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5. Exposé des résultats

5.2 Pratique des parents

Cette deuxième partie présente les résultats obtenus lors de mes entretiens quant à la pratique des parents dans l’encadrement des devoirs (annexe 10, tableaux 3.1 et 3.2). Elle repose sur dix question, regroupées par thématiques, permettant d’avoir une bonne vue d’ensemble de leurs pratiques. Bien que cette recherche vise à comprendre le regard des parents sur la directive se rattachant aux devoirs, il est important de s’intéresser d’abord à la pratique des parents afin de pouvoir ensuite la comparer avec ce qui est prescrit dans la directive. Cette démarche demande aux parents interrogés d’avoir en tête et de mettre en mots leur manière de faire, avant d’analyser, point par point la directive « devoirs ».

5.2.1 Déroulement des devoirs

Dans ce sous-chapitre, il s’agit de comprendre comment se déroulent les devoirs et si les mamans restent avec leurs enfants lors ce moment.

Cinq mamans disent que leurs enfants font leurs devoirs seuls, mais qu’elles se tiennent à leur disposition en cas de questions. En général, ces mamans imposent les moments où leurs enfants doivent faire leurs devoirs, mais ensuite les laissent seuls face à la tâche. Ceci nous rappelle ce que disait Moyne (1982) pour qui « il n’est donc pas nécessaire que l’autonomie soit totale pour qu’elle existe et qu’elle soit formatrice » (p. 42)

Six mamans, par contre, révèlent être présentes et faire les devoirs avec leurs enfants. Sur les six, cinq expliquent que c’est plutôt la volonté de leur enfant, qui n’arrive pas à faire ses devoirs s’il est seul. Pour une maman, il s’agit d’un choix, en tant que parents, d’accompagner son enfant dans ses devoirs. Une autre explique qu’elle laisse son enfant seul pour certaines tâches, mais qu’elle reste à côté de lui pour d’autres, comme par exemple pour des fiches de lecture. D’autre part, les personnes ayant expliqué ne pas être à côté de leurs enfants, se tiennent toutefois à proximité ou du moins à disposition dans le cas où leur enfant aurait une question ou une difficulté quelconque. Ces résultats montrent que les mamans sont, en général, disponibles pour leurs enfants lors des devoirs. Bien que certaines ne soient pas physiquement présentes aux côtés de leurs enfants, ceux-ci savent qu’elles sont là en cas de besoin. L’on peut se demander si les mamans interrogées qui ne restent pas aux côtés de leurs

enfants ont tout de même un contrôle des devoirs à effectuer ? Cette question est traitée au point suivant.

5.2.2 Contrôle et correction des devoirs

La question du contrôle et de la correction des devoirs a été abordée durant les entretiens.

Initialement, ces deux termes ont été séparés, toutefois, de par les réponses très similaires à ces deux questions, il est intéressant d’exposer ces données sous la forme d’un tableau.

Tableau 3 : Contrôle et correction des devoirs

Prénoms Contrôle Correction

Ludivine Regarde avec son enfant ce qu’il doit faire comme devoirs. Oui.

Stefania Ne vérifie pas. Estime que ceci revêt de la responsabilité de son enfant.

Juste la dictée.

Catherine Ne regarde pas toujours les fiches. Signe le carnet de devoirs. Non.

Celina Vérifie que tous les devoirs soient faits. Non.

Carole Signe le carnet de devoirs à domicile, ce qui constitue pour elle un moyen de contrôle.

Elle, non, mais son ex-mari, oui.

Hélène Contrôle tout. Elle relit les devoirs faits et souligne les erreurs, pour que son enfant n’ait pas de fautes.

Oui.

Joana Contrôle que les devoirs soient faits. Oui.

Jacqueline Contrôle que les devoirs soient faits, mais ne les relit pas. Non, sauf la dictée.

Marina

Le lundi, regarde ce que son enfant doit faire. Puis, les autres jours, reste auprès de lui lorsqu’il fait ses devoirs. En fin de semaine, vérifie que tous les devoirs soient faits.

Oui.

Valeria Regarde ce qu’il a à faire pour la semaine et ensuite reste toujours avec son enfant lors des devoirs.

Non.

Karène Essaye de ne rien vérifier et de faire confiance à son enfant pour s’organiser avec son agenda

Corrige la partie faite ensemble.

