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3.2 Développement d’une méthode de forçage dynamique (The dynamic forcing

3.2.1 Formulation et justifications de la méthode

La quasi totalité des méthodes d’injection de turbulence limitent leur action au plan d’en-trée du domaine de calcul considéré. Cette stratégie est la plus naturelle. En effet, l’incapacité

de reconstruire un champ turbulent pleinement physique, due à une connaissance limitée des différents mécanismes qui régissent l’organisation structurelle et énergétique d’une couche limite turbulente, incite à réduire au maximum toutes actions extérieures. L’étude bibliogra-phique, présentée dans la partie 2.2.1, montre que plusieurs évolutions clefs, des approches dont l’action est focalisée sur le plan interface, ont permis de réduire drastiquement la distance de transition. Cependant, un apogée semble être atteint et les améliorations les plus récentes re-quièrent des formulations lourdes, complexes et coûteuses, pour un gain de plus en plus faible. Il a donc été décidé de ne plus limiter l’action de la méthode de génération synthétique de turbulence à une simple action en entrée du domaine, mais de venir agir directement au sein de celui-ci. Une action précise, ciblée et qui contraint le moins possible l’écoulement est souhai-tée. L’introduction d’une force de rappel, sous forme de termes sources dans les équations de quantité de mouvement, est l’approche retenue. Ce forçage dynamique et auto adaptatif a pour rôle de stimuler les différents événements turbulents issus de la SEM. En effet, alors que la SEM tend à introduire des tourbillons en bon accord avec la physique, différents phénomènes de dissipation, physique et numérique, ralentissent leur développement.

∂ui ∂t + ∂ujui ∂xj = 1 Re 2ui ∂xj∂xj1 ρ ∂P ∂xi∂τij ∂xj +δi2f (3.9)

La méthode de stimulation turbulente proposée repose sur les travaux de Spille-Kohoff et Kaltenbach, présentés dans la partie 2.2.1. L’approche défendue par ces auteurs est dédiée à la stimulation de l’énergie cinétique turbulente. Il est rappelé que lors d’une transition RANS/WMLES dans la direction de l’écoulement, une décroissance de l’énergie cinétique turbulente prend place, pouvant conduire à une relaminarisation de la couche limite turbu-lente. Un accès direct à cette quantité au travers des équations de Navier Stokes est impossible. Spille-Kohoff et Kaltenbach optent alors pour un contrôle de celle-ci au travers de son terme de production. Sous les hypothèses de couche limite, l’équation de transport de l’énergie cinétique turbulente 1.36 montre que la production de cette quantité est définie comme :

Pk = −u0v0∂u

∂y (3.10)

Cela implique qu’une augmentation de la tension de Reynolds de cisaillement conduit directement à une augmentation de k. Suivant le même raisonnement, et après étude de l’équa-tion de transport de−u0v0 (eq. 1.37), il apparaît qu’une stimulation de la tension de Reynolds normale à la paroi est le point d’entrée pour une action sur l’énergie cinétique turbulente (voir eq. 3.11). Ainsi, il est conjecturé que la stimulation de v0v0 peut être effectuée par ajout d’une force de volume dans l’équation de quantité de mouvement dans la direction normale à la paroi (voir equation 3.9).

3.2. DÉVELOPPEMENT D’UNE MÉTHODE DE FORÇAGE DYNAMIQUE 113

Pu0v0 = −v0v0∂u

∂y (3.11)

Cependant, le simple ajout d’un terme de forçage arbitraire ne suffit pas. Un contrôle en boucle fermée est effectué afin de rendre l’approche flexible et auto adaptative par rapport à l’état instantané de l’écoulement. Le terme de forçage f(x0, y, z, t)est donc défini proportionnel à la fluctuation de vitesse instantanée dans la direction normale à la paroi et est contrôlé par la fonction r(x0, y, t), faisant état de l’écoulement.

f(x0, y, z, t) =r(x0, y, t)[v(x0, y, z, t) −vz,t(x0, y, t)] (3.12)

Cette théorie, défendue par Spille-Kohoff et Kaltenbach [152], est conservée dans son inté-gralité. Cependant, plusieurs modifications sur sa mise en œuvre sont effectuées de manière à améliorer les capacités de stimulation du système. Il est rappelé que l’étude de Keating et Piomelli [67], présentée dans la partie 2.2.2, met en avant la présence d’un retard entre l’action du terme de forçage et les événements turbulents instantanés présents dans l’écoulement. Une analyse de la formulation originale permet d’en identifier plusieurs sources.

Tout d’abord, la plus sévère est probablement due à l’utilisation de grandeurs statistiques, les tensions de Reynolds, pour définir l’amplitude instantanée du forçage à introduire. Ce problème est commun à toutes les méthodes synthétiques de turbulence car la quantification d’un bon état de turbulence pariétale n’est à ce jour possible qu’au travers de grandeurs statis-tiques. Toute qualification instantanée de l’écoulement de proche paroi est impossible, faute de maîtrise instationnaire de la physique de la couche limite. Cependant, les conditions d’appli-cation du terme de forçage, présentées par la suite, définies à partir du champ instantané sont employées entre autres pour limiter la contrainte imposée à l’écoulement.

e(x0, y, t) = (ρv02z,tRANS(x0, y, t)) − (ρv02z,tZDES(x0, y, t)) (3.13)

La définition du terme d’erreur est de plus à mettre en cause. Il est en effet rappelé que la formulation originale de Spille-Kohoff et Kaltenbach se base sur l’erreur de−u0v0 entre la simulation et une valeur objectif. Ce choix est motivé par le fait qu’un simple calcul RANS à une ou deux équations de transport peut fournir le −u0v0 objectif. De ce fait, la stimulation de v02 est régie par l’évolution de u0v0, la première grandeur étant la principale source de production de la deuxième. Néanmoins, la communication entre ces deux variables, au travers d’une équation de transport, induit inévitablement un retard qui tend à réduire sensiblement la réactivité du système.

