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CHAPITRE 9 : FONCTIONNEMENT GLOBAL DES DEUX ACTIVITES DE

9.3 Présentation des résultats aux bilans

9.3.2 Présentation des bilans psycholinguistiques

Les épreuves des bilans psycholinguistiques (annexe 6) portent sur des unités langagières lexicales : identification de mots (Im) familiers, présentés en trois séries différentes : dans leur contexte d‟apparition (Co) (photographies), selon leur logo (Lo) en noir et blanc, ou écrits en manuscrits (Ma) (mots comme duplo, poste, police, stop, etc.) ; reconnaissance des prénoms (Rp) ; reconnaissance de l‟écrit en contexte (Rec) (symbole pictural différent du signe graphique). Elles portent aussi sur les unités sublexicales : production de lettres (Ple), reconnaissance de lettres produites (Rlep) et identification de lettres (Ile)

Tableau 27. Résultats aux bilans psycholinguistiques sur les unités lexicales (score moyen du groupe transformé en pourcentage [Sc m%] selon le nombre d‟items par épreuve)

T1

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Ces résultats vont être commentés en deux points : l‟évolution de T1 à T4 pour les deux groupes et la comparaison entre les deux groupes.

Evolution de T1 à T4

Les résultats du Tableau 27 font apparaître que les deux groupes de lecture évoluent de manière progressive entre T1 à T4. Pour les épreuves de reconnaissance de l‟écrit en contexte, les deux groupes au T1 ont déjà une conscience de l‟écrit. Les résultats montrent que pour les épreuves identification logographiques de mots familiers (annexe no 6) (Im) présentés en trois séries différentes : manuscrites, logo et contexte leur pourcentage augmente en cours d‟année scolaire. Pour le groupe LEE concernant l‟épreuve de l‟identification des mots en manuscrits, passant de 0% à T1 et T2, 2% à T3 et 2% à T4. Signalons que pour cette épreuve, si la majorité ne reconnaît aucun mot manuscrit de manière logographique, par contre tous ou presque du groupe LEE font un décodage analytique du mot, graphème par graphème, ou graphophonologique. Donnons un seul exemple au T3 d‟un enfant de LEE et d‟un enfant de LER, pris comme prototypique de leur groupe. Concernant LEE, nous avons invité l‟enfant à observer attentivement les 10 étiquettes manuscrites (Poste, Duplo, Stop, Zoo, Coo, Migros, Police, Mouflets, Denner) en lui posant la question est-ce que tu arrives à savoir ce qui est écrit ?

Pour le mot Poste il reconnaît les lettres o, s, t, e (en disant ça c’est e…); Duplo, il reconnaît o, u ; Stop, il reconnaît s, t, o ; Zoo, il reconnaît o ; Migros, il reconnaît M, i, o, s ; police, il reconnaît e, i o ; mouflets, il reconnaît m, o, u, e, t, s ; Denner, il reconnaît e. Tandis que dans le même temps (T3) pour la même épreuve nos résultats montrent que l‟enfant du groupe LER ne reconnaît aucun mot manuscrit de manière logographique comme pour LEE mais par contre reconnaît la lettre s à la fin de Migros (en disant ça c’est s) (l‟enfant s‟appelle Sam) Comme on pouvait s‟y attendre les enfants des deux groupes à T1 et à T2 totalisent un pourcentage de 0% pour la lecture de mots manuscrits, ce n‟est qu‟à T3 et T4 que LEE réalise un pourcentage très faible de 2% et 0% pour LER concernant ces deux temps.

Il est par contre tout à fait surprenant de constater que les enfants des deux groupes utilisent déjà des connaissances liées au code. Bien sûr, la différence est évidente entre les deux groupes quant à la connaissance du nombre de lettres identifiées dans cette épreuve.

