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D E LA DIRECTION DU PELERINAGE ( FI WILAYAT AL ḤAJJ )

B. Cas de la conduite des opérations militaires contre les polythéistes

10. D E LA DIRECTION DU PELERINAGE ( FI WILAYAT AL ḤAJJ )

Comme pour les autres fonctions (voir supra), la direction du pèlerinage est également une institution politico-religieuse627.

En 10/631, ce fut le prophète Muḥammad qui assuma en personne la direction du

pèlerinage et par la même occasion, fut le chef de la caravane de pèlerins (aḍ rġaḌ-ḥajj). La

chargeġdépendŪtġensuŪteġdŪrectementġdesġcalŪfesġquŪġl’assumaŪentġeux-mêmes ou désignaient un titulaire à leur place628.

CependantĪġavecġl’évolutŪonġpolŪtŪqueġmarquéeġparġdes troubles oùġl’autorŪtéġduġcalŪfeġ était contestée et affaiblie, il y avait parfois plusieurs chefs de pèlerinage rivaux aux Lieux

saints. Aussi, les deux théologiens, Ab Ya‘lā et al-Māward , tentent-ils de théoriser cette

institution en la mettant en rapport avec le calife.

624 Cf. Ab Ya‘lā, šar al-muhta ar al-hiraqī, manuscrit à la bibliothèque de Damas, al-Asad, ex- āhiriyya. Pour plus

de détails sur les textes inédits du cadi hanbalite, voir bibliographie.

625 Cf. Ab Ya‘lā, A kām, pp. 82-83. Sur le hanbalisme voir, entre autres, certains ouvrages de H. Laoust, « le

hanbalisme sous le califat de Bagdad (241/855-656/1258) », in REI, XXVII (1959), pp. 67-128 ; la profession de foi

d’IbnġBa a, Damas, PIFD, 1958 ; « Les premières professions de foi hanbalites », dans Mélanges Louis Massignon,

III, pp. 7-35, Damas, PIFD, 1957.

626 Cf. al-Māwardī, A kām, p. 130. Sur les anciennes écoles juridiques, voir J. Schacht, Introduction au droit

musulman, pp. 55-62, op. cit.

627 Sur le pèlerinage, voir A. J. Wensinck, « adjdj », in EI, Brill Online, Catalogue BULAC, 21 janvier 2015. 628 Cf. J. Jomier, Le Ma mal et la caravane égyptienne des pèlerins de La Mecque, le Caire, 1953 ; du même auteur, voir

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Si bien que les deux auteurs commencèrent dans leurs chapitres respectifs par définir

la fonction relative au chef de la caravane de pèlerins comme une charge politique (wilāya

siyāsiyya)629.

Le cadi hanbalite traite les questions relevant de cette fonction dans le même classement thématique que son rival chafiite, al-Māward . Ainsi, Ab Ya‘lā typifie ladite fonction, tel al-Māward , en deux catégories, « selonġqu’elleġconsŪsteġàġdŪrŪgerġleġvoyageġdesġ pèlerins (tasy rġaḌ-ḥaū ū) ou bien à accomplir les rites du pèlerinage (iqāmat al-ḥajj)630.

Ilġestġàġremarquerġqu’Ab ġYa‘lāġaġdéūàġtraŪtéġlaġquestŪonġduġpèlerinage dans son ouvrage de fiqh, al-Masā’ŪḌġ aḌ-fiqhiyya, dans un chapitre intitulé, KŪtābġ aḌ-ḥajj, où il cite les même

autorités hanbalites dans le présent chapitre des AḥkāḍĪġàġsavoŪrġAb ġBakrġal-Hallālġetġal-

Hiraqī, les deux grands juristes du hanbalisme bagdadien au IVe/Xe siècle631. Il convient de

soulŪgnerġqu’al-Māwardī ne cite pas les avis hanbalites même dans les chapitres qui traitent des questions relevant des thèmes traditionnels du fiqh, à savoir par exemple, ce chapitre du pèlerinage. Est-ceġqueġl’attŪtudeġd’al-Māwardī s’explŪqueġplutôtġparġlaġrŪvalŪtéġpolŪtŪqueġavecġ les hanbalites (voir supra) ou celui-cŪġn’attrŪbueġpasġleġstatutġd’écoleġūurŪdŪqueġauġhanbalŪsme ?

Avec l’évolutŪon institutionnelle, le thème du pèlerinage qui, en tant que rituel, était traité dans des ouvrages de fiqh, devient une institution politico-religieuse abordée dans des traités de droit public, les deux Aḥkāḍ.

