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Implémentation de la littéracie émergente en Institution de la petite enfance au travers de deux pratiques contrastées de lecture/écriture

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Academic year: 2022

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Thesis

Reference

Implémentation de la littéracie émergente en Institution de la petite enfance au travers de deux pratiques contrastées de lecture/écriture

NAVARRO-WILLIAM, Edeline

Abstract

La présente thèse met en lumière, à travers l'analyse microgénétique d'un dispositif didactique, que la construction des connaissances de l'enfant en Institution de la Petite Enfance passe par l'élaboration progressive et parallèle d'un espace de significations partagées ou de l'action conjointe de l'éducatrice et des enfants et est dépendante d'une zone de compréhension commune. Elle étudie de manière comparative l'impact de deux pratiques différentes de lecture/ écriture observées en Institution de la Petite enfance, sur l'entrée dans l'écrit en première année du cycle scolaire élémentaire à Genève. Elle cerne les interactions verbales et gestes professionnels de l'éducatrice dans la structuration de son activité en situation et confronte ce cheminement dans sa temporalité. Les résultats mettent en évidence que l'enfant, lorsqu'il est engagé dans des activités dirigées de lecture interactive où il est considéré comme un partenaire actif, présente plus d'aisance avec le monde de l'écrit tant au niveau du développement lexical oral qu'au niveau de l'acquisition de la langue écrite.

NAVARRO-WILLIAM, Edeline. Implémentation de la littéracie émergente en Institution de la petite enfance au travers de deux pratiques contrastées de lecture/écriture. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2011, no. FPSE 471

URN : urn:nbn:ch:unige-148647

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:14864

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:14864

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Section des sciences de l’éducation Sous la co-direction des professeures Madelon Saada-Robert et Francia Leutenegger

Implémentation de la littéracie émergente en Institution de la petite enfance au travers de deux pratiques contrastées de lecture/écriture.

Progression des enfants et gestes professionnels analysés en microgenèse didactique.

THÈSE

Présentée à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève

pour obtenir le grade de

Docteur en Sciences de l’Education

par

Edeline NAVARRO-WILLIAM

de

Lancy (Genève) Thèse No 471

GENÈVE Janvier, 2011

89-316-269

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2 Membres du Jury :

Madelon SAADA-ROBERT, Prof., Université de Genève, co-directrice

Francia LEUTENEGGER, Prof, Université de Genève, co-directrice

Glais SALES CORDEIRO, Dr., Université de Genève

Joaquim DOLZ-MESTRE, Prof., Université de Genève

Jean-Jacques DUCRET, Dr., Service de la recherche en éducation, Genève

Monique SENECHAL, Prof., Université de Carleton, Canada

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2

A mes enfants David et Bryan …

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Remerciements

A l’éducatrice, Christine, à la directrice, aux enfants et à toute l’équipe éducative

Sans qui je n‟aurais pas pu entreprendre cette recherche. Ma profonde reconnaissance à la directrice pour son accueil chaleureux dès le départ du projet, de sa disponibilité et de son implication sans faille. A Florence, Christiane, Dominique, Jacqueline, Fanny, Stéphanie, Catherine, Danielle et Georgette pour leurs implications d‟une manière ou d‟une autre et pour leurs encouragements. Je les remercie de tout cœur.

A Madelon Saada-Robert,

Ma profonde reconnaissance pour avoir accueilli mon projet depuis les premiers échanges et pour avoir su à la fois me conduire et me suivre tout le long de ce parcours. Je tiens à la remercier de la qualité scientifique de l‟encadrement qu‟elle m‟a offert, pour son questionnement et ses analyses critiques, pour ses conseils judicieux, pour ses relectures attentives et pour son amitié.

A Francia Leutenegger,

Pour avoir accepté de co-diriger cette thèse. Pour ses commentaires extrêmement stimulants qui contraignent à interroger sans relâche les théorisations et leur articulation et qui incitent à ne pas cesser de poursuivre la réflexion et la recherche.

A Jean-Jacques Ducret,

En tant que directeur de mon stage au SRED, m‟avait incité à poursuivre sur un travail de thèse. Je le remercie également pour sa relecture attentive et ses conseils judicieux.

A Glais Sales Cordeiro, Monique Sénéchal et Joaquim Dolz Mestre

Pour leurs commentaires constructifs et leur investissement dans le processus d‟accompagnement et d‟évaluation de la thèse.

A Karin Muller,

Pour son attitude positive et encourageante depuis les premiers échanges du projet. Outre ces discussions, son amitié a été pour moi un soutien précieux.

Je remercie également l‟ensemble des personnes qui m‟ont offert, à un moment donné du processus des occasions de discussion et de débat. Merci à Christine Gamba, Edyta Tominska Conte, Catherine Martinet, Anne-Christel Grau, Martine Auvergne, Carole Veuthey, Florence Ligozat, Nathalie Lambiel, Anne-Marie Munch, Adrian Cordoba, Mylène Ducrey Monnier, René Barioni et Pier Carlo Bocchi.

Je remercie profondément mes amies Danielle Bailly et Dominique Fickentscher pour leur implication et leur encouragement.

A mes parents.

Ma profonde reconnaissance va à Raynald

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4

Table des matières

CHAPITRE 1 : INTRODUCTION

1.1 Pourquoi s’intéresser aux pratiques éducatives en IPE ? Un questionnement général

ancré dans les pratiques éducatives………...9

1.1.1 Un Constat : Pénurie de recherche dans le domaine des pratiques éducatives en IPE…9 1.1.2 Une préoccupation : la qualité des apprentissages en IPE………..10

1.1.3 Vers un développement à la fois social et cognitif………..11

1.2 Problématique………...10

1.2.1 Un dispositif de recherche pour implémenter de nouvelles pratiques en IPE………..12

1.2.2 Vers l‟exploration de nouvelles pratiques éducatives en IPE………12

1.3 Contexte de la recherche………..13

1.4 Enjeux de la recherche……….14

1.4.1 Quelques constats alarmants……….14

1.4.2 Nécessité d‟une prévention/Assurer une meilleure réussite scolaire………15

1.5 Les Paris d’une exposition à l’album de littérature enfantine………..15

1.5.1 Epanouissement affectif et social………..15

1.5.2 Le monde du livre et le développement du langage……….16

1.5.3 Les grandes lignes du développement langagier de l‟enfant préscolaire………..16

1.5.4 La langue de récit: une passerelle entre le langage oral et le langage écrit…………..17

1.6 Cadres épistémologiques, fondements de référence et présupposés théoriques……..17

1.6.1 L‟enseignement apprentissage considéré comme action conjointe……...18

1.7 Objectifs poursuivis et apports………19

1.8 Structure du document………19

PREMIERE PARTIE : CADRAGE THEORIQUE ET QUESTIONS DE RECHERCHE

CHAPITRE 2 : UNE LITTERATURE DE REFERENCE POUR SUGGERER DES PISTES D’ACTION………22

2.1 Etat de la question en littéracie émergente……….22

2.1.1 Le domaine de la littéracie émergente………22

2.2. Acquisition de la lecture/écriture chez l’enfant……….27

2.2.1. Les relations entre lecture et écriture………27

(7)

