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Présentation et analyse des données concernant les extraits sur la pratique réflexive

Chapitre 5 : Présentation et discussion des résultats

5.3. Présentation et analyse des données concernant les extraits sur la pratique réflexive

Dans ce sous-chapitre, nous présenterons les résultats quant à la dernière partie de nos entretiens. En effet, les enseignants ont dû lire des extraits de livres concernant la pratique réflexive en donnant leur point de vue tout en l’argumentant par rapport à leur pratique. Enfin, les enseignants ont donné leur avis quant aux « libertés » d’un enseignant face à sa classe notamment et aux erreurs qui peuvent ou non en découler.

Tableau 12 : Commentaires sur les extraits

FD FC HD HC Total

Extrait 1 est vrai : s’use si on ne l’utilise pas / devient

seconde peau / ne dépend pas d’un quartier 4 5 5 4 18

Extrait 2 est vrai : liste exhaustive n’existe pas 4 5 5 4 18

Extrait 2 est vrai : il faut le terrain 4 5 5 4 18

Extrait 3 : professionnel quand on pratique vraiment 1 4 4 4 13 Extrait 3 : professionnel -réflexif = vrai / université très utile 3 1 1 0 5

La pratique réflexive peut s’apprendre 4 5 5 4 18

La pratique réflexive doit s’apprendre 4 5 5 4 18

Relatif à l’extrait n°1 soit celui de Perrenoud (2001) :

Le savoir-analyser ne s’use que si l’on ne s’en sert pas ! Certains enseignants l’ayant acquis en formation initiale s’en serviront quoi qu’il arrive, parce que la pratique réflexive est devenue une part de leur identité professionnelle. D’autres, s’ils sont parachutés dans un coin tranquille, cesseront de réfléchir, une fois dominées les difficultés du début. On sait qu’au gré de l’avancement de leur carrière, nombre d’enseignants s’orientent, dès qu’ils le peuvent, vers les zones résidentielles et les filières nobles. On peut interpréter cette migration comme une fuite, un rêve de tranquillité.

Toutefois, dans ces zones et ces filières, il y a aussi des élèves qui souffrent, échouent ou abandonnent, mais pas assez pour mettre le système éducatif et le métier en crise

Les enseignants répondent tous et en reprenant les termes de Perrenoud (2001) que « la pratique réflexive ne s’use que si l’on ne s’en sert pas ». Ils ajoutent que le fait de la pratiquer régulièrement transforme l’apprentissage en un acquis et qu’ainsi la pratique réflexive devient une seconde peau comme un « principe » ancré en nous.Il s’agit donc d’un élément qui montre ici, que selon les enseignants, les identités personnelles et professionnelles s’influencent mutuellement.

Certains enseignants relèvent toutefois le fait que le quartier ne rime pas forcément avec tranquillité.

Ce n’est pas parce qu’un enseignant exerce dans une école de campagne, que son quotidien sera plus serein que celui d’un enseignant exerçant dans une école de quartier. L’ens6 ajoute que les

enseignants cherchant des coins tranquilles sont « des enseignants qui n’ont plus envie d’avancer et d’apprendre indépendamment du quartier de l’école ». Ces remarques sont motivées par le fait que les élèves sont différents indépendamment du quartier résidentiel ou non dans lequel ils vivent.

Toujours en lien avec la pratique réflexive et plus particulièrement avec la formation, l’extrait n°2 est également tiré d’un ouvrage de Perrenoud (1994) :

Il serait vain de munir les enseignants en formation d’une longue liste d’incidents ou d’événements possibles, assortis chacun d’une réaction conseillée. Aucune liste ne peut être exhaustive ; la façon dont les événements se présentent empêche souvent de faire le rapprochement avec un « cas d’école » ; enfin, la réaction appropriée dépend de beaucoup d’éléments qu’on ne pourra apprécier qu’en situation.

La seule façon défendable de former les maîtres à agir efficacement dans de telles circonstances, c’est de les y placer régulièrement durant leurs études, puis d’analyser avec eux ce qui s’est passé, ce qu’ils ont pensé, ressenti, tenté. Non pas pour les juger, souligner l’écart avec « ce qu’il aurait fallu faire ».

