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CHAPITRE 9 : FONCTIONNEMENT GLOBAL DES DEUX ACTIVITES DE

9.1 Déroulement effectif des deux activités de lecture LEE/LER

9.1.2. Le déroulement effectif de la Lecture récréative (LER)

Edu: (xxx) et qu'est-ce qu'on voit d'autres ? Enfant: une girafe qui court,…

Echange significatif (après la lecture de l‟album) Edu : qu'est-ce que ce livre a raconté ? Enfant: une petite z'histoire de Tchoupi

Phase 4 : Relecture et activités autour de l’histoire (consolidation de la compréhension de l’histoire) Afin de consolider la structure narrative de l‟histoire, l‟éducatrice relit plusieurs fois l‟album aux enfants et leur propose diverses activités autour du texte et des images

Activités spécifiques

- Mets dans l‟ordre les images de l‟histoire - Trouve l‟image qui vient juste avant, après - A quelle image correspond le passage que je

lis ? Phase 5 : Lecture émergente (protolecture :

énonciation orale d’un écrit ; prise de conscience des propriétés graphiques)

Rappel pragmatique l‟éducatrice rappelle le but et le déroulement de l‟activité en explicitant le rôle des comme un vrai clown… i faut les grandes chaussures de papa c‟est facile à marcher….

La situation de lecture émergente s‟est déroulée sur un grand nombre de séances dans une période de trois semaines entrecoupées d‟autres activités. Les deux premières phases (cf.

tableau 21) se sont déroulées en une seule séance. Les phases 3 et 4 en 4 séances. La phase 5 consacrée à la lecture émergente en 2 séances.

Au terme de cette séquence on peut constater que les buts spécifiques travaillés lors de la lecture émergente sont bien ceux d‟une pré- ou d‟une protolecture (Saada-Robert et al., 2003), tels que décrits dans le chapitre précédent. Au cours du déroulement de l‟activité de LEE, l‟ensemble des composantes du savoir lecture/écriture (chapitre 8) n‟est pas forcément travaillé, quoiqu‟elles soient potentiellement présentes à tout moment.

9.1.2. Le déroulement effectif de la Lecture récréative (LER)

Le tableau 22 concerne la situation de lecture récréative qui s‟est déroulée sur autant de séances que la lecture émergente dans une période de trois semaines sans les activités spécifiques. Le résumé se présente en deux colonnes. Dans la première les différentes phases (en gras) sont indiquées et dans la deuxième colonne des exemples se référant à chacune d‟elles sont données.

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Tableau 22. Tableau synoptique. Phases LER, T1 séances de 00. 13.18 minutes

Lecture/écriture récréative Phase 1 : présentation du projet :

Phase 2 : à la suite de l’histoire, l’éducatrice dit aux enfants :

« C’est la fin de l’histoire » et pose des questions à chaque enfant sur l’histoire

Phase 3 : L’éducatrice propose aux enfants de dessiner un épisode de l’histoire, ensuite « faire semblant » d’écrire ce que veut dire leur dessin.

Je vais vous raconter une histoire avec un nouveau livre. l‟éducatrice fait une lecture à haute voix (lecture en continu par l’éducatrice pour faire plaisir aux enfants). L‟éducatrice au cours de sa lecture s‟arrête explique le mot galipette et montre l‟image aux enfants en disant : « vous voyez des galipettes ? il fait la gym». Les enfants répondent « oui »

? Est-ce que vous avez aimé ? Enf : oui

Edu : Qu‟est-ce que vous avez aimé ? Ig : Le clown

Ed : Le clown//Et puis quoi encore ?///Il s‟appelle comment le clown Ig : Tchoupi

Edu : Et Toi Sam qu‟est-ce que tu as aimé ?/dans l‟histoire ? Sam : (silence)

Edu : Tu te rappelles pas/ tu veux pas dire ? Sam : (fait signe de la tête pour dire non) Edu : Et Ga ?