Comparaison entre les deux groupes LEE/LER

En ce qui a trait à l‟épreuve Logo pour le groupe LEE, il passe de 0 % à T1, 0% à T2, dès T3 en CE1 affiche un pourcentage plus élevé (40%) et ce pourcentage reste stable à T4 (40%); on assiste à un mouvement aussi progressif pour LER à partir du T3 comme pour LEE en CE1 , et dans une moindre mesure pour le groupe LER concernant la même épreuve, passant de 0%

à T1, 0% à T2, 20 % à T3 et reste constant avec un pourcentage de 20% à T4.

Quant à l‟épreuve de mots en contexte le groupe LEE, passe de 12% à T1, 12% à T2, 70% à T3 et 70% à T4; LER pour la même épreuve, passant de 10% à T1, 10% à T2, 30% à T3 et 30% à T4. Pour les deux groupes nous constatons une constance entre T1 et T2 (12% LEE et 10% LER) également aucune fluctuation entre T3 et T4 pour les deux groupes (70% LEE et 30% LER). Il est difficile de dire si ces résultats est un effet d‟apprentissage ou pas.

Cependant cet aspect de nos résultats mérite d‟être souligné. La plus grande fréquence de reconnaissance de mots liés au contexte plaide en faveur du développement de situations

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suffisamment complexes pour faire intervenir les différentes composantes interactives de l‟apprentissage de la littéracie. Il nous semble particulièrement intéressant de promouvoir des démarches qui permettent aux enfants « d‟entrer dans l‟écrit » en les mettant en situation

« vraie » de lecteur et de scripteur comme les situations dans lesquelles nous les avons observées (Navarro-William, 2009 ; Ferreiro, 1988 ; 2000 ; Saada-Robert et al., 2003). Selon les auteurs (Frith, 1985 ; Seymour, 1997 ), les enfants passent par le premier stade dit logographique ou visuel avec des caractéristiques élémentaires fondé sur les devinettes linguistiques (par exemple un enfant du groupe LER au T3 dit : « le magasin de fleurs pour MIGROS », pour DUPLO dit : « la crèche, l‟école de Axel » (son petit frère) ; il est sous entendu que ce jeu se trouve ou plus exactement le logo se trouve à la garderie de son frère ou lui y était quelques mois auparavant avant l‟école ; pour la même épreuve lecture de mots manuscrits, certains enfants utilisent d‟abord des connaissances liées au code plutôt que logographique. La pratique de l‟activité d‟écriture émergente expliquerait cette utilisation précoce et spontanée du code. Nous l‟avons vu au cours de notre recherche, un enfant Mat du groupe LEE dans l‟étape écriture émergente où il devait expliquer sa production écrite (explication métagraphique), montre sa production en pointant avec le doigt « ici c‟est i la fin de Tchoupi» Ceci montre qu‟il utilise des connaissances liées au code qui n‟ont pas été enseignées en tant que telles, indépendamment de la lecture interactive. Soulignons un point commun entre les deux groupes concernant toujours l‟épreuve de la lecture de mots en contexte à T1. Par exemple pour le mot Duplo l‟enfant du groupe LEE au lieu de « lire » de manière logographique Duplo dit : « Lego » ; l‟enfant du groupe LER dit : « jouet » ; pour le mot ZOO l‟enfant du groupe LEE dit : « c‟est là ou il y a des animaux » l‟enfant du groupe LER dit : « animal »; pour le mot MIGROS, l‟enfant du groupe LER dit : « magasin » , l‟enfant du groupe LEE dit : « magasin, restaurant « ; POLICE l‟enfant du groupe LER dit : « voiture, lumière »; l‟enfant du groupe LEE dit ; « voiture de pompier, ambulance, » . Notons encore un exemple surprenant du groupe LER au T2 concernant la lecture de mot en contexte, bien que l‟enfant reconnaît l‟image en contexte en disant : « c‟est un jeu, c‟est l‟école, c‟est un magasin… », mais quand nous lui demandons de nous dire ce qui est écrit, énonce des chiffres, par exemple pour police dit : « un 7, un 6, un 9 » ; Migros : « un 5, un 7 un 8, un 9 et un 6 ; Mouflets : un 4, un 6, un 8 un 9 ; Poste : un 8, un 7, un 6; Zoo : un 8, un 7, un 8 » ; Denner : « un 8, un 4, un 6 » ; et ainsi de suite pour les autres mots en contexte ainsi que l‟épreuve de lecture de mots logo ou encore l‟épreuve de la reconnaissance de lettres énonce les chiffres 1 2 7 9 20…

