• Aucun résultat trouvé

Une première catégorisation des énoncés du professeur .1 Les énoncés en lien avec la gestion du groupe (faire la classe).1 Les énoncés en lien avec la gestion du groupe (faire la classe)

CHAPITRE 3 : LE JOURNAL DU NOMBRE, UNE ÉTUDE EMPIRIQUE

6. LES ANALYSES

6.6 Une première catégorisation des énoncés du professeur .1 Les énoncés en lien avec la gestion du groupe (faire la classe).1 Les énoncés en lien avec la gestion du groupe (faire la classe)

Ces énoncés ne concernent pas directement le savoir à construire. Ils sont des moyens de gérer le groupe. Ils sont constitués de rappels tels que les encouragements ou les mises en garde. Ils visent à garder la cohésion du groupe-classe. Ils peuvent également permettre un partage équitable de la parole et de l'écoute. Ils peuvent être en relation avec l'utilisation de matériel nécessaire au déroulement de la leçon. Nous montrons, à l'aide des tours de parole, les différents types d'énoncés évoqués. Nous commençons par les énoncés en relation avec les attitudes.

Tdp 11, P : bravo/allez/super/alors …

Tdp 19, P : non/Christophe/non/on va travailler/et j'veux pas que tu écrives sur la table …

Par ces énoncés, le professeur peut modérer le groupe par une distribution et/ou une organisation de la parole (la circulation et/ou une prise de la parole). De même, il peut gérer l'espace, c'est-à-dire l'occupation de la zone proche du tableau, visible de tous. Cette zone correspond à un « espace géographique de monstration » important dans la classe pour l'enseignement/apprentissage.

Tdp 206, P : mais laissez-le/laissez-lui le temps de corriger/et puis quand on a le nez sur le tableau des fois/alors... Tdp 224, P : attends/je te donne la parole Christophe/ Christophe lève le doigt / à vos places/ il y a cinq élèves devant

le tableau...

Tdp 227, P : alors/qu'est-ce que/de ta place qu'est-ce que tu ne prends pas/ de ta place parce que les copains ne voient pas ...

D'autres énoncés, par contre, sont davantage en rapport avec le matériel. Ils ne font pas partie spécifiquement de la situation. Ils appartiennent plutôt au cadre, c'est-à-dire à l'Institution École. Il s'agit du matériel « traditionnel » de l'élève : la trousse, l'ardoise … Ils sont le « quotidien » de l'élève dans la classe. Ils pourraient être regroupés sous le terme : formulation de consignes autour du matériel. En voici quelques exemples :

Tdp 3, P : bon/allez/levez l'ardoise SVP....

Tdp 15, P : vous allez la ranger/et vous allez mettre sur la table un crayon gris/un crayon gris...

Ces énoncés « génériques » appartiennent à la séance. Nous pourrions même dire qu'ils appartiennent à l'histoire de toutes les classes. Ils sont à distinguer des énoncés strictement liés au savoir, formulés par le professeur. Quant à ces derniers, ils déterminent plus particulièrement « l'enquête » du contrat/milieu. Généralement, ce sont des énoncés à forte charge épistémique. Ces énoncés épistémiquement denses sont un sens. Celui-ci est en lien avec l'étude du savoir visé. C'est à partir du sens des énoncés épistémiquement denses que l'élève recherche les indices dans le comportement du professeur et de la situation. Ceux-ci (les indices) sont des pourvoyeurs de « signes ». Ils sont utilisés par l'élève afin de s'orienter dans le paysage didactique (l'arrière-plan spécifique). Les énoncés professoraux orientent alors la sélection des indices pertinents à prélever par l'élève pour une « lecture » adéquate (conforme) de la situation.