5

2.2.2. Les modèles d‟acquisition de la lecture/écriture………...28

2.2.3. La précocité des apprentissages………30

CHAPITRE 3 : UNE APPROCHE CONCEPTUELLE PLURIELLE……….37

3.1. Champ pluridisciplinaire………37

3.2. Processus interactionnels……….37

3.2.1. Eléments de définition……….38

3.2.2. « La zone de compréhension » ou « contexte intersubjectif »……….40

3.3 Le système didactique………...42

3.3.1. Le pôle du savoir……….43

3.3.2 Le pôle de l‟apprenant/enfant ……….45

3.3.3 Le pôle de l‟enseignant/éducateur ……… .46

3.4 Le contrat didactique………48

3.4.1 Le concept de tâche et d‟activité………..50

3.4.2 Le concept de geste (professionnel, didactique, d‟ajustement)………50

3.4.3 Le concept de pratique………..52

3.4.4 Pratique d‟enseignement et analyse de la tâche………52

CHAPITRE 4 : LES MICROGENESES DIDACTIQUES……….53

4.1 Des microprocessus sur un temps court………..53

4.1.1. L‟origine historique de l‟étude des microgenèses………54

CHAPITRE 5 : QUESTIONS DE RECHERCHE………...56

DEUXIEME PARTIE : METHODOLOGIE

CHAPITRE 6 : CADRE METHODOLOGIQUE………59

6.1 Principes méthodologiques………...59

6.1.1 Une recherche qualitative………..59

6.1.2 Une recherche en situation à double visée………61

6.1.3 Approche de recherche compréhensive-interprétative………..63

6.2 Des critères de validité………..64

6.2.1 La cohérence interne……….64

6.2.2 La validité externe………65

6.2.3 L‟accord intrajuge……….65

6.3 Unités d’analyse……….66

(8)

6

CHAPITRE 7 : PROCEDURES METHODOLOGIQUES………69

7.1 Etude sur le terrain et groupes observés……….…69

7.1.1 Les enfants………69

7.1.2 L‟éducatrice………...69

7.2 Procédures méthodologiques………...69

7.2.1 Le dispositif de recherche……….70

7.2.2 Résumé de l‟ensemble des traces………..79

7.2.3 Etape de dépouillement des traces………82

7.2.4 La qualification des séquences microgénétiques………...93

TROISIEME PARTIE : RESULTATS

CHAPITRE 8 : ANALYSE A PRIORI………...101

8.1 Analyse des composantes formelles du savoir………..101

8.2 Analyse a priori de la situation didactique de lecture/écriture………...102

8.3 Analyse du support de lecture LEE………...103

8.3.1 Analyse textuelle ………..104

8.3.2. Analyse littéraire……….……….105

CHAPITRE 9 : FONCTIONNEMENT GLOBAL DES DEUX ACTIVITES DE LECTURE LEE/LER………...107

9.1 Déroulement effectif des deux activités de lecture LEE/LER……….107

9.1.1. Déroulement effectif de l‟activité de lecture émergente (LEE)……….107

9.1.2. Le déroulement effectif de la Lecture récréative (LER)………108

9.1.3 La séquence effective d‟écriture émergente (EE) commune aux deux lectures LEE/LER………....110

9.1.4 Les stratégies de lecture émergente et leur évolution………..111

9.1.5. Les stratégies d‟écriture émergente et leur évolution……….112

9.1.6. Evolution comparative des stratégies d‟écriture émergente pour LEE et LER (T1, T2, T3 en IPE et en CE)………115

9.2 Les relations entre lecture et écriture………...116

9.2.1 Synthèse intermédiaire……… …117

9.3 Présentation des résultats aux bilans………118

9.3.1 Présentation des bilans de compréhension narrative………..118

9.3.2 Présentation des bilans psycholinguistiques………...122

CHAPITRE 10

:

RESULTATS DE L’ANALYSE MICROGENETIQUE…………126

(9)

7

10.1 Analyse microstructurale des composantes du savoir/ tableaux de fréquence…..126

10.2 Analyse microstructurale des modalités énonciatives………...128

10.3 Analyse Microgénétique………...130

10.3.1 Analyse microgénétique détaillée d‟une séance de LEE (T1)……….…131

10.3.2 Comparaison des microgenèses de LEE aux T1, T2, T3, du point de vue des partenaires, éducatrices et enfants………...151

10.4. Evolution entre les trois microgenèses………...154

QUATRIEME PARTIE : DISCUSSIONS ET PERSPECTIVES CONCLUSIVES

CHAPITRE 11 : DISCUSSION DE LA DYNAMIQUE DES DEUX PRATIQUES DE LECTURE LEE/LER………...159

11.1 Eléments de discussion sur les apprentissages réalisés par les enfants LEE/LER..159

11.2 Synthèse générale……….166

CHAPITRE 12 : PERSPECTIVES CONCLUSIVES………...169

12.1. Retour critique sur la recherche……….169

12.2 Quelques implications de notre recherche………..…170

12.3 Perspectives pour de nouvelles recherches……….………172

Références bibliographiques………173

Liste des abréviations……….…..191

Liste des annexes………..194

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« La lecture est une activité intime, jubilatoire : aimer lire, se perdre, se trouver et se relier dans la lecture, être absorbé par elle, y constituer son imaginaire, sa mémoire, y élaborer sa singularité, se construire ; mais elle est aussi au cœur d’un enjeu primordial, celui du travail de la pensée, libre, personnelle, critique, permettant au sujet de s’inscrire et de s’engager dans son environnement social

et culturel »

Josiane Cetlin (2004)

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9 CHAPITRE 1 : INTRODUCTION

1.1 Pourquoi s’intéresser aux pratiques éducatives en IPE1 ? Un questionnement général ancré dans les pratiques éducatives

Depuis une vingtaine d‟années la question d‟une prise en charge institutionnelle étendue de l‟éducation de la petite enfance en Suisse et à l‟étranger a pris une importance accrue. Pour des raisons sociales, économiques et culturelles, dont la promotion de l‟égalité homme-femme et les changements des structures familiales (augmentation des ménages monoparentaux, par exemple), davantage de mères de jeunes enfants sont amenées à exercer une activité professionnelle. Face à ces bouleversements de notre modernité sociale, l‟éducation en général et l‟éducation de la petite enfance en particulier (Ducret, 2005 ; Kirby, Dawson &

Currie, 2005), ont permis de reconnaître des potentialités éducatives propres à tous les âges de la vie. Ainsi, un intérêt croissant se porte actuellement sur une prise en charge socio-éducative de qualité pour tous les enfants, au sein de leur famille ou dans les institutions qui leur sont destinées. Quoiqu‟il en soit du poids respectif des besoins économiques, sociaux et culturels dans la préoccupation de plus en plus manifeste d‟une nouvelle politique de l‟éducation de la petite enfance, il est certain que les interrogations qui en découlent appellent des recherches approfondies dans ce secteur de l‟éducation.

A l‟occasion d‟un colloque sur la petite enfance organisée par le Service de la recherche en éducation (SRED) (Ducret, 2005, Ed) tenu à Genève en 2003, De Tassigny (2003) déléguée à la petite enfance en ville de Genève, relatait ceci :

Quand je suis arrivée à la Délégation de la petite enfance, le conseiller administratif responsable, Guy-Olivier Segond, m‟avait dit : « Si on veut développer la petite enfance, il faut un rapport scientifique pour montrer aux politiques que la petite enfance a une valeur. Il faut prouver que c‟est intéressant. Parce que comme je le répète depuis des années, quand les gens parlent de la petite enfance, ils s‟expriment toujours en fonction de leur propre vécu, par exemple : « j‟ai été gardé par ma grand-mère » ou « j‟ai été gardé par ma mère, donc pourquoi préscolariser, pourquoi accueillir les enfants dans des institutions de la petite enfance ? » Il y a eu des changements, mais il y a encore beaucoup à faire et il y a encore beaucoup de résistance à reconnaître ce secteur […] maintenant ce qu‟on attend vraiment des chercheurs […] c‟est de valider et d‟orienter le travail des professionnels de terrain. (p. 319)

Dans le prolongement de ce type de questionnement, la visée de cette thèse est orientée vers la recherche professionnelle et l‟amélioration des pratiques éducatives en IPE tout en visant des résultats de recherche au plan académique.

