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Les filles et les femmes, en général, sont moins sportives

I. LES PRATIQUES SPORTIVES : SUPPORT DE L’ENSEIGNEMENT EN EPS

1. Les filles et les femmes, en général, sont moins sportives

« L’acquisition par la pratique, des compétences et connaissances relatives aux activités physiques, sportives et artistiques83 (APSA)» constitue l’une des trois principales finalités de l’EPS84. Cet objectif invite à penser que l’accès aux pratiques sportives (et aux compétences et connaissances concomitantes) n’est pas nécessairement un bien partagé par tous. La culture

83 Programme d’EPS de la classe de sixième des collèges. BO N° 29 du 18 Juillet 1996. Arrêté du 18-6-96.

84 La 1ère finalité est « le développement des capacités nécessaires aux conduites motrices » ; la troisième : « l’accès

sportive divise les individus selon leur sexe, leur âge, leurs revenus… et l’école dans son souhait de transmettre à tous des savoirs communs, accentue peut-être les écarts entre filles et garçons par un enseignement sis sur une transmission de techniques sportives. Cette première partie tentera ainsi de vérifier si les garçons disposent d’une pratique plus variée, plus complète, d’un entraînement plus long dans ces activités en dehors de l’école qui les conduirait à de meilleures réussites dans cette discipline.

1.1. Sous le visible des avancées, l’invisible des permanences

1.1.1. La polysémie du terme sportif

L’idée que les femmes et les filles aient aujourd’hui accédé aux pratiques sportives à l’égal des hommes est parfois admise mais si en 2000, en France, 48% des « pratiquants sportifs » sont des femmes »85, pour Belloc86, elles sont deux fois moins nombreuses que les hommes à détenir une licence sportive et trois fois moins nombreuses à participer à des compétitions. Leur taux de pratique est toujours plus faible quel que soit leur âge ou leur niveau d’étude.

En fait, l’étude des pratiques sportives oblige à la plus grande prudence méthodologique : la définition même d’une pratique sportive prend différentes acceptions et les multiples enquêtes réalisées depuis vingt ans présentent des résultats très contradictoires87. Pour Louveau88, mesurer les pratiques sportives impose « qu’il y ait accord entre « initiés » sur ce que faire du sport « veut dire, ce qui n’est déjà pas acquis, et accord entre l’enquêteur et l’enquêté ce qui est encore moins probable ». Le terme de « sportif » renvoie selon les organismes de sondage, les instituts ou laboratoires de recherche à des significations très divergentes. Les notions de régularité, d’assiduité, de modalité de la pratique sont rarement approfondies et maints organismes comptabilisent comme sportif une personne qui déclare réaliser une promenade à vélo lors de ses

85 Enquête MS/ INSEP 2002. Les pratiques sportives en France : résultats de l’enquête menée en 2000 par le

Ministère des Sports & l’Institut National du Sport et de l’Education Physique.

86 Belloc, B. (2002). Les Femmes. Les pratiques sportives en France : résultats de l’enquête menée en 2000 par le

Ministère des Sports & l’Institut National du Sport et de l’Education Physique

87Consulter Annexes : « Les pratiques sportives des élèves » : Tableau A : Comparaison des taux de pratique

sportive en France selon les différents instituts de sondage lors des 40 dernières années page 1.

88 Louveau, C. (2002). Enquêter sur les pratiques sportives des français : tendances lourdes et problèmes

méthodologiques. In Enquête MJS/ INSEP 2002. Les pratiques sportives en France : résultats de l’enquête menée en 2000 par le Ministère des Sports & l’Institut National du Sport et de l’Education Physique.

congés payés annuels par exemple quand d’autres s’en tiennent exclusivement aux possesseurs de licences sportives89. Dès lors, les résultats publiés s’avèrent particulièrement contradictoires et sources de perplexité.

Les femmes90, lorsqu’elles pratiquent des activités comme la gymnastique d’entretien, la danse, le vélo ne les considèrent pas comme sportives. Pour elles, ce qui caractérise un sport, c’est avant tout un engagement compétitif, technique et performant dans lequel elles ne se reconnaissent pas. Ainsi, spontanément 54% des femmes de 15 à 75 ans déclarent une expérience actuelle sportive pour 70% des hommes. Lorsque les enquêteurs élargissent le concept de sport et rappellent à tous que le jogging, le roller par exemple sont aussi une occasion de faire du sport, les scores varient considérablement. 79% des femmes et 88% des hommes estiment alors avoir pratiqué un sport durant l’année écoulée.