En comparant ce tableau aux propos rapportés au point précédent, l’on peut remarquer quelques contradictions. Par exemple, Stefania, qui est toujours à côté de son enfant lors des devoirs, assure ne rien vérifier, en justifiant que c’est la responsabilité de sa fille. Par

« vérifier » il semble que Stefania entende « corriger ». En effet, elle a compris qu’il ne s’agit pas d’un « contrôle » au sens large, mais au sens plus strict, comme une correction des devoirs. Car, elle explique aussi, ne pas corriger les devoirs, sauf la dictée. Bien qu’elle soit à côté de sa fille, elle ne se sent pas les capacités de corriger ses devoirs sans un modèle sur lequel se baser. Il en va de même pour Jacqueline qui dit ne pas corriger les devoirs, laissant la maîtresse voir où se situent les erreurs et les difficultés de son enfant, en réponse à la question « quel contrôle avez-vous des devoirs ? ».

Ainsi, ce terme de « contrôle » a posé des problèmes d’interprétation. En effet, Celina, a dit préférer être présente à côté de son enfant, pour être certaine qu’il fasse ses devoirs. Elle entend donc le terme « contrôle », sous la forme de « vérifier que les devoirs soient faits ».

Elle a compris cette question en terme de « vérification », « supervision ». Ce n’est que grâce à une question de relance qu’elle a pu expliquer qu’elle prend connaissance des devoirs à faire dans le carnet à domicile. À cela s’ajoute le fait que certaines mamans ont confondu

« corriger » et « contrôler ».

À ce sujet, il est intéressant de relever que bien que six mamans soient à coté de leurs enfants pendant les devoirs, six, aussi, affirment ne pas corriger les devoirs. Il ne s’agit pas forcément du même groupe de mamans, toutefois, il est étrange qu’en aidant son enfant dans les devoirs, les mamans ne corrigent pas au fur et à mesure, relevant les erreurs sur le vif. Ce sont, d’ailleurs souvent des mamans qui ne restent pas tout le temps à côté de leur enfant, qui corrigent les devoirs. C’est par exemple le cas de Ludivine. Elle explique qu’il est difficile pour elle de laisser partir son enfant à l’école avec des devoirs qui ne sont pas justes. Hélène, corrige aussi tous les devoirs, mais ceci dans un souci de ne pas avoir à les corriger la semaine suivante. Sinon, au lieu d’avoir quatre fiches à faire, son fils en aurait huit, les anciennes à corriger, et les nouvelles à réaliser. Les devoirs étant un moment pénible pour elle et son fils, elle préfère contrôler qu’ils soient justes avant que son enfant ne les rende. À part Ludivine et Hélène, trois autres mamans affirment corriger les devoirs de leurs enfants. Si ce n’est l’intégralité, du moins une partie. Qu’elles soient à côté ou non. Quant aux autres, elles ne corrigent pas de manière automatique, mais si en contrôlant les devoirs elles voient des erreurs, elles vont les signaler à l’enfant. En général, elles montrent à leur enfant où se situe l’erreur et celui-ci corrige directement, sans laisser de trace de son erreur. Seule Stefania demande à sa fille de corriger dans la marge et de laisser son erreur visible pour que l’enseignante puisse en prendre note. Cette manière de faire permet à l’enseignant-e de situer

les difficultés de ses élèves dans les devoirs, ce qui est rendu impossible par les autres mamans. Certaines ont toutefois pris le soin de prévenir l’enseignant-e qu’elles corrigent les devoirs, bien que ces premières aient expliqué pendant la réunion de parents leur volonté de voir des devoirs faits seuls par l’élève, et sans corrections apportées par les parents.

5.2.3 Aide extérieure

Une majorité des mamans répondent par la négative à cette question. Six sur onze n’ont pas eu recours à un-e répétiteur-trice, ou à un membre de la famille, ou aux études surveillées ou encore à tout autre type d’aide externe. Est-ce dû au fait que les mamans se sentent à l’aise avec les apprentissages actuels de leurs enfants ? Il semblerait qu’elles n’éprouvent pas de difficultés à apporter une aide sur les activités proposées, toutefois l’une d’elles, Celina, a fait appel à une association qui se nomme « les clés pour apprendre », afin de permettre à son fils aîné de structurer ses devoirs, de s’organiser. Le cadet a bénéficié lui aussi de ces mêmes cours. Deux autres ont fait appel à leur propre parents pour aider leur enfant. L’un est un ancien professeur de mathématique et il aide son petit-fils dans cette discipline.

Enfin, une seule enfant va aux études surveillées.

De manière générale, ce ne sont pas les mamans qui ne sont pas capables d’apporter de l’aide à leurs enfants, mais ceux-ci qui opposent une résistance aux devoirs, ce qui crée des conflits.

C’est pourquoi certaines de ces mamans ont recourt à des aides externes.