1.1.1 Un constat : Pénurie de recherche en Suisse dans le domaine des pratiques éducatives en IPE.

Malgré un engouement certain pour l‟éducation de la petite enfance à l‟étranger et en Suisse (Ducret, 2005) que nous venons d‟évoquer, nous constatons cependant que nous savons peu de chose de la pratique éducative concrète et des apprentissages effectifs des enfants en

1Les institutions de la petite enfance destinées aux enfants de 0-4 ans proposent des types d‟accueil différents selon les besoins des familles : crèches, crèches familiales, jardins d‟enfants, garderies et haltes-garderies (Navarro-William, 2005).

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préscolaire en Suisse. Ceci n‟est pas le cas en Amérique du Nord dans le domaine de la littéracie émergente. Ayant effectué une recherche sur les projets pédagogiques en IPE (Navarro-William, 2005) et éducatrice depuis plus d‟une vingtaine d‟années, ma thèse s‟inscrit dans la continuité des préoccupations se rapportant à la pratique éducative. Ces éléments s‟avèrent essentiels, entre autres, pour penser et étayer les propositions de formation à destination des futurs éducateurs2 et praticiens.

1.1.2 Une préoccupation : la qualité des apprentissages en IPE

L‟idée d‟une thèse dans le champ de la pratique professionnelle en IPE est fortement rattachée à une préoccupation d‟ordre pédagogique qui concerne la qualité des apprentissages en préscolaire, une préoccupation qui guide nos travaux. En effet, il n‟existe pas actuellement une large collection de travaux scientifiques dans ce domaine en Suisse. Toutefois des chercheurs (Saada & Ducret, 2009 ; Ducret, Jamel & Saada, 2008 ; Navarro-William, 2005) montrent que certains aspects du rapport au savoir des éducateurs relève de l‟importance qu‟ils accordent à la composante sociale du développement psychologique des jeunes enfants et la part généralement secondaire attribuée à la composante du développement cognitif. Il y a là manifestement un problème de déséquilibre par rapport au rôle d‟incitation que peut jouer l‟adulte quand au développement intellectuel du jeune enfant (Saada & Ducret, 2009).

L‟objectif d‟apprentissage en IPE occupe une place moins importante que ceux d‟autonomie ou de socialisation. Les contenus des projets pédagogiques le confirment, (Navarro-William, 2005). La socialisation préscolaire est d‟autant plus importante qu‟elle répond aux besoins éducatifs et d‟épanouissement de l‟enfant, mais avec une certaine méfiance pour la forme scolaire, pour l‟enfant de trois ans on préfère manifestement mettre l‟accent sur son développement global avant de le familiariser avec les premiers apprentissages scolaires (Troutot, 2005). Dans le contexte d‟une politique de socialisation des nouvelles générations, souligne toujours Troutot, (ibid.), les IPE se révèlent être de fabuleux laboratoires pédagogiques avec un potentiel d‟innovation et d‟expérimentation que l‟on sous-estime encore trop dans les milieux de la recherche en éducation. Dans les IPE, de nouvelles pratiques (Gamba, 2005 ; Navarro-William, 2006) se mettent en place. L‟observation directe des pratiques et l‟analyse clinique (Leutenegger, 2003, 2009) de ces observations devraient éclairer cette évolution.

Développer la recherche au préscolaire, a priori, est une préoccupation qui semble encore éloignée dans les milieux de la recherche en éducation. Toutefois, la recherche n‟a pas déserté les premiers pas de l‟enfant au préscolaire ; à cet égard on ne saurait oublier les travaux piagétiens qui ont éclairé l‟importance du fonctionnement cognitif du très jeune enfant. Dans la même filiation, les travaux post-piagétien comme ceux menés à Genève sur la littéracie par Rieben et Saada-Robert (1997) sont exemplaires. Notre recherche s‟inscrit dans ce nouveau tournant, tout en cherchant également à avoir un impact sur les pratiques des éducateurs.

Dans la perspective de ces auteures comme dans la nôtre, il s‟agirait donc de transformer ces pratiques, notamment par le développement de processus plus élaborés en proposant aux jeunes enfants des situations d‟apprentissage sous des formes et des contenus variés, leur permettant ainsi de se confronter à des phénomènes et à des problématiques susceptibles de les conduire vers l‟intégration de nouvelles connaissances.

2 Le masculin générique représente les professionnels des deux genres, éducateurs et éducatrices.

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1.1.3 Vers un développement à la fois social et cognitif

Les professionnels de la petite enfance accordent une importance particulière au développement social de l‟enfant du fait que les IPE assurent la transition entre la famille et l‟école. Ils ont en outre pour mission (Navarro-William, 2005) de contribuer à la socialisation des enfants en les amenant à atteindre certaines compétences à ce niveau par le biais de la familiarisation progressive aux conditions et à la culture des IPE puis ensuite à l‟école.

L‟enfant fait l‟apprentissage d‟une multiplicité de savoirs et de savoir-faire lui permettant de s‟adapter aux particularités spatiales, temporelles et sociales qui caractérisent ces lieux extra- familiaux. Cette familiarisation exige des normes, des règles bien concrètes qui sous-tendent aux pratiques de ces institutions.

Toutefois, les chercheurs (Saada & Ducret, 2009) justifient l‟importance d‟un projet d‟apprentissage cognitif à moyen terme ; ils mettent en garde le caractère « routinier » que peut prendre la socialisation qui ne contribue pas à l‟évolution des connaissances préscolaires chez l‟enfant :

La précocité du développement des connaissances chez l‟enfant exige, pour être optimale, l‟appui des professionnel-le-s des IPE et de l‟école. La mise en œuvre d‟apprentissages cognitifs préscolaires adaptés à l‟âge de l‟enfant est l‟instrument permettant d‟accompagner et d‟orienter ce développement cognitif […] d‟où l‟importance de ne pas laisser dans l‟implicite ce nécessaire travail d‟accompagnement, de sollicitation et de guidage […] Par le biais des situations interactives et des échanges verbaux qu‟elles supposent, ces connaissances se développent en devenant de plus en plus explicites et partagées, en passant ainsi du plan des actions au plan de la représentation intériorisée, impliquant prévision et recherche des causes et des raisons […] On peut se demander s‟il ne conviendrait pas d‟inviter toutes les institutions de la petite enfance à réaliser de tels environnements favorables à des apprentissages tout à la fois respectueux des caractéristiques développementales d‟enfants de 3-4 ans, mais également susceptibles de fournir la base sur laquelle pourront s‟appuyer les futurs apprentissages scolaires. (p. 47)

La microgenèse didactique3 propose ce cadre analytique apte à éclairer le fonctionnement des pratiques éducatives en IPE. Nous y reviendrons ultérieurement.

1.2 Problématique

En ce qui concerne le domaine des apprentissages, de nombreuses études mettent l‟accent sur les effets d‟une intervention précoce dans les milieux préscolaires et particulièrement dans les IPE. C‟est le cas pour les proto-mathématiques (Weiss, Kramarski & Talis, 2006) et les proto- sciences, entre autres (Strang & Aberg-Bengtsson, 2005). Dans le domaine préscolaire de l‟entrée dans la culture de l‟écrit, plusieurs recherches mettent en évidence l‟impact des pratiques littéraciques (voir plus loin) s‟inscrivant régulièrement dans les activités avec les jeunes enfants, sur leur réussite scolaire ultérieure (Gomez-Palacio & Ferreiro, 1978;

Corcoran Nielsen & Monson 1996 ; Neuman & Dickinson, 2003). La problématique générale de cette thèse s‟inscrit dans le prolongement de ces recherches en littéracie4- terme désignant les apprentissages de lecture et d‟écriture, y compris les pratiques sociales associées - (Balslev

3 Présentée dans le chapitre 4.

4 Ce terme est emprunté à l‟anglais « literacy » et fait l‟objet de discussions à propos de son orthographe. Barré- De Miniac (2004) suggère l‟orthographe littéracie. De l‟usage du concept en français et pour l‟ensemble du présent document, nous utiliserons littéracie.

