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4.3 Paramétrisation et optimisation de la méthode de Forçage Dynamique

5.1.2 Première modification du comportement de la ZDES à haut Reynolds

Une étude rapide des résultats sur la configuration C3-R2, avec dwprescribed = 100+, basée principalement sur le coefficient de frottement (voir figure 5.2), conduit immédiatement à la remise en cause de la paramétrisation de la ZDES mode III à haut nombre de Reynolds par simple application des ligne directrices déterminées à nombre de Reynolds modéré. En effet, bien qu’une distance de transition suffisamment courte permette l’accès souhaitée du point de mesure de DeGraaff et Eaton situé à Reθ = 5 200, l’erreur sur le coefficient de frottement, Err=13% pour Reθ =10 000, est bien supérieure au 5−7% usuellement obtenus à nombre de Reynolds modéré. De plus, la large plage de nombre de Reynolds couverte par C3-R2 permet de visualiser une augmentation de cette erreur à mesure du développement de la couche limite. Les études menées à nombre de Reynolds modérés ont permis l’identification de différents paramètres de la simulation qui influent sur l’erreur relative du frottement par rapport à une référence RANS-SA. Parmi eux, la résolution du maillage, la hauteur de transition fixée (dwprescribed) et le schéma numérique sont principalement concernés. Dans le cas présent, un raf-finement de maillage n’est pas souhaitable puisque la résolution actuelle représente déjà une contrainte importante dans un cadre industriel. De plus l’expérience montre que le schéma Senseur utilisé tend à minimiser cette erreur comparé à un AUSM+P classique (voir figure 4.10). Une modification de la hauteur de transition dans la direction normale à la paroi, contrô-lée par le paramètre dprescribedw , est donc retenue comme première tentative d’amélioration des prévisions de la ZDES à haut nombre de Reynolds.

La référence [34] montre qu’une augmentation de la hauteur de transition s’accompagne d’une diminution de l’erreur sur le frottement. Ces auteurs expliquent ce comportement par l’augmentation de la part RANS dans la résolution de la couche limite turbulente. Il suggèrent donc que le modèle de turbulence prend petit à petit le pas sur la LES jusqu’à ce que la dis-tribution de coefficient de frottement retrouve son amplitude RANS. Bien que l’objectif soit ici une diminution de l’erreur sur le coefficient de frottement, il est cependant intéressant de pouvoir confirmer la tendance mise en évidence à nombre de Reynolds modéré sur le cas présent haut Reynolds. La réalisation de deux nouvelles simulations est donc entreprise pour lesquelles une hauteur de transition respectivement multipliée et divisée par deux par rapport au calcul initial est appliquée.

L’effet de la hauteur de transition RANS/LES dans la direction normale à la paroi est tout d’abord illustré par les grandeurs intégrales de la figure 5.2 où les trois configurations

dprescribedw = {50+; 100+; 200+}sont représentées. Les distributions de coefficient de frottement confirment premièrement l’étroite relation entre hauteur de transition RANS/LES et erreur sur le frottement. De plus les conclusions de la référence [34] s’étendent au cas haut Reynolds puisque l’augmentation de la part RANS s’accompagne d’une diminution de l’erreur sur le frottement. Cette dernière affiche 5, 2% à Reθ = 10 000 pour dwprescribed = 200+, valeur tradi-tionnellement observée sur les cas bas Reynolds vus dans les chapitres précédents, pour des conditions numériques identiques mais une hauteur de transition RANS/LES fixée deux fois plus proche de la paroi (dwprescribed =100+).

FIGURE5.2 – Coefficient de frottement (gauche) et épaisseur de quantité de mouvement (droite)

pour différentes hauteurs de transition RANS/LES dans la direction normale à la paroi – • Expérience de DeGraaff et Eaton, — RANS-SA, ··N·· ZDES (dwprescribed = 50+), ··H·· ZDES (dwprescribed =100+),··I··ZDES (dwprescribed =200+)

Une zone RANS de très proche paroi rehaussée est de plus bénéfique à l’évolution de l’épaisseur de quantité de mouvement (θ), témoin du décalage de l’origine virtuelle de la couche limite. Le lecteur est invité à noter que malgré une épaisseur de départ commune aux trois calculs ZDES, car fixée par la condition SEM, une augmentation progressive du retard au développement de la couche limite prend place au cours de son évolution longitudinale jusqu’à devenir prohibitive pour dwprescribed = 50+. Un tel comportement de la ZDES sur ce dernier cas vient largement compromettre son caractère prédictif. L’absolue nécessité de lignes directrices générales pour la mise en œuvre du mode III en est d’autant plus renforcée.

