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D ANS LA REPARTITION DU FAY ’ ET DU BUTIN ( FI QISM AL FAY ’ WA L GANIMA )

B. Cas de la conduite des opérations militaires contre les polythéistes

12. D ANS LA REPARTITION DU FAY ’ ET DU BUTIN ( FI QISM AL FAY ’ WA L GANIMA )

Commeġpourġl’aumôneġlégaleĪġleġfay’ etġleġbutŪnġsontġl’uneġdesġsourcesġdeġrevenusġdeġ l’État.ġDansġunġcontexteġmarquéġparġleġdésordreġpolŪtŪqueĪġsocŪalġetġéconomŪqueĪġlesġdeuxġ

juristes entendent théoriser en matière de finance pour renforcer le pouvoir califal652.

Le cadi hanbalite traite des questions relatives au fay’ et au butin dans le même classementġqueġleġūurŪsteġchafŪŪte.ġIlġestġàġremarquerġqu’Ab ġYa‘lāġabordeġcetteġquestŪonġdansġ son ouvrage de fiqh, al-Masā’ŪḌġal-fiqhiyya.ġIlġs’agŪtġenġeffetġd’unġsuūetġtradŪtŪonnelġduġfiqh653.

Mais, dans les traités de droit public et administratif, les Aḥkāḍ, ces questions sont abordées

650 Cf. al-Māwardī, A kām, p. 148.

651 Cf.ġAb Ya‘lāĪġal-Masā’ŪḌġaḌ-fiqhiyya, vol. 1, pp. 221-248, op. cit.

652 Pour plus de détails sur le contexte politique et social, voir ici la première partie. 653 Cf.ġAb ġYa‘lāĪġal-Masā’ŪḌġaḌ-fiqhiyya, vol. 2, pp. 31-40.

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en rapport avec le pouvoir politique à cause du contexte marqué par des troubles politiques et économiques.

Aussi bien Ab Ya‘lā que le juriste chafiite considèrent que le fay’ et le butin sont des

biens provenant des infidèles. Par ailleurs, les deux auteurs commencent par comparer les

ressources provenant du fay’, du butin et de la zakāt654.ġIlġs’agŪtġd’uneġméthodologŪeġemployéeġ

d’abordġparġal-Māward ensuite par le cadi hanbalite, qui consiste à comparer le chapitre étudié au chapitre précédent.

Les propos sont révélateurs de la situation de désordre de cette période, lorsque les deux auteurs affirment « qu’ŪlġestġpermŪsġauxġassuūettŪsġauxġdîmesġdeġlesġrépartŪrġeux-mêmes entre les ayants droit ;ġtandŪsġqu’Ūlġn’estġpasġautorŪséġàġceuxġsurġquŪġsontġprélevés le fay’ et le butŪnġ deġ lesġ remettreġ auxġ ayantsġ droŪtĪġ avantġ queġ lesġ fonctŪonnaŪresġ aptesġ àġ faŪreġ œuvreġ

personnelle en aient décidé »655.ġIlġs’agŪtġenġl’occurrenceġpourġlesġdeuxġauteursġdeġconsacrerġ

cetteġprérogatŪveġauġcalŪfeĪġd’uneġfaçonġŪndŪrecte656.

Les deux juristes définissent respectivement de façon similaire et le fay’ et le butin. Le

fay’ est une perception opérée sans violence alors que le butin est enlevé de force. Les deux

fonds en question proviennent des infidèles, disent les deux juristes657.

Sur la question du fay’ et de son partage, on relève beaucoup plus de similitudes que de

différences entre les deux textes.

Al-Māward ġaffŪrmeġqueġlesġfondsġprovenantġd’uneġtrêveġ(hudna)Īġdeġl’ŪmpôtġcapŪtatŪonġ

(jizya), des dîmes sur les marchandises (a‘ ār mutājara) des infidèles, sont prélevés en faveur

des ayants droit, le quint (hums), qui se partage lui-même par cinquièmes658.

Le juriste chafiite, pour justifier sa thèse cite une source scripturaire, à savoir un verset coranŪqueġ(LIXĪġ7).ġPourġmentŪonnerġlesġavŪsġūurŪdŪquesġdŪvergentsĪġleġūurŪsteġchafŪŪteġcŪteġl’avŪsġ d’Ab Ḥan fa qui dit qu’ġ« Ūlġn’yġaġpoŪntġdeġquŪntġsurġle fay’ »659.