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& Saada-Robert, 2002), nous y reviendrons plus loin. Le constat découlant de ces travaux en littéracie soulignent l‟hypothèse qui est au centre de notre recherche, à savoir que l‟enfant, lorsqu‟il est non seulement exposé dès son plus jeune âge à un environnement littéracique avant son entrée à l‟école, mais surtout lorsqu‟il est engagé dans des activités dirigées de lecture interactive où il est considéré comme un partenaire actif, pourrait avoir plus de facilités dans l‟apprentissage de la lecture/écriture à l‟école. Les pratiques que nous présentons ici résultent, en effet, de ce constat que plus l‟enfant participe activement à l‟élaboration du récit, répond aux questions de l‟adulte, etc., meilleure sera son aisance avec le monde de l‟écrit, tant au niveau du développement lexical oral, qu‟au niveau de l‟acquisition de la langue écrite. Nous avons analysé aussi comment les acteurs de la situation de lecture interagissent, à travers la médiation de l‟adulte, en l‟occurrence l‟éducateur en IPE.

La lecture interactive ici suppose de considérer que la compréhension du récit se construit non pas sur la base uniquement de ce que le livre donne à comprendre. Le sens du récit est construit à partir de l‟interaction entre différents éléments: ce que le livre donne comme indices dans les images, le texte, dans son organisation et les éléments qui se rapportent à l‟intention de l‟auteur/illustrateur. Le sens se construit à partir aussi de la médiation de l‟adulte: ce sur quoi il s‟arrête, commente avec le ou les enfants, les réponses à leurs questions, etc. Et il y a aussi ce qui vient de l‟enfant lui-même, ce qui lui parle, ce qui pour lui a du sens, à partir de ses connaissances antérieures, etc.

1.2.1 Un dispositif de recherche pour implémenter de nouvelles pratiques éducatives en IPE C‟est ici que peut commencer le travail du didacticien consistant à proposer et à tester des solutions5 en étroite collaboration avec les partenaires de terrain (Bronckart & Schneuwly, 1991). Ces solutions seront construites à partir des savoirs théoriques reconnus, des emprunts issus de plusieurs disciplines de référence, en particulier à la didactique du français et des informations recueillies (Navarro-William, 2005) concernant les pratiques éducatives effectives de lecture en IPE. L‟ingénierie didactique a comme bénéfice de cumuler une double visée majeure. La première consiste à élaborer des moyens d‟enseignement qui puissent perdurer au-delà de la recherche menée, or nous savons que dans les pratiques éducatives en IPE, ces moyens manquent. La deuxième est de constituer un point d‟appui expérimental pouvant engendrer des réponses théoriques pour les IPE.

1.2.2 Vers l’exploration de nouvelles pratiques éducatives en IPE

La thèse présentée ici se propose d‟approfondir cette question en étudiant longitudinalement, de manière comparative, les répercussions de deux pratiques différentes de lecture/écriture observées en IPE, sur l‟entrée dans l‟écrit en première année du cycle scolaire élémentaire.

Ces deux pratiques sont la « lecture/écriture émergente » (LEE, voir Saada-Robert, Auvergne, Balslev, Claret-Girard, Marzurczak & Veuthey, 2003) et la « lecture/écriture récréative » (LER) basée sur la « lecture à haute voix » (Brabham, 2002) ou le « regular reading » (Sénéchal, 2000), complétée d‟une activité d‟écriture6.

Concrètement la lecture/écriture émergente (LEE) consiste en une lecture interactive, où l‟adulte montre progressivement les images d‟un album de littérature enfantine (texte et images) en sollicitant les enfants à formuler des hypothèses sur le contenu narratif. Cela veut dire que les questions de l‟éducateur visent à amener les enfants à non pas seulement décrire

5 Voir dispositif de recherche section 7.2.1

6 Nous développons les pratiques de LEE/LER au point 2.6 du chapitre 2 ainsi que dans le cadre méthodologique.

(15)

13

ce qu‟ils voient sur les images (Qu‟est- ce que tu vois? Qu‟est-ce que c‟est?, etc.) Mais à les aider à faire des liens inférenciels entre les images, à relever les événements pertinents pour comprendre le récit, sur le plan de l‟enchaînement temporel et des relations de cause à effets (relever les causes et conséquences des actions principales) et à anticiper la suite du récit en faisant des hypothèses (Qu‟est-ce qui va se passer ensuite?). Il s‟agit de construire la compréhension du récit, ensuite vérifier les hypothèses par la lecture du texte. La compréhension est un élément clé de l‟éveil à l‟écrit, avant de passer à l‟apprentissage formel de la lecture/écriture à l‟école.

La lecture récréative quant à elle, consiste en une lecture « à haute voix » en continu par l‟adulte pour faire plaisir aux enfants. Ces deux pratiques (LEE/LER) sont analysées dans leur fonctionnement même à travers les interactions éducateur-enfants et selon leur impact sur les connaissances stabilisées des jeunes enfants. Enfin, pour établir un bilan des compétences intériorisées à partir des interactions en IPE, et donc pouvoir comparer les répercussions de chacune des deux pratiques de lecture/écriture, une série d‟épreuves psycholinguistiques portant sur la reconnaissance visuelle de mots et de lettres sont proposées aux enfants, d‟abord en IPE puis en première année du cycle élémentaire.

1.3 Contexte Institutionnel de la recherche

Nous choisissons d‟observer les processus d‟acquisition des connaissances, particulièrement la dimension didactique de cette acquisition, autrement dit, l‟étude triadique de la construction des savoirs d‟enseignement/apprentissage de la littéracie émergente dans le cadre de notre thèse, en lien avec l‟échange ou la négociation des significations entre partenaires (éducateur- enfants) en temps et en lieu réels en IPE. En effet, un certain nombre de recherches qui ont alimenté les développements conceptuels de la perspective située (Lave & Wenger, 1991) portent sur ce champ disciplinaire dans des travaux liés à la notion de microculture de classe (Mottier-Lopez, 2005) dans le cadre de l‟enseignement/apprentissage des mathématiques à l‟école primaire ou dans d‟autres recherches comme les travaux de Rieben et Saada-Robert (1997) ; Saada-Robert et al. (2003) ; Balslev (2006). Il nous paraît intéressant de s‟appuyer sur les travaux effectués dans ce domaine car ces travaux font référence à la psychologie génétique soulignant la construction des connaissances au travers des interactions avec l‟environnement et à la psychologie sociale mettant en exergue, la fonction des interactions sociales dans le développement cognitif.

L‟IPE concernée par notre recherche est implantée dans le canton de Genève. L‟éducatrice qui a plus d‟une vingtaine d‟année d‟expérience professionnelle, manifeste d‟emblée un rapport positif aux moyens didactiques introduits. Notre observation s‟est déroulée tout au long d‟une année scolaire et demie, nous avons étudié les processus de construction de connaissance qui portent sur un contenu de savoir spécifique, la littéracie. La microgenèse didactique nous amène à analyser par quels gestes professionnels l‟éducatrice et les enfants construisent-ils une zone de compréhension commune (Saada-Robert & Baslev, 2004), ainsi que les similitudes et différences des deux pratiques de lecture, LEE et LER7.

