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De 5 à 15 ans de jachère, alors que la régénération semble assurée et que les adventices sont relativement contrôlées, tous les choix restent encore possibles pour les cultivateurs guinéens. La complexité des stratégies mises en œuvre rend leur analyse difficile, car ici les choix des cultivateurs sont composites. Le temps de jachère pratiqué dépend tout à la fois des choix culturaux (les différentes variétés semées n’ayant pas les mêmes exigences), des potentialités du sol, de la main d’œuvre disponible pour le semis et le sarclage, des disponibilités foncières de l’exploitant… Nous avons pu néanmoins identifier trois grands types de pratiques agricoles, que l’on peut considérer comme majoritaires, mais non exclusifs, qui se distinguent d’après le temps de jachère et la nature de la culture. Trois espèces principales sont semées dans les champs (le riz, l’arachide et le fonio), selon :

- culture unique : le riz ou l’arachide seul

- culture dominante (riz) et cultures dérobées

- culture mixte : le riz et l’arachide en proportion équivalente

Ces combinaisons se répartissent assez bien suivant les temps de jachère pratiqués. On voit par exemple que le riz en culture unique ou dominante n’est pas pratiqué sur des jachères de moins de 5 ans (fig. 7).

Figure 7: Importance de la surface cultivée en riz dans les parcelles en relation aux temps de jachère 0 10 20 30 40 50 60 70 80 jachères de 4-5 ans jachères de 5-6 ans jachères de 6-7 ans jachères de 8-10 ans n o m b re d e p a rc e ll e s 100 % riz plus de 50 % riz de 20 à 50 % riz moins de 20 % riz (227 parcelles renseignées)

La défriche des jachères « longues » (à partir de 8 ans) et la culture du riz

L’exploitation des jachères longues se fait généralement dans le cadre de la production rizicole. Le riz est une culture relativement exigeante en nutriments, et très sensible aux adventices lors de ses premiers stades de croissance. L’expérience empirique des cultivateurs établit des impératifs dans le choix des sites à défricher. Dans tous les cas, un minimum de 6 ans de jachère s’impose.

La parcelle issue de la défriche d’une jachère longue, même si elle est à vocation rizicole, peut connaître plusieurs modes d’exploitation :

Le riz comme culture unique

L’ensemble de la parcelle défrichée est cultivé en riz. Dans les champs que nous avons visités, deux à trois variétés différentes sont semées afin d’échelonner les récoltes (entre riz hâtif et riz à cycle long). Cette culture dominante est accompagnée de divers produits, en semis sporadique, comme le mil ou le sésame.

Pour ce cas de figure, les parcelles ont des surfaces qui dépassent rarement les 3 ha, avec une moyenne de 1,9 ha (écart type : 0,8).

Le riz et les cultures dérobées

Cette pratique, très proche de la première, est néanmoins plus courante. Une partie de la parcelle est allouée à une ou deux autres cultures, l’arachide et le fonio. Mais le riz reste la culture dominante. Le champ est alors divisé en secteurs, contigus ou non. L’organisation des cultures est variable selon les cultivateurs, leur niveau de connaissance technique et la nature de leur parcelle. Ils s’appuient généralement sur la nature du site pour répartir les semences. Le fonio est semé en périphérie, sa faible attractivité pour les ravageurs de cultures (agoutis essentiellement) en fait un excellent rempart pour le reste de la parcelle. Les surfaces semées en fonio restent faibles, environ 10 % de la surface totale cultivée. Cette espèce étant une culture de « soudure », l’investissement des cultivateurs est réduit. Le fonio, en effet, est réservé à l’alimentation et, grâce à son cycle court, il peut être récolté dès le mois de septembre.

Selon les mêmes proportions, ou parfois un peu plus, une part du champ mis en culture peut être semée en arachide. Sur des parcelles à forte hétérogénéité spatiale (variabilité du sol, variabilité du couvert végétal défriché, pente, parfois un léger décalage dans les temps de jachère au sein de la même parcelle), les exploitants réservent l’arachide dans les secteurs les plus gravillonnaires ou à l’écart de l’ombre des grands ligneux. D’après les agriculteurs, l’arachide ne réussit pas si le sol est trop riche, « elle ne donnera que des feuilles »*. Ils réserveront les zones les plus « fertiles » pour le riz.

