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L ES DIFFERENTS STATUTS DES DIVERSES REGIONS ( FIMA TAHTALIF AHKAMUH MIN AL BILAD )

B. Cas de la conduite des opérations militaires contre les polythéistes

14. L ES DIFFERENTS STATUTS DES DIVERSES REGIONS ( FIMA TAHTALIF AHKAMUH MIN AL BILAD )

AvecġlesġconquêtesġŪslamŪquesġconcomŪtantesġàġl’expansŪonġdeġl’empŪreġŪslamŪqueĪġunġ certain nombre de juristes ressentent le besoin de définir le statut des différentes régions de l’empŪre.ġ

Aussi bien al-Māward que le cadi hanbalite dŪvŪsentġleġterrŪtoŪreġdeġl’empŪreġenġtroŪsġ catégories : le ḥaram (terre « sacrée »), le ḥijāzĪġetġ toutġceġquŪġestġenġdehorsġdeġl’unġetġdeġ l’autre686.

Dans le présent chapitre, les deux juristes discutent essentiellement des délimitations territoriales et de leurs questions connexes, à savoir le statut juridique des terres. Aussi, ils abordentġlesġaspectsġayantġtraŪtġauġrégŪmeġfŪscalĪġàġsavoŪrĪġl’ŪmpôtġfoncŪerĪġlaġdîmeĪġetc.ġOnġ comprendġl’ŪmportanceġdeġcetteġquestŪonġchezġlesġjuristes, dans un contexte politique marqué par le désordre socio-économique687.

Au début du chapitre, contrairement à al-Māward quŪġabordeġl’hŪstoŪreġdeġlaġMekkeĪġ avec son étymologie, son caractère « sacré » et ses récits anecdotiques, le cadi hanbalite cite directement les deux versets ayant trait à la Mekke, ensuite il mentionne les désaccords des juristes au sujet de la question, si ladite cité « sacrée » a été conquise de vive force (‘unwa) ou par un compromis (ṣulḥ)688.

Ce faisant, le cadi hanbalite est plutôt dans une optique purement juridique alors que le juriste chafiite est plus dans une perspective non seulement juridique mais aussi historique et poétique. Aussi al-Māward s’appuŪe-t-il sur une variété de références à savoir le droit, l’hŪstoŪreġetġlaġpoésŪe.ġġġ

Ce hiatus entre Ab Ya‘lā et al-Māwardī s’explŪqueġparġlaġdŪfférenceġdeġformatŪonġdesġ

deux juristes, de leurs expériences et parcours respectifs.

685 IlġconvŪentġdeġsoulŪgnerġqu’E.ġFagnan, traduit ce titre par « Conditions différentes des diverses régions », voir

E. Fagnan, Statuts gouvernementaux, p. 333, chap. XIV, op. cit.

686 Cf. al-Māwardī, A kām, p. 199; cf.ġAb ġYa‘lā, A kām, p. 171.

687 Sur le contexte politique et socio-religieux, voir ici la première partie. 688 Cf. al-Māwardī, A kām, pp. 199-207; cf.ġAb ġYa‘lā, A kām, p. 171.

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Le cadi hanbalite est un théologien juriste, un maître avec ses propres disciples alors qu’al-Māward est un théologien juriste qui était passé tout de suite au service des deux califes, al-Qādir et al-Qā’Ūm.ġC’estġdŪreġqueġleġūurŪsteġchafŪŪteġaġplusġd’expérŪenceġpolŪtŪqueġqueġ le cadi hanbalite689.

Nous allons examiner quelquesġcasġcomportantġdesġdŪvergencesġd’avŪsġūurŪdŪquesġentreġ les différentes écoles. Ceci nous permet de saisir la méthodologie employée par les deux ūurŪstes.ġ Enġ d’autresġ termesĪġ commentġ chacunġ exposeġ sonġ opŪnŪonġ etġ lesġ dŪvergencesġ juridiques (ihtilāf).

Aussi, à la question de savoir si la conquête de la Mekke parġleġprophèteġenġl’anġ8ġdeġ l’hégŪreġ étaŪtġ faŪteġ deġ vŪveġ forceġ ouġ parġ compromŪsĪġ al-Māward mentŪonneĪġ commeġ c’estġ souvent le cas, les trois avis juridiques, à savoir celui de ṦāfŪ‘ Īġd’Ab Ḥan fa et de Mālik.

ṦāfŪ‘ considère que « leġprophèteġyġestġentréġàġlaġsuŪteġd’uneġcapŪtulatŪonġconclueġavecġ

Ab Sufiāne » ; alors que Mālik et Ab Ḥan fa pensent « qu’ŪlġyġpénétraġdeġvŪveġforceĪġmaŪsġ

renonça à y faire du butin et fit grâce aux captifs »690.

Ab Ya‘lāĪġparġaŪlleursĪġcommeġnousġl’avonsġremarquéġdansġlesġchapŪtresġprécédentsĪġ

cite deux avis dŪvergentsġd’IbnġHanbal rapportés par un certain nombre de traditionnistes

hanbalites.