Il s‟agit d‟une Garderie (placement des enfants à temps partiel de une à trois demi-journées par semaine) implantée comme mentionné plus haut, dans une commune genevoise périphérique, dans un quartier à population pluriculturelle. Cinq éducateurs, et deux

7 Ces éléments sont développés dans le chapitre 6, au point 2.

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auxiliaires constituent l‟équipe qui accueille 120 enfants environ sur la semaine, répartis en trois groupes d‟âge (0-2 ans) (2-3 ans) (3-4 ans). L‟institution travaille en deux temps avec deux groupes d‟enfants différents. Plus précisément, elle accueille 24 enfants de 8h à 11h45, l‟après-midi un autre groupe de 24 enfants de 13h30 à 17h15, encadrés par quatre éducateurs et auxiliaires. La responsable assume plusieurs rôles dans l‟institution. Elle est responsable pédagogique, gère le personnel, accueille les inscriptions et les familles, elle est aussi co- responsable avec la comptable de l‟administration, des questions de budget et représente l‟institution auprès des autorités et intervenants extérieurs, Mairie, Protection de la Jeunesse, Guidance infantile, Service de Santé de la Jeunesse, Service Educatif Itinérant. Afin d‟assumer pleinement sa mission, l‟équipe éducative se réunit pour des colloques hebdomadaires dans le but de prévoir le planning des activités et pour échanger sur les difficultés rencontrées avec les enfants ou leurs familles et essayer de trouver ensemble une solution aux problèmes. Le comité formé de parents bénévoles est l‟organe décisionnel et l‟employeur de l‟institution. Les membres se réunissent toutes les six semaines pour discuter les affaires courantes ayant trait au fonctionnement de la Garderie.

1.4 Enjeux de la recherche

« Devenir un bon lecteur, c‟est l‟affaire de tous » : tel était le titre d‟un forum sur la lecture tenu à Genève en 2004. A ce propos, Charles Beer (2005), chef du Département de l‟Instruction Publique genevois souligne :

Une véritable offensive est lancée dès l‟enseignement primaire pour accroître la motivation des élèves et l‟apprentissage « en continu » de la lecture et de l‟écriture, compétences conjointes et nécessaires dans tous les domaines […] L‟école est publique et donc ouverte à chacun sur un pied d‟égalité : pour cela, elle renforce le dialogue pour se rapprocher des familles très marginalisées et lutter ainsi contre l‟échec scolaire. (p. 5)

1.4.1 Quelques constats alarmants

En effet, il s‟avère que les résultats de l‟enquête PISA 2000 (Nidegger, 2001, p.121) confirment que 11% des élèves de 9e année de Suisse Romande sont « seulement capables de repérer un élément simple, d‟identifier le thème principal d‟un texte ou de faire une connexion simple avec des connaissances de tous les jours ». Mais ce constat n‟est pas seulement le problème de l‟école genevoise ! Il s‟inscrit bien dans un contexte plus large, car bon nombre de recherches récentes relatent les problèmes rencontrés par de nombreux adultes des pays industrialisés face à la langue écrite (Lurin & Soussi, 1998). Si certaines de ces personnes peuvent être considérées comme analphabètes (ne sachant pas lire et écrire parce qu‟elles n‟ont pas été scolarisées, notamment lorsqu‟elles sont originaires de pays qui ne sont pas encore parvenus à une alphabétisation complète), nettement plus nombreuses sont celles qui ont fréquenté l‟école, y compris parmi les natifs des pays occidentaux, qui ont donc reçu un enseignement en lecture et en écriture, sans pour autant avoir pu acquérir ni stabiliser les notions et les pratiques leur permettant de communiquer par écrit de manière autonome, dans un cadre social toujours plus exigeant. On parle alors d‟illettrisme. En 1990, on estimait à 10% la proportion de la population des pays industrialisés relevant de l‟illettrisme (Lurin &

Soussi, 1998).

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Ce constat général soulève le problème de l‟évaluation du « savoir lire et écrire » : à partir de quelle frontière peut-on affirmer que quelqu‟un sait lire ou ne sait pas ? En 1978, l‟UNESCO a défini l’analphabétisme fonctionnel en référence à « une personne incapable d‟exercer toutes les activités pour lesquelles l‟alphabétisation est nécessaire, dans l‟intérêt du bon fonctionnement de son groupe et de sa communauté et pour lui permettre de continuer à lire, écrire et calculer en vue de son propre développement et de celui de sa communauté » (Besse, Potel & Servant-Odier, 1989, p. 3). S‟agissant aussi bien de l’état des compétences actuelles d‟une personne, que de ses capacités à développer et à poursuivre son apprentissage, il devient alors difficile de situer une frontière nette entre l‟illettrisme et l‟analphabétisme fonctionnel.

1.4.2 Nécessité d’une exposition précoce à l’univers de l’écrit

Il ressort des multiples recherches entreprises sur la lecture et l‟écriture que leur apprentissage se prépare longuement au cours de l‟enfance, lors d‟un processus qui repose sur des racines précoces (Dickinson & Smith, 1994 ; Elster, 1994 ; Ferreiro, 1988 ; Perfetti, Rieben & Fayol, 1997). Par ailleurs, l‟acquisition de la lecture/écriture résulte de plusieurs éléments qui agissent en interdépendance les uns avec les autres : les connaissances antérieures du lecteur/scripteur (connaissances langagières à l‟oral et à l‟écrit), les caractéristiques du contexte économique et culturel et celles du micro-contexte de la situation de lecture, et finalement les propriétés des textes lus/produits et de leur genre textuel (Coirier, Gaonac‟h. &

Passerault, 1996).

Cette recherche va justement permettre de répondre à la demande de prévention contre l‟illettrisme et d‟un meilleur engagement du jeune élève dans l‟apprentissage de la littéracie.

A une période où le système éducatif dans son ensemble et l‟école en particulier sont interpellés par les résultats des enquêtes internationales, la pratique de la lecture/écriture émergente comparée à celle de la lecture/écriture récréative, plus familière dans le contexte des IPE surtout chez des enfants où la lecture n‟est pas ancrée dans une pratique familiale régulière (Neuman & Dickinson, 2003 ; Saada-Robert et al., 2003), pourrait contribuer à favoriser l‟acquisition ultérieure de la langue écrite à l‟école. Précisons d‟emblée qu‟il ne s‟agit nullement d‟implanter un « apprentissage précoce » de la lecture et de l‟écriture, mais plutôt de montrer les pistes d‟une mise en condition qui permette à l‟enfant de comprendre un récit sur la base d‟un album de littérature enfantine et lui permette d‟« écrire » un message, du point de vue des gestes quotidiens et partagés en IPE.

1.5 Les Paris d’une exposition à l’album de littérature enfantine 1.5.1 Epanouissement affectif et social

La première rencontre avec le livre est avant tout un moment de partage affectif et social lors de la lecture partagée avec l‟adulte- le ou les parents- le plus souvent. Un moment de proximité physique dans les bras de son ou ses parents: l‟occasion pour l‟enfant de se faire bercer par cette voix et de l‟intérioriser, l‟occasion aussi de partager l‟attention sur un même objet et de faire un petit voyage ensemble dans l‟univers de l‟histoire proposée, dans un ailleurs au niveau spatio-temporel. Un autre pari est celui de l‟intégration sociale : le livre véhicule des valeurs socioculturelles et permet de pallier les inégalités, lors de la scolarisation, liées aux différences culturelles quant à la présence du livre et à l‟utilisation de ce dernier dans différents milieux socioculturels.

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1.5.2 Le monde du livre et le développement du langage

Un autre grand pari est bien sûr le développement du langage. Diverses activités permettent le développement du langage, qui est essentiellement un acte de partage et de communication concernant le sens que chacun donne à ce qu‟il vit, à ses expériences et à ce qu‟il comprend du monde autour de lui. On lit pour faire plaisir aux enfants car l‟activité de lecture correspond au partage d‟un moment de convivialité, aussi bien relationnelle que langagière et ludique. Entendre raconter une histoire, c‟est se livrer aux plaisirs de la parole, au plaisir des mots qu‟on découvre et avec lesquels on joue, des mots qui ont de jolies sonorités et qui font naître des émotions et des images mentales. Entrer dans un récit c‟est entrer dans un ailleurs qui amène l‟enfant dans le monde de la représentation et des inférences, hors de l‟ici et du maintenant et l‟aide à développer un langage de plus en plus abstrait, au delà de la simple description ou dénomination locale d‟objets présents dans son champ de vision immédiat.