6.6.2 Les énoncés en lien avec l'étude/enquête du contrat/milieu

Le professeur cherche à faire faire à l'élève des énoncés pourvoyeurs de sens et à élaborer « des stratégies gagnantes ». Pour cela, il doit aider l'élève à « décoder » les signes du milieu, à prendre des repères parmi les objets sémiotiques :

Tdp 28, P : en trois termes/tu as raison/Isabelle

Tdp 34, P : deux dés/donc le lancer/le lancer/il est avec deux dés/donc vous avez raison/il y a deux termes/alors cette fois-ci …

Pour le professeur, il s'agit d'aider l'élève à intégrer les contraintes du contrat. Cela est essentiel afin de pouvoir produire des écritures mathématiques « conformes ». Par écriture mathématique conforme, nous entendons que celle-ci (l'écriture) comporte et respecte les contraintes du contrat/milieu : l'annonce est en trois termes et un lancer en deux termes. Ainsi, l'élève sera en capacité de jouer au jeu demandé. Il n'est peut-être pas certain de gagner mais il est assuré de jouer le « bon jeu ».

D'autres énoncés peuvent évoquer un outil au sens d'outil/rapport à un objet mathématique. L'outil appartient strictement au savoir. Il « vit » et évolue avec la situation didactique. Bien entendu, l'outil n'est pas de même nature que celui évoqué précédemment. Ce n'est pas un outil/instrument de la trousse de l'élève comme le stylo ou la règle. L'outil/ « objet » constitue la référence pour l'élève et le professeur. Dans la progression ACE, par exemple, il peut s'agir de la ligne graduée. Celle-ci est un outil pour penser les mathématiques puisqu'elle peut servir à établir la preuve et/ou à réfléchir à la structure du problème. Elle est, à la fois, une aide pour parler/dire/écrire le nombre et argumenter. Le tour de parole 181 montre la « convocation » de la référence par le professeur :

Tdp 181, P : bon alors/tiens/on va se servir/chut/a/ttends/ttends/ttends/ttends/la ligne graduée/attends/fais nous un bond de quatre STP

En effet, le professeur constate et assiste à un désaccord sur la somme de l'annonce. Il souhaite obtenir rapidement le règlement de la question du nombre désigné par l'annonce « 4 + 4 + 4 ». C'est pourquoi il propose un outil sémiotique connu de l'élève : l'apport de la ligne graduée en usage dans la classe depuis le début de l'année scolaire. Il pense que la représentation de l'annonce en trois termes par le traçage de trois bonds de quatre sur la ligne graduée pourrait garantir la validation du nombre désigné et constituer ainsi la preuve.

Nous constatons dans la catégorie « étude/enquête du contrat/milieu », l'existence de deux autres sous-catégories d'énoncés. Elles nous semblent intimement liées. L'une des deux catégories est en relation avec le ralentissement ou l'accélération du temps didactique. L'autre catégorie concerne la construction de la certitude. Pour ralentir le temps didactique, le professeur peut faire usage de son corps : par la voix ou le frapper de mains. Il use des expressions comme « pourquoi », « alors » « attends »... Parfois, le professeur réclame des précisons. Il rejette des propositions si besoin ou au contraire, il valide des hypothèses :

Tdp 83, P : le professeur frappe dans les mains /alors attendez …

Ici, nous constatons que le professeur souhaite vivement marquer un arrêt. Pour cela, il use de tous les moyens. Il commence par marquer la rupture dans le temps des savoirs par un frapper de mains. Lorsque celle-ci se produit, le professeur impose à l'élève un rythme « ralenti » et il retient son l'attention avec ces quelques mots « alors attendez... ». Le professeur est, ici, le chronomètre dans cette phase d'enseignement/apprentissage. Maintenant, nous présentons quelques tours de parole qui montrent l'interrogation tenace du professeur :

Tdp 131, P : pourquoi/Isabelle lève la main Tdp 139, P : pourquoi Isabelle

Tdp 153, P : mais/là Tdp 155, P : là/c'est pas/alors

Ces quelques énoncés montrent un professeur en quête d'information avec des tours de parole dont le mot introducteur est « pourquoi ». Ils semble indiquer un « déséquilibre » (Tdp 153, mais/là). Le tour de parole 177 montre une demande de précision encore plus explicite de la part du professeur. Celui-ci ne s'engage pas. Il ne précise pas s'il est d'accord ou non. Il y a un problème constitué par un déséquilibre, alors le travail du professeur peut consister à mettre en évidence le déséquilibre ou un élément du déséquilibre. Il demande simplement à comprendre ce qui est en train de se dire/faire/parler/s'écrire :