SelonġAb ġYa‘lāġetġal-Māwardī, les obligations qui incombent en premier le chef de la caravane de pèlerins sont au nombre de dix. On relève, entre les deux juristes, simplement une légère différence phraséologique au niveau de la sixième obligation et une autre relevant du rituel relatif à la dixième obligation632.

Quant à la deuxième fonction relatŪveġàġl’accomplŪssementġduġrŪteġdu pèlerinage, Ab Ya‘lā et al-Māward affirment que la nomination du chef de la caravane des pèlerins, faite par leġsouveraŪnĪġenġvueġdeġl’accomplŪssementġdesġrŪtesġduġpèlerŪnageĪġplacentġalorsġleġbénéfŪcŪaŪreġ

629 Cf. al-Māwardī, A kām, p. 137; cf. Ab Ya‘lā, A kām, p. 92. 630 al-Māwardī, ibid. ; cf. Ab Ya‘lā, ibid.

631 Cf. Ab ġYa‘lāĪġal-Masā’ŪḌġaḌ-fiqhiyya, vol. 1, pp. 273-308, op. cit. 632 Cf. al-Māwardī, A kām, pp. 137-138; cf. Ab Ya‘lā, A kām, p. 93.

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dansġlaġsŪtuatŪonġdeġl’Ūmām chargé de diriger la prière633. À cet égard, on constate que les deux

théologiens attribuent au calife tous les pouvoirs.

OnġconstateġparġaŪlleursġqu’ŪlġyġaġuneġsŪmŪlŪtudeġentreġlesġdeuxġtextesġdesġdeuxġūurŪstesġ auġsuūetġdesġcondŪtŪonsġrequŪsesġpourġl’Ūmām qui doit accomplir les rites et remplir les six fonctions634.

Les deux chapitres présentent une analogie textuelle aussi bien sur le fond que sur la forme.ġ Lesġ deuxġ ūurŪstesġ s’appuŪentġ surġ unġ versetġ coranŪqueġ (IVĪġ 67)ġ etġ surġ uneġ tradŪtŪonġ relatŪveġ àġ l’ŪntercessŪonġ duġ prophète.ġ CependantĪġ al-Māward ajoute à ses sources scripturaires, des références poétiques comme dans ses chapitres précédents.

Cependant, on relève une différence, entre Ab Ya‘lā et al-Māward , sur un cas

juridique : le juriste chafiite cŪteġsonġavŪsġpuŪsġceuxġd’Ab Ḥan fa et du célèbre hanafite, Ab

Y sufġ Ya‘q b (m. 128/798)635 ; alors que le cadi hanbalite présente son opinion qui est

semblableġàġcelleġd’Ab Ḥan fa et mentionne les autres avis juridiques sans préciser les noms des écoles, en utilisant le passif « on a dit (q Ḍa) »636.

Il est récurrent dans les deux textes des deux Aḥkām, lorsqu’ŪlġyġaġuneġdŪvergenceġ(ihtilāf) dans un cas juridique, entre le cadi hanbalite et le juriste chafiite, que le premier cite un avis hanbalŪteġenġl’appuyantġsurġdesġréférencesġhanbalŪtes, alors que al-Māward dans la plupart des cas, cite un avis chafiite en mentionnant les divergences relatives aux hanafites et parfois aux malikites.

Par ailleurs le cadi hanbalite, quand il est amené à mentionner les divergences des autres écoles, ne les désigne pas directement. Il emploie plutôt la forme passive du verbe,

qāḌa, « on a dit (q Ḍa) ».ġIlġs’agŪtġd’unġprocédéġlŪttéraŪreġutŪlŪséġpourġprendreġuneġdŪstanceġparġ rapport à la citation.

SŪġbŪenġqueġlaġdŪfférenceġméthodologŪqueġentreġlesġdeuxġūurŪstesĪġc’estġqu’al-Māward , dans le cas où il y a divergence entre les écoles, cite les trois avis juridiques, à savoir, chafiite, hanafite et malikite ; alors que le cadi hanbalite cŪteĪġdansġlaġplupartġdesġcasĪġl’avŪsġhanbalŪteġ

633 al-Māwardī, ibid, p. 140 ; Ab Ya‘lā, ibid, p. 96.

634 al-Māwardī, ibid., pp. 141-143 ; Ab Ya‘lā, ibid., pp. 96-99.

635 SurġAb ġY sufĪġvoŪrġJ.ġSchachtĪġ«Ab ġY sufġYa‘ḳ b » in EI, Brill Online, Catalogue BULAC, 22 janvier 2015.

Voir aussi, du même auteur, Introduction au droit musulman, op. cit., pp. 43-45.

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uniquement, mais pour évoquer les autres avis juridiques, utilise la forme passive « on a dit » (q Ḍa).