• Aucun résultat trouvé

IlġestġvraŪġqu’enġŪslamĪġŪlġyġaġuneġdŪfférenceġentreġ‘ŪḌḍġaḌ-kalām (« science du kalām ») ou théologie musulmane et le droit (fiqh). Cependant, on peut relever un point commun entre les deux sciences.

La théologie traite des questions relatives au dogme (‘aqīda) en rapport avec le texte

coranŪqueĪġ parġ exempleġ lesġ questŪonsġ deġ l’exŪstenceġ etġ desġ attrŪbutsġ deġ DŪeuġ (wuj duh wa

156 Cf. D. Sourdel, « al-Kdir bi-llh », in EI², IV, pp. 394-395. 157 Ibid.

158 Cf. L. Henri, « Ibn al-Farr’ », in EI. Brill Online Reference. Catalogue BULAC, 02 mai 2013.

159 Cf. Mutamad, op. cit. pp. 256-257. Les ġurbiyya sont les tenants de la thèse selon laquelleġl’angeġGabrŪelġs’estġ

trompé en transmettant la révélation à Mu ammadĪġauġlŪeuġdeġ‘Alī. Sur cette secte, cf. « Ghurbiyya », in Brill online Reference Works, Catalogue BULAC. Sur les « Qaysaniyya », in EI. Brill Online Reference Works, Catalogue BULAC. 03 mars 2013.

160 Cf. Mutamad, op. cit. Intro. p. 23, n 1.

52

ṣifātuh) ; les actes du très haut (af‘āluhu ta‘ālā : jabr et qadr)ĪġleġparadŪsġetġl’enferĪġetc.ġCesġ « vérités à croire »ġayantġtraŪtġauxġartŪclesġdeġfoŪġsontġleġfruŪtġd’uneġconstructŪonġhumaŪneġàġ partir du texte coranique ou de la tradition. Il en est ainsi des statuts légaux (aḥkām al-

šar‘iyya), du droit musulman qui sont déduits, par des juristes, à partir des sources

scrŪpturaŪresĪġàġsavoŪrġleġCoranġet/ouġleġhadŪthġetġd’autresġsources162.

Cela dit, la différence est que la théologie relève des « vérités à croire » ayant trait à la métaphysique ; alors que les statuts légaux du droit interviennent anthropologiquement pourġlaġbonneġconduŪteġduġmusulmanġdansġlaġvŪeġd’ŪcŪ-bas.

a. Mu‘tazŪlŪtes

La lutteġentreġmu‘tazŪlŪtes et hanbalites dataŪtĪġcommeġnousġl’avonsġdéūàġmentŪonnéĪġdeġ l’époqueġdeġlaġmiḥna (inquisition), sous le calife al-Ma’m n (voir supra).

Par ailleurs, les différends qui opposaient hanbalites etġ mu‘tazŪlŪtes relevaient

notamment des questions relatives au dogme (‘aq da). La question fondamentale est celle de

la création et de la non-création du Coran163.

Même si les deux califes, al-Qādir et al-Qā’Ūm, condamnaŪentġlaġthèseġmu’tazŪlŪte ayant traŪtġàġlaġcréatŪonġduġCoranĪġŪlsġétaŪentġtolérantsġenversġlesġmu‘tazŪlŪtes du fait que certains de ces derniers défendirent, tant le califat queġleġsunnŪsme.ġC’estġaŪnsŪġqu’Ab Sa‘ dġal-Iṣṭahr (m.

404/1013) composa une réfutation des « bāṭiniyya » à la demande du calife al-Qādir qui le

récompensa en lui allouant une pension annuelle. Dans une certaine mesure, ce qui importait auxġcalŪfesġc’étaŪtġplutôtġlaġrestauratŪonġdeġleurġpouvoŪrġpolŪtŪque164.

LeġcadŪġ‘Abdġal-Jabbārġ(m.ġ415/1025)Īġàġl’époqueġd’Ab Ya‘lā, était la personnalité la plus enġvueġduġmu‘tazŪlŪsme.ġDansġlaġsectŪonġdeġsonġMu n consacrée au califat, il défendait, contre leġchŪŪsmeĪġlaġthéorŪeġdeġl’ihtiyārĪġdeġl’électŪonġdeġl’Ūmām, et admettait la légitimité des quatre premŪersġcalŪfesġdansġleurġordreġdeġsuccessŪonġchronologŪque.ġAb ġYa‘lāġadopteġégalementġlaġ théorŪeġdeġl’électŪonġcontraŪrementġàġIbnġHanbalĪġIbnġTaymŪyyaġetġlaġmaūorŪtéġdesġhanbalŪtesġ qui soutiennent la thèse du texte (naṣṣ)165.