1.5.3 Les grandes lignes du développement langagier de l’enfant préscolaire

Un bref détour est ici nécessaire pour pointer chaque élément du développement langagier en jeu dans les activités de lecture en IPE. Le langage à l‟âge préscolaire peut être étudié à travers l‟acquisition du répertoire phonologique de la langue, le développement lexical, les relations sémantiques et le développement morphosyntaxique, la production de discours cohérents et finalement les aspects pragmatiques de la communication (Rondal, Esperet, Gombert, Thibault & Comblain, 1999). Entre 1,5 et 4 ans, le vocabulaire, les principes de la langue maternelle c‟est-à dire la grammaire implicite et sa syntaxe s‟acquièrent de façon progressive mais très rapide. L‟enfant non seulement imite les adultes, il produit aussi de la syntaxe en appliquant les règles qu‟il a intégré. A partir de 3 ans, il apprend environ cinq à dix mots de vocabulaire par jour, il connaît de façon spontanée une grande partie de la syntaxe orale de sa langue maternelle alors qu‟il est encore loin de pouvoir lacer seul ses chaussures.

Au niveau de la production phonologique, c‟est vers la troisième année que l‟enfant se fait généralement comprendre et l‟articulation s‟améliore encore à quatre ans, malgré quelques omissions et distorsions. A cinq ans, l‟enfant est capable de produire correctement la plupart sinon tous les sons de sa langue maternelle (Rondal et al., 1999). L‟acquisition lexicale, quant à elle, connaît une véritable « explosion de vocabulaire », à partir de la moitié de la deuxième année, avec un décalage entre production et compréhension, cette dernière étant souvent plus précoce (Bassano, 2003). Au niveau de l‟acquisition du sens des mots, de nombreuses recherches tentent de cerner comment l‟enfant fait correspondre les mots avec les événements du monde réel, en étudiant la mise en relation de mots comme la sous-extension ou la sur- extension (Bassano, 2003) ou la contrainte taxinomique (Rondal et al., 1999). Si le lien entre le développement lexical et le développement phonologique est bien connu, la relation avec le développement grammatical est complexe et fait l‟objet de nombreuses recherches (Bassano, 2003). La mise en relation de différentes énoncés sous-tend l‟organisation du discours, ainsi que l‟utilisation par l‟enfant du langage de manière décontextualisée (Rondal et al., 1999). Le maintien de la référence aussi bien temporelle que spatiale dans le discours se développe graduellement (Hickmann, 2004, p.106). Karmiloff-Smith (1986) distingue ainsi trois phases de développement : 3-5ans, 5-8 ans et 8-12 ans, pendant lesquelles l‟enfant apprend à maîtriser l‟usage multifonctionnel des marques linguistiques spatio-temporelles. En plus de la cohérence du discours, l‟enfant acquiert aussi une autre compétence : connaître et savoir modifier son discours en fonction du contexte de communication ainsi que du destinataire. En mettant en évidence différents niveaux d‟ajustement du discours, plusieurs recherches ont

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montré la capacité qu‟a l‟enfant, dès 4 ans, de comprendre l‟état mental du destinataire (Bernicot, 2004). Nous élaborons au chapitre suivant les aspects du langage liés à la production et à la compréhension d‟inférences inhérents à la « compétence narrative » (Paris

& Paris, 2003), après avoir présenté les pratiques littéraciques au préscolaire.

1.5.4 La langue de récit: une passerelle entre le langage oral et le langage écrit

Le genre de livres le plus fréquemment utilisé pour la lecture partagée entre un adulte et un enfant non lecteur est le livre d‟images ou album. Les albums se présentent le plus souvent sous la forme d‟un récit où le texte et les illustrations contribuent tous les deux à l‟élaboration du récit. Ce qui aide l‟enfant à développer un langage abstrait qu‟est la langue de récit: c‟est- à-dire hors de l‟ici et maintenant. Ce langage de récit est une sorte de passerelle permettant le passage graduel du langage oral vers le langage écrit. Ce langage « décontextualisé », se développant graduellement, implique le développement de certaines capacités mentales permettant une mise en relation de différents moments du récit: d‟abord la relation de temps (Ducret, 2008) ; le récit donne à l‟enfant un cadre spatio-temporel précis. Il apprend à situer dans l‟espace les phases d‟une action et à en suivre le déroulement chronologique et permet donc de comprendre l‟enchaînement des événements et aussi la relation de causalité, qui concerne le rapport de cause à effet entre les différents événements du récit.

1.6 Cadres épistémologiques, fondements de référence et présupposés théoriques

Plusieurs cadres épistémologiques interviennent dans notre recherche. C‟est ainsi que les modèles de la didactique, parce qu‟ils traitent du savoir et des connaissances construites à partir des situations (nous y reviendrons ultérieurement), constituent pour nous un cadre contributif incontournable, la didactique implique que le savoir en jeu constitue un pôle aussi important que le sont ceux de l‟enseignant et de l‟apprenant (Bronckart & Schneuwly, 1991), toute didactique vise la compréhension du rapport entre l‟enseignement et l‟apprentissage d‟un objet spécifique et « se questionne sur les modalités de la médiation en classe, comme sur les modalités de transmission culturelle des objets d‟enseignement » (Dolz & Thévenaz- Christen, 2002); le cadrage proposé par la didactique comparée (Schubauer-Leoni, 2002) permet d‟importer des concepts qui, a priori, n‟ont pas été pensés pour observer ce qui se passe en dehors de l‟école. Depuis quelques années, des chercheures (Munch, 2009 ; Leutenegger & Munch, 2002 ; Schubauer-Leoni, Munch & Kunz-Félix, 2002) proposent de transposer au milieu préscolaire et plus particulièrement dans le contexte institutionnel de la petite enfance les trois pôles du système scolaire élève-enseignant-savoir disciplinaire qui deviennent dès lors : un pôle « enfant », un pôle « éducateur » et un pôle « objet enjeu de la co-présence des deux autres pôles » (Munch, 2005, p.1). Notre recherche s‟inscrit dans le courant interactionniste vygotskien, qui insiste sur la composante sociale de l‟apprentissage, en considérant que la direction de la pensée va du social vers l‟individuel ; que toute activité cognitive s‟appuyant sur un contexte social est avant tout une activité sociale inter psychique avant d‟être intrapsychique (Vygotsky, 1985) c‟est-à-dire que l‟apprentissage est déterminé par des activités réalisées avec d‟autres dans un contexte spécifié, puis il devient propriété intériorisée de l‟individu. La découverte de l‟environnement par l‟enfant est socialement médiatisée. Les individus ne sont pas isolés, les enfants en particulier construisent la majeure partie de leurs connaissances en interaction avec leur environnement, et en particulier avec d‟autres enfants, mais aussi avec les éducateurs et enseignants. Dans ce contexte d‟interactions, l‟enfant passe d‟un plan inter psychologique à un plan intra-psychologique

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(Ninio & Bruner, 1978 ; Wertsch, 1979 ; Coll & Onrubia, 1994, cités par Brossard, 1998). En complémentarité, notre recherche s‟inscrit également dans les prémices piagétiennes sur deux points. Tout d‟abord, les connaissances s‟intériorisent par des processus internes qui assurent l‟organisation des connaissances nouvellement acquises avec les connaissances antérieures.

Ces processus internes sont notamment l‟abstraction réfléchissante et l‟équilibration majorante (voir Saada-Robert & Brun, 1996, pour une description critique de ces processus).