1.1.2. Des zones d’ombre dans le développement des pratiques sportives féminines

Pourtant, pour Louveau, « sous le visible des avancées, l’invisible des permanences » demeure en matière d’accession des femmes aux pratiques sportives. Si tous les sports semblent réglementairement accessibles aux femmes, cela reste parfois du domaine de l’abstraction. Progressivement en effet, les femmes ont envahi un à un les bastions les plus masculins du sport, elles accèdent en plus grand nombre aux activités physiques et sportives, notamment olympiques. Elles représentaient 9,5% des athlètes aux Jeux olympiques de Londres en 1948 et 38% en 2000 à Sydney. Mais, derrière les figures médiatiques de quelques grandes sportives ou l’activité emblématique de femmes Ministres de la Jeunesse et des Sports, « les inégalités et différences perdurent au fil du temps ».

89 Beaucoup de travaux se sont centrés sur les pratiques sportives des français à partir du nombre affiché de licenciés

au sein de chaque fédération. Le fait de posséder une licence est un critère à la fois restrictif et insuffisant. Beaucoup de sportifs sont ainsi polyvalents, pratiquent plusieurs activités (on cite parfois le chiffre moyen de 1,3 licence par adhérent). Les possesseurs de licences ne sont par ailleurs pas obligatoirement des pratiquants et regroupent aussi dirigeants, bénévoles… Les licences délivrées par les fédérations couvrent aussi selon ces dernières des modalités de pratique très diverses : pratiques estivales, loisirs, compétition se cachent derrière une appellation identique. De surcroît, le turn-over des licenciés est un phénomène conséquent, bien connu des fédérations et la détention d’une licence ne garantit en rien la réalité des pratiques.

90 Enquête MJS/ INSEP 2002. Les pratiques sportives en France : résultats de l’enquête menée en 2000 par le

Louveau montre par exemple qu’il existe des exclues du sport. Conjointement à une large ouverture apparente des pratiques sportives à toutes les femmes, à une véritable massification des activités sportives, se construisent aussi des voies diversifiées qui discriminent et stigmatisent selon les milieux d’appartenance sociale. Femmes des milieux populaires ou ruraux, lycéennes des établissements professionnels, femmes issues de l’immigration n’accèdent pas aux pratiques sportives sous le poids à la fois des contraintes financières, matérielles, familiales et culturelles. Elles entretiennent parallèlement un rapport au corps qui exclut la perspective de pratiques de type forme aussi bien que compétitives de leurs préoccupations plus quotidiennes. Le sport est un luxe, une activité en quelque sorte superflue, le sport nécessite du temps et de l’argent, le sport valorise et montre le corps.

L’attirance pour le sport est partagée par toutes les catégories sociales mais des différences sensibles d’appréciation et de pratiques sont effectivement perceptibles selon le milieu social d’origine des individus91. Les cadres ont une pratique beaucoup plus fréquente et intense que les ouvrières ou les agricultrices et on note aussi des écarts sensibles d’accès aux pratiques sportives entre les populations rurales et urbaines qui touchent sélectivement les femmes92.

1.2. Peut-on parler de sport pour les femmes ?

1.2.1. Massification, diversification, différenciation

Décrivant l’évolution des pratiques sportives en France, Louveau93 évoque trois tendances lourdes : massification, diversification et différenciation. Pour elle, la massification est partiellement due à l’accession de plus en plus de femmes au monde du sport. Elle concerne

91 Pour l’institut Médiamétrie, la passion pour le football reste toujours marquée par son empreinte populaire. Le

football réalise selon l’étude réalisée un score d’intérêt filles et garçons ensembles de 33% chez les enfants

d’employés ou d’ouvriers, mais 25,7% seulement chez les enfants de cadres où il n’est cependant pas dépassé par un autre sport. Le basket présente les mêmes caractéristiques en moins marquées. Les enfants de professions

intermédiaires valorisent la natation ; le cyclisme est fortement implanté dans le milieu agricole quand l’équitation et le ski restent l’apanage des catégories supérieures. Les sports de combat sont plébiscités par les enfants d’employés. Etude 08-19 Diapason –Médiamétrie.(1995). Chez les 8-19 ans, le football reste roi, suivi du basket. De grandes différences garçons – filles. La lettre de l’économie du sport. 328. Décembre 1995

92 Enquête MS/ INSEP 2002. Les pratiques sportives en France : résultats de l’enquête menée en 2000 par le

Ministère des Sports & l’Institut National du Sport et de l’Education Physique.

