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LeġsŪècleġd’Ab ġYa‘lā futġl’époqueġduġchŪŪsmeġduodécŪmaŪnġàġBagdadĪġsoutenuġparġlesġ Bouyides depuis 334/945, et du chiisme ismaélien des Fatimides en Égypte, depuis 358/969.

Malgré les conflits politiques incessants qui marquèrent le IVe/Xe siècle, cette période

estġ celleġ deġ laġ renaŪssanceĪġ deġ l’HumanŪsmeġ ŪslamŪqueġ etġ l’âgeġ d’orġ deġ laġ cultureġ etġ deġ laġ civilisation islamique136.

a. Imāmisme

Il y avait à cette époque une forte représentation des chiites imāmites à Bagdad, dont le centre était le grand quartier du Karh.

DepuŪsġl’ « inquisition » (miḥna), sous al-Ma’m n qui soutenait la doctrine de la création duġCoranġetġlaġsupérŪorŪtéġdeġ‘Al ġsurġAb Bakr etġ‘UmarĪġlesġluttesġentreġhanbalŪtes et chiites

prŪrentġdeġl’ampleurġenġ334/945Īġàġl’arrŪvéeġdesġBouyŪdes à Bagdad137.

Pour contrebalancer les deux cérémonies commémoratives chiites, ‘Ā ra et ad rġHum,

les hanbalites inventèrent les deux fêtes célébrant, Ziyārat Muṣ‘ab et le ār138.

Pendant cette période, la littérature chiite connut un essor très important grâce à

l’écoleġratŪonalŪsteġdeġBagdadĪġavecġleġsoutŪenġdesġBouyŪdes139. Parmi les grands théoriciens

imāmites qui marquèrent le Ve/XIe siècle, après al-Kulayn (m. 329/940-941) et Ibn Bāb ye

(m. 381/991), on peut citer : le Cheikh al-Muf d (m. 413/1022), considéré comme le théologien par excellence du chiisme imāmite, fondateur de la tendance rationaliste. Il consacre un

commentaire critique à la profession de foi de son maître, Ibn Bāb ye140.

Dispensant son enseignement dans sa maison du quartier chiite, al-Karh, il y tenait aussi des séances de controverse auxquels assistaient des sunnites. Dans le contexte des affrontementsġentreġsunnŪtesġetġchŪŪtesĪġleġthéologŪenġchŪŪteġfutġcondamnéġàġl’exŪl.ġ

136 Cf. M. Arkoun, Humanisme et islam : combats et propositions, Paris, Vrin, 2005. 137 Sur la mi na, voir W. M. Patton, A med b. anbal and the mi na, Leyde, 1897.

138 Pour plus de détails, voir supra laġpartŪeġconsacréeġauxġécolesġūurŪdŪquesġsunnŪtesġetġenġpartŪculŪerĪġl’écoleġ

hanbalite.

139 Cf. Madelung, W., « Imma », in EI, Brill Online, 2015. Reference. BULAC (Bibliothèque Universitaire des

langues et civilizations). 24 mai 2015.

140 Cf. D. Sourdel, L’ŪḍḍŪsḍeġvuġparġḌeġCheŪkhġaḌ-Mufīd, Paris, Geuthner, 1974, tiré à part de, REI, XL/2 (1972), Hors-

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Dans son Kitāb al-Ūr ād, qui est une histoire apologétique des douze imāms, al-Muf d se

montre très hostile aux trois premiers califes141.

Lesġ deuxġ dŪscŪplesġ lesġ plusġ célèbresġ d’al-Muf d, les deux frères Chérif al-Raḍ (m.

406/1016) et Chérif al-Murtaḍā (m.ġ436/1044)Īġoccupèrentġl’unġaprèsġl’autreġetġàġlaġsuŪteġdeġ

leur père, des postes de hauts fonctionnaires de grande importance : fonction de syndic des ‘alides, direction des caravanes de pèlerins de la Mekke et représentation du calife dans

l’examenġdesġplaŪntesġcontreġlesġabusġdeġpouvoŪrġ(al-maẓālim)142.