Le riz et les cultures dérobées de deuxième année

Sur des jachères longues, après la culture du riz, une deuxième année d’exploitation peut être pratiquée. Elle ne se fera néanmoins pas sur la totalité de la parcelle. Le champ est réinvesti au début de la saison culturale suivante. Seul un léger nettoyage est pratiqué,

les rejets de première année sont coupés, mis en tas et brûlés. La parcelle n’est donc pas remise à feu en sa totalité.

Cette pratique est assez rare, car la seconde année de culture semble présenter de fortes contraintes. L’envahissement par les herbacées est un premier problème. Généralement, seul le fonio, très résistant aux adventices, est cultivé. Par ailleurs, les cultivateurs sont très mobiles dans l’étendue du terroir villageois, les champs peuvent être distants de plusieurs kilomètres d’une année sur l’autre. L’effort lié à la distance à parcourir ne semble pas se justifier pour la production d’une culture de soudure.

Une deuxième année de culture dépend donc le plus souvent de la situation des parcelles. Si la défriche de l’année 2 se fait dans l’extension de la parcelle de l’année 1, il est possible que le cultivateur profite de cette configuration pour semer du fonio ou de l’arachide.

Pour les cultures de deuxième année, nous avons pu observer dans quelques cas, la culture du « haricot » (Cajanus cajan). Ces pratiques d’assolement sont néanmoins assez rares. La jachère est déjà en cours puisque cette culture est semée sans nettoyage préalable de la parcelle. Les haricots sont récoltés pendant les deux années suivantes, tant que les strates ligneuses restent basses et donc le milieu accessible.

La défriche des jachères « moyennes » (de 5 à 7 ans) et la culture mixte

Les pratiques agricoles sur des jachères de 5 à 7 ans peuvent être équivalentes à celles des jachères longues dans certaines situations particulières, mais il est possible de dégager un stade de jachère intermédiaire faisant l’objet de modes culturaux différents. Ces types ne sont évidemment pas rigides, et il convient d’insister sur le fait que les situations rencontrées sont flexibles dans l’espace et le temps et ne correspondent à aucun schéma fixe pour un cultivateur donné.

Se rencontrent pour ces jachères « moyennes », la culture mixte, le riz et l’arachide cultivés en proportions plus ou moins équivalentes (dans des rapports 25-75 %). L’arachide domine parfois, accompagnée selon les cas d’une petite culture de fonio. Il ne s’agit donc pas ici de considérer l’arachide comme une culture secondaire mais bien comme une production de premier ordre. L’ensemble de la conduite d’exploitation (choix de la parcelle, répartition des cultures au sein du champ) répond au même cas que pour la culture du riz et ses cultures secondaires sur jachères longues.

Ces parcelles mixtes ont des surfaces moyennes de 2 ha, avec un écart type de 1,8. Mais certains cultivateurs peuvent investir, sur des jachères de 5 à 6 ans, près de 3 hectares en arachide.

Il sera possible, selon les mêmes conditions que pour les jachères longues, de pratiquer une seconde année de culture sur la parcelle. Cependant, les successions de variétés sont bien déterminées. Sur les secteurs cultivés en riz peut être semée l’arachide l’année suivante, et derrière l’arachide, seul le fonio est cultivé.

La défriche des jachères « courtes » (moins de 5 ans) pour l’arachide

D’après les cultivateurs, les défriches de jachères jeunes sont uniquement aptes à recevoir la culture d’arachide, le riz ne peut pas y réussir. Néanmoins, nous avons rencontré des agriculteurs y cultivant le riz. Le jeu (la possibilité de choisir) sur les différentes variétés de riz intervient ici pour répondre aux contraintes d’accès à des jachères plus anciennes. Par exemple, une variété nommée « Djoukèmè » s’adapte bien, d’après nos informateurs, à des jachères jeunes. En dehors de cas particuliers, on ne sème pourtant que l’arachide sur des jachères de 4 ans, sur des champs de surface très variable, de 1 ha à plus de 6 ha.