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L'organisation générale de cette partie se compose de quatre chapitres explorant les fondements théoriques et les différentes mises en œuvre du Journal du Nombre. Dans le chapitre 1 se trouve explicitée l'origine du Journal du Nombre et la mise en œuvre dans une classe de CM1/CM2 du dispositif qui l'a inspiré, le Journal des Fractions (Sensevy, 1996, 1998). Le chapitre 2 développe plus particulièrement la place du Journal du Nombre dans la recherche ACE. Le chapitre 3 retrace une analyse empirique du Journal du Nombre dans une classe de cours préparatoire. Quant au dernier chapitre (4), il concerne le travail sur les énoncés de problèmes.

1.1 Le Journal du Nombre, origine et fondements

Dans cette partie de la thèse, nous répondons aux questions suivantes : les fondements du Journal du Nombre, le « pourquoi du Journal du nombre dans la recherche ACE ? ». Avant de proposer quelques éléments de réponses, nous nous intéressons aux productions d'élèves dans le Journal du Nombre et aux mises en œuvre dont l'enjeu est la construction d'un arrière-plan sur l'objet « Journal du Nombre ». Celles-ci se différencient, nous semble-t-il, lors des années 1 et 2. Nous rappelons que l'année 0 fut une année-test pour les différentes situations et modules.

1.1.1 L'origine du Journal du Nombre

Nous citons deux historiettes (Sensevy, 1998), comme point d'ancrage à l'étude de la construction de l'autonomie et de la mémoire didactique pour représenter l'origine du Journal du Nombre. Il s'agit de questionner la position de l'élève et l'avancée du temps didactique. En effet, ces deux histoires courtes montrent pour l'une, un élève en position d'attente. L'élève est hors de sa classe d'origine puisque le maître est malade. L'élève s'ennuie. L'élève se trouve « étranger » dans la classe d’accueil. L'histoire transcrit une dépendance au maître. La seconde histoire concerne un élève

avancé. Celui-ci explique au professeur qu'il pratique « l'oubli volontaire ». Une fois l'interrogation

réalisée sur la leçon apprise, il s'empresse d'oublier ladite leçon pour faire de la place (dans sa tête) à la leçon suivante.

1.1.2 L'idée théorique

L'enjeu majeur est donc la construction de l'autonomie de l'élève abordée à partir du modèle tryptique de « l'autorisation » agent-acteur-dévolution. Sensevy présente ainsi ce modèle :

« Devenir son propre co-auteur, c'est certes limiter la portée des déterminismes, ce qui n'empêchera pas l'individu d'être simultanément, toujours, agent et acteur ...En particulier, il (ce modèle) incite à poser la question suivante : qu'est-ce que l'autorisation, pour l'élève de l'école élémentaire ? Comment celui-ci peut-il devenir son propre co-auteur, dans le lieu où il est enseigné et où il doit apprendre ? » Sensevy, 1998, p. 5.

Ce modèle est alors conceptualisé sous divers aspects. Dans ce qui suit, nous allons considérer successivement l'institution-classe, la classe comme champ et le contrat didactique.

1.2 Le champ de l'institution, l'institution-classe

La classe est considérée comme une institution constituée d'une pluralité de systèmes symboliques qui peuvent être à leur tour considérés comme des institutions. La classe est donc un lieu d'institution et le travail d'institution assure l'apprentissage.

« ...le travail d'institution est l'apprentissage. A travers la personne du maître, le travail d'institution désigne, dessine, à la fois l'ensemble des objets qui doivent vivre dans la classe et l'ensemble des rapports que les élèves doivent former à ces objets». Sensevy, 1998, p.13.

Ainsi, jour après jour, les élève et le professeur participent à l'institution. Tout se passe, pour le professeur et pour les élèves, comme s'il n'y avait pas d'autres façons d'enseigner et d'apprendre. Nous dirions que les activités prennent sens, à travers l'institution, par l'énergie investie par la classe.

