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I. LES PRATIQUES SPORTIVES : SUPPORT DE L’ENSEIGNEMENT EN EPS

3. Les pratiques sportives des jeunes

Les jeunes de 15 à 24 ans constituent la catégorie de français la plus sportive118. 9 garçons sur 10 et 8 filles sur 10 déclarent spontanément s’adonner à une activité physique ou sportive et ils optent pour une pratique variée en s’exerçant en moyenne dans 4 sports différents. Le nombre de sportives licenciées ou engagées dans des pratiques de type compétitives est systématiquement inférieur à celui des sportifs mais néanmoins dans cette tranche d’âge, le niveau de pratique sportive des filles est considérable119. A l’âge du lycée, les garçons plébiscitent le sport et ses diverses formes de pratiques mais les filles ne sont pas en reste.

3.1. Le temps du lycée : une période faste pour les activités sportives des filles ?

3.1.1. Des sports jeunes

L’enquête MS-INSEP différencie les sports « jeunes » à partir de l’âge moyen de leurs pratiquants : les cinq sports les plus jeunes (combat, basket, athlétisme, handball, volley) totalisent deux tiers de leurs pratiquants âgés de 15 à 24 ans. En basket ou handball, 70% des pratiquants ont entre 15 et 24 ans quand ils sont moins de 5% de plus de 45 ans. Certaines fédérations sportives en effet comptent la majeure partie de leurs licenciés parmi les jeunes et même très jeunes : les moins de 15 ans par exemple représentent plus de la moitié des licenciés au sein des fédérations de gymnastique, judo, basket120. Les filles constituent une large part de ces effectifs des « jeunes » sports avec par exemple 50% des licenciées en volley-ball et entre 30 et 40% en basket et handball. Elles sont aussi plus de 40% à adhérer à l’UNSS et s’y inscrivent massivement pour jouer à des sports collectifs121.

118 Bouillet, C., Truchot, G. Les jeunes. Enquête MS/ INSEP 2002. Les pratiques sportives en France : résultats de

l’enquête menée en 200 par le Ministère des Sports & l’Institut National du Sport et de l’Education Physique.

119 57% des garçons sportifs s’entraînent plus d’une fois par semaine pour 37% des filles. 44% des garçons sportifs

et 29% des filles sont inscrits dans un club et 38% participent à des compétitions officielles pour 16% des filles.

120 Les sports de combat, le basket, l’athlétisme, le handball, et les autres sports collectifs affichent une proportion

de plus de 60% de pratiquants de moins de 25 ans. Les sports de combat par exemple recensent 81% de leurs pratiquants au sein des moins de 25 ans, le patinage 71%.

121 42,16% des joueurs de basket, 47,96% des joueurs de handball et de volley-ball à l’UNSS sont des filles

3.1.2. Des lycéens passionnés par les sports collectifs

Interrogés par l’institut Médiamétrie pour énoncer « le sport qui te passionne le plus122 » en trois réponses possibles, les jeunes des deux sexes ont unanimement répondu en faveur du football – (sexes et âges confondus, 30,3% des réponses). Le basket-ball, puis la natation, le tennis, le ski poursuivent la liste123.

Cette enquête présente ses résultats en scindant les tranches d’âge par périodes de deux années. Pour ce qui nous concerne, les filles et les garçons âgés de 17 à 19 ans se démarquent nettement. Dans leur dix préférences, les filles de cet âge classent successivement la natation, le patin à glace, le ski, le tennis, le volley-ball, la danse, le basket-ball, l’équitation puis seulement la gymnastique et le football en dixième position. Les garçons apprécient le football, le basket, le ski, les sports de combat, le tennis, le volley-ball, le rugby, le cyclisme, la natation et le handball. Les responsables de l’enquête soulignent un effritement du football avec l’âge mais ils notent aussi des effets scolaires particulièrement remarquables : le handball par exemple, double son score à l’entrée au collège et se maintient longtemps en 3ème ou 4ème position avant de redescendre vers 17-18 ans. Les sports collectifs font aussi une apparition très sensible dans les classements des filles à l’entrée en sixième et supplantent les activité déclarées « fluides » : natation, danse, patinage, gymnastique.

Ainsi, contrairement aux assertions fréquentes, les filles ne seraient pas exclusivement et forcément motivées par la gymnastique et la danse mais tout autant par des activités compétitives, duelles, collectives. Par ailleurs, le fait « d’avoir découvert une activité au cours d’EPS » apparaît comme un motif influent pour s’engager dans une pratique sportive chez les femmes124.