Enġ l’occurrenceĪġ Ab Ya‘lā mentionne, entre autres, le traditionniste hanbalite Ab

Dāwud al-Sijistān (m. 275/888) et Abd al-Malik b. Abd al-Ḥam dġal-Maym n ġ(m.ġ274/887).ġLeġ

premŪerġrapporteġqu’IbnġHanbalġavaŪtġdŪtġqueġ« la Mekke a été conquise par la force » ; le

secondġsoutŪentġqu’IbnġHanbal avait affirmé que la « Mekke a été conquise par compromis »691.

Ilġs’agŪtġdesġmêmes points de vue divergents cités par al-Māward (voir supra).

Aussi bien Ab Ya‘lā qu’al-Māward dénombre cinq statuts (aḥkām) ayant trait au

territoire « sacré »Īġenġl’occurrenceġlaġMekkeĪġparġrapportġauxġautresġrégŪons.ġIlġyġaġbeaucoupġ plus de similitudes, entre les deux textes, que de divergences.

Les similitudes de points de vue entre les deux auteurs sont classées comme suit : tout

individu « en état profane (muḥill) » qui veut pénétrer à la Mekke doit se mettre « en état

689 Pour plus de détails, sur les deux biographies des deux juristes, voir ici la deuxième partie. 690 Cf. al-Māwardī, A kām, p. 208.

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pèlerinal (iḥrām) » ;ġŪlġn’yġaġpasġàġcombattreġlesġhabŪtantsĪġàġraŪsonġdeġlaġdéfenseġqu’enġaġfaŪtġle prophète ;ġlaġchasseġyġestġŪnterdŪteġaussŪġbŪenġàġceuxġquŪġsontġenġétatġpèlerŪnalġqu’àġceuxġdesġ habitants qui sont en état profane.

Parġ aŪlleursĪġ Ūlġ estġ ŪnterdŪtġ d’yġ couperġ desġ arbresġ quŪġ poussentġ naturellement ; nul d’entreġlesġadversaŪresġdeġlaġfoŪġmusulmaneĪġqu’ŪlġsoŪtġtrŪbutaŪreġ(dŪḍ ) ou allié (ḍu‘āhid), ne

peut pénétrer sur le territoire « sacré » pour y séjourner ou pour seulement y passer692.

On relève quelques petites différences, entre les deux auteurs, sur certains avis. Sur la questŪonġrelatŪveġàġl’applŪcatŪonġdesġpeŪnesġlégalesġ(ḥud d ar‘iyya) sur le territoire « sacré »,

al-Māward cŪteġl’avŪsġdeġṦāfŪ‘ , selon lequel « laġpeŪneġs’yġapplŪqueġàġl’égardġdeġceuxġquŪġlesġ

encourent et le caractère de cette région ne constitue pas un empêchement à leur application »693.

ParġaŪlleursĪġleġūurŪsteġchafŪŪteġmentŪonneġl’opŪnŪonġdŪvergenteġd’Ab Ḥan faĪġd’aprèsġ lequel « lesġpeŪnesġsontġapplŪquéesġquandġl’acteġcoupableġaġétéġcommŪsġenġterrŪtoŪreġsacré ; maŪsġ sŪġ l’auteurġ duġ méfaŪtġ commet ledit acte en territoire profane et se réfugie dans le terrŪtoŪreġsacréĪġŪlġn’estġpasġchâtŪéġdansġlesġlŪmŪtesġdeġceluŪ-cŪĪġmaŪsġcontraŪntġd’enġsortŪrġpourġ ensuite subir la peine. »694.

Ab Ya‘lā mentŪonneġsonġavŪsġquŪġestġsemblableġàġceluŪġd’Ab Ḥan fa et opposé à celui

d’al-Māward Īġsansġs’appuyerġsurġdesġréférencesġhanbalŪtes et par la même occasion, il ne cite aucune référence695.

Nous sommes enclins à penser à partir des données ayant trait à notre comparaison,

que les Aḥkām d’Ab Ya‘lā sont un traité complémentaire à ceux de Māward .ġEnġd’autresġ

termesĪġ nousġ avonsġ d’unġ côtéġ unġ traŪtéġ quŪġ mentŪonneġ lesġ troŪsġ avŪsġ ūurŪdŪquesġ àġ savoŪrĪġ

chafiite, hanafite et malikite (celui de Māward )ġetġdeġl’autreĪġunġouvrageġ(celuŪġd’Ab Ya‘lā)

évoquant les avis hanbalites. Mais, les deux traités ont émergé dans un contexte de luttes théologiques et de rivalité politique entre les chafiites et hanbalites.