En second lieu, c‟est par le biais des significations attribuées par le sujet connaissant à son environnement que l‟apprentissage de nouvelles connaissances peut se faire. Ces significations sont elles-mêmes le produit des connaissances antérieurement acquises et interviennent dès qu‟une nouvelle situation se présente à l‟apprenant. Réciproquement, toute nouvelle situation provoque une construction de signification authentique, résultante à la fois de la structure de la situation et des significations que l‟apprenant lui attribue (Saada-Robert

& Balslev, 2004). Aussi, plutôt qu‟un mouvement linéaire de l‟inter individuel à l‟intra ou au contraire de l‟intra vers l‟inter, nous préférons y voir un cycle complet pour représenter le processus de l‟apprentissage, comme il est représenté par la figure 1 de la fin du chapitre 4.

Nous convoquons aussi l‟apprentissage en contexte, issu du courant de la cognition située qui considère que la construction de connaissance ne peut être détachée de l‟espace-temps dans laquelle elle a lieu (Lave & Wenger, 1991 ; Allal, 2001 ; Mottier-Lopez, 2005). Les travaux de Goigoux (2001) se situant entre la didactique du français et la psychologie ergonomique (Clot, 1995/1998 ; Pastré, 2005), pour laquelle la réalisation de toute tâche exige la mise en place d‟une activité cognitive complexe.

Notre recherche se fonde également sur quelques présupposés présentés ci-dessous, communs à plusieurs champs de recherche. Il est indispensable de les mettre à jour dans la mesure où ils sont à l‟origine de plusieurs choix, tant au niveau des concepts auxquels nous nous référons, qu‟au niveau des outils méthodologiques élaborés.

1.6.1 L’enseignement/apprentissage considéré comme action conjointe

Les travaux en Didactique comparée de plusieurs auteurs (Sensevy et al., 2005; Schubaur- Leoni, Leutenegger, Ligozat & Flückiger, 2008 ; Ligozat, 2009) soutiennent la thèse selon laquelle « on ne peut comprendre l‟action du professeur sans décrire celle des élèves ». Dans le cadre de la théorie de l‟action conjointe en didactique (Sensevy & Mercier, 2007), les contenus effectivement enseignés sont la résultante de l‟activité conjointe enseignant-élève au sein de la situation didactique (Ligozat & Leutenegger, 2008). Notre recherche, en accord avec ces postulats, considère l‟interaction en situation formelle d‟apprentissage comme une co-construction entre deux partenaires (Balslev, 2006). Dans la perspective socioculturelle, Grossen (1999), présentant une conception dialogique du social, déclare que « (…) la transmission et l‟acquisition de savoirs sont deux éléments indissociables d‟un même processus. » (p. 4). A partir de ce présupposé, se pose la question des moyens pour analyser conjointement l‟enseignement et l‟apprentissage et celle de l‟unité d‟analyse à choisir.

Comment découper le corpus de manière à tenir compte des deux partenaires de façon symétrique ? Quelles traces (Leutenegger, 2009) recueillir de manière à tirer des indices des deux processus et comment les mettre en relation ? En considérant les traces de l‟enseignant comme un corolaire des interventions des apprenants ? Ou encore en les mettant en lien de manière dynamique ? Sur le plan théorique, se pose la question des concepts à emprunter pour décrire les énoncés des deux partenaires.

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19 1.7 Objectifs poursuivis et apports

L‟enjeu de cette thèse touche à la prévention de l‟illettrisme ou plus banalement à celle des difficultés d‟apprentissage en lecture/écriture (Saada-Robert, 2005). Considérant les racines les plus précoces de l‟acquisition de la lecture et de l‟écriture par les jeunes enfants dans leur milieu socio-éducatif, autrement dit, dans la famille ou en IPE, nous nous posons la question de savoir quels sont les mécanismes de l‟entrée dans l‟écrit, tant au niveau des connaissances mises en place par le jeune enfant qu‟au niveau des fonctionnements institutionnels.

Les objectifs poursuivis à travers cette thèse se situent sur plusieurs plans : théorique, méthodologique et pragmatique.

Premièrement sur le plan théorique elle permet de cerner plusieurs liens, notamment entre les connaissances littéraciques, la « zone de compréhension » et la manière dont les partenaires mènent l‟activité en jeu i.e. de faire apparaître les propriétés du dispositif et de la situation didactique. Sur ce plan, les apports consistent à décrire, comprendre et expliquer le déroulement effectif de l‟enseignement/apprentissage en situation didactique en IPE. Mais également à aboutir à des résultats sur les liens entre la progression des composantes du savoir et l‟élaboration d‟une zone de compréhension entre les partenaires, à travers un certain nombre de gestes didactiques.

Deuxièmement sur le plan méthodologique, il s‟agit de mettre en place des manières d‟appréhender le système didactique en tenant compte des trois pôles et de leurs interrelations. Il s‟agit également de parvenir à rendre compte d‟une progression (ou non) du savoir au cours d‟une séance d‟enseignement/apprentissage et de cerner les unités d‟analyse permettant de rendre compte des « gestes », des « significations », de la « zone de compréhension » et des « patterns qui la caractérisent». Il s‟agit aussi de découper et de construire des indices pour cerner chacun des objets d‟analyse (zone de compréhension, patterns, significations et gestes).

Troisièmement au niveau pragmatique, (Van der Maren, 1996), il s‟agit d‟une part de faire apparaître les propriétés du dispositif et de la situation didactique qui constituent le contexte d‟émergence, d‟amener l‟éducatrice observée à prendre davantage conscience de ses interventions, des acquis et erreurs des enfants et du savoir en jeu afin qu‟elle parvienne à mieux réguler ses interventions.

1.8 Structure du document

La thèse est organisée en quatre parties constituées de chapitres numérotés consécutivement.

La première partie, cadrage théorique comporte les chapitres 2, 3, 4, 5. Le chapitre 2 de revue de littérature présente les principaux travaux de la littéracie émergente, ses dimensions microsociales ainsi que les composantes de la lecture/écriture et les processus de son acquisition chez l‟enfant. Le chapitre 2 se termine avec la littérature enfantine et le genre textuel choisi comme support.

Le chapitre 3 présente notre approche conceptuelle plurielle, particulièrement trois champs scientifiques orientent plus spécifiquement notre thèse: il s‟agit de l‟interactionnisme, de l‟approche didactique - dans la perspective de la didactique comparée - et finalement des études sur la microgenèse exposé au chapitre 4. Est abordé aussi dans le chapitre 3 les notions de contrat didactique qui cherche à appréhender les systèmes d‟attentes et obligations

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réciproques entre l‟éducatrice et les enfants. Nous poursuivons en présentant les concepts de tâche et d‟activité, de gestes (didactique, professionnels), le concept de pratique. Les trois pôles du système didactique sont présentés. Le chapitre se termine par le concept du guidage interactif, des régulations résultant des interventions de l‟éducatrice auprès des enfants.

Le chapitre 4 expose le cadre théorique de la microgenèse, servant à étudier finement les significations et la dynamique interactive des partenaires, notamment la zone de compréhension et les patterns interactifs entre l‟éducatrice et les enfants. Une typologie de zone de compréhension et de patterns est présentée. Relevons déjà ici que ce cadre conceptuel a été défini dans un va-et-vient entre les construits théoriques et les analyses de notre corpus.

Le chapitre 5 est consacré à notre questionnement de recherche.

La deuxième partie de la thèse,cadrage méthodologique, est constituée des chapitres 6 et 7.

Le chapitre 6 commence par une présentation des fondements épistémologiques et théorique de l‟approche de recherche compréhensive-interprétative que nous adoptons pour la récolte et l‟analyse de nos données. En effet, la démarche d‟analyse compréhensive-interprétative de notre objet d‟étude suppose une activité d‟interprétation, et vise à comprendre le contexte et la dynamique de la situation didactique et sa relation avec les apprentissages littéraciques des enfants. Les critères de validité d‟une telle démarche seront discutés. Suite à ces quelques éléments de cadrage général, le chapitre 7 présente les procédures méthodologiques c‟est-à- dire les outils et les caractéristiques de l‟observation en IPE ainsi que les différentes étapes des démarches d‟analyse et d‟interprétation que nous avons entreprises. L‟étape de dépouillement des traces clôt le chapitre.

