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Quel regard portent les parents interrogés sur les objectifs, les principes, le contenu et la durée présentés dans la directive « devoirs » ?

5. Exposé des résultats

6.1 Retour sur les questions de recherches spécifiques

6.1.2 Quel regard portent les parents interrogés sur les objectifs, les principes, le contenu et la durée présentés dans la directive « devoirs » ?

À des fins de clarté pour le lecteur, la réponse à cette question sera décomposée. En premier lieu, je traiterai des objectifs, puis des principes, en troisième lieu du contenu et enfin de la durée des devoirs.

6.1.2.1 Objectifs

Premièrement, quant aux objectifs, il me semble bon de les rappeler. La directive évoque pour but de « favoriser le développement de l’autonomie de l’élève dans la gestion d’une tâche ». Il est spécifié que « le rôle de l’école est d’enseigner cette démarche et de l’accompagner ». Il est également prescrit que « les devoirs offrent l’opportunité à l’élève de transposer dans sa vie quotidienne les apprentissages qu’il a accomplis à l’école », ainsi que « les devoirs permettent de diversifier l’accès, la mise en pratique et la consolidation des connaissances et savoirs acquis en classe ».

Au sujet, de l’autonomie, certaines mamans ont exprimé que cet objectif était juste, pertinent,

ceci devrait être enseigné. En revanche, elles ont exprimé, pour certaines, faire ce travail d’accompagnement dans l’autonomie de leur enfant, en indiquant à leurs enfants des moments où faire leurs devoirs, par exemple.

Aussi, plusieurs d’entre elles trouvent très bien de « transposer dans la vie quotidienne les savoirs appris en classe », mais elles expriment aussi leurs doutes quant à cette compréhension de la part de leurs enfants. Elles n’estiment pas que leurs enfants fassent le lien entre leur quotidien et les devoirs, car ceci, n’est pas suffisamment explicite et expliqué à l’école.

Sur le dernier point, s’agissant de « la consolidation des savoirs acquis en classe », certaines mamans, avant même d’avoir eu la directive sous les yeux, définissent les devoirs de cette manière. De plus, lors des questions d’entretiens sur ce sujet, elles ont très largement (10/11) exprimé être en accord avec cette affirmation.

Je peux donc en déduire, que seul un des objectifs, pour mon échantillon, est respecté : le dernier. Les deux premiers sont quelques peu mis en tension entre la volonté de l’Institution et la volonté des parents.

6.1.2.2 Principes à respecter

À présent, passons aux principes à respecter. Ceux-ci ont tenu une grande place dans les entretiens. En réalité, la directive contient neuf principes à respecter. Il s’agit bien évidemment d’élément destinés avant tout aux enseignant-e-s. Néanmoins, les personnes interrogées ont pu s’exprimer à leurs propos selon leur connaissance des devoirs à domicile, mais aussi en fonction de leurs représentations des devoirs.

En règle générale, les mamans ont émis quelques doutes et ont relevé quelques inexactitudes.

En effet, dans leur expérience, les devoirs ne sont pas, sauf pour un enfant qui est en spécialisé, différenciés ou adaptés aux besoins des élèves. À ce sujet, les mamans montrent à la fois leur compréhension vis-à-vis des enseignant-es de leurs enfants qui, selon elles, n’arriveraient pas à faire des devoirs différents pour chaque élève, mais elles montrent aussi leur déception que cela ne puisse se faire. Elles souhaiteraient que leurs enfants aient des devoirs adaptés à leurs difficultés, mais aussi qu’ils soient adaptés en quantité.

De plus, dans les principes à respecter, la problématique de l’autonomie est à nouveau soulevée. Toutefois, je peux dire ici, que l’autonomie est un des points essentiels qu’elles ont instinctivement liés aux devoirs. Il apparaît donc que ce thème est un des points clé que l’on peut associer aux devoirs.

