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Chapitre 5 : Présentation et discussion des résultats

5.2. Présentation et analyse des données concernant les définitions

5.2.1 Erreur ou faute ? …Une question de nuances

Le tableau suivant (tableau n°8) démontre comment les enseignants distinguent les termes

« erreur » et « faute », notamment au niveau de leur gravité et de la volonté de la personne qui les commet.

Tableau 8 1 : Erreur ou faute ?

FD FC HD HC Total

Question d’interprétation (de vocabulaire) 2 3 0 1 6

Faute plus grave, plus lourde, plus péjorative, que l’erreur 4 4 3 3 14

Faute et erreur = identique 0 0 1 0 1

Faute plus légère 0 1 0 0 1

Faute plus volontaire ou consciente vs ignorance 0 3 1 2 6

Faute plus définitive et irréversible vs erreur possibilité de

réparation 4 2 2 1 9

Erreur = formateur 0 1 2 2 5

Comme l’indique le tableau, tous sauf un enseignant (ens15), décrivent ces deux termes de façon distincte. Un tiers des enseignants (6 sur 18 enseignants) commence par soulever la question du vocabulaire et de l’interprétation. Ils expliquent que « ça dépend de ce qu’on met derrière le mot

« erreur » », que cela est personnel et dépend également de comment nous pouvons interpréter le cahier des charges et les erreurs qu’il ne faut pas effectuer. Un de ces enseignants (ens11) effectue une distinction à ce niveau, entre l’erreur et la faute. Selon lui, l’erreur est un jugement personnel qui peut par conséquent différer selon les personnes, alors que pour la faute, tout le monde s’accorderait plus à dire que c’en est une. La nuance subtile entre ces deux termes est bel et bien présente d’entrée de jeu. Reconnaître chez quelqu’un ou chez soi-même une erreur ou une faute part d’un jugement et, comme tout jugement est avant tout personnel, il est tout à fait pertinent que la notion d’interprétation ressorte dans le discours de plusieurs enseignants.

Au niveau de la différence de gravité entre une erreur et une faute, 14 enseignants sur 18 jugent cette dernière de façon plus négative. En effet, ils la décrivent comme étant plus grave, plus importante, plus lourde de sens et de conséquences, plus péjorative, moins douce et plus mesquine.

Le terme « faute » est selon eux, plus fort, plus violent, plus difficile à assumer. Concernant le reste des enseignants, deux ne verbalisent pas de termes aussi concrets mais laissent entrevoir tout de même un aspect plus négatif de la faute : « Quand on fait quelque-chose qu’on sait qu’on ne devrait pas faire. On est au courant », « Ca rabaisse plus vite quelqu’un, elle est moins formatrice,… ». Enfin, concernant les deux derniers enseignants, l’un (ens15) ne fait aucune distinction entre l’erreur et la faute, tandis que l’autre (ens2) juge cette dernière comme étant plus légère que l’erreur. Cependant, il semble avoir là une confusion puisque cette même enseignante énonce plus tard que le terme erreur n’est pas assez fort pour décrire un manquement à un devoir ou à un principe. Ce qui laisse sous entendre que pour elle, le terme erreur serait assez faible ou léger. Enfin, deux enseignants (ens2 et ens12) poussent la distinction jusqu’à dire que la faute sous-entendrait un caractère religieux. Ils expliquent en effet, que le terme « faute » est « relié à quelque-chose de judéo-chrétien » ou qu’il possède une « connotation religieuse, de jugement ». Il est intéressant, à ce niveau là, de remarquer que si le terme faute est jugé comme étant plus péjoratif et négatif, pour

1 Tout au long de l’analyse, les tableaux seront présentés avec les abréviations suivantes : FD (Femme Débutante), FC (Femme Chevronnée), HD (Homme Débutant), HC (Homme Chevronné).

plus de deux tiers des enseignants, c’est pourtant un mot qu’on utilise tout autant voire plus que le terme « erreur », dans les écoles.