654 Cf. al-Māwardī, A kāḍĪġp.ġ161ġ;ġcf.ġAb ġYa‘lā, A kāḍ, p. 120. 655 al-Māwardī, ibid., pp. 161-162 ; Ab ġYa‘lā, ibid.

656 Sur le butin, voir W. Montgomery Watt, Mu ammad at Medina, Edimburg, Clarendon Press, 1956, p. 255 sqq.,

348 sqq. Voir aussi F. Lokkegaard, « Ghanīma », in EI, Brill Online, Catalogue BULAC, 2015. Sur le fay’ĪġvoŪrġAb ġ Y sufĪġKitāb al-harājĪġBeyrouthĪġB lāqĪġ1302/1885ĪġIIġ; voir également, D. C. Dennett, Conversion and the poll tax in

early Islam, USA, Harvard University Press, 1950, p. 20 sqq.

657 Cf. al-Māwardī, A kām, p. 161; cf.ġAb ġYa‘lā, A kām, p. 120. 658 al-Māwardī, ibid, pp. 161-162.

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Par ailleurs, le cadi hanbalite cite également deux avis divergents à propos du fay’, mais

les références sont différentes. Ce faisant, le cadi hanbalite cite un avis ayant trait à un cas où le fay’ n’estġpasġrépartŪġenġquŪntġetġuneġautreġopŪnŪonĪġselonġleġtradŪtŪonnŪsteġhanbalŪteĪġal- HŪraq ĪġquŪġaffŪrmeġtelġal-Māward , que ce qui est prélevé aux infidèles allait en faveur des

ayants droit, le quint (hums), qui se partage lui-même par cinquième660.

Le quint divisé en cinq doit être réparti en parts égales, selon les deux juristes. Par ailleurs, ceux-ci discutent de l’emploŪġdeġlaġpremŪèreġpartġquŪġétaŪtġattrŪbuée au prophète de son vivant. Ilġs’agŪtġd’unġcasġoùġlesġopŪnŪonsġdesġécolesġjuridiques divergent661.

LeġūurŪsteġchafŪŪteġcŪteġl’avŪsġduġūurŪsteġchafŪŪteĪġAb Tawr al-Baġdādī (m. 246/860)662. Il

mentŪonneġparġaŪlleursġl’opŪnŪonġd’Ab Ḥan fa et celle de ṦāfŪ‘ .

Le cadi hanbalite mentŪonneġ deuxġ avŪsġ ūurŪdŪques.ġ Leġ premŪerġ estġ celuŪġ d’unġ ūurŪsteġ hanbalite, cité mainte fois par Ab Ya‘lā.ġ Ilġ s’agŪtġ d’Ab Ṭālib al-Mu kān (m. 244/858)663,

opŪnŪonġsŪmŪlaŪreġàġcelleġd’Ab Tawr et le second avis, celui de HŪraq ġestġsemblableġàġceluŪġdeġ ṦāfŪ‘ : on emploie la première part dansġunġbutġd’utŪlŪtéġgénérale : solde (rizq)ġdeġl’arméeĪġ préparatŪonġ desġ chevauxġ etġ deġ l’armementĪġ constructŪonġ deġ fortsġ (ḥiṣn) et de ponts, traitement des cadis et des imāms, etc.664

Sur le fond il y a une similitude entre les deux auteurs, cependant la différence est que le juriste chafiite cite souvent plusieurs avis juridiques divergents appartenant à différentes écoles en excluant les avis hanbalites ; alors que le cadi hanbalite, dans la plupart des cas, cite quelquesġavŪsġūurŪdŪquesġdŪvergentsġappartenantġàġsonġécoleġenġexcluantġl’avŪsġchafiite. Même si parfois il y a une analogie de point de vue entre les deux écoles, Ab Ya‘lā attribue, dans ce cas, son opinion à un traditionniste hanbalite.

Sur le reste des répartitions des parts, on relève également beaucoup plus de similitudes que de différences. Aussi, les deux auteurs, attribuent-ils, la deuxième part, aux proches du

prophète (daw ġḌ-qurbā), la troisième part est acquise aux orphelins (yatāmā), la quatrième part

est pour les indigents (masāk n) et la cinquième part est celle des voyageurs (ban al-sab Ḍ)665.

660 Cf. Ab Ya‘lā, A kām, p. 121.

661 Cf.ġAb ġYalāĪġA kām, p. 121; cf. al-Māwardī, A kām, pp. 161-162. 662 Sur Ab Tawr, voir Ibn HalŪkānĪġwafayāt al-ayān, vol. 1, p. 26.

663 Sur Ab ālib A mad b. Mu ammad al-Muškānī, voir Ibn Abū Ya‘lā, abaqāt, I, pp. 14-15. 664 Cf. Ab Ya‘lā, A kām, p. 121.

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LaġdŪfférenceġentreġlesġdeuxġauteursġrésŪdeġdansġlesġréférencesġetġsurġl’emploŪġdesġquatreġ cinquièmes.

