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Le vélo qui cherche à se (re)faire une place

3. Terrain d’étude et panel de l’enquête

3.1. Saint-Etienne, une ville non cyclable ?

3.1.3. Le vélo qui cherche à se (re)faire une place

Ville industrielle et minière, spécialisée dans les armes et les pièces mécaniques de précision, la cité Forézienne a longtemps été à l’industrie de la bicyclette ce que Paris est à la France : une capitale.

L’industrie du cycle se développe en effet autour de grands groupes, Manufrance et son catalogue de vélos, les cycles Wonder, les Cycles Mercier roses qui ont marqué une génération, les cadres Vitus recherchés par les afficionados, ou encore Mimard qui employait 700 personnes à la fabrication du vélo Hirondelle. L’industrie du vélo entraine avec elle celle de la pièce détachée, et Nadine Besse, conservateur en chef du musée d’Art et d’Industrie résume ainsi la vie à Saint-Etienne : « En juin, ils vendaient tous des vélos. En septembre, des fusils de chasse ». Dans les années 1930, au plus fort de la gloire forézienne, environ 15 000 personnes, dont un grand nombre de femmes, travaillaient dans ce secteur industriel selon Eric Serres, journaliste pour L’Humanité (2014). Environ 5000 personnes travaillent dans l’industrie du vélo et de ses pièces détachées une quinzaine d’année plus tard, voire annexe 1 (Devun, 1947). Le vélo était par ailleurs le moyen de déplacement de ces ouvriers, et des hangars étaient construits près des usines afin de remiser tous les vélos. Un vélodrome a même été érigé en 1925, rue Denis avec lui la pratique du vélo utilitaire.

En effet, lorsque l’on regarde les chiffres actuels concernant le vélo à Saint-Etienne comme mode de déplacement, on s’aperçoit qu’ils sont très faibles : 2% des déplacements domicile-travail sont réalisés en deux-roues en 2016 selon l’INSEE, soit encore moins à vélo puisque la dénomination « deux-roues » inclus vélo et cyclomoteurs. Ces chiffres sont même plus bas à l’échelle de l’agglomération, le vélo représenterait alors 0.4% de l’ensemble des déplacements en 2010 (selon les EMD). Concernant la cyclabilité, Saint-Etienne a été classée F avec une note de 2.58/6 par le Baromètre des villes cyclables 2017 de la FUB, qui a permis de classer 316 communes selon l’échelle ci-contre. Cette note repose sur une enquête nationale qui s’est déroulée en 2016, invitant les citoyens à répondre à un questionnaire sur la praticabilité à vélo de leur commune. 113009 répondants ont participé à cette enquête de 26 questions que nous retrouvons à la Figure 25, qui compare Saint-Etienne et ses 816 réponses à Grenoble (3.91/6 avec 3098 réponses) et Lyon (3.28/6 avec 4771 réponses). Au vu de ces réponses, il apparaît que Saint-Etienne est en retard dans de nombreux domaines : les cyclistes ne se sentent pas en sécurité, manquent d’infrastructures qui leur sont dédiées ou encore ne se sentent pas écoutés par la ville. La note semble ainsi corréler avec la pratique du vélo utilitaire : selon l’INSEE et l’enquête

Figure 23 : Intérieur du vélodrome vers 1925-1929 (photo : archives de Saint-Etienne)

Figure 24 : Baromètre du climat vélo (FUB, 2017)

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annuelle de recensement de 2015, 5.9% des actifs lyonnais vont travailler à vélo contre 15.2% à Grenoble, qui talonne Strasbourg et ses 16% de « vélotafeurs ». Comparé à la démographie de ces villes, on obtient 4.78 réponses pour 1000 habitants à Saint-Etienne contre 9.42 à Lyon et 19.27 à Grenoble. Ainsi, du point de vue de la pratique, l’effet de sécurité par le nombre agirait comme un cercle vertueux : plus il y a de cyclistes, plus ils sont visibles et donc considérés par les autres usagers et par la ville, et plus ils se sentent en sécurité et participent à faire venir de nouveaux cyclistes. Cela a bien évidement des limites, à savoir que tout le monde ne se mettra pas au vélo : la part modale du vélo stagne entre 30 et 40% dans les villes les plus cyclables d’Europe.

D’un point de vue géographique, Saint-Etienne est située dans la vallée du Furan et au Nord du massif du Pilat. C’est ainsi une ville très vallonée à qui la tradition locale attribue sept collines, entre lesquelles se situe un centre-ville qui s’étend principalement sur un axe Nord-Sud. La topographie est l’un des facteurs retenus dans l’élaboration des cartes de cyclabilité du projet Véléval. En prenant aussi en compte la densité d’aménagements cyclables, le réseau viaire (et son caractère plus ou moins sécurisé) et la présence d’espaces favorables au vélo (dans le sens agréable : espaces verts, plans d’eau, etc), les géomaticiens ont créé un indice allant de 0 à 10 (de pas du tout cyclable à absolument cyclable) afin de réaliser un diagnostic des territoires étudiés. Ces cartes (Figure 26) ont aussi servi lors des entretiens de réactivation, afin de susciter un discours sur le territoire de la part des cyclistes qui les traversent.

