibles : constitution des groupes/mixité ; choix des activités physiques et sportives, modalités d’évaluation, motivations des élèves…. Aucun ne s’est interrogé sur sa propre implication, responsabilité en tant qu’individu sexué, se réfugiant toujours derrière la neutralité bienveillante de son statut d’enseignant. Pourtant, à la lumière de nos travaux

antérieurs348 cette part considérable prise par l’enseignant homme ou femme dans la construction des inégalités de réussite en EPS entre garçons et filles ne pouvait être occultée.

Un premier questionnaire articulant les raisons invoquées par ces enseignants et les raisons plus profondes ou personnelles que nous pressentions à la différence de résultats entre les filles et les garçons dans leur discipline a été proposé dans un premier pré-test à douze enseignants de lycée de l’académie de Créteil volontaires à l’issue d’une journée de formation professionnelle. La diversité et la sensibilité des réponses obtenues ont conduit à approfondir la partie personnelle du questionnaire tout en percevant la nécessité absolue de le construire en miroir avec le questionnaire élèves. Un second pré-test a été réalisé avec des enseignants de l’académie qui ne seraient pas impliqués dans le protocole : enseignants des établissements privés, enseignants stagiaires affectés en lycée, collègues travaillant en collège mais ayant eu une expérience en lycée. A nouveau, la lourdeur du formulaire a été évoquée. Quarante minutes s’avèrent indispensables pour remplir le document et certaines questions nécessitent un recours à des documents de travail personnels. Indéniablement, accepter de faire remplir le questionnaire à un ou plusieurs groupes EPS et s’y contraindre soi-même constituaient un effort et une implication conséquents. De plus, les enseignants s’engageaient à fournir les résultats et notes obtenus au baccalauréat en EPS quelques mois plus tard. Certains d’entre eux ont même fait parvenir spontanément les résultats et mentions de leurs élèves à l’examen final. Nous mesurons ici la nature de leurs aides et investissements349.

Cette aide pourrait apparaître curieuse, inattendue. Quelques hypothèses peuvent être avancées : la question des inégalités criantes de réussite entre les garçons et les filles tourmente souterrainement la profession depuis une décennie. Les enseignants d’EPS sont très sensibles depuis toujours aux questions de l’évaluation qui s’appuie trop souvent dans leur discipline sur les qualités physiques des élèves. Beaucoup de collègues ont également avoué avoir eu la curiosité, malgré parfois leurs promesses faites aux élèves de discrétion et d’anonymat, de lire les réponses de ceux-ci avant de les retourner. Tous étaient intéressés et surpris par les propos de leurs classes.

L’aspect institutionnel de la démarche de recherche –avec notamment l’appui de l’Inspection Pédagogique Régionale et l’information aux Chefs d’établissement- a vraisemblablement incité les enseignants à s’engager dans cette recherche. Enfin, la connaissance du chercheur, formateur

348 Vigneron, C. (1999). Les écarts de notation en EPS entre les garçons et les filles en EPS au baccalauréat ;

Mémoire de Maîtrise STAPS ; Reims UFR STAPS.

à l’IUFM, militant de la discipline depuis plusieurs années a peut-être eu également un effet dynamisant auprès des collègues.

II. LA RECHERCHE CONDUITE A PARTIR DES