Commeġnousġl’avonsġdéūàġremarquéĪġlesġtraŪtésġdeġdroŪtġpublŪcġd’Ab Ya‘lā résultent de ses rapports avec le vizir hanbalite, Ibn al-Muslima qui voulait sans doute avoir à disposition

692 Cf. al-Māwardī, A kām, pp. 210-212 ; cf. Ab ġYa‘lā, A kām, pp. 177-179. 693 Ibid. p. 210.

694 Cf. al-Māwardī, A kām, pp. 210-212; cf. Ab ġYa‘lā, A kām, pp. 177-179. 695 Cf. Ab Ya‘lā, A kām, p. 178.

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un traité hanbalite. Rappelons-nous que les deux écoles en question se disputent la défense du califat696.

Après la Mekke, considérée comme un territoire « sacré », les deux juristes définissent les limites géographiques et le statut (ḥukm) du Ḥijāz697.

Comme pour les statuts de la Mekke, on relève davantage de similitudes que de

différences entre les deux textes, sur la province du Ḥijāz.

Les deux juristes considèrent que ladite cité comporte quatre statuts qui la

différencient des autres régions exceptée la Mekke : les polythéistes (ḍu rŪk)Īġqu’ŪlsġsoŪent

tributaires (dŪḍ ) ou alliés (ḍu‘āhid)Īġneġpeuventġs’yġétablŪr ; les cadavres des tributaires ou

desġallŪésġn’yġpeuventġêtreġenterrés ; Médine, la ville du prophète, située dans cette région,

est aussi un territoire sacré ; le sol du Ḥijāz, à raison de ce que la conquête en est due au

prophète lui-même, se divise en deux parties698.

NousġallonsġexamŪnerġquelquesġcasġoùġŪlġyġaġunġdésaccordġd’avŪsġetġdesġdŪscussŪonsġentreġ lesġ deuxġ ūurŪstesĪġ etġ commentġ l’unġ etġ l’autreġ ūustŪfŪentġ leursġ opŪnŪonsġ etġ mentŪonnentġ respectivement leurs références.

Au sujet du premier statut (voir supra), al-Māward pour justifier son opinion mentŪonneġuneġtradŪtŪonġrapportéeġparġunġcompagnonġduġprophèteĪġ‘UbaydġAllāhġb.ġ‘Utbaġb.ġ Mas‘ dġ(m.ġ95/714)Īġselonġ‘Ā’Ū aġetġcŪteġl’opŪnŪonġd’Ab Ḥan fa qui est divergente de la sienne, selon laquelle, « lesġpolythéŪstesġpeuventġs’établŪrġdansġleġḤijāz »699.

Par ailleurs, Ab Ya‘lā adopte la même position que son rival chafiite et cite la même

tradition mentionnée par al-Māward .ġCependantĪġlaġtradŪtŪonġd’Ab Ya‘lā est rapportée par leġfŪlsġcadetġd’IbnġHanbalĪġleġūurŪsteġ‘AbdġAllāhġ(m.ġ290/903)Īġd’aprèsġsonġpère700.

On relèveġchezġleġūurŪsteġchafŪŪteġuneġvolontéġd’ancrerġsesġavŪsġdansġlesġplusġancŪennesġ écoles juridiques et auprès des traditionnistes anciens ;ġalorsġqueġlesġavŪsġd’Ab Ya‘lā sont ūustŪfŪésġd’uneġfaçonġrécurrenteġparġlesġūurŪstesġetġlesġtradŪtŪonnŪstesġhanbalŪtes. Il cite des

696 Ibid.

697 Sur le ijāz, voir G. Rentz, « idjāz », in EI, Brill Online, Catalogue BULAC, 6 février 2015. 698 Cf. al-Māwardī, A kām, pp. 212-213 ; cf.ġAb ġYa‘lā, A kām, pp. 179-186.

699 al-Māwardī. ibid.

700 Cf. Ab Ya‘lā, A kām, p. 180. Surġ leġ fŪlsġ cadetġ d’Ibnġ Hanbal, ‘Abdġ AllāhĪ voir H. Laoust, « Les premières

professions de foi hanbalites », in Mélanges Massignon, art. cit. ;ġvoŪrġégalementĪġIbnġAb ġYa‘lā, abaqāt, II, pp. 5- 20.

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hanbalites deġlaġpremŪèreġgénératŪonġdesġdŪscŪplesġd’IbnġHanbalĪġūusqu’àġcelleġd’IbnġBaṭṭa (m.

387/997)Īġenġpassantġparġcelleġd’Ab Bakr al-Hallāl (m.ġ311/923)ġetġd’Ab l-Qāsim al-HŪraq ġ(m.ġ 334/945)701.

À la fin du chapitre, les deux juristes traitent des autres régions, appelées « sawād »702,

en dehors du territoire « sacré » et du Ḥijāz.ġŪlsġdŪscutentĪġentreġautresĪġlaġdîmeġouġl’Ūmpôtġ

foncier qui frappent les exploitants des terres habitant dans ces régions. Il ressort de cette partŪeġqu’Ūlġn’yġaġpasġdeġdésaccord entre les différentes écoles juridiques703.

15. DE LA VIVIFICATION DES TERRES ET DE LA MISE À JOUR DES EAUX (FI I YA’ AL-MAWAT WA-