Nous pouvons alors observer la direction du centre-ville ainsi que les collines qui rendent la pratique du vélo moins facile. Les communes de la première couronne s’avèrent par ailleurs très peu cyclables selon cet indice. Le centre-ville a pour sa part une cyclabilité moyenne. On remarque aussi quelques axes qui se distinguent au Sud et au Sud-Est, correspondant respectivement à la rue des Docteurs Charcot et à ses pistes cyclables entre l’espace du tram et des voitures, et le Cours Fauriel et ses trottoirs partagés avec les vélos (voir signalisation Figure 30).

Figure 25 : Comparaison des notes de Grenoble, Lyon et Saint-Etienne au baromètre des villes cyclables de la FUB (source : public.tableau.com)

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Figure 26 : Diagnostic de la cyclablilité théorique à Saint-Etienne (réalisation : L. Merchez, Y. Gaillou, ENS Lyon, Laboratoire EVS, Université de Lyon, 2018)

42 3.2.

Panel

Le panel pour l’ensemble du projet Véléval se compose de 40 personnes, dont 20 à Lyon et 20 à Saint-Etienne (représentées par le Tableau 4 et le Tableau 5). J’ai au total recruté 8 personnes lors de ma phase de recrutement, dont 3 « en direct » (recrutement dans la rue qui m’a permis de cibler des cyclistes jeunes : Etienne et Elena) et 1 par du démarchage auprès des administrations à Vaulx-en-Velin. Les autres recrutements sont indirects, ils concernent les proches des personnes que j’ai enquêtées et qui ont, par le bouche-à-oreille, entendu parler du projet. Les noms en vert sur les tableaux représentent les quinze personnes dont j’ai réalisé l’entretien. Ces entretiens ont pour la majorité eu lieu en mai, et afin de réduire mes déplacements à Saint-Etienne, il m’est arrivé plusieurs fois de conduire deux voire trois entretiens le même jour.

Pour rappel, ce panel n’avait pas vocation à être représentatif des villes étudiées et des cyclistes qui y circulent, mais à cibler une diversité dans les profils, âges, genres, professions ou encore types de vélo, bien que la tâche fût compliquée à Saint-Etienne plus qu’à Lyon du fait du faible nombre de cyclistes.

Il ressortait que nos premiers enquêtés à Saint-Etienne avaient tous le même profil : ils étaient tous des hommes entre 30 et 40 ans et cadres. J’ai heureusement trouvé des étudiant·e·s afin de rajeunir le panel stéphanois. Concernant Lyon, la principale difficulté était de trouver des « vélo’veurs », c’est-à-dire des personnes qui utilisent le système de vélo en libre-service du Grand-Lyon de façon régulière pour se rendre au travail.

Les résultats obtenus dans ce mémoire ne concernent que le panel de Saint-Etienne entretenu avant juillet 2019, soit au total quatorze personnes de 22 à 64 ans, 8 hommes et 6 femmes dont les professions et types de vélo varient. Nous remarquons qu’en général le niveau d’étude des enquêtés est important, il n’a pas été simple de recruter des ouvriers à vélo, j’ai pourtant réussi à trouver un plombier cycliste mais celui-ci est tombé malade avant de pouvoir l’équiper.

Tableau 4 : Panel de Saint-Etienne

Anonymisation Genre Âge Profession Trajet Vélo principal

Alban H 35 Employé cinéma 2,5 km Cruiser

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Tableau 5 : Panel de Lyon

Anonymisation Genre Âge Profession Trajet Vélo principal

Samantha F

Lionel H

Sophie F

Aymeric H

Johan H

Sabine F

Benjamin H 32 Urbaniste

Dimitri H 22 Etudiant ENTPE course

Daniel H Employé Mairie Vaulx en Velin VTC

Eliette F

Albane F

Astrid F

Béatrice F

Coline F

Charlie H 35 Prof collège

Chloé F 35

Ambre F

Camille F

Yannis H Actuaire Vélo'v

Clément H 33 Archéologue 14km VTT

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4. Résultats et discussion

Compte tenu du faible nombre d’enquêtés, les résultats présentés et discutés dans cette partie n’auront que peu de valeur scientifique et pourront être contestés, ils se veulent avant tout exploratoires. Cependant, ils permettent de mettre certains points en lumière et proposent des pistes de réflexion. Ces résultats se basent sur le tableau d’analyse en annexe de ce mémoire.

4.1.

Savoir rouler, une condition nécessaire mais pas suffisante

4.1.1. La pratique du vélo depuis son apprentissage : des variations biographiques

Concernant l’apprentissage du vélo, il apparaît dans notre panel stéphanois qu’il se fait globalement de la même manière, c’est-à-dire au début de l’enfance, entre 4 et 7 ans selon les souvenirs des enquêtés, et dans un endroit éloigné de tous dangers, à la campagne ou bien dans un quartier, un parking, un parc ou encore une rue peu fréquentée pour les citadins. Ce sont des proches qui permettent cet apprentissage, bien souvent du cercle familial (les parents, grands-parents ou oncles), sans pour autant que la famille ne soit toujours responsable de cette transmission. Certains enquêtés ont appris à faire du vélo avec d’autres proches, comme Armand dont c’est la voisine qui lui enseigne les bases, ou encore Alicia à qui les parents citadins, en région parisienne, ne lui ont pas vraiment appris ces bases et qui doit réapprendre avec l’aide de ses amies à l’âge de 16 ans.