La troisième partie de la thèse, résultats, est composée de 3 chapitres. Le chapitre 8 expose le procédé d‟analyse a priori. Le chapitre 9 présente le fonctionnement global des deux activités de lecture LEE/LER ; les résultats des stratégies de lecture de LEE ainsi que les résultats des stratégies d‟écriture émergente des deux groupes de lecture LEE/LER et également les résultats des bilans de compétence narrative et des bilans psycholinguistiques. Le chapitre 10 présente le résultat de l‟analyse microgénétique pour le groupe LEE.

La quatrième et dernière partie de la thèse présente une discussion des deux pratiques LEE/LER au chapitre 11. Finalement, le chapitre 12 présente les perspectives conclusives. Il discute quelques limites de notre démarche de recherche, puis propose quelques implications et pistes prospectives de recherche visant à poursuivre la réflexion sur les pratiques éducatives en IPE.

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PREMIERE PARTIE

CADRAGE THEORIQUE ET QUESTIONS DE

RECHERCHE

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CHAPITRE 2 : UNE LITTERATURE DE REFERENCE POUR SUGGERER DES PISTES D’ACTION

Ce chapitre de revue de littérature de recherche présente les principaux travaux de la littéracie émergente sur la base desquels nous questionnerons les processus d‟enseignement/apprentissage en situation préscolaire.

2.1 Etat de la question en littéracie émergente

Plusieurs domaines de recherche sont concernés par la problématique énoncée plus haut : la littéracie émergente et particulièrement ses dimensions microsociales avec les pratiques de lecture et d‟écriture dans les familles et les institutions de la petite enfance, la psycholinguistique avec les modèles de l‟acquisition de la lecture et de l‟écriture, la compréhension narrative et la lecture d‟image, les activités de lecture/écriture en IPE.

2.1. 1 Le domaine de la littéracie émergente

La littéracie renvoie à des pratiques qui ne se définissent pas par un état (un savoir lire et écrire fixe) mais par un processus d‟acquisition portant à la fois sur la compréhension (la lecture) et sur la production écrite (Pellegrini & Galda, 1994). Du point de vue des mécanismes de l‟apprentissage, rien ne justifie donc la séparation entre le préscolaire et le scolaire, pris trop souvent comme deux mondes séparés (Ferreiro & Teberosky, 1982 ; Lancy, 1994). Dans la perspective de ces auteurs, comme dans la nôtre, ces deux univers culturels ne sont pas disjoints mais s‟inscrivent au contraire dans la continuité du développement littéracique de l‟enfant, même si les deux institutions relèvent par ailleurs de contrats sociaux spécifiques. Du reste l‟usage de l‟album de littérature enfantine dans les deux institutions en témoigne.

Origines de la littéracie émergente et éléments de définition

A la fin du XIXe siècle apparaît le terme anglo-saxon literacy, formé sur illiteracy, et portant sur le niveau d‟alphabétisation. Literate, jusque là synonyme de educated (« cultivé ») ou de learned (« savant ») prend un sens nouveau : être capable de lire et d‟écrire, (Barré-De Miniac, 2002). Depuis quelques années l‟usage du terme littéracie est bien attesté dans des écrits francophones.

Son apparition tiendrait à la place de plus en plus importante donnée aux activités de lecture et d‟écriture dans nos sociétés (Jaffré, 2004). Plusieurs travaux en psycholinguistique ont mis en évidence la coopération cognitive entre les activités de lecture et d‟écriture (Ehri, 1997) qui, à terme, construisent une compétence homogène et complexe dont ni le terme de lecture ni celui d‟écriture ne peuvent à eux seuls, rendre compte. Son apparition répondrait ainsi à la nécessité d‟une notion englobant à la fois la lecture et l‟écriture (Jaffré, 2004). De l‟orthographe8 du terme de littéracie on en distingue trois différentes qui coexistent actuellement : « litéracie », « littéracie » « littératie ». Elles ont fait l‟objet de discussions diverses que nous n‟allons pas, pour notre part développer, car il nous paraît plus judicieux de relater le sens que véhicule ce terme.

8 Voir Barré-De Miniac (2004) qui fait apparaître les arguments historiques.

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La polyvalence du concept de littéracie a été très tôt admise et même revendiquée (Barré-De Miniac, Brissaud & Rispail, 2004). Pour eux la littéracie ne traite pas seulement de la façon de lire et d‟écrire, mais également de l‟application de cette connaissance à des objectifs différenciés, dans des contextes spécifiques (Jaffré, 2004). Comme le met en évidence Barré- De Miniac (2002) la littéracie relève de différentes dimensions : linguistiques, psychocognitives et sociales puisque ces champs d‟études incluent des recherches sur les mécanismes de codage/décodage, sur la perception des unités phonologiques, sur les processus de construction de sens, sur les pratiques scolaires et extrascolaires.

(Jaffré, 2004) propose cette définition de la littéracie qui à notre avis est la plus complète : La litéracie désigne l‟ensemble des activités humaines qui impliquent l‟usage de l‟écriture, en réception et en production. Elle met un ensemble de compétences de base, linguistiques et graphiques, au service de pratiques, qu‟elles soient techniques, cognitives, sociales ou culturelles. Son contexte fonctionnel peut varier d‟un pays à l‟autre, d‟une culture à l‟autre, et aussi dans le temps. (p. 31)

En se référant à Neuman et Dickinson (2003), Barré-de Miniac (2002) soutient que l‟intérêt de ce concept de littéracie réside dans le fait qu‟elle implique une reconnaissance des acquis de la recherche en considérant que l‟apprentissage de la lecture et de l‟écriture n‟est pas seulement un produit de développement et soutient aussi l‟idée que le développement de la littéracie commence bien avant que ne commence l‟instruction formelle à l‟école (Ferreiro, 2000). L‟enfant observe les pratiques de la vie quotidienne, il imite les adultes dans leurs procédures, s‟appropriant ainsi le monde et la réalité (Chauveau, 1997).

La littéracie émergente : éléments de définition

Le terme de « littéracie émergente » est apparu dans les années 1980 en Amérique du Nord.

Saada-Robert (2003), en fait une revue approfondie. Ce terme visait à renforcer la définition de la littéracie, en tant que « processus du devenir lecteur et scripteur » (Lancy,1994). Dans cette définition, c‟est l‟enfant lui-même qui est vu comme le principal instigateur de son apprentissage, il « construit sa littéracie », dans un cadre de médiation approprié comme le milieu familial et / ou le milieu institutionnel de la petite enfance, bien avant l‟apprentissage formel de la lecture et de l‟écriture en milieu scolaire (Sulzby & Teale, 1991).

L’apprentissage de la littéracie émergente

En ce qui concerne les études en littéracie émergente, nous faisons particulièrement références aux travaux ayant été conduits dans le champ des différentes disciplines contributives telles que la linguistique (Jaffré & David, 1998 ; Katz, 2001 ; la psycholinguistique (Ferreiro, 2000 ; Ehri, 1997 ; Frith, 1985 ; Rieben & Saada-Robert ; 1997), autrement dit ce qui touche aux composantes de la lecture/écriture et aux processus de son acquisition chez l‟enfant. Ensuite, nous passons en revue les travaux sur la sociolinguistique dans la mesure où elle concerne les pratiques sociales de la littéracie. Nous allons en premier lieu, mentionner les composantes de la littéracie émergente étant donné que c‟est à partir de celles-ci que s‟effectuent nos analyses.

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