• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 : Cadre théorique et opérationnalisation

2.3 Opérationnalisation

2.3.1 Définition de l’objet de recherche

Le phénomène social que nous tentons de comprendre est la variabilité de la signification de la recherche en fonction des publics et des visées cognitives de celles-ci. Plus précisément, nous voulons comprendre 1) comment les chercheurs articulent la signification, les buts et la légitimité de leurs projets de recherche et 2) comment ces projets s’inscrivent dans l’espace social académique. De ce qui précède, nous concluons que pour répondre à ces questions il nous faut comprendre les cartes mentales que sont les idéologies comme mode de connaissance. En effet :

«Cette organisation de la mémoire est structurée par des points de repère qui en forment l'indexation, c'est-à-dire qui organisent les contenus sensibles en ce qu'ils permettent leur localisation sociale. » (Sabourin 1997)

En d’autres mots, pour comprendre la différenciation sémantique de ces pratiques, il nous faut comprendre comment ils « s’indexent » dans la mémoire des individus. Notre objet de recherche sera donc ces cadres praxéologiques et sociocognitifs relatifs aux connaissances dans l’expérience à partir desquelles les individus appréhendent leurs pratiques et leurs relations sociales à l’interface de localisations distinctes. Ces cadres sont des traces de catégories sémantiques relatives aux expériences des chercheurs sur deux plans qui nous importent.

Premièrement, ces cadres témoignent des catégories de sens et des raisonnements à partir desquels les chercheurs attribuent des « buts » et une « légitimité » à leur recherche et à celle des autres. L’analyse de ces catégories nous permet alors de comprendre les registres sémantiques à partir desquels ils composent d’une part les téléologies et les légitimations de leurs pratiques et d’autre part leur appréciation de la recherche des autres. Deuxièmement, ces connaissances pratiques sont aussi composées de catégories sémantiques qui expriment la perception des chercheurs quant aux contraintes et aux incitations avec lesquelles ils composent pour opérer dans l’espace académique ainsi que pour s’engager dans une diffusion plus large. Une description de ces catégories nous permettra donc de comprendre les stratégies et les capitaux mobilisés par les chercheurs

pour réaliser leurs pratiques précises à l’intérieur de l’espace universitaire et dans leurs relations de diffusion ou de partenariat extra-universitaire. Finalement, la synthèse de ces deux plans par une analyse de leur structuration nous permettra de comprendre l’organisation sociale de ces pratiques à l’intérieur et aux marges de l’espace académique.

2.3.2 Modèle opératoire

Étant un centre de « totalisation » des expériences provenant de différents espaces sociaux, l’individu a recours à des « organisations de sens » localisées qui se croisent et se heurtent, non pas en tant que cohérence, mais en tant que « mise en rapport de plusieurs cohérences sociales » (Sabourin 2003). Les pratiques qui nous intéressent forment ainsi des domaines d’expérience particuliers qui se révèlent par les distinctions de sens élaborées par les acteurs. Le chercheur individuel est donc un point de rencontre où se posent différentes organisations du sens de la recherche incluant celle relative à sa propre pratique. De plus, la signification qu’il donne à ses recherches peut très bien découler d’une composition relevant de différents registres de sens. Or, si ces distinctions en termes « d’organisation sociale du sens » relèvent de l’expérience dans la pratique, nous en retrouvons également les traces dans les catégories sémantiques à partir desquelles les acteurs construisent leur discours (Sabourin 2003). C’est pourquoi nous avons effectué notre étude à partir d’une analyse sémantique des traces de la pratique dans le discours des chercheurs. Notre modèle opératoire se résume donc comme suit.

Les sphères de demande sociale définies par Brint (1994) regroupent des champs qui font des usages différents des connaissances produites socialement. Un champ est défini comme un « espace spécifique d’activité sociale, clairement distinct de son environnement et doté d’un principe ou de lois de fonctionnement qu’il appartient au chercheur de mettre au jour » (Berthelot 2008 : 83). Faisant usage de plusieurs formes de rationalités et d’une organisation sociale du sens de leur activité, les individus organisent les pratiques relatives à ces espaces et construisent de sorte leurs institutions. S’inscrivant dans la sphère de la production culturelle, l’espace académique a comme fonction principale la production de connaissances et les individus qui la composent organisent leurs pratiques en conséquence. Ces pratiques peuvent par contre varier en matière de forme et de signification. Dans le cadre de notre étude, la variation qui nous intéresse relève de l’organisation du sens de la recherche en fonction des fins cognitives et des publics cibles. Les individus vont donc

mobiliser leurs rationalités (cognitive, axiologique et instrumentale) et leurs capitaux (culturel, social, symbolique et économique) d’une part en effectuant leur pratique et d’autre part en frayant leur chemin dans les relations sociales qui composent l’organisation sociale de leur champ. Ces activités supposent par ailleurs le développement et la mobilisation d’une carte mentale leur permettant de s’orienter dans leur pratique. Ce schéma organisateur praxéologique et sociocognitif est composé de catégories sémantiques mobilisées autant dans l’action que dans le discours et il utilise le langage des espaces sociaux fréquentés. Ainsi, afin de comprendre les différences en matière de signification entre les différentes pratiques auxquelles participent les individus, il nous faut analyser le discours qu’ils portent sur celles-ci. Notre objet d’analyse est donc le discours que portent les chercheurs universitaires sur la recherche définie comme : les activités sociales reliées à la production, la diffusion, la transmission, la subvention et l’évaluation de la connaissance savante, ainsi qu’au cheminement professionnel relatif à ces activités.