5.2.4 Devoirs et autonomie?

Au sujet de cette question importante sur l’autonomie, les mamans qui répondent « oui » à cette question le suivent immédiatement d’un « mais ». « Oui, mais il n’a que huit ans »,

« oui, mais c’est difficile », « oui pour le grand, mais pour le petit il est impossible de le laisser en autonomie », « oui, je la laisse faire ses devoirs seule, mais je suis quand même derrière pour vérifier qu’elle les fasse ». Cet enchaînement de « oui, mais » laisse penser que, si ces personnes ont cette volonté de favoriser l’autonomie de leur enfant, il est parfois difficile pour elles de le faire. Soit parce que leur enfant est très demandeur, soit parce qu’elles-mêmes n’arrivent pas à « lâcher » entièrement leur enfant. Souvent, dans leurs discours les mamans estiment leurs enfants trop jeunes pour les laisser en autonomie.

Certaines émettent par ailleurs la volonté d’accompagner leurs enfants dans cette démarche.

5.2.5 Manières de procéder

À ce sujet, de nombreuses mamans expriment connaître les attentes de l’enseignant-e, c’est-à-dire de ne pas corriger les devoirs, de laisser l’élève faire ses devoirs de manière autonome.

En effet, les enseignant-e-s expliqueraient les devoirs en classe, ce qui permettrait aux élèves de les faire seuls. Toutefois, bien qu’elles soient conscientes de cette volonté, elles expriment faire selon leurs propres conceptions et selon leur enfant. Si leur enfant demande de l’aide, elles font en fonction de leur enfant.

Seules trois d’entre elles se disent influencées par les demandes de l’enseignante. Mais respectent-elles ces consignes? Ou font-elles, finalement, selon leurs propres conceptions et leur propre expérience des devoirs ?

En effet, huit mamans sur onze reproduisent à peu près le même schéma que leurs propres parents ou se rappellent de leur manière de faire les devoirs et se retrouvent dans ce que font leurs enfants. Une autre dit même qu’elle « a un œil sur sa fille pour être sûre qu’elle fasse ses devoirs ». Car elle-même n’aimait pas faire ses devoirs et trouvait toutes sortes de stratégies pour éviter cette tâche.

En revanche, deux d’entre elles qui, lorsqu’elles étaient petites, n’avaient pas toujours pu obtenir de l’aide de leurs parents, font selon ce qu’elles pensent être le plus juste et en fonction de leurs enfants. Elles restent auprès d’eux, selon leurs demandes, et aussi pour pouvoir bénéficier d’un moment d’échange, mais aussi vérifier que leurs enfants fassent leurs devoirs.

Enfin, Ludivine qui suit la formation LME (licence mention enseignement), affirme que, grâce à ses études, elle se sent capable de donner les explications nécessaires à son enfant s’il en a besoin. Elle explique aussi, qu’elle n’a pas été surprise de la quantité de devoirs reçus en 3P. Son statut de stagiaire ou de remplaçante, la place à un niveau différent. Elle a un regard professionnel sur les devoirs. Cependant, bien que souvent, elle répond aux questions avec un regard de maman, oubliant celui de future enseignante, ici sa formation joue un rôle important, puisqu’elle lui permet d’avoir des gestes, et une manière de s’y prendre différente de celles des autres mamans, qui se basent sur leurs propres expériences ou sur les conseils de l’enseignant-e. Ludivine peut, en plus, prendre en compte les connaissances acquises tout au long de sa formation.

5.2.6 Organisation des devoirs

À la question sur l’organisation des devoirs dans la classe de leurs enfants, le but est de savoir de quelle manière les enseignants-es informent ou non les parents de leur moyen d’aménager les devoirs, autant dans la classe, qu’en dehors. Les mamans ont pu répondre sur l’organisation des devoirs en dehors de la classe, par exemple elles savent quel jour leur enfant reçoit ses devoirs et quel jour il doit les rendre. Toutefois, ce qui se passe en classe, elles ne le savent pas. Elles déduisent certaines choses, mais n’ont aucune certitude. Aucune maman ne sait comment les enseignant-e-s corrigent les devoirs. Si cela se passe de manière collective, ou s’ils corrigent puis rendent les exercices à modifier aux élèves. Certaines mamans comme Hélène déduisent la manière dont l’enseignant-e organise les devoirs dans la classe, car il arrive que leurs enfants parlent de « pelle à corriger » ou ramènent des devoirs faux à la maison, annotés par l’enseignant-e et à corriger par l’élève.

Quant à l’organisation de la semaine, dix familles peuvent bénéficier du week end pour prendre connaissance des devoirs ou pour les commencer. Parmi ces dix familles, neuf reçoivent les devoirs le vendredi et une le lundi. Pour Marina, dont le fils est en spécialisé, l’enseignante étant contre les devoirs le week end, elle les donne du lundi au vendredi. Après, bien que cette enseignante estime que les devoirs ne doivent pas être faits durant le week end et a pu avancer de très bons arguments aux parents lors de la réunion de début d’année, elle se retrouve en opposition avec la directive qui stipule que les devoirs doivent être faits à la semaine.