L’Ūnfluenceġd’al-Raḍ dansġl’entourageġcalŪfalġfutġcombattueġparġlesġChérŪfsġsunnŪtesĪġ entreġautresĪġleġūurŪsteġhanbalŪteġetġfonctŪonnaŪreĪġleġcadŪġAb ġ‘Al ġal-Hā Ūm ġ(m.ġ428/1037)ġquŪĪġ

rappelons-le, est intervenu auprèsġd’Ab ġYa‘lā, en 421/1030 ou 422/1031, pour que celui-ci

accepte le poste de āhid (témoin légal)143.

Le Chérif al-Raḍ , dont la carrière officielle commença sous Bahā’ġ al-Dawla et qui contŪnuaġd’entretenŪrġavecġle Sulṭān al-Dawla (r. 403/1012-413/1022)ġd’excellentesġrelatŪonsĪġ estġconnuġcommeġl’unġdesġplusġgrandsġlŪttérateursġdeġsonġtemps.

Par ailleurs, son titre de gloire est la compilation de Nahj al-Balā a. Recueil de discours, deġdŪtsĪġdeġlettresġetġdeġsermonsġattrŪbuésġàġl’Ūmāmġ‘Al ĪġleġNahj allait contribuer au succès du chiisme en tant que système religieux et politique144.

Tels leurs adversaires sunnites, notamment les théologiens chafiites et hanbalites qui faisaient partŪeġdeġl’entourageġcalŪfalĪ les théologiens chiites, les plus en vue, étaient eux aussi

animés par la théorisation politique dans ce contexte de désordre145.

Ainsi, le porte-paroleġattŪtréġdeġlaġcommunautéġchŪŪteġetġcontemporaŪnġd’Ab Ya‘lā, le

Chérif al-MurtaḍāĪġétantġengagéġdansġlaġvŪeġpolŪtŪqueĪġrédŪgeaġunġtraŪtéġsurġl’Ūmāmat, le Kitāb

al- āf , dans lequel il réfutait la doctrŪneġpolŪtŪqueġduġmu‘tazŪlŪteġle cadŪġ‘Abdġal-Jabbār (m.

415/1024)146.

141 Cf. H. Laoust, ḌesġschŪsḍesġdansġḌ’ŪsḌaḍ, op. cit., p. 182. Sqq.

142 Cf. M. A., Amir Moezzi, le Guide divin dans le shī’ŪsḍeġorŪgŪneḌ :ġauxġsourcesġdeġḌ’ésotérŪsḍeġenġIsḌaḍ, Paris-Lagrasse,

1992 (trad. anglaise par D. Straight, The Divine Guide in Early Shī’Ūsḍe. The Sources of Esotericism in Islam, New York, 1994) ; M.-A., Amir-Moezzi et Ch. Jambet, Qu’est-ce que le Shī’Ūsḍe ?, op. cit. p. 193.

143 Cf. H. Laoust, « Ibn al-Farr’ », dans EI², Brill Online Reference, 2013. BULAC. 12 avril 2013. 144 Cf. H. Laoust, SchŪsḍesġdansġḌ’ŪsḌaḍ, op. cit. p. 182-183.

145 Cf. M.-A., Amir-Moezzi et Ch. Jambet, Qu’est-ce que le Shī’Ūsḍe ?, Troisième partie (Évolution historique du

shī’Ūsme)Īġop. cit.

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Par ailleurs, le souci des théologiens chiites est non seulement de réfuter la doctrine politique sunnite mais aussi de collaborer avec le pouvoir pour rétablir la justice qui leur permet de retrouver leurs droits bafoués147.

AutreġfŪgureġdeġl’écoleġratŪonalŪsteġdeġBagdadĪġcontemporaŪneġd’Ab Ya‘lā, le Cheikh al- Ṭ s ġ(m.ġ460/1067).ġCesġdeuxġouvragesġcomptentĪġavecġceuxġ d’al-Kulayn et du Cheikh al- Ṣad qĪġ parmŪġ lesġ quatreġ lŪvresġ canonŪquesġ deġ l’Ūmāmisme : le Kitāb tahd bġaḌ-aḥkām, sur la tradition chiite, et le Kitāb al-istibṣār, sur les divergences de cette tradition148.