Sur le plan d’un commentaire apporté à leur définition, la notion de volonté apparaît fortement dans le discours de 6 enseignants. La faute serait plus volontaire et plus consciente :

« c’est une règle qu’on ne respecte pas consciemment », « j’ai pas le droit, mais je fais quand-même », « c’est quand on fait quelque-chose qu’on sait qu’on ne devrait pas faire », « c’est plus volontaire ». Alors que l’erreur serait plus basée sur l’ignorance et une action inconsciente : « l’erreur on peut la faire involontairement », « ça vient de l’ignorance, de l’oubli, d’une incompréhension »,

« c’est déraper », « c’est quand on dit quelque-chose sans connaître le fond de l’affaire », « on peut y faire sans que ce soit totalement contrôlé ». Ce commentaire rejoint le fait que la faute serait plus grave parce que l’auteur en serait conscient, contrairement à une erreur qui serait effectuée inconsciemment. Cependant, il convient ici de remarquer la subtilité entre l’état de conscience et la volonté, puisque même si c’est souvent le cas, l’un ne va pas forcément toujours avec l’autre. En effet, une personne peut très bien être consciente qu’il est interdit de voler dans un magasin, mais décide tout de même de le faire pour de multiples raisons. Dans ce cas, la conscience de la personne et sa volonté s’associent pour commettre une faute. Cependant, il est tout aussi imaginable qu’une assistante médicale, tout à fait consciente des règles strictes de sont travail, puisse à un moment donné de fatigue extrême mélanger deux prises de sang de patient. Ces deux fautes sont-elles au même niveau ? Les deux personnes savent ce qui est correct et ce qu’il faudrait faire (selon les normes et les règles de la société et du travail), mais elles se différencient par leur état de conscience au moment de commettre l’erreur. En effet, la première la commet délibérément en état de toute conscience alors que la seconde effectue une erreur sans faire exprès et par conséquent sans être consciente de celle-ci.

Toujours en commentant leur définition, la moitié des enseignants, mentionne la faute comme étant plus définitive et irréversible alors que l’erreur présenterait une possibilité de réparation :

« une faute c’est irréversible », « tu ne peux pas revenir dessus », « on ne peut rien y changer, c’est un peu irréversible ». Alors que l’erreur « peut être corrigée », « c’est quelque-chose qu’on essaie de rattraper par la suite », « la sanction va plus avec l’erreur dans une idée de réparation », « on peut revenir dessus ». En plus du caractère souvent irréversible des fautes, 5 enseignants soulèvent son manque d’aspect formateur, contrairement à l’erreur qui selon ces enseignants est « formatrice »,

« plus utile que la faute », « on apprend de ses erreurs », « on apprend par l’erreur ». D’ailleurs, 2 enseignants ajoutent qu’on « peut faire des erreurs » et que l’erreur est excusable contrairement à la faute.

Une fois encore, si ces discours paraissent plein de sens, qu’est-ce qui amène les enseignants à utiliser si souvent le terme « faute » dans les évaluations des élèves ? Il ne s’agit bien entendu pas de relever ici une contradiction entre les schèmes de pensée des enseignants et leur pratique, mais plutôt de réaliser à quel point les termes « faute » et « erreur » prennent tout leur sens (ou un autre sens) lorsqu’on les examine de plus près.

Cette partie d’entretien permet de rendre compte de la tendance importante (14 sur 18) chez les enseignants à considérer la faute comme plus grave. Elle aurait un côté plus lourd de conséquences et péjoratif que l’erreur, de par son irréversibilité, la conscience et parfois la volonté de la personne qui la commet. L’erreur, elle, est relativisée notamment parce qu’on lui alloue un aspect formateur et moins définitif. L’aspect formateur attribué à l’erreur par plusieurs enseignants, rejoint ainsi les propos d’Astolfi (1997) qui n’hésite pas à considérer l’erreur comme un outil pour apprendre.