93 Louveau, C. (2002). Enquêter sur les pratiques sportives des français : tendances lourdes et problèmes

méthodologiques. In Enquête MS/ INSEP 2002. Les pratiques sportives en France : résultats de l’enquête menée en 200 par le Ministère des Sports & l’Institut National du Sport et de l’Education Physique.

surtout les femmes plus âgées ou issues de catégories socioprofessionnelles jusque là éloignées des pratiques sportives : agricultrices, ouvrières, commerçantes…Mais les pratiques se sont surtout diversifiées en s’ouvrant à des sociabilités différentes : Louveau décrit une privatisation des pratiques, dans le sens d’un engagement sportif autonome, individuel hors des associations ou des clubs, en famille, dans la rue. Elle souligne que cet essor de pratiques plus libres ne s’est pas développé au détriment des pratiques traditionnellement institutionnalisées mais a plutôt accompagné sa propre diversification : l’apparition de nouvelles activités à partir de formes sportives plus anciennes est caractéristique de l’évolution des dernières années : les formes de vélo, ski par exemple se sont multipliées par une modification des matériels, des lieux de pratiques et même les activités profondément olympiques et traditionnelles comme les sports collectifs n’ont pas échappé à cette diversification (beach-volley, sandball). Elle porte enfin l’accent sur la différenciation des pratiques : « les probabilités de faire du sport ou une activité physique, les disciplines choisies diffèrent selon le sexe, l’âge, l’origine sociale ainsi que la région d’habitation ». Elle note que si les taux de pratique des hommes et des femmes sont relativement proches actuellement, c’est parce que les femmes s’engagent dans des activités de loisir et d’entretien mais qu’elles sont assez rarement inscrites dans des sports institutionnalisés.

1.2.2. Des objectifs esthétiques et hygiéniques associés à des injonctions commerciales

Pour Louveau94, le développement incontestable des pratiques sportives féminines depuis les années 1970 s’explique par plusieurs raisons. L’entrée des femmes dans le monde du travail, l’essor des moyens de communication et des médias ont contribué à populariser et faire découvrir de nouvelles activités accessibles aux femmes, mais elle souligne surtout la forte pression exercée par les agences publicitaires, les journaux féminins, autour des aspects esthétiques corporels. Les injonctions à se maintenir sveltes, musclées, dynamiques, belles, assénées par les médias comme assurance d’un rayonnement, d’un épanouissement personnel, sentimental mais aussi professionnel, ont poussé massivement les femmes vers des pratiques à visée esthétique, des activités de type fitness, forme. La pratique d’un sport jusque là légitimée par la production d’une performance physique, s’est ouverte à d’autres objectifs plus hygiénistes, esthétiques mais aussi commerciaux qui ont séduit les femmes.

Les jeunes filles optent en effet prioritairement pour les disciplines valorisant les aspects esthétiques ainsi que le bien être physique et mental. A l’âge adulte, les femmes sont des pratiquantes sportives de disciplines individuelles, peu médiatisées. Elles pratiquent en dehors

des clubs et privilégient des activités spontanées, familiales, non institutionnalisées, des activités d’entretien. Les activités physiques qui les concernent le plus sont la marche (ballade, randonnée), la natation, le vélo et la gymnastique95. Mais, la définition et le recensement des pratiques pose problème: Parmi les 20,1 millions de marcheurs96, on dénombre certes 57% de femmes, mais les jeunes de moins de 25 ans ne représentent que 11% de ces personnes. La gymnastique concernerait à elle seule 14% des sportifs français avec 5,1 millions de pratiquants97 mais en réalité seulement 231000 licenciés, en général jeunes, voire très jeunes. Il faut, en matière de pratiques sportives féminines prendre un point de vue particulier et dépasser la notion de possession de licence.

Parler de sport au féminin, ce n’est donc pas évoquer les sports olympiques (athlétisme, gymnastique, natation, sports collectifs…). Ces activités concernent dans la société une minorité de pratiquants dont les adeptes sont souvent des hommes. Pour Petrucci98, « seulement 3% de la population sportive ne fait que des disciplines qui donnent lieu à une épreuve aux Jeux Olympiques. Plus la pratique se concentre sur les disciplines olympiques moins les femmes sont présentes ».