LeġūurŪsteġchafŪŪteġdonneġdeuxġavŪsġdŪvergentsĪġlesġunsġdŪsentġqueġc’estġpourġlesġtroupesġ seulement sans partage avec personne ;ġ alorsġ queġ lesġ autresġ prétendentġ qu’onġ doŪtġ lesġ employerġpourġdesġmesuresġd’utŪlŪtéġcommuneĪġparmŪġlesquellesġfŪgurentġtantġlaġsolde que ce dont les musulmans ne peuvent se passer.

Ab Ya‘lā, cependant, cite un seul avis, qui correspond à la deuxième opinion

mentionnée par al-Māward Īġenġs’appuyantġsurġuneġtradition rapportée par Ibn Hanbal.

La deuxième partie de ce chapitre vise à aborder la question du butin ( an ḍa). Les deux

auteurs typifient respectivement quatre catégories, à savoir, les prisonniers de guerre (asrā),

les enfants et les femmes captifs (sibā), les terres et les biens mobiliers (amwāl).

Nous allons examiner le cas des prisonniers de guerre qui est très significatif quant à la méthodologie employée respectivement par le cadi hanbalite et le juriste chafiite. En outre, nous verrons comment les deux juristes mettent en exergue le rapport du butin avec l’autorŪtéġpolŪtŪque.ġ

Aussi bien al-Māward que le cadi hanbalite considèrent que les prisonniers de guerre

sontġlesġcombattantsġŪnfŪdèlesġetġc’estġauġcalŪfeġdeġdécŪder de leur sort ou à celui dont il s’estġ substitué pour faire le ūŪhād. À la différence du cadi hanbaliteĪġleġūurŪsteġchafŪŪteġattrŪbueġl’avŪsġ ayant trait à la décision du calife relative au sort des prisonniers à ṦāfŪ‘ .

Étantġdonnéġqu’ŪlġyġaġdŪvergenceġ(ihtilāf) entre les différentes écoles au sujet du sort réservé aux prisonniers de guerre, al-Māward mentŪonneġd’abordġl’opŪnŪonġdeġ āfŪ‘ ġdansġleġ cas où les infidèles persisteraient dans leur infidélité. Il y a quatre cas, affirme al-Māward , selonġl’opŪnŪonġ āfŪ‘ : « lesġmettreġàġmortĪġlesġréduŪreġàġl’esclavageĪġlesġéchangerġcontre une rançonġouġd’autresġcaptŪfsĪġleurġfaŪreġgrâceġsansġrançon ; au cas où ils se convertiraient, la mort ne leur est plus applicable »666.

ParġaŪlleursĪġleġūurŪsteġchafŪŪteġcŪteġd’abordġl’avŪsġd’Ab Ḥan fa qui le conteste ensuite

celui de Mālik. Pour réfuter le statut (ḥukm)ġd’Ab Ḥan fa, selon lequel, « le calife ne peut que

choŪsŪrġentreġlaġmŪseġàġmortġdesġcaptŪfsġouġleurġréductŪonġàġl’esclavage », il cite un verset

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coranŪqueġ (XLVIIĪġ 5).ġ Ilġ s’appuŪeġ égalementġ surġ laġ tradŪtŪonĪġ laġ poésŪeĪġ desġ référencesġ historiques et des récits anecdotiques667.

Le cadi hanbalite cite un seul avis juridique similaire à celui de ṦāfŪ‘ maŪsġs’appuŪeġsurġ uneġtradŪtŪonġd’IbnġHanbal rapportée par un traditionniste hanbalite et disciple de celui-ci,

Ab Ṭālib al-Mu kān (m. 244/858).

Contrairement à son rival chafiite, al-Māward ĪġlaġméthodologŪeġd’Ab Ya‘lā ayant trait àġlaġlŪttératureġdeġl’ihtilāf consŪsteġsoŪtġàġcŪterġsŪmplementġunġavŪsġhanbalŪteġpourġl’opposerġàġ celuŪġd’al-Māward , soit à énoncer les différentes opinions juridiques des autres écoles sans les désigner expressément.

OnġconstateĪġcependantĪġuneġoccurrenceġrelatŪveġàġl’écoleġẓahirite où le cadi hanbalite

cite un avis de Dāwud. À cetġégardĪġŪlġconvŪentġdeġsoulŪgnerġqu’onġrelèveġégalementġlaġmêmeġ

et la seule occurrence chez le juriste chafiite668.