• Aucun résultat trouvé

D U PRELEVEMENT DES AUMONES LEGALES ( FI WILAYAT AL ADAQAT )

B. Cas de la conduite des opérations militaires contre les polythéistes

11. D U PRELEVEMENT DES AUMONES LEGALES ( FI WILAYAT AL ADAQAT )

Dansġl’hŪstoŪreġŪslamŪqueġlaġzakāt (aumône légale) fonctionna comme un hybride entre unġ rŪtuelġ relŪgŪeuxġ etġ uneġ levéeġ effectuéeġ surġ lesġ revenusĪġ chacunġ d’euxġ ayantġ étéĪġ dansġ

l’hŪstoŪreĪġenġcompétŪtŪonġpourġoccuperġlaġpremŪèreġplaceĪġcompétŪtŪonġtouūoursġactuelle637.

Aussi la littérature juridique présente-t-elle la zakāt àġlaġfoŪsġcommeġunġacteġd’adoratŪonġ

et de purification et la dîme (‘u r), telle une forme de prélèvement sur le revenu. Le juriste

chafiite al-Muzan (m. 264/878), dans son Muhtaṣar, en classant de nombreux textes légaux

place les règles élémentaires de la zakāt, dans la section du rituel (‘Ūbādāt) et les procédures

de partage (qasm)ĪġdansġunġautreġchapŪtreĪġceluŪġdesġrevenusġdeġl’État638.

Cependant, dans les deux Aḥkām, la zakāt appartient à une littérature juridique mettant

davantageġ l’accentġ surġ lesġ sourcesġ deġ revenuĪġ appartenantġ aŪnsŪġ àġ laġ sectŪonġ desġ fŪnancesġ publiques et à la gouvernance.

CetteġévolutŪonġs’explŪqueġparġlaġcrŪseġdeġl’autorŪtéġcalŪfaleġaccompagnéeġd’unġdésordre

social et économique, au Ve/XIe siècle à Bagdad. Ces troubles socio-politiques sont marqués

parġlesġŪncŪdentsġentreġsunnŪtesġetġchŪŪtesĪġl’agŪtatŪonġdesġ‘ayyār n (brigands), la propagande fatimide, les mouvements populaires religieux, les vols et les brigandages des tribus arabes etġ kurdesĪġ l’ŪndŪscŪplŪneġ desġ troupesġ turquesĪġ contreġ l’émŪrġ bouyŪdeĪġ quŪġ réclamaŪentġ leurġ solde, etc.639

C’estġ dansġ ceġ contexteġ queġ leġ cadi hanbalite et le juriste chafiite théorisaient cette section relative à la finance, la zakātĪġl’uneġdesġsourcesġfŪnancŪèresġdeġl’ÉtatġenġcrŪse.ġ

Pour aborder ce chapitre, comme dans les précédents, le cadi hanbalite suit le même ordre de question que le juriste chafiite. Cependant, il est intéressant de souligner que notre

637 Cf. S. Bashear, « On the origins and meaning of zakāt in early Islam », dans Arabica, XL/1 (1993), pp. 84-113. 638 Cf. A. Sysow, « Zakāt », in EI, Brill Online, Catalogue BULAC, 23 janvier 2015 ; A. K. S., Lambton, « The Merchant

in Medieval Islam », in AġLocust’sġLegĪġStudŪesġŪnġhonourġofġS.ġH.ġTaqŪzadeh, London, pp. 121-130 ; N. P. Aghnides,

Mohammeden Theories of finance, New York, 1916.

156

cadi hanbalite a déjà abordé ce thème dans son traité de fiqh, al-Masā’ŪḌġaḌ-fiqhiyya, dans une

section, intitulé KŪtābġaḌ-zakāt640.

Ab ġ Ya‘lāġ et al-Māwardī considèrent que « l’aumôneġ légaleġ estġ dueġ surġ lesġ bŪensġ susceptŪblesġdeġs’accroîtreġparġeux-mêmesġparġleġtravaŪlġqu’onġleurġconsacreĪġetġcelaġàġtŪtreġdeġ purŪfŪcatŪonġetġd’aŪdeġpourġceuxġquŪġlesġdétŪennentĪġ etġd’aide pour ceux à qui des parts y provenant sont réservées »641.

Les biens qui y sont soumis sont de deux types, visible (ẓāhir) et invisible (bāṭin) : les

premiers proviennent des produits de la terre (zar‘), des fruits (timār) et du bétail, les seconds comprennentġceġqu’ŪlġestġpossŪbleġdeġdŪssŪmulerĪġàġsavoŪrġl’orġ(dahab)Īġl’argentġ(fiḍḍa) et les objets de commerce (‘ur ḍ al-tijāra), selon les deux juristes642.