3.1.3. Des lycéens compétiteurs

Les jeunes sont aussi les plus nombreux à participer à des compétitions (20% des filles de 15 à 18 ans font de la compétition, 44% des garçons). Parmi la population française, les compétiteurs

122 La passion pouvait englober à la fois la prédilection pour la pratique mais aussi plus simplement le goût pour le

spectacle sportif.

123 Chez les garçons, le score du football dépasse les 50%. Les filles témoignent de goûts plus éclectiques, 5

disciplines dépassent le seuil des 20% quand seuls le football et le basket valident de tels scores chez les garçons

124 85% des handballeurs et 82% des volleyeurs ont été incités à la pratique par les cours d’EPS. Enquête MS/

INSEP 2002. Les pratiques sportives en France : résultats de l’enquête menée en 2000 par le Ministère des Sports & l’Institut National du Sport et de l’Education Physique

sont à 80% des hommes et ils se rencontrent largement chez les moins de 20 ans, les étudiants et les lycéens. La compétition passionne certes plus les garçons que les filles, mais c’est néanmoins la période qu’elles privilégient pour ce type de pratique125. Même si la compétition ne concerne que 5% des « sportives » quand elle implique 20% des sportifs, les compétitrices sont exclusivement des jeunes femmes ou filles âgées pour la plupart de moins de 25 ans, étudiantes, lycéennes, issues de milieux sociaux élevés.

Pour Baudrit126, cinq thèmes prioritaires sous-tendent les pratiques sportives des jeunes enfants: le jeu (s’amuser, se distraire, prendre plaisir), l’action (bouger, courir, se défouler) ; la compétition (gagner, faire des matchs et des tournois), le perfectionnement (apprendre, progresser, comprendre), la convivialité (être ensemble). Pour lui, filles et garçons très jeunes partagent via le sport un univers commun, celui du jeu, mais ils s’opposent sur les aspects compétitifs qui semblent être largement l’apanage des garçons, les filles s’orientant davantage vers un souhait de perfectionnement.

L’enquête 2000 du Ministère des Sports et de l’INSEP répertorie douze grands types de motivations à la pratique sportive127. Ces buts sont distinctement partagés par les hommes et les femmes. Elles sont beaucoup moins nombreuses par exemple à se référer à des objectifs de gagne, d’amélioration de leurs performances, de risque, de recherche de sensations mais elles visent plus qu’eux la convivialité et la santé. L’âge distingue aussi les pratiquants. Les 15-19 ans par exemple sont les moins nombreux (68%) à rechercher la santé via une pratique sportive mais ils sont les plus nombreux à entrevoir une amélioration de leurs performances, des envies de victoires et de défi avec le risque, les sensations fortes. La rencontre reste un de leurs objectifs essentiel.

Ainsi, à l’entrée au lycée, les filles sont largement impliquées dans les pratiques sportives, leurs attitudes face au sport, leurs motivations rejoignent celles des garçons. C’est aussi ce que

125 Sur 100 compétitrices, 34 ont moins de 19 ans. Les hommes s’adonnent à la compétition beaucoup plus

tardivement que les femmes : sur 100 compétiteurs, 21 ont moins de 19 ans et les pourcentages se répartissent harmonieusement tout au long des tranches de vie quand les compétitrices sont très rares passés 29 ans. Le même phénomène se produit chez les licenciées. Elles se rencontrent majoritairement chez les jeunes (21%) et leur pourcentage dans les catégories d’âge plus avancées reste minime.

126

Baudrit, A. (1994). Les pratiques sportives des enfants. Revue STAPS. 35. 19-75.

127 Le sport pour être avec ses proches, pour la rencontre, pour l’amélioration des performances, pour la gagne, pour

les sensations, pour le risque, pour la nature, pour la dépense, pour la santé, pour le bien-être, pour l’engagement et pour la détente. En moyenne, tous âges confondus, ce sont la détente (93% des pratiquants recherchent la détente dans leur activité), le bien-être (92%) la santé (83%), l’engagement (78%) et la proximité des siens (76%) qui orientent le plus les sportifs.

soutient Terrail128 pour qui les discriminations de sexe et de classe, en matière de pratique culturelle et sportive, sont moins sensibles à l’adolescence qu’à l’âge adulte, même si selon ses données, les filles s’adonneraient à des activités physiques et sportives à raison de 39% d’entre elles contre 54% des garçons.