162 Sur les sources du droit, voir B. W., Hallaq, The history of islamic legal theories : an ŪntroductŪonġtoġsunn ġu ḌġaḌ-

fiqh, Cambridge, Cambridge University Press, 1997.

163 Cf. J. V. Ess, UneġḌectureġàġreboursġdeġḌ’hŪstoŪreġduġḍutazilisme, Paris, Geuthner, 1979. 164 Cf. L. Henri, « Laġpenséeġetġl’actŪonġpolŪtŪquesġd’al-Mwardī », art. cit. p. 61-62. 165 VoŪrġŪcŪġlaġdeuxŪèmeġpartŪeĪġleġchap.ġconsacréġauxġœuvresġd’Ab ġYa‘lā.ġ

53

IlġconvŪentġdeġsoulŪgnerĪġparġaŪlleursĪġqueġl’enseŪgnementġduġmu‘tazŪlŪsmeġétaŪtġtoléréġ

quand il futġ prŪvéġ maŪsġ n’étaŪtġ ūamaŪsġ admŪsġ publiquement, notamment après les deux

violentes émeutes, en 456/1063 et en 460/1067, à Bagdad contre le célèbre disciple du cadi ‘Abdġal-Jabbār et Ibn al-Wal d (m. 478/1086) qui essayait de dispenser un enseignement public duġmu‘tazŪlisme166.

DepuŪsġl’émergenceġdesġBouyŪdes àġBagdadġenġ334/945Īġlesġmu‘tazŪlŪtes resurgirent, en ceġtournantġratŪonalŪsteġdeġl’hŪstoŪreġdeġlaġpenséeġŪslamŪque.ġCetteġrésurgenceġdesġmu‘tazŪlŪtes entraîna le réveil des hanbalites qui menèrent une lutte acharnée contre ce courant rationaliste.

Pourġréfuterġlesġmu‘tazŪlŪtes, notre cadi hanbalite rédigea la version complète de son

traité de théologie perdue, le Kitāb al-ḍu‘taḍadĪġavantġ428/1037Īġselonġl’édŪteurġdeġlaġversŪonġ

résumée du Mu‘taḍad167. Par ailleurs, nous sommes enclins à penser que celle-ci émergea,

aprèsġqu’Ab Ya‘lā aŪtġfaŪtġsonġentréeġdansġl’entourageġcalŪfalĪġenġ428/1037168.

C’estġdansġleġcadreġdeġl’actŪonġd’al-Qā’Ūm, de la restauration du sunnisme traditionaliste etġdeġl’ŪnstŪtutŪonġcalŪfaleĪġqu’Ab Ya‘lā composa le Mu‘taḍadĪġlaġversŪonġrésumée.ġPuŪsqu’onġ sait que le cadi hanbalite assista en 432/1040 à de nombreux auditoires, à la lecture solennelle de la risāla al-qādiriyya au palais califien169.

b. Acharites

Les hanbalites menèrentġ uneġ lutteġ aussŪġ bŪenġ contreġ lesġ mu‘tazŪlŪtes, comme nous

l’avonsġdéūàġsoulŪgnéĪġqueġcontreġlesġacharŪtes. Par ailleurs, les adversaires des hanbalites étaient les chafiites-acharites et non les chafiites tradŪtŪonalŪstesġquŪġneġs’opposaŪentġpasġàġlaġ profession de foi qādŪrŪteġ d’ŪnspŪratŪonġ hanbalŪte.ġ Rappelons que celle-ci condamna non

seulementġleġmu‘tazŪlŪsmeĪġleġchŪŪsmeġsousġtoutesġsesġformesĪġmaŪsġaussŪġl’acharŪsme170.

166 Cf. G. Maqdisi, Ibnġ‘Aqīl, op. cit. pp. 327-340.

167 Cf. Kitab al-mutamad fī u l al-dīn, op. cit. p. 13-14. Sur la méthode usitée du Mutamad, voir infra. Dans celui-ci

Ab ġYa‘lāġréfuteġplutôtġlesġmu‘tazŪlŪtesġdeġl’écoleġdeġBasra :ġAb ġ‘Alī –l-Jub’ī etġsonġfŪlsġAb ġHšim. Cf. D. Gimaret, « Compte rendu » art. cit. p. 186.

168 Cf. H. Laoust, « Ibn al-Farr’ », Brill Online Reference Works, Catalogue BULAC. Pour plus de détails, voir ici, la

deuxième partie de la thèse consacrée à la biographie du cadi hanbalite.