Dansġleġmêmeġordreġd’ŪdéeĪġlesġdeuxġthéologŪensġaffŪrmentġqueġleġpercepteur (wāḌ ġaḌ-

ṣadaqāt)ġestġchargéġunŪquementġdeġsurveŪllerġl’ŪmpôtġdṭġsurġlesġbŪensġvŪsŪblesĪġcarġceġsontġceuxġ quŪġlesġdétŪennentġquŪġsontġplusġqualŪfŪésġqueġluŪġpourġl’enġdŪstraŪre.ġDansġcetteġassertŪonĪġlesġ deux juristes tentent autant que faire se peutĪġ deġ lŪmŪterġ laġ lŪbertéġ d’actŪonġ donnéeġ auġ contrŪbuableĪġenġlaġmettantġenġrapportġavecġl’autorŪté643.

Le cadi hanbalite suggère que « le propriétaire de biens est enjoint de verser son dû au percepteur, si celui-ci le demande ». « Et si le calife exige du contribuable de verser le dû au percepteur et que celui-ci refuserait en préférant la verser par lui-même, il n y a pas lieu à les combattre ». Par ailleurs, « Ūlġ estġ questŪonġ deġ combatĪġ s’Ūlsġ refusaŪentġ deġ payerġ laġ zakāt »,

poursuit-il644.

PourġappuyerġsaġthèseġrelatŪveġauġcombatġcontreġceuxġquŪġneġs’acquŪttentġpasġdeġlaġzakāt, Ab Ya‘lā cite des traditionnistes hanbalites ; parmi ceux-ci, Ab Bakr al-Atram (m. 261/875)

et al-Marruwdġ(m.ġ257/888)ĪġtousġdeuxġdesġdŪscŪplesġd’IbnġHanbal645.

640 Cf.ġAb Ya‘lāĪġal-Masā’ŪḌġaḌ-fiqhiyya, vol. 1, pp. 221-248, op. cit. 641 Cf. Ab Ya‘lā, A kām, p. 99; cf. al-Māwardī, A kām, p. 145. 642 Ab Ya‘lā, ibid. al-Māwardī, ibid.

643 Ab Ya‘lā, ibid. al-Māwardī, ibid. 644 Ab Ya‘lā, ibid. p. 99.

645 Sur Ab Bakr A mad b. Mu ammad al-Atram, voir Dahabī, Siyar alām al-nubalā’ĪġBeyrouthĪġMu’assasatġal-

RŪsālaĪġ1406/1982ĪġVol.ġ12Īġp.ġ624ġ;ġAb Bakr al-Marwazī A mad b. Mu ammad b. al- ajjāūġb.ġ‘Abdġal-‘AzŪzġdŪscŪpleġ préféréġd’IbnġHanbal. LesġnotŪcesġbŪographŪquesġquŪġluŪġsontġconsacréesġfontġétatġduġrôleġūouéġparġAb ġBakr al- Marwazī dans la transmission des adit-s recueillis par Ibn HanbalĪġaŪnsŪġqueġdansġlaġformatŪonġd’assezġnombreuxġ hanbalites, parmi lesquels on cite en particulier, al-Barbahārī.ġPourġplusġdeġdétaŪlsġvoŪrĪġNābulsī, Ihti ār abaqātġ

157

Parġ aŪlleursĪġ leġ ūurŪsteġ chafŪŪteĪġ lorsqu’Ūlġ abordeġ laġ questŪonġ duġ rapportġ entreġ leġ percepteurġetġleġcontrŪbuableĪġévoqueġleġprŪncŪpeġdeġl’obéŪssanceġàġl’autorité. Tel son rival hanbalite, le recours à la force interviendrait en cas de refus de paiement par le contribuable.

AfŪnġ deġ ūustŪfŪerġ sesġ deuxġ thèsesĪġ àġ savoŪrĪġ l’utŪlŪsatŪonġ deġ laġ forceġ etġ l’obéŪssanceġ àġ l’autorŪtéĪġ leġ ūurŪsteġ chafŪŪteġ évoqueġ leġ fameuxġ épŪsodeġ hŪstorŪqueġ queġ l’hŪstorŪographŪeġ islamique sunnite appelle ḥur b al-ridda (lesġ guerresġ d’ « apostasies »)646. Ajouté à cette

référence historique, al-Māward cŪteġl’avŪsġd’Ab Ḥan fa647.