L’identité FIK, proposée par Fukagata et al. [46] en 2002, décompose le coefficient de frottement et permet d’isoler les contributions turbulentes de celles laminaires ou liées à l’in-homogénéité de l’écoulement. L’objectif de ces auteurs est de permettre un lien direct entre le frottement pariétal et les tensions de Reynolds afin d’étudier et de caractériser des stratégies de contrôle du frottement. Les différentes formulations proposées, sous des hypothèses propres aux écoulements de canaux, de conduites cylindriques ou de couches limites de plaques planes sans gradient de pression, résultent d’une intégration directe de l’équation de la quantité de mouvement dans la direction de l’écoulement. Une expression exacte est donc obtenue. La contribution turbulente ainsi définie à partir de la composante de cisaillement du tenseur

5.1. PREMIÈRE APPROCHE 157 de Reynolds u0v0 peut à son tour être subdivisée en partie résolue issue de la LES et partie modélisée liée au modèle de turbulence RANS. L’expression 5.1 est finalement obtenue.

C f = 41− δ1 δ  Reδ (a) + 2 Z 1 0 2  1−y δ  −u0v0 U2 ! d y δ  | {z } contribution LES (b) + 2 Z 1 0 21−y δ    νt  ∂u ∂y +∂v ∂x  U2   dy δ  | {z } contribution RANS (c) − 2R1 0 1− y δ 2    u2 U2  xδ +  uv U2  yδ1 Reδ 2  u U  yδ2   (d) (5.1)

L’application de cette méthode aux trois simulations ZDES mode III où dwprescribed = {50+; 100+; 200+} conduit aux distributions de la figure 5.3. Par souci de clarté, seuls le coefficient de frottement total et ses composantes turbulentes résolues (b) et modélisées (c) sont tracées en fonction de Reθ. La première observation faite est la prédominance de la contribution résolue (LES) par rapport à celle modélisée (RANS). Cela s’explique natu-rellement par la faible proportion de la part RANS dans la résolution ZDES de la couche limite. En effet, dans la zone utile on relève par exemple une hauteur de transition de 11, 4%(Reθ=5 200) ≥ dwprescribed ≥ 4, 5%(Reθ=13 000) pour dwprescribed = 200+. La décroissance de cette proportion (voir figure 5.11) explique de plus la diminution observée de la part modélisée du coefficient de frottement à mesure du développement de la couche limite. Les distributions de composantes résolues du coefficient de frottement sont elles plus sujettes à discussion. En effet, il peut tout d’abord être noté que les niveaux de frottement pariétal résolu augmentent respectivement avec l’augmentation de la hauteur de transition dwprescribed, bien que la part de résolution LES de la couche limite diminue. L’hypothèse formulée par Deck et al. [34] selon laquelle la diminution de l’erreur sur le coefficient de frottement avec le rehausse-ment de la hauteur de transition RANS/LES s’explique uniquerehausse-ment par une convergence vers un comportement RANS est donc remise en question. Le mécanisme observé ici implique la combinaison entre l’augmentation de la part RANS, mais aussi l’augmentation de la capacité de résolution ZDES de la tension de cisaillement qu’il en résulte. Le second effet est d’ailleurs largement prédominant au passage de dwprescribed = 50+ à dwprescribed = 100+. Il semble donc qu’à mesure d’une diminution de la part LES de la résolution ZDES de la couche limite, la composante résolue du terme turbulent de l’identité de FIK augmente et converge vers un maximum avant de redescendre naturellement vers zéro pour une résolution purement RANS.

FIGURE5.3 – Décomposition du coefficient de frottement (symboles pleins/noirs) en compo-sante résolue (symboles pleins/colorés) et modélisée (symboles vides/colorés) d’après Fuka-gata et al. [46] –•Expérience de DeGraaff et Eaton, — RANS-SA,··N··ZDES (dwprescribed =50+),

··H··ZDES (dwprescribed =100+),··I··ZDES (dwprescribed =200+)

La décomposition de Fukagata et al. [46] illustre ainsi la notion de position optimale de la hauteur de transition RANS/LES dans la direction normale à la paroi.

