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2. LES PRODUCTIONS DES ÉLÈVES

2.3 Le milieu se modifie et les représentations évoluent

Dans la phase 2, la situation devient résistante par l'introduction d'une contrainte particulière qui consiste à ne plus accepter les dessins. L'élève est donc dans l'obligation de trouver un moyen de contourner cet obstacle. Maintenant, il faut écrire un message sans dessiner le train. Nous montrons une production dans laquelle le nombre-tout apparaît lorsque l'élève est privé de la possibilité de dessiner. Les premiers travaux présentés n'ont pas été directement produits dans le Journal du Nombre (le début du module 0). Les premiers messages dans la situation des trains étaient rédigés sur une simple feuille. Ils étaient considérés comme des essais. Ils devaient aussi pouvoir être

transmis/communiqués à l'élève-récepteur (c'est le pourquoi du choix du professeur : un moyen de communication simple et transportable). Plus tard, le professeur a réalisé une sélection des travaux à coller dans le Journal du Nombre. Pour l'émetteur, il devient urgent de fournir des indices qui rendent l'élève-récepteur capable de construire un train identique au modèle puisque ce dernier n'est pas visible. Lors de cette phase, nous allons observer une évolution dans les messages. Celle-ci sera progressive. Le message contiendra le nombre-tout (le total du nombre de cubes), après quelques expérimentations (les essais). Le nombre-tout semble se construire sous une nécessité forte (la réussite de la construction du train par un message sans couleurs). Le nombre devient un indice pertinent.

Le nombre fait son apparition dans les huit photographies suivantes. Elles explicitent la place et le rôle du nombre dans l'élaboration de plus en plus structurée des messages. Nous tentons ainsi de montrer l'évolution du nombre en parallèle avec l'élaboration les productions des élèves.

La photographie n° 3 montre le nombre-tout comme un indice essentiel dans l'élaboration d'un message décodable pour la construction d'un train par un élève-émetteur.

2.3.1 La somme des cubes représente le nombre Essai 1

Photographie n°4 : l'importance du nombre-tout, écrit très grand dans le message

Date, septembre 2012 (première semaine de classe)

Ci-dessus, les nombres sont maintenant présents sur le message. Le nombre entouré, le plus grand, indique le nombre-tout (12), c'est-à-dire la totalité de cubes nécessaires à la réalisation de la construction du train. Les nombres 1 et 2 codent une quantité définie par la couleur du cube. Nous remarquons une tentative de codage pour indiquer la couleur des cubes avec des formes (carrés,

triangles, cercles et cases entièrement noircies). Il n'y a pas de légende associée à ce codage, ce qui rend le message difficilement déchiffrage par l'élève-récepteur, malgré la présence de nombres. Le train construit par l'élève-récepteur ne sera pas conforme à la réalisation d'origine avec ce message. Nous présentons une seconde photographie qui semble montrer, elle aussi, la nécessité du nombre-tout. L'élève a bien écrit 12 pour signifier 12 cubes. L'élève semble être confronté à un obstacle. Il a précisé le nombre-tout mais il cherche à dire aussi que tous les cubes ne sont pas de la même couleur. Comment rendre « lisible » pour l'élève-récepteur que tous les cubes n'ont pas la même couleur ? L'élève, sans la couleur, écrit des symboles (des lettres) dans une tentative de différenciation des couleurs de cubes utilisées pour la construction future du train.

Les productions suivantes vont référer à différents statuts du nombre. Nous présentons plusieurs trois photographies, trois tentatives (essais) de codage sans couleurs par des procédés différents.

2.3.2 La somme des cubes, connaissance importante mais non suffisante Essai 1

Photographie n°5 : Des signes arbitraires, les lettres

Date, septembre 2012 (deuxième semaine de classe)

Les lettres Y, S et A indiquent ci-dessus les couleurs différentes pour les cubes nécessaires à la construction du train. Pourtant l'élève-récepteur ne sait pas à quoi « raccrocher » les lettres. Il ne dispose pas de la référence qui permettrait de relier la lettre et la couleur précise du cube. Il ne possède pas le modèle de l'élève-récepteur. La train réalisé par l'élève-récepteur n'est pas conforme avec ce message.

Essai 2

Photographie n°6 : double tentative de codage

Date, septembre 2012 (deuxième semaine de classe)

Le travail montre un codage directement sur le dessin même du train. L'élève cherche à mettre de la couleur et colorie les cases en noir et de blanc, de quatre manières différentes puisque le train comporte quatre couleurs. De plus, l'élève cherche aussi à utiliser le nom des couleurs. Nous observons que le nom des quatre couleurs des cubes nécessaire à la construction du train est indiqué sur le message. L'initiale du nom de la couleur est entourée mais il n'y a pas de lien entre le codage en noir et blanc des cubes et la couleur choisie d'être indiquée par ce codage (vert, jaune, rouge et bleu).

