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Bois de chauffe domestique et petite construction : contredire les idées reçues

Les espèces ont, pour la majorité, un habitat préférentiel, où elles se trouvent être exclusivement rencontrées, ou systématiquement rencontrées, et/ou rencontrées en abondance. Il est donc possible de répartir les espèces utilisées selon les formations. On évalue ainsi l’importance de chaque habitat dans l’approvisionnement en espèces utiles à partir des fréquences de citations. Nous avons considéré ici les espèces utilisées comme combustible domestique et pour la petite construction. Ces usages, dans l’ensemble, n’impliquent pas l’abattage d’arbre entier. On voit d’après la figure 9 que les prélèvements

concernent plusieurs types de milieux et se répartissent assez équitablement entre les jachères, les savanes et les mangroves. Il est remarquable d’autre part que de 10 à 25 % des espèces utilisées sont des espèces anthropiques, plantées dans le village ou alentour.

Figure 9 : Répartition des espèces utilisées comme combustibles et bois de petites construction selon les types de milieux

29 % 26 % 36 % 27 % 21 % 12 % 3 % 7 % 13 % 18 % 24 % 26 % 36 % 27 % 8 % 5 % 3 % 9 % 10 % 1 % 7 % 7 % 16 % 25 % 17 % 22 % 11 % 26 % 25 %

Madya Dominya Thya Tukéré Marara

espèces plantées

espèces des mangroves et milieux associés

espèces des galeries forestières

espèces des savanes

espèces ubiquistes

espèces des jachères

L’importance des espèces de jachère mérite d’être soulignée. La richesse spécifique des jachères offre une grande amplitude aux usagers. Près de 30 espèces ligneuses de jachère peuvent être utilisées, ce qui réduit considérablement les risques de pénurie car les remplacements sont possibles. La jachère peut dès lors être considérée comme un espace assurant de multiples fonctions dont la fourniture de bois.

Pour les constructions de faibles exigences techniques (les clôtures, les poulaillers, les greniers), à l’exclusion des zones insulaires où les espèces de mangrove remplissent de multiples fonctions, la liste de taxons utilisés (plus de 40 espèces) est essentiellement composée d’espèces provenant des secteurs de jachère. En effet, au bout de 8 ans de repos, une jachère peut fournir des densités de 30 perches de plus de 8 cm de diamètre pour 100 m² (6 / 100 m² pour des jachères de 6 ans, 3 / 100 m² pour des jachères de 4 ans)30. Les espèces les plus citées sont Anisophyllea laurina, Diospyros heudelotii, Anthonota

crassifolia, Sterculia tragacantha, Uvaria chamae, Dialium guineense. Ces arbres ou

arbustes sont aussi parmi les espèces les plus communes et les plus abondantes (figure 10).

Figure 10 : Illustration de la représentativité des espèces de la jachère

(comptage des ligneux sur 100 m², jachère de 7 ans, 227 rejets)

Les petits prélèvements ligneux longtemps décriés comme une menace pour la Biodiversité montrent en vérité leur inscription dans des pratiques plus globales, dans un principe de multifonctionnalité des espaces, d’opportunisme et de répartition de l’effort et des pressions.

L’agriculture sur défriche-brûlis peut se dérouler sur plus de sept mois de l’année, de fin mai pour le démarrage de la défriche jusqu’au mois de décembre pour les récoltes tardives. Durant ce temps, la présence des différents membres de la famille sur les champs est quasi permanente, pour les travaux et la surveillance. Les jachères puis les champs, qui ont pour fonction principale d’assurer la production alimentaire de base et le revenu, sont habilement utilisés via un transfert entre activité. L’optimisation de l’effort et du temps est à l’œuvre. Le bois est coupé afin d’enrichir le sol par apport de cendres, mais tous les troncs ou toutes les perches ne sont pas consumés. Les meilleurs matériaux sont récupérés pour la construction, et une certaine quantité de bois est extraite pour servir de combustible

Lecaniodiscus cupanioides Anisophyllea laurina

Ancylobotryssp.

Dialium guineense Combretummicranthum Anthonota crassifolia

(ménager ou pour la saliculture traditionnelle31) : « après la défriche nous mettons le feu et le bois qui s’y trouve nous sert à faire la cuisine, nous ne le revendons pas »*.

Ces utilisations secondaires de la jachère représentent un élément majeur pour la gestion des ressources. Les prélèvements se réalisent sur des végétaux qui, de toute façon seraient coupés lors de la défriche.

En milieu de savane nos observations et nos entretiens montrent une utilisation préférentielle de bois mort. Le fagotage est uniquement assuré par les femmes et par les enfants, ce qui exclut de fait tout abattage de grands ligneux pour cet usage.

Les usages sont satisfaits par les espèces les plus répandues. C’est ainsi en fonction du temps passé à la fréquentation d’un espace et des surfaces couvertes par chaque type de formation, que se répartissent les prélèvements. Le principe ici est proche de la notion de « plantes du parcours » bien connue des ethnobotanistes.

La mise en relation de la représentativité des milieux32 en terme de surface relative avec l’utilisation des espèces montre comment s’organisent les prélèvements (figure 11).

31 Résultats d’enquêtes sur la saliculture dans les sous-préfectures de Boké et Boffa, réalisées en

collaboration avec M. Beuriot (Observatoire de Guinée Maritime, doc. interne)

32

Estimée à partir du rapport entre les surfaces couvertes par chaque type de formation avec la superficie totale du district (unité administrative correspondant au territoire villageois), pour chacun des sites (classification sur image Landsat, extrait annexe 10)

Figure 11 : Relation entre les surfaces d’habitat au sein d’un terroir villageois et l’utilisation des espèces

(la représentativité des habitats est estimée en rapport de superficie, l’utilisation des habitats est estimée en pourcentage de citations d’espèces appartenant à chaque habitat)

Pour la majorité des cas, et surtout pour les fortes valeurs, il existe une correspondance (points C). Rejoignant le principe des « plantes du parcours » que nous évoquions, les milieux les mieux représentés sont les principaux pourvoyeurs d’espèces utiles. Néanmoins, certains usages reposent avant tout sur des critères d’exigence. Des espèces dont l’habitat est peu représenté sont utilisées (points B). Appréciées pour leur qualité dans la construction (résistance mécanique, résistance aux insectes xylophages...) les espèces comme Pterocarpus erinaceus, Lophira lanceolata ou Prosopis africana sont utilisées même lorsque la disponibilité dans le proche périmètre villageois est faible. D’autre part, des valeurs montrent des cas où, bien que l’habitat soit représenté sur les sites, les espèces qu’il abrite ne sont pas utilisées (points A), c’est le cas par exemple des forêts galeries.