Ga : (fait non de la tête)

Edu : Et Tchoupi qu‟est ce qu‟il a fait ? Ga : Déguiser

Ig : du maquillage

Edu : Ol qu‟est-ce qu‟il a mis Tchoupi ? Ol : Un nez rouge

Edu : Maintenant vous savez ce qu‟on va faire, on va dessiner, vous allez dessinez ce que vous avez aimé dans l‟histoire et faire semblant d‟écrire ce que vous avez dessiné

Les enfants dessinent et « font semblant » d‟écrire ce que veut dire leur dessin

L‟objectif visé dans la lecture récréative est la pratique du livre, sa représentation sociale et la pratique de l‟écriture.

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9.1.3 La séquence effective d’écriture émergente (EE) commune aux deux groupes de lectures LEE/LER

Pour le groupe LER, l‟activité d‟écriture émergente fait partie intégrante de LER et vient tout de suite après la lecture de l‟album par l‟éducatrice.

Pour le groupe LEE elle intervient après l‟activité de lecture émergente des enfants. Comme pour la lecture émergente, la séquence d‟écriture émergente se divise également en cinq phases. Dans le tableau 25, la colonne de gauche décrit les cinq phases et celle de droite donne des consignes se référant à chacune d‟elles. En italique sous l‟intitulé de chaque phase sont explicités les objectifs spécifiques.

Tableau 23. Tableau synoptique. Phases de la séquence d‟écriture émergente T1 séance de 00.17.30 minutes.

Phase1 : Présentation et discussion du projet : Phase de démarrage rappelant l‟activité concernée (ancrage pragmatique : but, destinataire et déroulement de la séquence)

Aujourd‟hui vous allez écrire et dessiner comme vous pensez ce que vous avez aimé dans l‟histoire de Tchoupi que je vous ai raconté « tu fais comme tu sais » sur une feuille pliée en deux « d‟un côté tu dessines et de l‟autre tu écris comme tu penses » (au besoin l‟éducatrice montre aux enfants des exemples d‟écriture d‟autres enfants du même âge).

Phase 2 : Dessin d’un épisode du livre (expression picturale d‟un contenu sémantique).

Consigne : - Vous choisissez l‟épisode de l‟histoire que vous avez préféré et vous le dessinez.

Phase 3 : Enonciation orale du projet d’écriture (planification de l’expression graphique) l‟enfant énonce son projet d‟écriture en réponse à la question de l‟éducatrice.

Edu : Qu‟aimerais-tu écrire qui raconte ton dessin ? l‟éducatrice prend note, individuellement, des projets d‟écriture des enfants.

Phase 4 : Production écrite avec explications métagraphiques (expression graphique d’un contenu sémantique, écriture émergente) en questionnant l‟enfant par le moyen d‟un guidage ciblé, l‟éducatrice va activer la réflexion métagraphique et lui permettra l‟enfant à écrire tout en valorisant sa production.

Phase 5 : Explications métagraphiques finales (explication des signes graphiques) A la fin de chaque production l‟éducatrice questionne l‟enfant sur ce qu‟il a fait pour solliciter une explication de sa part.

Exemple : Edu : Qu‟est-ce que tu as fait ?

111 Figure 3. Production d‟un enfant du groupe LER au T3

La figure 3 permet de donner un exemple tiré de la séance (phases 4-5 tableau 23)

Le tableau 23 offre une vision synthétique de l‟enchaînement des phases d‟écriture émergente.

Comme auparavant on peut constater que plusieurs objectifs ont sous-tendus la situation d‟écriture émergente, qui sont ceux d‟une protoécriture (Saada-Robert et al., 2003) 1) la prise de conscience de la fonction de l‟écriture (proche mais différente de celle du dessin), c‟est-à-dire la nature représentationnelle de l‟écrit mais aussi la différenciation entre les dimensions sémiopicturale et sémiographique ; 2) La discontinuité des traces graphiques ; chaque unité graphique (qui deviendra une lettre) est séparée d‟une autre ; 3) le principe de variétés et des nombres de signes graphiques (des lettres) qui changent pour chaque mot ; 4) la prise de conscience de la nécessité de la connaissance des lettres pour lire et écrire.