La proposition faite est de redéfinir le terme d’erreur (voir équation 3.13). Ainsi le taux d’injection de fluctuations dans la direction normale à la paroi est régi par l’erreur sur sa propre tension de Reynolds. Toute latence additionnelle est donc supprimée. Cependant, cette action n’est pas sans conséquence puisqu’un accès direct à la tension de Reynolds normale v02 n’est pas possible à partir d’une modélisation RANS à une ou deux équations de transport. Celle-ci doit être modélisée. La formulation basée sur l’approximation de Wilcox, vue dans la partie précédente (eq. 3.4), est retenue.

FIGURE 3.4 – Modélisation de la tension de Reynolds dans la direction normale à la paroi à

partir d’un champ RANS-SA. Expériences de Degraaff et Eaton [37] (symboles) versus approxi-mation de Wilcox [166] (lignes) pour une large plage de Reynolds.

La figure 3.4 rappelle la pertinence de cette modélisation de v02 pour une couche limite en évolution spatiale sans gradient de pression et ce, surtout dans un contexte WMLES. Un très bon accord avec l’expérience est obtenu sur une large plage de nombre de Reynolds (Reθ = [1 430 ; 31 000]) pour une altitude supérieure à 100+.

Finalement, le recours à un processus de contrôle de type Proportionnel/Intégral ou « PI »ajoute un effet de retard supplémentaire. Les deux composantes, proportionnelle et in-tégrale, permettent un contrôle en tenant compte respectivement des événements présents et passés. La contribution de la partie intégrale du contrôleur, tel que Spille-Kohoff et Kaltenbach le suggèrent, est un acteur supplémentaire du déphasage observé entre le forçage et l’écoule-ment.

Il est rappelé que le but de la partie intégrale est de donner de l’inertie au système de contrôle. En effet, en électronique par exemple, la simple utilisation du terme P ne permet pas d’atteindre l’objectif fixé. Idéalement, plus celui-ci se rapproche, plus l’erreur diminue et la composante proportionnelle tend vers zéro quand la fonction tend vers l’objectif. Dans

3.2. DÉVELOPPEMENT D’UNE MÉTHODE DE FORÇAGE DYNAMIQUE 115 la pratique, l’intensité électrique, devenue trop faible, provoque une coupure du système de commande avant que l’objectif ne soit atteint. Dans ce cas, la contribution intégrale prend le relais. De ce fait, une oscillation autour de la valeur souhaitée prend place et tend à se stabiliser. Deux arguments militent pour la suppression de la composante intégrale. Le premier est que tout phénomène d’inertie est antagoniste à la recherche de réactivité maximale du sys-tème. Le second est qu’une stratégie de contrôle PI est destinée, comme son nom l’indique, au contrôle. Dans le cas présent, toute tentative de « contrôle »à proprement parler des phéno-mènes de turbulence pariétale, et ce, à partir de données statistiques, serait tout à fait irréaliste. L’action entreprise ici est simplement d’orienter le développement de la turbulence en minimi-sant l’intervention extérieure. La méthode de forçage contrôlé de Spille-Kohoff et Kaltenbach [152] est donc réduite à un simple forçage dynamique dont le « contrôleur »prend la forme suivante :

r(x0, y, t) =α e(x0, y, t) (3.14)

où α est un paramètre à déterminer qui pilote l’intensité du forçage à appliquer. Ce paramètre est homogène à α≡ [m s kg1]et peut être adimensionné par 1/(ρ Uδ0).

L’emploi d’une approche de calcul des statistiques, au travers d’une fenêtre exponentielle glissante, est de plus retenu. Cette méthode, déjà utilisée par Keating et son équipe [66, 68, 69] assure une plus grande sensibilité des statistiques à un événement présent que ne le permet un calcul linéaire traditionnel. Le calcul de la tension de Reynolds résolue dans la direction normale à la paroi s’écrit :

v02z,t(t+∆t) = ∆t Tavgv 02z(t+∆t) +  1− ∆t Tavg  v02z,t(t) (3.15)

avec Tavg =2 δ/U, la taille de la fenêtre considérée, proposée par cette même équipe.

Finalement, les conditions d’application du terme de forçage, énoncées par Spille-Kohoff et Kaltenbach, son conservées. Elles jouent deux rôles distincts. Tout d’abord, le forçage dyna-mique sera appliqué si et seulement si u0v0 <0 et|u0v0| >0, 0015 U2

. Cette condition permet de focaliser l’action du forçage sur les événements turbulents les plus importants. Cela permet de plus une relaxation du champ au travers des équations de Navier Stokes. Un forçage continu rapprocherait la méthode du coté du contrôle et serait à l’encontre des objectifs fixés. De plus, deux critères, définis à partir d’un écoulement de canal, permettent de prévenir toute surpro-duction de tension de cisaillement. Le forçage n’est effectif que si|u0| <0, 6 Uet|v0| <0, 4 U.