Au sujet des conditions requises de celui qui doit investir la fonction de percepteur, tant al-Māward que le cadi hanbalite exigent que ledit fonctionnaire, doit être musulman,

honorable (‘adḌ) et doit connaitre les règles de la zakātĪġs’ŪlġestġfonctŪonnaŪreġdeġdélégatŪonġ

(‘āmil al-tafw ḍ)648.

LaġdŪfférenceġentreġlesġdeuxġūurŪstesĪġc’estġqueġleġcadŪġhanbalŪte évoque le cas des juifs et des chrétiens qui sont exclus de cette fonction. Par ailleurs, Ab Ya‘lā ne mentionne pas la condition de liberté qui fait partie des conditions citées par al-Māward . Ladite condition est sans doute implicite chez le cadi hanbalite649.

Dans cette partie, on relève beaucoup plus de similitudes que de différences. Ce faisant, le hiatus entre les deux auteurs réside dans les référencesġcŪtéesġparġl’unġetġl’autreġcommeġonġ l’aġconstatéġdansġlesġchapŪtresġprécédents.ġLeġūurŪsteġchafŪŪteġcŪteġdesġréférencesġchafŪŪtes, hanafites et des références historiques ;ġalorsġqu’Ab Ya‘lā ne mentionne que des autorités hanbalites.

SurġlesġquestŪonsġrelevantġdesġbŪensġsoumŪsġàġl’aumôneġlégaleĪġnousġallonsġexamŪnerġunġ cas présentant une certaine divergence juridique entre les deux auteurs.

Dans le cas des ovins ( anaḍ), par exemple, pour les deux auteurs, quarante constituent

le minimum imposable. Selon al-Māward , Ūlġestġprélevéġsurġceġnombreġūusqu’àġcentġvŪngtĪġuneġ

brebis de six mois (ūeda‘a) ou une teniyya (bêteġd’unġan)ġdeġl’espèceġcaprŪneġ(ḍa‘Ūz). Ensuite le ūurŪsteġchafŪŪteġcŪteġl’avŪsġdeġṦāfŪ‘ ĪġselonġlequelĪġŪlġestġprélevéġuneġūeuneġbêteġquŪġn’aġnŪġsŪxġmoŪsġ

646 Sur l’apostasŪeġ(al-ridda), voir E. S. Shoufani, al-Riddah and the Muslim conquest of Arabia, Toronto et Beyrouth,

1972.

647 Cf. al-Māwardī, A kām, p. 145.

648 Cf. Ab ġYa‘lā, A kām, p. 99; al-Māwardī, ibid. 649 Ibid. ibid.

158

ni un an. Par ailleurs, al-Māward , pour mentionner les divergences des autres écoles, cite Mālik b. Anas, selon lequel il est prélevé ou une brebis ou une chèvre650.

Par ailleurs, le cadi hanbalite cite son avis qui est similaire à celui de ṦāfŪ‘ Īġd’aprèsġlequel ŪlġestġprélevéġuneġūeuneġbêteġquŪġn’aġnŪġsŪxġmoŪsġnŪġunġan.ġPourġcŪterġlesġautresġavŪsġūurŪdŪquesġ

ayant trait aux divergences juridiques (ihtilāf), le cadi hanbalite, comme dans les chapitres

précédents (voir supra), ne les désigne pas par leur nom. Il emploie simplement la forme passive « on a dit (q Ḍa) ».

Ab Ya‘lā pour souligner les divergences juridiques emploie une méthodologie

différente de celle de son rival chafiite, al-Māward .ġAŪnsŪĪġl’emploŪġparġleġcadŪġhanbalŪte de la forme passive du verbe « dire (qāla) », (q Ḍa, on a dit), est une manière pour celui-ci de prendre uneġdŪstanceġàġl’égardġdesġautresġécolesĪġetġenġpartŪculŪerġpourġseġdémarquerġduġtexteġd’al- Māward .

DansġceġchapŪtreĪġAb ġYa‘lāġdoŪtġàġal-Māwardī seulement la forme, le classement des questions mais pas le fond. Car le cadi hanbalite a déjà abordé ses questions, dans son ouvrage,

al-Masā’ŪḌġaḌ-fiqhiyya (voir supra) où le juriste hanbalite ne cite pas les opinions des autres

écoles juridiques. Il cite par ailleurs toutes les générations des autorités hanbalites, à savoir, Ibn Hanbal et son fils, ṢālŪḥĪġAb ġBakrġal-HallālĪġetc651.