Aussi, la directive énonce que la fin de semaine est un moment pour prendre connaissance des devoirs, mais non pas pour les effectuer. Pourtant, bon nombre des mamans interrogées profitent de ce moment pour avancer les devoirs. Par contre, il faut souligner que plusieurs ont affirmé le fait de ne pas se priver d’un week end ou de pas profiter de ces deux jours de congé pour privilégier les devoirs. Pour elles, le samedi et le dimanche offrent une opportunité de se plonger dans les devoirs, mais sans être une obligation ou une contrainte.

Toutefois, certaines ont déploré le fait de ne pas recevoir de demande de la part des enseignants-es concernant les devoirs à domicile. Ce sont bien souvent les parents, qui doivent faire la démarche auprès des enseignant-e-s pour obtenir des informations ou exposer des doléances. Ceci est aussi valable pour la réunion des parents, au sujet de laquelle quelques mamans expliquent que les parents avaient dû eux-mêmes soulever la problématique des devoirs.

6.1.2.3 Contenu

Selon la directive, les devoirs doivent porter sur un « renforcement des apprentissages et un développement de démarches complexes », c’est-à-dire en utilisant des documents de référence, en réalisant des compréhensions en lecture ou des rédactions de textes, en cherchant des informations ou en préparant des questions. De plus, les devoirs peuvent être

« des propositions de jeux pour renforcer les apprentissages et favoriser la mise en pratique des savoirs scolaires ». Ils peuvent aussi se présenter sous forme « d’activités d’entraînement et de mémorisation ». Enfin, il est possible « d’élargir le champ des activités scolaires en préparant une excursion ou en rédigeant une invitation pour une fête d’école ». Ce contenu, selon les mamans, n’est pas intégralement respecté. Elles émettent toutefois un avis quelque peu réservé en supposant que ce contenu est progressif. Puisque la majorité des mamans interrogées ont un enfant en 3P, elles pensent que ce contenu étant valable jusqu’en 6ème primaire, va évoluer au fil des années scolaires en proposant de plus en plus d’activités, et en les variant. Certaines disaient lors des entretiens, que le fait de préparer une excursion était peut- être un peu tôt dans leur apprentissage, que cela se fairait plus tard.

6.1.2.4 Durée

Concernant la durée, le problème ne se situe pas au niveau quantitatif mais au niveau de leur propre enfant. Pour les mamans des enfants dont la durée prescrite (il s’agit d’une fourchette se situant entre une demi-heure en 1P et de trois heures en 6P) est dépassée, elles ne prétendent pas que cela vienne de l’enseignant-e qui donnerait trop de devoirs, mais de leur enfant qui ne parvient pas à faire son travail dans les temps impartis. Une solution serait de lancer la question de la différenciation. Les devoirs sont censés être différenciés et ceci ne se fait pas, sauf en spécialisé. Il s’agit peut-être ici de prendre en compte cette donnée et de se demander si le fait que les élèves prennent trop de temps pour faire leurs devoirs, ne vient pas, aussi, peut-être du fait qu’ils en ont une quantité qui n’est pas adapté à leur rythme d’apprentissage.

6.1.3 La directive « devoirs » vise à favoriser l’autonomie des élèves. Selon les parents qu’en est-il dans leur pratique des devoirs ?

Dans la pratique, les opinions des mamans sont parfois en opposition avec la directive.

Effectivement, la directive informe que « les devoirs peuvent être accomplis par l’élève de manière autonome », toutefois, les mères interrogées sont très présentes lors des moments de travail à la maison. Cependant, comme le disait Moyne (1982) au sujet de l’autonomie : « il n’est donc pas nécessaire qu’elle soit totale pour qu’elle existe et qu’elle soit formatrice » (p.42). À en croire cet auteur, les mères ne seraient donc pas en tort en accompagnant leur enfant dans les moments de travail à domicile. Cependant, certaines semblent ressentir le devoir d’être à côté de leurs enfants, à tous les moments consacrés aux devoirs, ce qui finalement revient à ne laisser aucune autonomie. L’idéal serait donc de trouver un juste milieu. Mais ces mamans ont avoué avoir de la difficulté sur ce plan avec leur enfant lors des devoirs. Elles ont aussi ajouté que si elles n’agissaient pas de la sorte, en vérifiant tout et en restant à proximité, voire en faisant les devoirs avec leur enfant, celui-ci risquait de rendre des devoirs non-faits. C’est donc dans ce souci, de rendre des devoirs terminés, et surtout de ne pas avoir à rattraper le travail non-fait, que les mamans restent à côté de leur enfant lorsqu’ils travaillent à domicile. Dans d’autres situations, pour Marina par exemple, les mamans restent à côté car elles assurent une sécurité à leur enfant. Ceux-ci indiquent une insécurité face à la tâche, et bien qu’ils n’en auraient pas toujours besoin, demandent une présence à leur côté, afin de se tranquilliser. Ce n’est pas pour autant que ces élèves montrant de l’insécurité, du