9.1.4 Les stratégies de lecture émergente et leur évolution

Des stratégies33 de lecture (voir tableau 3 section 3.1.5 de la méthodologie) ont été établies dans le but d‟analyser les stratégies des enfants du groupe de lecture LEE (T1, T2, T3) (voir annexe no 7).

Comment interviennent ces différentes stratégies lors de la « lecture » effectuée en situation éducative par les jeunes enfants du groupe LEE ? Quelle évolution de leurs stratégies peut-on observer ?

Le tableau 24 présente les résultats en lecture émergente des enfants du groupe LEE (N= 4) aux trois temps en IPE, le pourcentage et la moyenne des stratégies.

Tableau 24. Stratégies de lecture aux 3 temps du groupe LEE

T1

N %

T2

N %

T3

N %

EDI Enonciation descriptive

2 6 8 19 2 5

33 Il est à rappeler que les stratégies de lecture sont effectuées seulement par le groupe LEE en IPE (T1-T3), car la pratique de lecture LER ne comporte pas de stratégies de lecture puisque les enfants ne font pas la lecture aux autres enfants du groupe. Les deux groupes sont donc comparés au niveau des stratégies d‟écriture, communes à LEE et à LER (T1-T5 i.e. trois temps en IPE et deux temps au cycle élémentaire i.e moyenne section de

maternelle en France).

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ENS Enonciation narrative

16 47 17 40 10 23

EPV Enonciation pseudo verbatim

8 26 13 31 16 36

EVE Enonciation Verbatim

8 26 4 10 16 36

Total 34 100 42 100 44 100

Les résultats confirment ceux d‟Elster (1994) et ceux de Saada-Robert et al. (2003). Ils montrent la diversité des stratégies utilisées par les enfants à un temps donné. Ces stratégies de « lecture » évoluent en cours d‟année scolaire entre T1 et T3 avec une certaine variation : des stratégies de description d‟images (6%, 19% et 5%), vers des stratégies narratives (47%, 40% et 23%) puis des stratégies pseudo verbatim (26%, 31% et 36%) des stratégies verbatim prenant le texte comme appui dominant (26%, 10% et 36%). Nous faisons l‟hypothèse que cette évolution peut être mise en rapport avec la capacité des partenaires (éducatrice et enfants) à construire une zone de compréhension commune (voir chapitre 10, les résultats de l‟analyse microgénétique, point 4)

En moyenne, l‟ensemble des enfants utilise à chaque temps plusieurs stratégies pour lire à des pairs (entre 3 et 4). Les stratégies ENS sont fortement présentes au T1 et T2 respectivement 47% et 40% avec une diminution au T3 (23%) au profit des stratégies plus élaborées EPV et EVE. Notons également que le pourcentage des stratégies élémentaires d‟énonciation descriptive (EDI) tend à augmenter au T2, même si elles ne sont utilisées fortement que par un seul enfant. Les stratégies EPV et EVE restent dominantes au T3 (36%), mais l‟évolution en fin d‟année est marquée par une diminution des stratégies les plus élémentaires EDI et ENS. Le temps 3 est marqué par une dominance des stratégies élaborées EPV et EVE.

Enfin, on observe chez tous les enfants un accroissement de leur répertoire de stratégies de lecture, des stratégies variées construites et activées par les enfants à chaque temps ainsi qu‟une évolution par dominance de stratégies sans abandon des anciennes (34% à T1, 42 % à T2, 44% à T3). Cependant les plus évoluées, EPV et EVE, sont les plus nombreuses à T3.

9.1.5. Les stratégies d’écriture émergente et leur évolution

Description des stratégies d‟écriture émergente en situation didactique : Comme pour la lecture émergente, nous avons défini des stratégies d‟écriture (voir tableau 4 point 3.1.5 de la méthodologie)

Comment interviennent ces différentes stratégies lors de l‟«écriture » effectuée en situation éducative d‟écriture émergente34 par les enfants des deux groupes LEE/LER et comment expliquent-ils leur production lorsqu‟ils la décrivent?