Mais pour les aider à analyser leur propre fonctionnement, à maîtriser peu à peu leurs impulsions, les émotions excessives, leurs allergies à certaines attitudes des élèves, leur indifférence à certains signes, leur cécité face à certains mécanismes.

Les 18 enseignants estiment par une majorité absolue qu’une liste exhaustive d’événements ne suffirait pas pour une formation, bien que les cas pratiques analysés à l’université soient tirés de la réalité du terrain. Chacun d’entre eux pense que l’expérience individuelle sur le terrain est nécessaire pour pouvoir se former. L’ens7 ajoute « il faut la théorie et la pratique, une réflexion réelle sur nos actions », l’ens16 corrobore cela « étant donné que c’est lié à soi et la pratique est liée à soi-même c’est plus profitable si c’est proche de soi ». Certains enseignants font d’ailleurs remarquer que les stages ne peuvent pas forcément être considérés comme étant une pratique réelle mais plutôt comme une pratique « artificielle » étant donné que le stagiaire n’est jamais seul pour une année complète par exemple. Là-encore, comment résoudre cette difficulté ? Comment placer les étudiants en formation face à de réelles situations si ce n’est celles des stages ? Y a-t-il besoin d’une pratique en emploi sur une longue durée pour pouvoir pratiquer une « réelle pratique réflexive » ? Les étudiants ne construiraient-ils pas des compétences en formation ? Il va de soi qu’avec l’expérience réelle du terrain, les enseignants se forment continuellement, développent de nouvelles compétences ou encore en consolident, mais ne se peut-il pas que ces compétences soient déjà consolidées en formation ?

En outre, à l’unanimité, les enseignants s’accordent à dire que la pratique réflexive peut et se doit d’être enseignée en formation. Les enseignants qui pensent qu’elle est innée, justifient leur dire en disant que « si certaines personnes ne l’avaient pas encore, ils pouvaient et devaient justement l’apprendre dans un métier tel que l’enseignement » ou encore selon l’ens7 « si on ne l’a pas la pratique réflexive, il faut une motivation et quand même un base personnelle pour l’apprendre ».

Ces données vont donc de paires avec les commentaires des enseignants interviewés concernant l’extrait n°3 de Schön (1996), cité par Doudin, Martin et Albanese (1999, p.28):

Il s’agit donc de faire de l’enseignant un véritable professionnel, se caractérisant par sa capacité à réfléchir en cours d’action et sur l’action. (…) L’enseignant devient ainsi un praticien-réflexif capable de mettre en œuvre ce processus et de « tirer son épingle du jeu dans des situations d’incertitude, d’instabilité, de singularité et de conflit de valeurs.

En effet, 13 enseignants pensent qu’une personne ne peut devenir professionnelle que lors d’une expérience réelle. L’ens5 affirme que « c’est surtout sur le terrain qu’un enseignant peut apprendre » ou encore l’ens14 qui est plus catégorique en disant « qu’il faut absolument le terrain pour se rendre compte de la réalité et (…) pour avoir une vraie réflexion ». Seuls 5 enseignants pensent qu’une personne devient un réel praticien-réflexif suite à la formation mais non un véritable professionnelle. Chaque enseignant interviewé motive ces deux types de réponses par le fait que le métier d’enseignant requiert de nombreuses habiletés et compétences, autres que la pratique réflexive. En outre, pour les 18 enseignants, la pratique sur le terrain fait aussi défaut étant dans une réalité créée par la formation ou antérieurement par le titulaire de classe. Chacun sait justement qu’une classe est différente d’une autre ainsi que les situations qui surviennent au cours de la profession. L’ens12 estime quand même que « la formation ouvre déjà les yeux sur une pratique réflexive à avoir et qu’elle rend attentif à ça pour pouvoir ensuite la développer dans la pratique ».

De nombreux enseignants sortant de la LME émettent le fait que la formation a de nombreuses carences mais non au niveau de l’apprentissage de la pratique réflexive.