En 422/1031, Ab Ja‘farġal-Ṭ ṣ futġaccuséġd’avoŪrġattaquéġlesġtroŪsġpremŪersġcalŪfes : il comparut devant al-Qā’Ūm mais réussit à se disculper.

Par ailleurs, en 421/1030 ou 422/1031, Ab Ya‘lā refusaġd’accepterġleġposteġdeġ āhid

auprès du grand cadi Ibn Māk lā et finit par accepter cette fonction, que quelques années plus tard, sans doute en 428/1037149.

Rappelons que la première version du Mu‘taḍad, intitulée al-‘Uḍdaġfī l-uṣ l, qui ne nous

est pas parvenue, fut élaborée avant 428/1036. Si bien que la version résumée que nous avons àġ dŪsposŪtŪonġ auraŪtġ émergéġ aprèsġ l’entréeġ enġ scèneġ duġ cadŪġ hanbalŪteĪġ dansġ l’entourageġ califal150.

Pour saisir le sens et la portée du traité théologique, le Mu‘taḍad, du cadi hanbalite, qui

émergea avant ses Aḥkām lesquelsġàġleurġtourġs’ŪnscrŪvŪrent dans la continuité du chapitre de

l’Ūmāmat du Mu‘taḍad151, il faut le replacer dans ce contexte où la littérature imāmite trouva

sonġessorĪġdepuŪsġl’entréeġenġscèneġpolŪtŪqueġdesġBouyŪdes à Bagdad en 334/945.

AussŪĪġlaġdoctrŪneġpolŪtŪqueġexposéeġdansġleġchapŪtreġdeġl’Ūmāmat du Mu‘taḍad où le théologien lui accorde une place privilégiée, cible-t-elle les thèses politiques soutenues par les théologiens chiites, désignés par « al-rāfiḍa »152.

147 Depuis al-MufīdĪġlesġnotŪonsġdeġūustŪceġetġd’ŪnūustŪceġdevŪendrontġlesġthèmesġcentrauxġdansġlaġpenséeġpolŪtŪqueġ

chiite. Cf. M.-A. Amir Moezzi et Ch. Jambet, Qu’est-ce que le Shī’Ūsḍe ?, op. cit. pp. 91-94.

148 Cf. L. Henri, ḌesġschŪsḍesġdeġḌ’ŪsḌaḍ, op. cit. pp. 183-184.

149 Cf. du même auteur, « Ibn al-Farr’ », in EI², Brill Online Reference, Catalogue BULAC, 20 avril 2013. Pour plus

de détails, voir ici la deuxième partie consacrée à la biographie du cadi hanbalite.

150 Cf. Kitb al-mutamad fi u l al-dīn, éd. par Wadī Z. Haddd, Coll. « Recherches », Byrouth, Dr al-Ma reqĪġ1974Īġp.ġ

13, IntroductŪonġdeġl’édŪteur.

151 Cf. Ab Ya‘lāĪ Kitab al-a kāḍ al-sul niyya, op. cit. préfaceġdeġl’éd. du Caire, p. 3.

152 Cf. Mutamad, op. cit., pp. 274-326. Nous allons revenir dans la troisième partie de notre thèse, sur le chapitre

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La doctrine politico-religieuse des Aḥkām quŪġémergèrentġaprèsġqu’Ab Ya‘lā ait occupé

la fonction de cadi, en 447/1055, date à laquelle le danger provient plutôt des Seljukides et non des Bouyides chiites, vise les chafiites, dans un contexte de rivalité entre ceux-ci et les hanbalites (voir supra), et cible le pouvoir seljukide qui tenta de passer sous sa tutelle le califat.

Enġ d’autresġ termesĪġ laġ doctrŪneġ polŪtŪqueġ duġ cadŪġ hanbalŪte évolue en fonction du contexte politico-religieux.

b. Ismaélisme

LeġsŪècleġd’Ab Ya‘lā estġceluŪġaussŪġdeġl’apogéeġduġcalŪfat fatimide au Caire, qui avait

pour but de supplanter le califat ‘abbāside. En 363/974 les Fatimides prenaient pied pour la

première fois à Damas où leur autorité fut longtemps précaire ; cette même année, la huṭba

était faite à Médine et à la Mekke en leur nom153.