34 Voir annexe no 9 l‟écriture émergente (les traces écrites) des enfants des deux groupes (LEE/LER)

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L‟analyse de l‟écriture émergente de LEE/LER, permet d‟observer que les enfants dissocient le dessin du texte écrit. En référence à l‟annexe no 9 (production des enfants : dessins et écriture émergente des groupes LEE/LER) comme nous présentent les exemples ci-dessous, nous constatons que les enfants utilisent différentes stratégies. Nous avons ajouté le projet d‟écriture et ce que l‟enfant a dit lors de la relecture de sa production. Ces indications ont en effet aidé à identifier les stratégies d‟écriture.

Figure 4. Stratégie d‟imitation Sémiographique (production d‟un enfant du groupe LEE au T2)

Cet exemple nous montre que la production de l‟enfant se réfère à des traces graphiques (l‟enfant imite le geste du scripteur) et à des pseudos-lettres. A noter également que les imitations graphiques sont souvent porteuses de sens (la maman de Tchoupi) dans la mesure où le découpage morpholexical correspond à chaque unité logographique produite.

Plus précisément nous remarquons que l‟enfant différencie le symbole pictural (le dessin de la maman de Tchoupi à droite de la figure 4) du signe graphique, à gauche. Nous relevons que l‟enfant écrit en produisant des marques discontinues, séparées, de gauche à droite, et qu‟il a donc une représentation précoce de ce que les signes graphiques sont différentes des symboles picturaux, ce qui est confirmé dans les travaux de Saada-Robert et al. (2003) et ceux de Brennman, Massey, Machado et Gelman (1996). Ferreiro (1988, 2000) montre aussi l‟utilisation du principe de lettres différentes pour des mots différents, ce qui est confirmé dans notre recherche.

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Figure 5: Stratégies VNO (variété et nombre de lettres) LOG (stratégie logographique) et GRA (formes géométrique, notes de musique et pseudo-lettres) : production d‟Ig, un enfant du groupe LER au T2

Dans cette production l‟enfant a compris que pour écrire, il faut des lettres et que celles-ci doivent varier s‟il écrit des mots différents. Le nombre de lettres importe également car en dessous de trois lettres, ce n‟est plus souvent considéré comme un mot (VNO). On voit aussi, que l‟enfant utilise différentes stratégies. Dans la première ligne, l‟enfant utilise des stratégies dominantes (VNO et LOG) et pour la deuxième ligne, une stratégie élémentaire (GRA).

Remarquons que l‟enfant met en correspondance sa production avec son projet d‟écriture et utilise le répertoire logographique sans toutefois respecter la correspondance phonétique. En effet, lors de l‟explication métagraphique, l‟enfant dit qu‟il a écrit dans la première ligne (Tchoupi), dans la deuxième « les notes de musique » et « le docteur ».

Figure 6. Stratégies syllabiques qui a pour trait principal l‟utilisation des lettres en correspondance phonologique : production de The, un enfant du groupe LEE au T2

Dans cette production, l‟enfant utilise diverses stratégies. Dans la première ligne (partie gauche de la figure), l‟enfant tente d‟utiliser la stratégie syllabique il a essayé d‟écrire toutes les lettres de son prénom (Théo) en les nommant. Concernant le reste, l‟enfant a utilisé une stratégie sémiographique. Le projet d‟écriture (Tchoupi) est perdu.

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Figure 7. Stratégie alphabétique (production de Mat, un enfant du groupe LEE au T3)

Dans cette production l‟enfant utilise deux stratégies : d‟abord alphabétique (il montre le i et le suit avec le doigt pour lire la lettre) ; pour la relecture il « lit »: Tchoupi (stratégie logographique).

Comment les enfants des deux groupes progressent-ils au fil des cinq temps ? Quelle évolution de leurs stratégies peut-on observer ? Le tableau 25 ci-dessus reprend l‟ensemble des résultats concernant les stratégies d‟écriture.

9.1.6. Evolution comparative des stratégies d’écriture émergente pour LEE et LER (T1, T2, T3 en IPE et en CE)

Le tableau 25 indique le nombre de stratégies utilisées par les deux groupes au cinq temps.