« La notion d'institution est ainsi ce qui naît dans le jour après jour expérientiel, et qu'on s'incorpore. Cette manière « expérientelle » de la penser montre le lien fondamental qu'elle entretient à l'historicité. Historicité de la praxis humain, au sens de Marx, qui rend la contingence productrice de sens ». Sensevy, 1998, p.11.

L'institution peut donc être définie comme un système de structures que le sujet s’incorpore. Le rapport à l'institution peut être celui de l'agent qui participe à la communauté. Il s'agit de l'institution « vue de l'intérieur ». Le rapport à l'institution « vue de l'extérieur » est la définition de quelques-unes des propriétés qui peuvent définir l'institution.

Cette définition de l'institution à l'aide du modèle tryptique a des conséquences, par exemple, la nécessité d'étudier le comportement des élèves dans telle institution ou tel ensemble d'institution. Ensuite, il s'agit de questionner comment telle institution produit, à travers l'expérience vécue par les élèves, des comportements et des pensées. Puisque l'institution est instituante, l'institution-classe peut-elle être changée tout en sachant qu'elle doit continuer à jouer un rôle de formation et de mise en cohésion ? D'où la nécessité de s'intéresser également à la manière dont l'institution-classe construit ses sujets et à comprendre comment s'exerce le travail d'institution.

1.2.1 Dans la classe, champ et contrat didactique

La classe comme un champ

recherchent des profits symboliques. Le « voir de l'intérieur » détermine ce qui sous-tend les intentions de l'élève et l'intérêt d'obtenir un profit symbolique, appelé aussi « capital d'adéquation » (Sensevy, 1997) que l'on peut mettre en correspondance avec l'expression « faire ce qu'il faut comme il faut ». Le « voir de l'extérieur » consiste, quant à lui, à mettre la classe en relation avec les champs dans lesquels celle-ci est enrobée.

« Ainsi la pratique, prise dans l'institution fonctionnant comme un champ, cristallisée sur des objets de savoir, produit ses normes au moyen du travail d'institution, celui en particulier qui consiste en fait à inciter les membres à faire des choses d'une certaine manière et à porter un verdict sur leurs actions ». Sensevy, 1998, p. 23.

Le contrat didactique

La notion de contrat didactique, dans une perspective en filiation avec les conceptions de Brousseau (1998) et Chevallard (1991), affirme l'attention portée aux savoirs considérés comme objets transactionnels de la relation professeur-élève. Le contrat didactique fait saisir que l'élève apprend

dans mais aussi par le contrat. Il doit permettre de comprendre l'inculcation des habitus scolaires et

les modifications possibles de ces habitus dans un travail d'institution déterminé avec la redéfinition possible du contrat-didactique classique. Le contrat didactique peut être alors considéré comme un couplage champs/corps ↔ habitus, spécifique aux institutions didactiques.

« C'est l'institution qui, en agissant comme une théorie, fonde les identités, les classifications, les catégorisations sur lesquelles reposent les pensées. Les bases de la cognition sont donc fondamentalement sociales ». Sensevy, 1998, p. 17. La notion de contrat permet ainsi d'envisager de changer les pratiques de classe. Pour cela, il est nécessaire de redéfinir le contrat didactique afin d'organiser différemment le travail d'institution au sein de la classe. Cela implique aussi d'autres formes de partage des lieux (modification topogénétique), et de penser d'autres catégories de l'action du professeur et de l'élève.

