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Les espèces menacées : une question globale à localiser

Face à la pression qu’elles subissent, les espèces animales font depuis plus d’une quarantaine d’années l’objet d’une série d’accords et de conventions internationales, la plus importante d’entre elles étant la Convention CITES signée à Washington en 1973. Elle fût l’expression la plus formelle de la résolution adoptée en 1963 à l’UICN, date d’établissement de la liste rouge des espèces menacées. Cette liste constitue un inventaire mondial de l’état de conservation global pour plus de 22 000 espèces végétales et animales (UICN, 2004), régulièrement mis à jour. Le système des listes rouges de l’UICN comprend neuf catégories : « Eteint », « Eteint à l’état sauvage », « En danger critique d’extinction », « En danger », « Vulnérable », « Quasi menacé », « Préoccupation mineure », « Données Insuffisantes » et « Non évalué ». La classification dans les catégories d’espèces menacées d’extinction s’effectue par le biais d’une série de critères quantitatifs à l’échelle mondiale : taux de déclin, population totale, zone d’occurrence et d’occupation, degré de peuplement et fragmentation de la répartition.

Ces listes constituent ce qu’il est convenu de considérer comme « espèces patrimoniales » au niveau international et sont largement utilisées par les agences gouvernementales, les organismes responsables de la protection de la nature, et les organisations non gouvernementales engagées dans le domaine de la conservation. La protection des espèces inscrites représente un critère majeur pour la gestion de la Biodiversité mondiale. La Guinée après ratification des conventions (Cites en 1981, Convention de Bonn en 1993, Convention de Ramsar en 1992) a inscrit un certain nombre de règles concernant les espèces protégées dans sa législation nationale. Face au sujet, le texte le plus important est le Code de la Faune et de la Chasse créé par une ordonnance du 15 février 1990, modifié en 199712. Il a pour objet d'assurer la protection et la gestion de la faune sauvage, d'un côté par la conservation et la valorisation des espèces animales et de leurs habitats, de l'autre, par la réglementation des activités cynégétiques. Pour la préservation des espèces, on considère « qu’aucun animal n'est présumé de façon générale

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Ordonnance 007/PRG/SGG/90 du 15 février 1990 portant code de la protection de la faune sauvage et réglementation de la chasse, Journal Officiel de République de Guinée, n° 14, Conakry.

permanent et le prélèvement sur les espèces ne doit pas compromettre la pérennité des effectifs ». A ces principes généraux, définis aux articles 31 et 32, s'ajoutent des règles particulières, modulées en fonction du degré de protection particulière des espèces, à savoir :

- les espèces intégralement protégées (liste A, Article 36) sont strictement préservées sur toute l'étendue du pays ; sauf dérogation accordée à des fins scientifiques, elles ne peuvent être ni chassées ou capturées, ni détenues ou exportées, leur importation n'étant autorisée que dans un but d'intérêt général ;

- les espèces partiellement protégées (liste B, Article 45) ne peuvent être normalement chassées, détenues, importées ou exportées qu'en vertu de permis ou d'autorisations ;

- les espèces ne jouissant pas d'un statut particulier. Leur détention, en principe libre, est soumise à la déclaration au-delà de dix unités. Leur commercialisation requiert en revanche un permis de capture ou d'oisellerie et leur chasse est réglementée.

Si cette législation existe, il est néanmoins difficile de la considérer comme un moyen efficient de protection. En effet, comme dans la plupart des pays africains, l’exercice de police forestière et de chasse connaît, en Guinée, quelques difficultés. La situation que nous avons observée à Kanfarandé est assez significative, puisque sur un territoire de plus de 1 000 km², un seul garde forestier est en poste, et il ne disposeque d’une bicyclette, quand elle n’a pas déraillé ou crevé, pour assurer ses fonctions,. L’agent des Eaux et Forêts, s’il ne peut assurer la surveillance sur l’ensemble du territoire, a, par contre, un rôle dissuasif. Chaque année, la levée de la taxe auprès de tous les détenteurs d’arme permet le rappel des réglementations.

Les villageois de Guinée Maritime sont en général respectueux des lois. La crainte des autorités existe bel et bien. Peut-être le spectre du régime répressif de Sékou Touré hante-t-il encore les esprits ? On notera cependant certaines confidences à propos du garde forestier : « il ne vient que rarement, et s’il apprend l’abattage d’un gros animal il peut arriver sous 2 à 3 jours »*, « on peut avoir parfois des problèmes avec eux, mais on peut

toujours s’arranger avec de la viande ou de l’argent »*, « nous cherchons à nous répartir la viande pour tromper le garde »*13.

La mise en œuvre, par la surveillance, des réglementations internationales sur nos terrains d’étude semble donc assez anecdotique. La responsabilité de la préservation des espèces se trouve entre les mains des populations locales. Si, à force de sensibilisation par les gardes forestiers et la radio rurale, les chasseurs connaissent les espèces qu’il est interdit de tuer, et citent systématiquement le chimpanzé, le buffle et le cobe, il est tout de même remarquable que ces espèces possèdent également une grande force symbolique auprès des populations. Et finalement, respect de l’autorité, croyances et pratiques locales forment une sorte de syncrétisme permettant, dans une certaine mesure, le maintien de la faune sauvage.

C’est donc en étudiant les relations matérielles et idéelles qu’entretiennent les villageois avec les espèces que s’évaluent les menaces et le potentiel dynamique. Il parait tout à fait nécessaire de mettre en confrontation les observations locales avec un discours alarmiste généralement tenu par nombre d’institutions guinéennes et internationales sur l’impact des pressions directes sur les espèces animales et végétales (chasse, braconnage, prélèvements).

2.2. RELATIONS LOCALES AUX UNITES DU VIVANT

2.2.1. Les noms des plantes, métaphores

des liens à la nature

“What’s the use of their having names” the Gnat said, “if they won’t answer to them ?“, “No use to them ?”, said Alice, “but it’s useful to people that name them, I suppose. If not, why do they have names at all ?”

Lewis Carroll14