manque de confiance en eux, qu’ils ne sont pas capables de réaliser leurs devoirs. Et si les mamans restent à côté pour apporter une présence, ils peuvent tout de même faire leurs devoirs sans demander de l’aide, ce qui revient à dire qu’ils les font seuls.

D’autres mamans, enfin, imposent des plages horaires réservées aux devoirs et tout en se tenant à disposition de leur enfant en cas de besoin, de questions, de doute, elles peuvent pendant ce temps vaquer à d’autres occupations. Toutefois, elles vérifient en fin de semaine, si tous les devoirs ont été effectués. Ceci, donne un cadre à l’enfant. Néanmoins, et toujours selon la directive « celui-ci doit être responsable de la gestion de son travail ». Ce serait donc à l’enfant de gérer son carnet à domicile et le temps qu’il doit consacrer à ses tâches. Cela est-il possible ? Un enfant de troisième primaire par exemple, peut-est-il, tout seul, regarder ce qu’est-il doit faire, organiser son temps et effectuer ses devoirs tout seul ? Selon les mamans interrogées, leurs enfants sont encore un peu jeunes pour réussir à organiser leurs semaines et les moments qu’ils attribueront aux devoirs. De plus, un enfant préférera sans doute jouer plutôt que faire ses devoirs. Il a donc besoin d’une personne ayant une autorité sur lui, pour lui imposer ces moments de travail. Il s’agit ici du rôle des parents, qui auraient un rôle de contrôle, de supervision. Nonobstant, la directive n’explique pas le rôle que doivent tenir les parents quant aux devoirs. C’est pourquoi, ceux-ci font selon leur propre représentation des devoirs, et ne se laissent pas influencer par la directive, car ils ne s’y retrouvent pas.

De plus, dans la brochure « école enfantine, école primaire 2009 », il est écrit que « les élèves doivent effectuer leurs devoirs seuls. Mieux vaut un travail avec des erreurs ou non-terminé qu’un travail correct dicté par l’adulte » (p.12). Si cette volonté de rendre autonome les élèves est compréhensible, il semble toutefois difficile de demander aux élèves d’y arriver seuls, sans que l’autonomie fasse l’objet d’un apprentissage. Aussi, d’après mes entretiens, il ne s’agit nullement d’un « travail dicté par l’adulte », lorsque les parents sont à côté de l’enfant, mais bien d’une aide, d’un appui, d’une présence. En outre, les mamans se sentent responsables des devoirs de leurs enfants. Et si ceux-ci les rendent non-terminés, nous savons tous ce que la majorité des enseignants-es vont penser « les parents ne sont pas présents » et non « il a essayé de faire ses devoirs seul, mais n’y a pas réussi ». Il y a, il faut l’avouer, ce regard de l’enseignant-e qui met une sorte de pression sur le parent. Bien qu’il soit prescrit que l’enfant doit pouvoir être seul, si celui-ci l’est réellement, l’on va accuser les parents d’absentéisme. Il y a un paradoxe à régler. Mais surtout, il y a un travail de fond, sur l’autonomie, qu’il faudrait redéfinir non comme dans la brochure de 2009, en demandant à

l’élève d’être seul face à sa tâche, mais en admettant que l’autonomie, c’est aussi avoir une certaine aide, un certain appui comme le mentionne Moyne.