Les Fatimides prolongeaient leur action politique par une action missionnaire (da‘wa).

En 363/974, sur la fin du califat d’al-Mu‘ŪzzĪġétaŪtġmortġleġgrandġthéorŪcŪenġdeġl’ŪsmaélŪsmeġ

fatimide, le cadi al-Nu‘mānĪġchefġdeġlaġūudŪcatureġetġdeġl’organŪsatŪonġmŪssŪonnaŪreġdeġl’État. C’estġceġcélèbreġcadŪġquŪġdotaġlaġdynastŪeġfatŪmŪdeġdeġsonġcorpus juris. Il est également le défenseur de la pensée ismaélienne reposant à la fois sur la lettre (tanz l/ ar ‘a/ẓāhir) et l’esprŪtġ(ta’w Ḍ/ḥaq qa/bāṭin)154.

Par ailleurs, le Ve/XIe siècle marqua le parachèvement de la doctrine chiite ismaélienne

par Ḥam dġal-D nġal-Kirmān (m.ġversġ408/1017).ġCeġsŪècleġétaŪtġaussŪġŪllustréġparġd’autresġ

phŪlosophesĪġàġsavoŪrĪġMu’ayyadġal- rāz ġ(m.ġ470/1077)ġetġNāsir-e Hosraw (m. entre 456/1072 et 470/1077)155.

CependantġàġBagdadĪġlaġréactŪonġneġseġfŪtġpasġattendre.ġL’actŪonġpolŪtŪco-religieuse de restauratŪonġ duġ sunnŪsmeġ d’al-Qādir, où les hanbalites jouèrent un rôle prépondérant, se traduŪsŪtġ parġ laġ lectureġ publŪqueĪġ enġ 402/1011Īġ dansġ leġ palaŪsġ duġ calŪfeĪġ d’unġ manŪfesteġ

153 Cf. M. Canard, et G. Marçais, « Fatimides », in EI, Brill Online Reference, Catalogue BULAC, 2015.

154 Cf. F. Dachraoui, « al-Nu‘mn », in EI. Brill Online Reference. Catalogue BULAC, 03 mai 2013 ; F. Daftary, The

isma’ilis. Their history and doctrines. Cambridge, 2ème éd., 2007.

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condamnant la doctrine fatimide, critiquant la généalogie des califes fatimides et rangeant les ismaéliens parmi les « hérétiques »156.

Le manifeste fut signé non seulement par des docteurs sunnites mais aussi par les docteurs imāmites157.

En 402/1011 Ab Ya‘lā n’avaŪtġpasġencoreġfaŪtġsonġentréeġdansġl’entourageġcalŪfal.ġC’estġ enġ 429/1038ġ qu’Ūlġ assŪstaġ àġ deġ nombreuxġ audŪtoŪresĪġ àġ laġ lectureġ solennelleġ deġ laġ risāla al-

qādiriyyaĪġd’ŪnspŪratŪonġhanbalŪteĪġdansġleġpalaŪsġcalŪfŪenĪġcondamnantġleġchŪŪsmeġsousġtoutesġ

ses formes158.

Dans son Mu‘taḍad, le cadi hanbalite réfute plutôt, entre autres, les chiites

duodécimains, désignés par « al-rāfiḍa », notamment dans le long chapitre consacré à

l’Ūmāmat (voir supra), les urābiyya, les qayṣanites159, etc.

Par ailleurs, le cadi hanbalite rédigea un ouvrage consacré à la réfutation des ismaéliens désignés par « al-bāṭiniyya », al-Raddġ‘aḌā al-bāṭiniyya, qui ne nous est pas parvenu160.

D’aŪlleursĪġ Ibnġ TaymŪyya nous donne toute une liste des grands théologiens qui s’engagèrentġdansġlaġpolémŪqueġantŪ-bāṭinites, dont Ab Ya‘lā. On peut citer également al- Bāqillān ġ(m.ġ403/1012)ĪġleġcadŪġ‘Abdġal-Jabbār (m. 415/1024), al- azāl (m.ġ505/1111)ĪġIbnġ‘Aq l (m.ġ513/1119)ĪġdŪscŪpleġd’Ab Ya‘lā, etc.161