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Chapitre 6 : Les interactions extra-académiques

6.2 La diffusion extra-académique

6.2.1 Pratiques parallèles ou pratiques constitutives

Le langage de la pertinence est largement repris par les organismes subventionnaires qui essayent d’encourager les partenariats extra-académiques. Cependant, par la nature même des disciplines concernées, la diffusion pour les non-pairs était souvent présentée comme quelque chose d’auxiliaire à la recherche :

« I served on SSRCH committees and I know very well the kind of criteria and the diffusion of knowledge as a criteria and of grant performance and I can put together a credible case that my work is diffused in various ways [...] because of the things like the [commission] where I hold presentations at conferences where there are policy makers present. So I can make that case about as well as quite a lot of people do, but it’s not what really animates my work and if it doesn’t have an impact well I can live with that you know it’s not something I would worry about. » [11-sociologue]

« I also believe that you know there should be some communication to the outer-world, you know I am trying to work on that, but I couldn’t say that it’s always my cup of tea. » [12-

sociologue]

La majorité des chercheurs interviewés avait au moins certaines expériences directes relatives à la diffusion pour les non-pairs, mais il s’agissait souvent de pratiques plutôt secondaires à leurs activités régulières :

« Comme j’travaille en histoire c’est moins directement, j’veux dire j’travaille pas en politique publique par exemple là où toutes les semaines on me sollicite pour donner mon avis sur telle chose, telle chose, telle chose là. En histoire par définition, c’est un peu moins direct que ça. Donc, la responsabilité est plus par rapport à un public plus académique, disciplinaire, mais les fois où c’est possible d’aller rejoindre j’essaye de le faire. Probablement que ce serait possible de le faire encore plus là d’avoir encore plus d’accent sur la vulgarisation, mais j’essaye de le faire quand c’est possible, pis quand que j’suis sollicitée pour faire des choses comme ça j’trouve que c’est important aussi. Donc j’essaye dans la mesure du possible de le faire. » [14-sociologue]

À cet égard, on mobilise plutôt la pertinence médiate (voir chapitre 4) comme légitimation de la recherche par l’appréhension d’une application ou d’une résonnance indirecte passant premièrement par le développement de connaissances dans un milieu académique. Cette catégorie est par ailleurs utilisée pour exprimer la complexité des échanges académiques et les divers trajets que peuvent prendre les connaissances produites. Elle s’associe alors à la propagation extra-académique médiate comprise comme une forme de transmission ou de diffusion pour les non-pairs, passant par des intermédiaires et l’insertion de certaines idées dans le discours social :

« I don’t think all too often we have that much influence on policy makers. Now of course if you asked me if I hope that policy makers are gonna read my research in [object] and figure out that what they are doing doesn’t work and change their ways, great. How much do I really believe that happens, not a lot... but you know I do have, a belief that we are in some level contributing to a general discourse and that general discourse does have, sometimes influence on policy makers and what people believe in and what… how people think about things. » [12-sociologue]

« You know other researchers may pick up this analysis and do something very different with it and where it has a much broader or more popular application because we don’t do research in isolation, this is an ongoing conversation. » [15-sociologue]

Or, d’autres ont donné aux pratiques de diffusion pour les non-pairs un rôle plus fondamental dans leurs activités de recherche. Dans certains cas, ils croisaient le langage de la pertinence avec la catégorie de la diversité, notamment afin de se défendre contre une logique de « cloisonnement » pour laquelle la production académique et disciplinaire serait la seule, sinon la plus importante, forme de contribution :

« Like I say, all you can keep on doing is emphasizing the diversity and how everyone has a purpose you know everyone is contributing in their own way and that we’re all benefiting we all rise and fall together. » [16-historien]

« J’opterais d’une certaine façon et je milite d’une certaine façon [en riant] pour qu’on accepte le pluralisme dans les tâches universitaires hein. Qu’on dise justement un

universitaire complet, c’est un universitaire qu’est capable de faire du travail de terrain, qui est capable de faire de la théorisation, qui est capable de parler au public en général, qui est capable de faire de multiples choses et les fait de façon générale. » [6-sociologue]

Ainsi, sans nécessairement mobiliser de façon radicale le langage de la pertinence au point où seule la diffusion extra-académique serait valorisée, ceux-ci vont opter pour la reconnaissance de la diversité des fonctions du chercheur universitaire. La catégorie de la

diversité peut donc être définie comme une stratégie de légitimation de la recherche

passant par la valorisation de la multiplicité des rôles du chercheur. Cette diversité prend alors la forme d’un objectif explicite :

« Well whatever you do, you have to sort of say what’s your contribution in terms of methodology, in terms of theory, in terms of knowing about the subject, maybe politically or in terms of some sort of contribution to society or the public right. […] I think a good [researcher] has many contributions right and I think that people should come to your work for a variety of reasons. » [16-historien]

La diversité, en ce sens, s’inscrit alors comme une catégorie normative et téléologique cherchant à justifier un ensemble de pratiques par rapport à d’autres. Cependant, elle est aussi relative à ces pratiques de façon concrète dans la mesure où avoir un pied dans une discipline académique et l’autre dans un auditoire extra-académique suppose une certaine diversification des supports de diffusion :

« Les revues académiques c’en est une, mais ce n’est pas la meilleure manière de le faire quand on veut le faire ici, si on veut influencer le terrain. Ça fait qu’il y a... j’utilise différentes approches. » [2-économiste]

« Yeah it’s like a balancing act right. So I have to maintain some of my research projects that are not as intimately tied to applied intervention programs. And then so publish in the traditional academic journals that people are all like that my peers are gonna look at and stuff. And then I do my other stuff like that I like you know. […] The audience is more a mix of academic researchers and practitioners and stuff […]. Since I am in a sociology department if I want to do well in my career I need to keep one foot firmly rooted in the scholar academic journal, and then meet my need for this other real applied stuff through these kinds of projects that I can siphon off a bit of it and write up say an article that would get recognized like in [journal] for example that will count towards my career as a sociologist. » [13-sociologue]

La diffusion pour les non-pairs renvoie donc à un ensemble de pratiques diversifiées autant par leurs formes que par leur public. Il peut s’agir d’engager des décideurs politiques, des groupes particuliers de la société civile ou encore le « grand public ». Cependant, par les repères sémantiques du langage de la pertinence, ces activités se posent

souvent comme relevant d’un même ensemble significatif construit autour de la notion d’intéresser des publics extra-académiques et d’interagir avec ceux-ci :

« Mon travail ne s’est jamais limité à un public. D'ailleurs, ça rejoint la question de la pertinence là hein, c’est toujours cette question, c’est-à-dire mon travail de chercheur n’a jamais été pensé comme un travail qui n’intéressait que des chercheurs en sciences sociales. Ce travail-là pouvait intéresser un public plus vaste le public qui s’intéresse à ces questions, les planificateurs politiques, les membres des associations de la société civile. »

[6-sociologue]

« Quand moi je parle des communautés, c’est les décideurs politiques, c’est les fonctionnaires, c’est les leaders communautaires. C’est dans le sens large là. » [2-

économiste]