T1 T1 T2 T2 T3 T3 T4 T4 T5 T5

LEE LER LEE LER LEE LER

LEE LER LEE LER

IMS

IMITATION SEMIOGRAPHIQUE 3 3 1 1

GRA

STRATEGIE GRAPHIQUE 1 1 2 2 2

VNO

VARIETE ET NOMBRE DE

LETTRES

2 2 2 1 2 3

LOG

STRATEGIE LOGOGRAPHIQUE 1 1 2 2

SYL

STRATEGIE SYLLABIQUE 2 1 2 1 1

ALP

STRATEGIE ALPHABETIQUE

1 1 4 1 3

LEX

STRATEGIE LEXICALE

TOTAL 6 4 6 5 5 4 6 5 4 6

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Nos résultats montrent que les enfants des deux groupes de lecture à T1 utilisent majoritairement les stratégies IMS-GRA. Rappelons que dans la stratégie IMS (voir figure 4), l‟enfant imite le geste scriptural, tandis que pour la stratégie graphique, l‟enfant produit des traces discontinues, des lettres comme des pseudos-lettres. Cependant à T2, nous constatons une diversification dans le type des stratégies utilisées par les enfants du groupe LEE. Les enfants utilisent des stratégies élémentaires et des stratégies plus complexes, certains enfants par exemple, produisent des lettres même en correspondance avec le projet d‟écriture, voire des lettres en correspondance phonétique (SYL et AlP) (voir figure 7). A l‟opposé, le groupe LER garde le statu quo, les enfants utilisent les mêmes stratégies élémentaires aux deux temps comme l‟indique le tableau 25. Signalons qu‟un enfant du groupe LEE fait un retour vers des stratégies élémentaires (GRA) (figure 4). Il ressort qu‟à T4 au CE1 (i.e., moyenne section de maternelle en France) - que tous les enfants du groupe LEE utilisent des stratégies plus élaborées, ils restent stables et ne font pas de retour vers des stratégies plus élémentaires ; la progression du groupe LER n‟est pas tout à fait régulière, comme montré dans ce tableau. Il est intéressant de souligner que dans ces périodes, le groupe LER produit plus de stratégies (une sur six stratégies est syllabique ou alphabétique) avec un pourcentage plus faible de stratégies élaborées, contre quatre sur quatre pour le groupe LEE en pourcentage plus élevé de stratégies plus élaborées. Il faut préciser que ce résultat, bien qu‟obtenu par un petit nombre d‟enfants, était attendu (voir point 5.1) puisque nous faisions l‟hypothèse que les compétences en lecture/écriture seront meilleures dans le groupe LEE, confirmant les résultats de recherche de Dickinson et Smith (1994); Sénéchal (2000) et Saada-Robert et al. (2003).

9.2. Les relations entre lecture et écriture

Les analyses de recherche en psycholinguistique montrant les relations entre la lecture et l‟écriture en début d‟apprentissage relèvent que non seulement les composantes du savoir en lecture et en écriture sont très proches, mais surtout que les processus d‟identification des mots par la lecture comme les processus de production de mots par l‟écriture font partie d‟un même système fonctionnel. Ce système fonctionne, en lecture comme en écriture, par la construction et l‟utilisation d‟une mémoire lexicale commune (Ehri, 1997 ; Perfetti, 1997), par l‟intervention des processus visuels et phonologiques (Caramazza & Hillis, 1991 cités dans Gombert, Bryant, Warrick, 1997 ; Seymour, 1997), par le rapport analogique établi entre les traitements visuel et phonologique des mots (Ehri, 1997 ; Gombert et al., 1997), enfin par la correspondance phonographique ou graphophonologique aboutissant aux structures orthographiques et morphographiques finales (tous les auteurs cités). Si certains modèles montrent une évolution synchrone de la lecture et de l‟écriture (Besse, 1989 ; Ehri, 1997 ; Rieben & Sadaa-Robert, 1997 ; Seymour, 1997), d‟autres comme celui de Frith (1985), leur attribuent une évolution décalée : la lecture prend d‟abord en charge le traitement logographique des mots, puis l‟écriture guide la découverte du principe alphabétique, alors que finalement la lecture conduit à la prise en compte du système orthographique. Nos résultats concernant les stratégies construites et utilisées par des enfants de 3-4 ans ne permettent pas de se prononcer sur la fin de cette progression qui se termine plus tardivement vers 6-7 ans.