169 Ibid.

170 Sur les luttes théologiques les sources ne citent que les noms des hanbalites et des šafi‘ŪtesĪġmaŪsġŪlġs’agŪtġenġ

réalŪtéġd’uneġlutteġhanbalŪteġversusġaš‘arite. Cf. G. Maqdisi, Ibnġ‘Aqīl, op. cit. p. 342. Sur la doctrine acharite, voir, D. Gimaret, LaġdoctrŪneġd’aḌ-Ašarī, Paris, Cerf, 1990.

54

Dans ce contexte de querelles théologiques, en 429/1037, Ab Ya‘lā fut vivement pris à partie par un groupe de théologiens acharitesĪġl’accusantġd’avoŪrġsoutenuĪġdansġsonġKitāb al-

ṣifāt, une théodicée anthropomorphiste. A cette époque Ab Ya‘lā occupait la fonction de témoin légal171.

L’hŪstorŪenġchafiite-acharite, Ibn al-At r nous rapporte que même Ab Muḥammad al-

Tam m ġ (m.ġ 488/1095)172Īġunġ hanbalŪteġ contemporaŪnġ d’Ab Ya‘lā, avait vivement critiqué

celui-ci, pour avoir soutenu une thèse « anthropomorphiste »173.

Le cadi hanbalite rédigea ses deux ouvrages, et le Mu‘taḍad et les Aḥkām dans ce

contexte polémique entre les différentes écoles théologiques174.

En fonction du contexte et des circonstances, Ab Ya‘lā réfuteġ d’abordġ àġ traversġ leġ

Mu‘taḍad, entre autres lesġmu‘tazŪlŪtes et les chiites imāmites175, ensuite les chafiites à travers

les Aḥkām176. Il faut souligner, par ailleurs, que le cadi hanbalite réfute également les

acharites177 et les sālimiyya qui leur consacre probablement le plus long chapitre, dans le

Mu‘taḍad178.

171Cf. Ibn al-atīr, al-Kmil, VIII, 1ère Ed., p. 16. Rappelons qu’Ibnġal-atīr est un šafi‘ite-aš‘arite donc un adversaire

du cadi hanbalite. Cela dit, il faut prendre en considération son parti pris quant à ses récits historiographiques.

172 SurġAb ġMu ammad al-Tamīmī, voir G. Maqdisi, Ibnġ‘Aqīl, op. cit. pp. 269-274. Voir aussi, infra le troisième

chapŪtreġconsacréġàġl’évolutŪonġduġhanbalŪsme.

173 Cf. al-Kmil, op. cit. p. 104. Sur le détail de cette affaire, voir ici, la deuxième partie consacrée à la biographie

d’Ab ġYa‘lā.

174 Surġlaġdateġd’émergenceġduġMutamad et les A kāḍ, voir infra. 175 Cf. Mutamad, op. cit. pp. 222-255.

176 Pour plus de détails, voir infra.

177 Il convient de souligner que le cadi hanbalite rédigea un ouvrage intitulé la Réfutation des ašarites, mais qui

ne nous est pas parvenu. Cf. l’introduction en anglais de l’Editeur du Mutamd de Wadī Z. addd, op. cit. pp. 24-

25. Voir également, G. Maqdisi, Ibn ‘Aqīl, op. cit. p. 347. Pour plus de détails voir ici la biographie du cadi hanbalite.

55

CONCLUSION

La crise politique sous le califat d’al-Qā’Ūm entraîna des agitations socio-religieuses dans la cité bagdadienne.

Leġ sŪècleġ d’Ab Ya‘lā estġ marquéġ parġ l’évolutŪonġ d’unġ hanbalŪsmeġ actŪvŪsteġ etġ publŪcġ s’appuyantġsurġleġpeuple, versġunġhanbalŪsmeġpolŪtŪqueġetġoffŪcŪelĪġprocheġdeġl’appareŪlġdeġ l’état.ġ Ceġ changementġ deġ posŪtŪonġ desġ hanbalŪtes entraîna une rivalité, au niveau de l’entourageġ calŪfalĪġ entreġ hanbalŪtes et chafiites, qui se disputaient le mouvement de restauration du sunnisme et la défense du califat.

Le nouveau hanbalisme politique bagdadien, avec ses hauts fonctionnaires à savoir le vizir Ibn al-MuslŪmaĪġ lesġ mécènesĪġ lesġ dŪplomatesġ etġ lesġ cadŪsĪġ s’efforçaŪtġ deġ faŪreġ duġ

hanbalisme laġdoctrŪneġoffŪcŪelleġdeġl’Étatġà travers non seulement la lecture de la profession

de foi, la rŪsāḌaġaḌ-qādŪrŪyya mais aussi les Aḥkāḍ d’Ab ġYa‘lāġquŪġtousġdeuxġsoutŪennentġl’Ūslamġ sunnite traditionaliste et le califat.