Essai 3

La photographie 6, quant à elle, montre un codage réussi par la présence du nombre-tout qui indique la totalité de cubes. L'élève précise la couleur du cube par l'initiale. La quantité est « dite » par le nombre de lettres. Lorsque celle-ci est doublée, cela indique deux cubes. La représentation du message évolue, l'élève désigne les cubes par l'initiale de la couleur et ne dessine plus un rond ou un carré.

Photographie n° 7 : la quantité par le nombre de lettres écrite sur le message

Date, septembre 2012

Lors de la toute première mise en œuvre, lorsque l'élève est confronté à la situation d'écrire un message, il existe différents temps de réactions. Le temps 1 (l'élève-émetteur doit écrire un message pour l'élève-récepteur dont l'enjeu est la construction d'un train identique au modèle) correspond à un grand étonnement de toute la classe. Celle-ci doute. Les élèves se regardent et cherchent « à lire » sur les visages des camarades la même incertitude. En temps 2, certains élèves commencent à réagir et rappellent au professeur qu'ils ne savent pas encore écrire et lire mais ils se « lancent ». Ils ont les crayons de couleurs et écrivent des signes sur la feuille (un message). Les messages ne fonctionnent pas forcément. Le temps 3, quant à lui, marque le temps des premières tentatives davantage structurées. Certains élèves « dessinent » un message. C'est le temps du « dessin du train » (le dessin est schématisé par des traits, des ronds, ou des carrés) qui représente le nombre total de cubes et l'ordinalité qui compose le train. Il existe encore des élèves dans l'incapacité « d'écrire » un message pour l'élève-récepteur. Ce dernier ne pourra construire un train. Le rôle du professeur n'est pas de dire ou montrer comment rédiger un message avec les éléments essentiels qui garantiraient la construction du train. Il cherche plutôt, à partir des messages erronés, à permettre l'évolution des connaissances mathématiques sur le nombre, qui pourront/auront des incidences sur les messages. Ce travail se construit lentement autour des échanges sur le savoir entre l'élève, le professeur et le savoir. Ce sont les premières représentations erronées qui favorisent les échanges entres les élèves comme nous tentons de le montrer. Les élèves mènent plusieurs enquêtes : l'enquête mathématique mais également l'enquête sur la rédaction des messages afin de formuler et/ou d'argumenter sur les différents critères (Pourquoi tel message fonctionne ?)

9 cubes pour le train à construire

Code couleur R pour rouge, V pour vert, B pour bleu et J pour jaune

La quantité est indiquée par le nombre de lettres, par exemple RR = 2 cubes rouges.

Les représentations des trains des élèves dans les messages ne devaient pas être une reproduction de l'image d'un train imaginé avec une locomotive, une cheminée, des compartiments avec des fenêtres et des rails. Le professeur a pris conscience du « danger » lorsque des élèves commençaient à tracer les contours d'une locomotive avec une cheminée et de la fumée. Il a arrêté la classe pour préciser que le dessin du train n'était pas l'essentiel. Il a surenchéri sur le commentaire d'un élève qu'il disait qu'il ne savait ne pas savoir dessiner les trains parce que cela était trop dur. Et pour contraindre encore la réalisation de productions très schématisées, le professeur a prévenu que le temps pour le codage du message était limité.

2.3.3 Le statut du nombre-tout

La comparaison des trains, c'est-à-dire la comparaison entre le train-modèle et le train-construit permet la validation du message. Beaucoup de trains sont alors non conformes même avec l'information du nombre-tout. Les élèves s'interrogent. Les trains ont effectivement la même « taille », mais ils ne sont pas identiques. D'où pourrait venir le problème puisque l'information du nombre de cubes nécessaires à la construction du train est écrit sur le message ? Comment faire ? L'élève prend conscience que le nombre de cubes de chaque couleur est un indice important sans que le professeur ne communique l'information. Le nombre total ne représente pas toujours la même chose ? Rien n'est dit mais la nombre désigne parfois un ensemble et/ou une partie. L'élève perçoit que d'autres nombres sont nécessaires au codage/décodage d'un message conforme. Le nombre-partie permet, quant à lui, de représenter chaque quantité associée à une couleur. Une photographie montre un message avec des nombres-parties qui indiquent la quantité de cubes pour chaque couleur. Mais le nombre-tout est absent sur ce message. La compréhension du nombre se cherche et s'élabore mais chaque nouvelle connaissance se heurte et se construit avec la connaissance ancienne (précédente). Maintenant, l'élève va travailler directement dans le Journal du Nombre en se donnant des problèmes à lui-même. Il possède des connaissances sur les différents statuts du nombre. Il construit un train avec un nombre de cubes inférieur à dix qu'il dessine dans le journal du Nombre avec le message correspondant. L'élève se déplace pour prendre les cubes posés dans un endroit pour chacune des couleurs (par exemple, les cubes rouges sur le plateau rouge près du tableau). L'élève peut aussi écrire le message et dessiner ensuite le train correspondant puis fabriquer ce dernier (le train avec les cubes de quatre couleurs comme validation à partir du message).