5.2.7 Réunions de parents ou entretiens individuels

De manière générale, le thème des devoirs est abordé lors de la réunion de parents organisée par les enseignant-e-s au début de l’année. Neuf mamans disent avoir obtenu des informations à ce moment-là. Ces informations portent essentiellement sur l’organisation, (par exemple du vendredi au vendredi) précisant que le week end n’est pas un moment pour faire les devoirs, mais qu’ainsi les parents sont libres de s’organiser comme ils le souhaitent.

Par contre, lors des entretiens individuels, les devoirs sont également abordés mais ce sont plutôt les parents qui amènent ce thème dans la discussion. S’ils rencontrent des difficultés

Les réunions ou entretiens de parents devraient être un lieu privilégié pour parler de la question des devoirs, toutefois, cela ne se fait pas systématiquement. Est-ce par ce que les devoirs sont en place depuis très longtemps, et que chacun peut se faire une idée à ce sujet ? Ayant tous, ou presque, eu des devoirs, il est facile de se représenter la tâche. Ensuite, selon le vécu de chacun, les parents peuvent imaginer un moyen de faire les devoirs au mieux. Les parents ont aussi quelques idées du « devoirs bien fait », et des attentes des enseignant-es.

Cependant, il est important que le thème des devoirs soit traités lors des réunions, afin de placer tous les parents sur un même pied d’égalité, avec une base commune.

5.2.8 Synthèse

En guise de synthèse, plusieurs points se dégagent de cette présentation et qu’il est important de mettre en évidence. Tout d’abord, on remarque qu’aux questions « êtes-vous avec votre enfant lorsqu’il fait ses devoirs ? » et « quel contrôle avez-vous des devoirs ? » les mamans reviennent sur leur position. Ce n’est donc pas évident de savoir exactement comment se passent les devoirs. On peut se demander si elles n’ont pas répondu plutôt ce qu’il « faudrait » répondre en regard de leurs connaissances sur les procédures liées aux devoirs et préconisées par les enseignant-es. Comme nous l’avons vu plus haut dans la partie théorique de ce mémoire, l’autonomie ne signifie pas toujours de faire une tâche entièrement seul, du début à la fin. Il est tout à fait possible d’orienter l’enfant, en lui disant par quoi commencer, ou à quel moment faire ses devoirs. Toutefois, les personnes interrogées ont la définition du sens commun en tête « être autonome, c’est faire seul ». C’est pourquoi, leurs réponses sont parfois influencées par cette définition.

Ensuite, on peut également relever que pour beaucoup des personnes interrogées l’influence de leurs propres parents a encore un poids sur leurs pratiques. Ces femmes ont presque toutes fait des études après le post-obligatoire, elles semblent donc considérer que ce schéma a fonctionné pour elles et elles le reproduisent avec leurs enfants. Souvent, l’on prend le modèle de ce que l’on a vécu. Il arrive que le modèle ne nous ait pas convenu, toutefois, n’en connaissant pas d’autre on le reproduit. Parfois, on essaye de l’améliorer. Parfois on essaye de l’éviter. Mais lorsque, finalement, on est satisfait du résultat qu’il a eu sur nous-même, on le réutilise. C’est le cas ici, avec les mères interrogées. Celles qui disent avoir éprouvé un manque de la part de leurs parents quant aux devoirs, qui auraient voulu plus d’aide, apportent

ce manque à leur enfant. Quant à celles qui ont vécu leurs devoirs plus ou moins bien, grâce à la présence de leurs parents, elles reproduisent ce schéma. Et finalement, celles qui n’avaient pas de difficultés et qui connaissent les stratégies d’évitement de la tâche « gardent donc un œil » sur leurs enfants.

Pour conclure, bien que les enseignants-es fassent quelques recommandations sur la manière d’accompagner les élèves dans les devoirs, il semble que les parents font, malgré cela, selon leurs propres représentations, leurs propres expériences, et surtout selon leurs enfants. La majorité des mamans expliquent qu’elles voudraient bien favoriser l’autonomie, mais qu’avec leur enfant elles n’y parviennent pas. D’autres n’arrivent pas “à lâcher du lest’’. Elles ont tellement peur que leur enfant ne fasse pas ses devoirs, qu’elles préfèrent tout contrôler. un peu comme si en agissant autrement, elles auraient l’impression de ne pas remplir leur contrat de parent, tant au niveau de leur enfant que de celui de l’enseignante. Elles ont peut-être peur du jugement de l’enseignante si elles ne contrôlent pas les devoirs et si leur enfant va à l’école avec un devoir non fait.