1.3 Le savoir

La question de la mémoire est fondamentale et il semble important de penser le temps didactique et le rapport au savoir reposant sur une antériorité. Celle-ci (l'antériorité) dépasse la seule antériorité séquentielle. C'est pourquoi, selon Sensevy, il est nécessaire de développer d'autres gestes et techniques, ceux de l'élève et ceux du professeur, pour relier les productions de l'élève au temps didactique pour éviter la mémoire de la succession qui n'est pas une mémoire de l'apprentissage. Dans le contrat didactique classique, le professeur semble pouvoir fonctionner sans mémoire didactique pourtant les travaux de Centeno (1995) évoque l'historicisation du processus d'enseignement. Il est en effet essentiel que :

« ...les savoirs puissent devenir l'histoire et la pensée de quelqu'un ». (Centeno, 1995, p.196)

« Le savoir de l'école est un savoir-temps : les objets de savoir ne vivent pas longtemps dans la classe, et la pression du temps didactique interdit à l'élève de se constituer une expertise ». Sensevy, 1994, p. 54.

« C'est en particulier parce que la réification du temps didactique dénie le travail de l'élève dans sa durée propre. Celui-ci doit la retrouver, d'une manière invisible à l'institution, s'il veut réussir. La mémoire de l'élève qui apprend n'est pas une mémoire de la succession, mais de la coexistence ». Sensevy, 1998, p. 54 .

1.3.1 Le savoir, les fractions

Une place importante est accordée à l'étude des fractions au Cours Moyen. C'est le lieu où l'élève rencontre pour la première fois cet objet. La notion de fraction se trouve dans l'enseignement français sous des aspects différents, difficiles à relier. Traditionnellement, la fraction-partage existait dans toutes les classes de Cours Moyen puis un autre rapport à l'objet fraction s'est développé qui consiste notamment à demander à l'élève de produire le décimal représenté par la fraction. Cet objet, par sa complexité, pouvait être choisi et agir comme un révélateur des modifications topogénétiques et temporelles assurées par deux dispositifs que sont le Journal des fractions et la Fabrique des énoncés de problèmes.

1.3.2 La fabrique des problèmes

La démarche didactique consistait à demander aux élèves de fabriquer des énoncés de problèmes. Il s'agissait ainsi de redéfinir le contrat didactique classique.

« Cette redéfinition devait prendre pour base l'interrelation fondamentale, entre les normes sociales et le sens mathématique, dialectiquement reliés dans une activité mathématique conçue inséparablement comme cognitive et sociale, comme pratique ». Sensevy, 1994, p.140.

Dans la classe-recherche de Sensevy, la fabrication de problèmes a pu se concevoir comme un processus d'autorégulation. Les élèves devaient fabriquer des problèmes et s'assurer de la conformité de leur travail avec une fiche de critères qui orientait l'activité. Les productions soumises lors du débat organisé permettaient la rédaction de critères. La fiche recensait/cristallisait donc les représentations partagées par la classe. Elle était une sorte d'emblème. Les significations partagées pouvaient aussi amener à la construction d'autres relations ou à l'utilisation d'autres objets sémiotiques.

1.3.3 Le Journal des fractions

Les élèves étaient placés dans une situation qui leur permettait d'écrire des mathématiques, c'est-à-dire des énoncés de problèmes. L'activité déployée dans le Journal des fractions pouvait constituer une activité de validation. Nous donnons une rapide description de l'institution-instrument nommé « Le Journal des Fractions ». Après un premier enseignement, les élèves ont reçu un Journal des Fractions. Ce Journal ne fera l'objet d'aucun contrôle, ni bilan. Il est destiné à écrire les « expériences » concernant le domaine des fractions.

Le fonctionnement général du Journal des fractions comprend quatre phases :

-phase 1 : les élèves explicitent les rapports qu'ils ont à certains objets d'enseignement en répondant à certaines questions du professeur. Ce sont des productions de première génération.

-phase 2 : certaines productions qui contiennent une question sont choisies par le professeur pour qu'elles soient ensuite proposées à la classe entière. Chaque élève travaille alors dans le Journal des Fractions sur certaines productions des pairs. L'élève fabrique des productions de seconde génération.

-phase 3 : parmi certains productions de deuxième génération, le professeur en choisit quelques-unes qui semblent pouvoir faire avancer le temps didactique.

résumées pour appartenir à la Théorie des Fractions présente dans la classe.