Tdp 177, P : ha/qu'est-ce que ça veut dire ça

Il existe des positions topogénétiques professorales différentes dans la séance. La position topogénétique occupée précédemment par le professeur change. Elle était plutôt basse puisque le professeur était en retrait avec des énoncés peu denses. Elle devient une position « haute ». Ainsi, dans le Tdp suivant, le professeur choisit d'accélérer le temps didactique. Pour cela, il occupe le devant de la scène didactique. Il affirme qu'il ne « prend pas » cette proposition. Cela signifie qu'il considère la proposition comme une proposition non-valide, répétons-le non-valide dans cette situation. Les deux entités, le professeur et l'élève, occupent alors deux espaces distincts dans le même lieu (la classe). Elles sont symbolisées par deux positions différentes qui représentent deux rapports au savoir, l'un sait et l'autre pas :

Tdp 147, P :alors/je mets 14 + 0/bon/j'dis toujours que je prends pas

Le professeur accepte la responsabilité de celui qui sait. Il affirme qu'il ne « prend » toujours pas cette écriture même avec l'ajout du zéro. Il rejette les propositions de l'élève pour l'amener vers l'élaboration de la certitude raisonnée. Le fait « de ne pas prendre » constitue en même temps une stratégie de réticence et d'expression. De réticence, puisque le professeur ne dit pas les raisons de son refus. D'expression, puisque le professeur parle pour dire son refus. La force perlocutoire de l'énoncé, là, est qu'elle incite l'élève à chercher un nombre que le professeur pourrait prendre. Passons maintenant aux énoncés/usages de la référence :

Tdp 201, P : non, non, non/on a pris la ligne gra/est-ce qu'on a besoin de nos doigts/est-ce qu'on a besoin de nos doigts puisqu'on a la ligne graduée

Tdp 281, P : exactement/alors moi/j'dis ça c'est plus un bond de dix

Puis, il est temps pour le professeur de quitter le devant de la scène. Le professeur n'affirme plus qu'il est le seul à savoir. Maintenant, il occupe une position « basse », il est prêt à « écouter » et à partager. L'élève pense qu'il peut et doit « convaincre » le professeur. L'élève devient un professeur qui apprend et s'apprend à lui-même :

Tdp 250, P : et pourquoi je te croirais

Tdp 252, P : viens nous montrer parce que/moi/je veux bien te croire mais il faut que tu nous prouves

Le professeur redevient un parmi d'autres. Pour cela, il utilise le « on ». Le professeur n'est plus « contre » mais « avec » l'élève. La position topogénétique a de nouveau changé. Les deux espaces se refondent. La classe semble devenir un lieu « unique », occupé par des êtres « tous identiques », cela reste pourtant illusoire.

Tdp 190, P : ha j'ai eu peur/j'ai cru que l'on faisait un bond de cinq/hein

questionne la classe sur l'élaboration du savoir en cours. L'apprentissage/enseignement est nourri des nombreux échanges.

Tdp 258, P : est-ce que vous êtes d'accord que ce tiret c'est pour dix Tdp 260, P : est-ce que vous êtes d'accord que Christophe

La classe, par l'unité reformée, se rappelle les faits passés et vécus ensemble lors des anciens contrats. Le professeur favorise la mise en mémoire grâce au rappel.

Tdp 287, P : on avait dit qu'on faisait

De nouveau, nous constatons une accélération du temps didactique mais pour avancer conjointement, le professeur assure l'entente commune. Elle est nécessaire. Il aide à la synthèse

Tdp 315, P : donc là/est-ce que je peux mettre un signe là/est-ce que 13/je prends

Le professeur « parle » mais il se « tait » aussi. La séance est une alternance de réticence et d'expression destinée à « conduire » l'élève sur les chemins du savoir. Les énoncés du professeur « se croisent » et « se tissent » (se mêlent) avec les énoncés de l'élève, ce que nous étudions maintenant.