LeġchafŪŪsmeĪġprocheġdeġl’entourageġcalŪfalĪġavantġmêmeġleġhanbalŪsmeĪġavaŪtġtrouvéġunġ ardentġdéfenseurĪġenġAb ġḤāmŪdġal-Isfarā’Ūn Īġmaîtreġd’al-Māwardī, quŪġs’efforçaŪtġdeġfaŪreġdu chafŪŪsmeġlaġdoctrŪneġoffŪcŪelleġdeġl’Etat.ġ

Les hanafites qui étaient très influents à Bagdad et qui fournissaient plusieurs hauts fonctŪonnaŪresġàġl’ÉtatĪġétaŪentġpartagésġentreġlaġfŪdélŪtéġauxġposŪtŪonsġtradŪtŪonalŪstesġdansġlesġ termes où la risāla al-qādiriyya l’avaŪtġdéfŪnŪġetġlesġséductŪonsġduġkalām ouġduġmu‘tazŪlŪsme.

Par ailleurs, la défense du sunnisme traditionaliste, à travers la lecture de la risāla al-

qādiriyyaĪġétaŪtġl’affaŪreġdesġtroŪsġécolesġsunnŪtes prochesġdeġl’entourageġcalŪfal, à savoir, les hanbalites, les chafiites et les hanafites. Cependant, certainsġthéologŪensġs’enġtenaŪentġàġla formulatŪonġduġcredoġd’ŪnspŪratŪonġtradŪtŪonalŪsteġsansġpourġautantġreūeterġlaġlégŪtŪmŪtéġduġ

kalām. Selon H. Laoust, « Ab ġ Ḥāmid al-Isfarā’Ūn ġ etġ al-Māward appartenaient à cette catégorŪeġdeġdocteursġdeġlaġLoŪġquŪġneġcondamnaŪentġpasġl’acharŪsmeĪġmaŪsġneġs’yġrallŪaŪentġ pas et gardaient leur liberté de jugement ».

ParġaŪlleursĪġsŪġonġsuŪtġl’évolutŪonġdeġlaġpenséeġduġcadŪġhanbalŪteĪġonġrelèveġqu’elleġestġ aussi partagée, comme pour certains hanafites et chafiites, entre le traditionalisme hanbalite et le rationalisme de ses adversaires.

56

LeġpassageġduġdŪscoursġd’Ab Ya‘lā d’uneġpenséeġempruntéeġauxġratŪonalŪstesġversġuneġ penséeġ tradŪtŪonalŪsteĪġ quŪġ s’estġ traduŪteġ dansġ sesġ AḥkāmĪġ s’explŪqueĪġ sansġ douteĪġ parġ l’évolutŪonġ duġ hanbalŪsmeġ quŪġ devŪentġ unġ mouvementġ polŪtŪqueġ etġ queġ leġ cadŪġ hanbalŪte s’ŪnscrŪtġdansġceġcourantġquŪġdéfendġleġprogrammeġpolŪtŪqueġduġcalŪfeĪġal-Qā’Ūm et celui du vizir hanbalite, Ibn al-Muslima.

Dans son traité de théologie, le Mu‘taḍad, Ab Ya‘lā pour défendre les positions traditionalistes hanbalites etġ réfuterġ lesġ thèsesġ mu‘tazŪlŪtes et/ou acharites relatives au

dogme (‘aq da), emprunta aux traités de kalām de ses adversaires leur vocabulaire, leur ton et

leur problématique.

Ab Ya‘lā procéda de la même manière dans ses Aḥkām. Il emprunta au traité de son rival chafiite, al-Māward , le modèle et certains de ses concepts, mais en lui donnant un aspect hanbalisant traditionaliste.

Aussi, le cadi hanbalite, pour défendre le hanbalisme, met-il à contribution les méthodesġ deġ sesġ adversaŪres.ġ C’estġ leġ hanbalŪsmeġ contextuelġ deġ notreġ cadŪġ quŪġ seġ trouveġ partagé entre le traditionalisme hanbalite et le rationalisme de ses adversaires.

Chemin faisant, celui-ci se distingue, dans une certaine mesure, des autres théologiens

hanbalites parġsaġproductŪonġdŪscursŪve.ġD’aŪlleursĪġAb Ya‘lā est le premier théologien, dans

l’hŪstoŪreġdeġlaġpenséeġhanbalŪteĪġàġavoŪrġrédŪgéġunġtraŪtéġdeġthéologŪeĪġàġl’ŪnstarġdesġtraŪtésġdeġ

57

DEUXIÈME PARTIE

:

COURBES DE VIE ET CARRIÈRE D

’A

BU

Y

A

LA