On le voit bien les enfants utilisent leurs connaissance du monde, leur contexte de vie, des situations qui font écho à leur vie quotidienne, ce qui fait sens pour eux pour construire ou se représenter de manière significative le monde de l‟écrit, en explicitant, en faisant des associations, des liens, des analogies. Par exemple l‟enfant du groupe LEE au lieu de « lire » le mot zoo donne sa compréhension du mot : « c‟est là où il y a des animaux » pour le mot Stop il dit : « attention ! » ! Ou encore l‟enfant du groupe LER fait référence au logo de DUPLO à la garderie de son frère. A l‟épreuve de l‟identification des lettres l‟enfant du groupe LEE pour la lettre M dit : « c‟est McDonald, c‟est la lettre en jaune quand je vais avec maman au McD onald ».

Nous constatons que les enfants construisent des relations causales entre divers évènements vécus même avant l‟entrée à l‟école. Pour paraphraser Makdissi et Boisclair (2004), dès l‟entrée dans la production langagière, pour ne pas dire avant, l‟enfant commence à « se raconter » et à rappeler des histoires vécues ou des récits qui lui sont lus par l‟adulte ou qu‟il voit et entend dans son environnement social.

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Pour ce qui est des connaissances sublexicales (voir tableau 27 en gris) concernant l‟épreuve de production de lettres du groupe LEE, elles passent de 11% à T1, 20% à T2 , 26% à T3 et 63% à T4 ; le groupe de LER pour la même épreuve, passant de 8% à T1, 9% à T2, 23% à T3 et 24% à T4.

Pour la reconnaissance de lettres produites concernant LEE, passant de 3% à T1, 8 % à T2, 13% à T3 et 42% à T4 ; LER pour la même épreuve, passant de 3% à T1, 3% à T2, 6 % à T3 et 16% à T4 ;

Pour l‟Identification des lettres concernant LEE, passant de 7 % à T1, 14 % à T2, 33 % à T3 et 54% à T4; LER pour la même épreuve, passant de 2% à T1, 6% à T2, 8% à T3 et 25% à T4. Quant à la production et l‟identification des lettres au T4 (CE1) nous pouvons relever dans nos résultats une augmentation très marquée pour LEE : 63% pour la production des lettres et 54% pour l‟identification des lettres). Ceci confirme notre hypothèse de départ, l‟impact de LEE est fort.

En ce qui concerne la reconnaissance de l‟écrit différent du symbole picturale LEE dès le T1 obtient un pourcentage de 100% aux quatre temps ; LER passant de 80% à T1, 87% à T2, 100% à T3 et 100% à T4. Quant à l‟épreuve de reconnaissance de prénom LEE, passant à T1 de 75%, 100 % à T2, T3 et T4 ; LER, passant de 75% à T1, 50% à T2, 100 % à T3 et 100% à T4. Ces résultats montrent que la connaissance du nom ou du son de quelques lettres constitue pour la plupart des enfants un pré-requis pour l‟apprentissage de la lecture.

Ces résultats confirment donc notre hypothèse, à savoir que les compétences en lecture/écriture et en compréhension narrative sont meilleures dans le groupe LEE (Dickinson

& Smith, 1994 ; Sénéchal, 2000 ; Saada-Robert et al., 2003 ; Navarro-William, 2009) que celles du groupe LER. Ils montrent que les deux groupes évoluent avec une progression plus marquée du groupe LEE par rapport à LER, ce qui corrobore d‟ailleurs les résultats des analyses microgénétique, (voir chapitre 10) dans la mesure où les composantes du savoir échangées dans les interactions ont porté, entre autres, sur les unités lexicales et sublexicales.

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