3.2. Une chute brutale de l’implication des filles à l’adolescence

Pourtant, l’activité physique et sportive des jeunes commence à diminuer à partir de 15 ans. Davisse et Louveau129 font état d’une érosion perceptible et régulière des pratiques sportives extérieures à l’école de la sixième à la terminale. Au lycée, l’érosion est plus sensible chez les élèves qui pratiquent en club, à l’association sportive et dans une moindre mesure en dehors de toute structure institutionnalisée. Ce qui est surtout notable, c’est la baisse de pratique et l’abandon de toute activité physique qui touche plus spécifiquement les filles.

Pour Médiamétrie130, le pic d’intérêt marqué pour le sport chez les 8-19 ans se situe entre 11 et 13 ans et le creux le plus net entre 17 et 19 ans. Plus du tiers (37,5%) des 8-19 ans se déclarent passionnés par le sport, 38,4% intéressés, 14,9% estiment que ça ne les intéresse pas vraiment, et 5,4% que ça ne les intéresse pas du tout. (3,9% ne se sont pas prononcés). Mais surtout, ce rapport pointe les différences de motivation en fonction du sexe. Les garçons apparaissent toujours comme étant les plus intéressés en déclarant, tous âges confondus pour plus de 50% d’entre eux qu’ils sont « passionnés » par le sport. 24% seulement des filles affichent une telle ardeur.

Les plus passionnés par le sport sont les garçons de 11 à 16 ans et les plus détachées sont les filles de 17 à 19 ans. Seules 19% d’entre elles se déclarent réellement passionnées par le sport et c’est dans cette catégorie que les « pas vraiment intéressées » et « pas du tout intéressées » sont les plus nombreuses. Comment ne pas lier cette baisse de motivation aux résultats décevants des filles en EPS au baccalauréat qu’elles passent justement pour la plupart d’entre elles entre 17 et 19 ans ?

128 Terrail, J. P. (1992). Parents, Filles et garçons, face à l’enjeu scolaire. Education et formations ; 30. 3-11.

Ses travaux concernent les rapports des élèves de collège à la vie scolaire, à la famille, aux activités extrascolaires.

129 Davisse, A., Louveau, C. (1998). Sports, école, société. La différence des sexes. Paris. L’harmattan.

Chiffres donnés par le Ministère de l’E.N. (1985). Service de la prévision, des statistiques de l’évaluation. Traitement secondaire de l’enquête sur les attitudes et pratiques en EPS, réalisée pour la commission verticale.

130 Etude 08-19 Diapason –Médiamétrie.(1995). Chez les 8-19 ans, le football reste roi, suivi du basket. De grandes

La chute brutale de l’implication sportive à l’adolescence chez les filles est soulignée par Sarrazin131 qui réalise une étude sur le problème de l’abandon de la pratique sportive auprès de jeunes joueuses de handball. Il met en avant une série de motifs explicatifs à la désaffection qui touche plus sélectivement les filles : mauvaise ambiance, conflits dans le groupe, coût de l’investissement (temps, déplacements), sentiment de compétence, conflits d’intérêts, blessures, ennui, stagnation des performances, problèmes relationnels avec l’entraîneur, manque d’auto détermination, insatisfaction due aux résultats collectifs, stress de la compétition.

D’autres études132 mettent en avant la restriction progressive des cours d’éducation physique, les contraintes horaires scolaires puis professionnelles, les changements liés à l’adolescence, la recherche d’un mode de vie plus libre et autonome et l’utilisation possible de moyens de transports motorisés. Durant l’adolescence, les jeunes recherchent avant tout le plaisir procuré par le sport et la présence de leurs amis. Ils ne pratiquent pas forcément longtemps la même activité mais « s’essaient » plutôt à divers sports, pratiques par périodes plus ou moins longues pour trouver celles qui leur sied le mieux. Cette quête adolescente participe à la construction de leur identité.

Baudrit133 a aussi analysé les taux de pratique, la nature des activités retenues puis abandonnées chez les jeunes enfants à la lumière des catégories socioprofessionnelles. Il ouvre quelques perspectives explicatives sur les raisons des abandons ultérieurs à l’adolescence. Il souligne l’impact des représentations et habitudes parentales dans les pratiques des jeunes enfants. Les parents des classes aisées conduisent leurs enfants très tôt vers des activités sportives qu’ils estiment bénéfiques pour eux, congruentes avec leurs stéréotypes de classe, quitte à voir ces derniers les abandonner très vite pour zapper d’une discipline à une autre. A contrario, les enfants des classes populaires sont plus souvent eux mêmes à l’origine de leurs choix en matière de sport, obtiennent leur inscription à un club plus tardivement et y développent davantage des attitudes conviviales que de simples comportements de consommation.