Photographie 8 : le nombre-partie

Date, septembre 2012

2.3.4 Le nombre-partie

Essai 1

Le nombre est présent sur le message pour indiquer la quantité de cubes de chaque couleur. Le dessin montre quatre assemblages de cubes de quantité variable mais de la même couleur. La lisibilité du message est en jeu. Les cubes d'une même couleur forment une bande/un groupe/une partie. L'élève assure le déchiffrement par l'indication du nombre pour chacune des 4 couleurs avec un groupement qui varie. Le nombre-tout n'est pas écrit. Il semblerait qu'à côté de la perception du nombre comme une suite d'éléments des premières productions, se construisent d'autres représentations du nombre comme le nombre dans sa globalité mais aussi le nombre et les compléments. Nous pensons qu'à l'entrée du cours préparatoire, les élèves maîtrisent pour certains d'entre eux le « comment calculer » ou tout au moins le « comment numéroter ». Ils récitent la comptine numérique et ce comptage-numérotage peut aller assez loin. Avec les explorations menées dans les différents modules, les différentes représentations vont donc cohabiter et se compléter. Ainsi, lors de la mise en œuvre de la situation des trains c'est-à-dire lors le module 0, les élèves vont commencer à élaborer le « pourquoi calculer ». Ce questionnement ne se produira pas en phase 1. La rédaction de messages pour des élèves récepteurs-constructeurs comportera des nombres lorsque l'élève ne pourra plus dessiner. Cela provoquera chez les élèves une interrogation sur « le

Le nombre se construit comme la mémoire d'une quantité, la quantité pouvant représenter la totalité du nombre et/ou les nombres-parties. Par exemple, nous sélectionnons des messages avec plusieurs codages. Ceux-ci peuvent comprendre parfois une abondance de signes, comme la production du message avec le tracé du nombre en couleur et doublé par l'initiale de la couleur. L'élève s'essaie à l'écriture de messages sans le dessin.

Essai 2

La production suivante pourrait peut-être indiquer que l'élève commence à regrouper le nombre et la quantité qu'il représente. L'élève trace les nombres de la couleur du cube. Il dessine un petit point comme pour dire, « c'est 2 de quelque chose/de la couleur », en fait, c'est deux cubes rouges.

Photographie n°9 : les nombres en couleur

Date, septembre 2012

Le nombre de cubes pour la construction du train est souvent inférieur à dix cubes. Le nombre de chaque couleur de cube ne dépasse pas 3 cubes.

Il nous semble que ce sont la confrontation avec des constructions, en particullier les trains réalisés non conformes, qui amène à s'interroger puis étudier en profondeur la « nature » du message. L'élève se demande ce qui nuit à l'élaboration d'un train identique au modèle. Il constate que cela ne fonctionne pas. Il recherche et ajoute des nombres mais cela ne va toujours pas. L'enquête continue. Comme le nombre peut représenter à la fois le nombre de cubes nécessaire pour la construction totale mais aussi le nombre de cubes d'une même couleur, l'élève s'interroge sur ce que représente le nombre (les différents statuts du nombre).

Essai 3

Photographie n°10 : des nombres et des quantités

Date, le septembre 2012

Le message n'est toujours pas valable puisque l'élève, même en respectant, les couleurs et le nombre qui représentent la quantité de cubes de chaque couleur. Le message ne précise pas l'ordinalité. L'élève-récepteur comprend parfaitement que le train est constitué de huit cubes, même si la somme n'est pas inscrite (elle n'est pas indispensable). Le train se compose de deux cubes bleus, deux cubes rouges, deux cubes verts et deux cubes jaunes. Le problème est l'ordonnance des couleurs (et l'ordonnance de la suite des couleurs) avec la couleur de départ.