L’effet de la hauteur de transition sur la résolution ZDES mode III peut de plus être caracté-risée grâce aux statistiques du premier et second ordre présentées sur la figure 5.4. Les données expérimentales de DeGraaff et Eaton [37] ainsi qu’une simulation RANS-SA sont prises comme références pour deux stations : Reθ = 5 200 et Reθ = 13 000. La tendance globale observée sur le coefficient de frottement est conservée puisque l’augmentation de dprescribedw à 200 unités de paroi conduit en grande majorité à une amélioration de la prévision des grandeurs statistiques. L’effet de « Log Layer Mismatch »(LLM) est tout d’abord réduit et ce, aux deux Reynolds consi-dérés. Il peut cependant être noté que l’amélioration obtenue pour dprescribedw = 200+tend à se réduire à mesure du développement de la couche limite. Au regard des tensions de Reynolds, l’influence du paramètre dwprescribed n’est notable que sur urms et u0v0. La composante normale du tenseur de Reynolds dans la direction normale à la paroi ne montre qu’une altération légère lors du rehaussement de dwprescribed, principalement localisée au niveau de la transition. Les distributions de tensions de cisaillement sont cohérentes aux observations faites à partir du coefficient de frottement. Ainsi une augmentation de cette grandeur peut être notée au passage de dprescribedw = 100+ à dprescribedw = 200+, à la fois dans la zone RANS et LES, conduisant à une amélioration de cette grandeur pour Reθ =13 000. Une surévaluation de la partie résolue

5.1. PREMIÈRE APPROCHE 159

FIGURE 5.4 – Grandeurs statistiques du premier et second ordre prises pour Reθ = 5 200

(gauche) et Reθ = 13 000 (droite). La vitesse moyenne dans la direction de l’écoulement ainsi que les tensions de Reynolds dans la direction de l’écoulement, dans la direction normale à la paroi et de cisaillement sont respectivement présentées du haut vers le bas –•Expérience de DeGraaff et Eaton, — RANS-SA,··H··ZDES (dprescribedw =100+),··I··ZDES (dprescribedw =200+)

de u0v0 est cependant à déplorer à nombre de Reynolds modéré (Reθ = 5 200). Finalement la sensibilité de urmsà dprescribedw apparaît non négligeable. Les quatre courbes présentent un pic au niveau de la transition RANS/LES dans la direction normale à la paroi. Pour les deux positions considérées, ce pic est d’autant plus haut que la transition est proche de la paroi. Cependant des résultats proches sont observés au dessus de y = 200+, bien qu’une légère augmentation de cette composante du tenseur de Reynolds soit visible dans le cas dprescribedw = 200+. Ainsi le lecteur est invité à noter qu’une excellente description de la région externe de la couche limite est obtenue à Reθ =5 200.

Les différentes grandeurs aérodynamiques considérées ci-dessus démontrent le besoin d’une augmentation de la hauteur de transition RANS/LES dans la direction de la paroi lorsque le nombre de Reynolds, basé sur l’épaisseur de quantité de mouvement, augmente. Cette dernière se voit ainsi doublée afin d’obtenir une erreur sur le frottement pariétal accep-table par rapport à l’expérience acquise à nombre de Reynolds modéré. Cependant cette simple modification ne semble pas suffisante pour permettre à la ZDES d’appréhender les modifica-tions physiques de la couche limite à haut nombre de Reynolds. Les pentes des coefficients de frottement issus des différents calculs ZDES sont différentes de la référence RANS sur la figure 5.2. Cette dérive est de plus insensible au paramètre dwprescribed. De plus, lorsque la transition RANS/LES est fixée à 200 unités de paroi, une excellente description de la tension urmsest obte-nue dans la région LES en dessous de la limite haut Reynolds (Reθ =5 200), alors qu’une large sous-évaluation de celle-ci est observée pour Reθ =13 000. Les différentes mesures faites à bas et haut Reynolds orientent l’explication des écarts aux données de références par l’absence de VLSM au sein de l’écoulement ZDES à haut nombre de Reynolds. La figure 1.16, présentée lors de l’étude bibliographique, montre par exemple que l’augmentation du niveau de urms, dans la zone externe de la couche limite, observée à mesure du développement de celle-ci, est liée aux grandes échelles alors que la part des plus petites reste constante. Enfin, une baisse des niveaux de tension de cisaillement est constatée dans la zone externe de la couche limite entre Reθ =5 200 et Reθ =13 000 alors que des études attestent d’une augmentation de la production d’énergie cinétique turbulente en fonction de Reθ, dont u0v0contribue majoritairement sous les hypothèses de couche limite.

Face à l’absence de marque des super structures, sur les différentes grandeurs statistiques de l’écoulement, l’action entreprise consiste à les injecter explicitement en spécifiant leur temps et longueurs caractéristiques dans la condition d’entrée SEM. Malgré l’hypothétique incapacité de la ZDES de générer ces structures cohérentes haut Reynolds, l’évaluation de son aptitude à les transporter pour converger vers une dynamique de couche limite Reθ =O(104)est visée.