131 Sarrazin, P. (1997). Le problème de l’abandon de la pratique sportive. Revue Approches du handball. 39. 132 Berthoud, A., Cauderay, M., Favre, M., Michaud, P-A., Naming, F. (1997). Condition physique et pratiques

sportives des jeunes dans le canton de Vaud. Institut Universitaire de médecine sociale et préventive. Lausanne

Mais pour Petrucci134, si 62% des jeunes des 15 à 24 ans ont pratiqué puis abandonné une activité dans le passé cela ne signifie pas que ces jeunes ont pour autant cessé toute activité sportive, bien au contraire. Le pourcentage d’abandon est plus important dans la population de sportifs actuels que de non pratiquants135. Il souligne les attitudes de zapping des adolescents et étudie les raisons d’abandon. Les motifs invoqués autrefois, essentiellement extra sportifs : contraintes scolaires, professionnelles prépondérantes tendent à régresser dans les populations jeunes. Les adolescents et jeunes adultes évoquent en priorité le fonctionnement insatisfaisant de la structure, les exigences de l’entraîneur ou de l’entraînement, le sentiment de saturation, la chute de motivation ou encore des problèmes de blessure, de régression du niveau, de départ des amis… Les motifs directement liés à l’activité sportive prennent ainsi le pas dans les jeunes générations sur des raisons extra sportives. Enfin, il faut noter que les filles abandonnent massivement la danse, la gymnastique136 et attestent d’une persévérance et d’une durée de pratique très faible dans ces activités.

Ces conclusions doivent alerter les enseignants d’EPS. Les filles, pour justifier leur abandon des pratiques sportives, énoncent des problèmes de santé, une stagnation de leurs performances plus que des questions de temps, d’argent. Elles décrivent aussi des conflits, des tensions avec les entraîneurs, les pairs, elles rejettent la compétition qui pointe leurs difficultés et les opposent… Incontestablement derrière ces arguments, se cachent les enjeux lourds du rapport au corps, au sport, au groupe chez les adolescentes que les enseignants devront affronter pour les conduire vers de meilleures résultats en EPS.

3.3. Conclusions

134 Petrucci, F. (2002) Les sports pratiqués puis abandonnés. Enquête MS/ INSEP 2002. Les pratiques sportives en

France : résultats de l’enquête menée en 2000 par le Ministère des Sports & l’Institut National du Sport et de l’Education Physique.

135 Plus d’une personne sur deux a expérimenté autrefois une ou plusieurs disciplines sportives qu’elle a

ultérieurement abandonnées sans que cet abandon ne remette en cause son intérêt pour les pratiques physiques et sportives. Pour lui, « il faut voir dans l’existence de sports pratiqués quoique abandonnés, d’abord un témoignage de la richesse socioculturelle des personnes concernées ».

136 Gymnastique et danse sont les 2 activités les plus abandonnées par les filles et les femmes à tous les âges de la

vie. Enquête MS/ INSEP 2002. Les pratiques sportives en France : résultats de l’enquête menée en 2000 par le Ministère des Sports & l’Institut National du Sport et de l’Education Physique.

Finalement, si les pratiques sportives sont nettement différenciées selon le genre, les jeunes valorisent les activités qu’ils estiment, ou qu’on leur intime, comme conformes à leur sexe ; ils les considèrent alors plus faciles et y projettent aisément leur réussite. Les garçons, plus que les filles s’attachent à des modèles de genre qui leur servent souvent de filtre sélectif pour s’adonner à certaines activités plutôt qu’à d’autres. Au lycée, alors que filles et garçons semblaient jusque là partager une passion commune pour les activités sportives, les choses semblent basculer brutalement : arrêt des pratiques, résignation, désillusions semblent concerner exclusivement et spécifiquement les filles et aller de pair avec une stagnation voire même une régression de leurs performances et résultats.

Les activités physiques et sportives sont étiquetées pour indiquer si elles sont appropriées ou non pour un sexe ou l’autre. Les enfants commencent à utiliser ces étiquettes sexistes très tôt, ils intègrent alors les catégories sexuelles qui leurs sont attribuées, s’exercent à adopter les comportements appropriés et à inhiber ceux qui sont considérés ne convenir qu’au sexe opposé. Les garçons réussissent mieux que les filles en EPS au baccalauréat. Ils bénéficient d’une pratique physique et sportive plus variée et intensive et d’apprentissages plus précoces et plus longs à l’extérieur de l’école.

II. DES EXPERIENCES CORPORELLES ET MOTRICES