Suite à la discussion découlant des entretiens, une nouvelle question plus générale est posée aux enseignants : s’ils avaient des directives, des règlements plus précis et pointus du point de vue des relations à autrui, y aurait-t-il moins d’erreurs ? En d’autres termes, en quoi le fait de réduire les libertés diminuerait les marges de manœuvre des enseignants relatives à la relation avec les familles par exemple. Cette question a notamment été posée par le fait que le sens commun pense que l’enseignant a trop de libertés et peu de contrôle hiérarchique.

Tableau 13 : Commentaires quant aux libertés

FD FC HD HC Total

Réduire les libertés ne limiterait pas les erreurs 4 5 5 4 18 A l’unanimité, les enseignants s’accordent à dire que réduire les libertés ne ferait pas baisser le taux d’erreurs. Ces données, bien qu’elles proviennent d’un échantillon minime, corroborent pleinement les dires de Perrenoud (1994). Il mentionne que chacun des enseignants doit trouver son modèle, son fonctionnement et qu’ainsi, il serait absurde dans un domaine aussi relationnel que l’enseignement d’enfermer les enseignants et leur travail dans des principes stricts. En effet, certains enseignants affirment clairement que « chacun adapte les règles à sa classe, à sa manière en les interprétant et que de toute façon personne ne les contrôle régulièrement ». L’ens12 affirme, plus spécifiquement quant à la relation aux parents, que selon lui la manière de s’adresser aux parents relève de « 50 % de préparation, d’entraînement, de lecture de livres et de 50 % d’art qu’une personne a ou non ».

En outre, le fait d’être « observé » ou encore « contrôlé » par un tiers ne dépendrait-il pas également du tiers en question ? Un directeur, par exemple, s’accordera à dire que les règles sont respectées dans la mesure du possible dans telle ou telle classe en l’observant, tandis qu’un directeur d’une autre école se prononcera peut-être plus négativement selon ce qu’il observe, étant donné qu’eux deux auront des principes qu’ils adapteront au contexte. L’ens11 dit clairement que « les gens prennent des libertés en fonction de celles qu’on nous donne déjà » ou encore l’ens6 ajoute que

« des erreurs, il y en aura tout le temps et qu’on ferait des erreurs dans d’autres domaines s’il y avait plus de directives pour ce qui est du relationnel ». D’autres enseignants énoncent que le fait d’avoir certaines libertés permet justement de construire des relations. Si tout était plus réglementé, les relations seraient plus artificielles. Ces enseignants expriment également le fait qu’ils verraient mal comment se faire imposer plus de règles d’un point de vue relationnel, trouvant cela presque aberrant. L’ens3 ajoute que « pour agir en professionnel de l'éducation, l’enseignant fait preuve de conscience professionnelle en toute occasion ». S’agit-il encore de savoir comment chacun conçoit le mot « conscience ». Malgré leurs différences humaines et leur parcours de vie, les enseignants sont intiment liés par des valeurs véhiculées par l’institution comme « l’horreur » face à la stigmatisation d’un élève, tout en sachant que ces valeurs proviennent parfois et souvent également de leur identité personnelle. Il serait trop complexe et aussi vain de trancher entre ce qui fait partie d’une ou de l’autre identité. En tant qu’enseignant, il existe sûrement des principes propres à l’éducation lors de l’enfance et ces principes sont peut-être mis en avant lors de l’exercice de la profession enseignante. Gohier, Anadon, Bouchard, Charbonneau et Chevrier (2001) résument d’ailleurs cette complexité en disant qu’on« peut caractériser le processus de constitution et de transformation de l’identité professionnelle de l’enseignant comme un processus dynamique et interactif de construction d’une représentation de soi en tant qu’enseignant ». Chaque enseignant apporterait donc ses propres caractéristiques humaines à la profession. Par ailleurs, les principes de l’institution feraient ensuite partie intégrante de la vie personnelle de l’enseignant et c’est ce qui unirait et dissocierait infiniment un enseignant d’un autre.