117 9.2.1. Synthèse intermédiaire

Les résultats interprétés dans les pages précédentes montrent qu‟en situation d‟écriture émergente les enfants utilisent différentes stratégie en passant par 1) les traces graphiques continues puis discontinues, des pseudo-lettres, des lettres connues et ou issues de leur prénom, des chiffres, des notes de musique, le tout dispersé sur la feuille. 2) La production de lettres (lettres utilisées selon le principe de la variété et du nombre de lettres (Ferreiro, 2000), sans analyse de son ; lettres mises en ligne, sans correspondance phonologique). En situation métagraphique, l‟enfant explicite sa production, opérant par une lecture en identifiant et en même temps traitant les mots, les pseudos mots et quelques unités sublexicales. Comme nous l‟avons vu précédemment, certains enfants des deux groupes (LEE-LER) produisent des lettres en correspondance avec le projet d‟écriture, voire même des lettres en correspondance phonétique pour le groupe LEE. Par exemple, Mat reconnaît la lettre i en disant et en pointant : « ça c‟est la lettre i c‟est la fin de Tchoupi ». Dans cet exemple, l‟enfant procède par lecture émergente de sa production écrite en oralisant, et suivant avec le doigt, tout en conservant l‟idée de son projet d‟écriture. En ce sens on peut dire que les enfants font un lien entre le langage oral et sa possible transformation en langage écrit, étayant ainsi les liens entre lecture et écriture, deux processus qui s‟influencent mutuellement (Ehri, 1997 ; Saada-Robert et al., 2003 ; Navarro-William, 2009). Nos résultats de recherche montrent d‟une part, qu‟en situation métagraphique, l‟enfant explicite sa production, il traite le « texte » ainsi produit, montrant que l‟écriture émergente aide à la lecture et inversement ; d‟autre part dès que l‟enfant rencontre de façon répétée des mots écrits, il développe, par apprentissage implicite35, une habituation aux régularités concernant les configurations visuelles (Gombert, 2004), les mots oraux et les significations associés à ces configurations « Tchoupi » dans le cas de Mat que nous venons d‟évoquer précédemment. Ainsi, nous pouvons dire que l‟enfant en IPE possède des rudiments de connaissances visuelles, phonologiques et grapho-morphologiques qui ne lui ont pas été enseignées systématiquement. Ces connaissances relèvent d‟apprentissages implicites qu‟il a effectués de façon répétée en présence d‟un écrit sémiotisé par l‟adulte.

Soulignons que les résultats des enfants du groupe LEE sont meilleurs en écriture émergente (voir ci-dessus). Les effets de la pratique LEE se marquent surtout sur les conceptions des enfants concernant l‟écrit et les signes graphiques. En ce qui concerne les compétences linguistiques plus précises et particulièrement le repérage de la première lettre ou du prénom comme par exemple la production d‟écriture émergente de The (figure 6) ou la dernière lettre des mots comme par exemple la production d‟écriture émergente de Mat (figure7), les résultats sont meilleurs pour le groupe de LEE également, ce qui confirme les travaux de McMahon, Richmond et Reeves-Kaselkis (1998) qui montrent que les enfants de LE sont plus

« demandeurs » en connaissance et en utilisation des lettres (Voir section 2.5). Toutefois, les enfants du groupe LER s‟impliquent et évoluent aussi bien dans des activités d‟écriture émergente, mais utilisant des stratégies plus élémentaires comme par exemple la production d‟Ig (figure 5). Dès lors, nous suggérons la complémentarité des deux approches plutôt que

« demandeurs » en connaissance et en utilisation des lettres (Voir section 2.5). Toutefois, les enfants du groupe LER s‟impliquent et évoluent aussi bien dans des activités d‟écriture émergente, mais utilisant des stratégies plus élémentaires comme par exemple la production d‟Ig (figure 5). Dès lors, nous suggérons la complémentarité des deux approches plutôt que