Nous remarquons ensuite des types de pratique qui semblent se différencier pendant l’enfance selon le genre, comme évoqué en 1.3.1 (Devaux & Oppenchaim, 2017 ; Devaux, 2014), et en particulier la pratique sportive qui reste très masculine. En effet, sur les huit hommes du panel, quatre ont pratiqué – ou pratiquent toujours – le vélo aucune n’a pratiqué le vélo de cette manière. Elles ont surtout fait un peu de vélo loisir pour quatre d’entre-elles, dans le cadre de balades en famille par exemple, qui reviennent aussi chez les hommes. Concernant la pratique utilitaire pendant l’enfance, elle revient plus chez les hommes que chez les femmes, et les motifs « visite » et « école » reviennent deux fois chacun. Si les huit hommes du panel ont tous maintenu une certaine pratique du vélo lors de leur enfance, les femmes ne peuvent pas en dire autant puisque deux d’entre-elles ont abandonné cette pratique, dont Alicia qui dit même avoir oublié comment faire du vélo : « j'ai appris je pense vers 6 ans et après en fait j'ai oublié, donc je savais pas faire du vélo entre mes 6 ans et mes 16 ans ».

Figure 27 : Enquêté filmant une pratique sportive avec un ami

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4.1.2. Des capacités qui se développent chez les individus

Nous remarquons par ailleurs que cette pratique du vélo semble développer chez les enquêtés des capacités particulières, comme par exemple l’anticipation qui est évoquée par la moitié du panel, mais aussi la bonne maîtrise, la confiance ou encore la connaissance du territoire parcouru. Benoît parle de cette maîtrise particulière de son vélo mais aussi de l’habitude qu’il a prise de circuler avec des voitures, qui s’est transformée en confiance et qu’il a pu transposer dans sa pratique utilitaire actuelle :

« J'avais un vélo avec des roues un peu plus grosses et j'hésitais pas à prendre un champ ou un truc comme ça, donc sauter un fossé ou des choses un peu plus comme ça » (Benoît)

« Quand j'étais ado je faisais vraiment beaucoup de vélo, ça paraît pas mais juste pour aller voir les potes et tout, même si c'est que les mercredis et les samedis ou les dimanches pour me balader, je faisais beaucoup de vélo et du coup je prenais des axes routiers comme des nationales, des choses où les voitures elle doublent à 90, 100, pour moi c'est beaucoup plus stressant limite que d'être doublé par une bagnole à 40, 50, évidemment sur les nationales elles ont tendance à prendre un peu plus d'espace mais alors qu'en ville c'est plus tendu » (Benoît)

« Même à Paris je dirais que j'avais un comportement de cycliste un peu plus parisien, je sautais un peu plus les trottoirs, je prenais souvent Nation ou République qui sont des immenses giratoires » (Benoît)

Pour Cyril, la pratique sportive du vélo (de route et de piste) dans un club, de ses 8 à 18 ans, explique sa capacité à réaliser un parcours qu’il qualifie de dangereux : « le parcours que je fais en vélo je peux pas le conseiller, il est dangereux et je le maîtrise parce que j'ai 20 ans de vélo derrière moi ». Sa pratique lui permet aussi de développer d’autres capacités, telles que l’anticipation :

« À fond ouais, parce que quand tu roules, déjà on roulait souvent sur les nationales ou quoi et puis quand tu roules en peloton, il faut anticiper plein de choses, les freinages, toutes les trajectoires, si ça joue beaucoup » (Cyril)

De façon évidente, l’anticipation est la compétence la plus fréquente dans les réponses, pour plusieurs raisons. La première est que le

cycliste se déplace relativement vite sur un véhicule qui ne fait pas de bruit, il est ainsi peu détectable par les autres usagers, notamment les piétons qui se fient bien souvent aux bruits de la route pour traverser une rue. La seconde est qu’il est plus conscient non seulement de sa vulnérabilité en cas d’accident, qu’il va ainsi éviter en prévoyant les comportements des autres, mais aussi de l’environnement dans lequel

il évolue, puisqu’il n’y a pas de barrière visuelle ou sonore comme lorsque l’on est dans l’habitacle d’une voiture. Enfin, la troisième est que l’anticipation est enseignée lorsque l’on passe le permis de conduire, que possède la majorité de notre panel.

Figure 28 : Piétons surgissant sur la bande cyclable

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Bien souvent, cette anticipation se traduit par des comportements typiques sur la route, comme des écarts pour éviter des piétons, des ralentissements pour arriver au feu quand il passe au vert, etc., que nous pouvons ainsi observer sur les vidéos, mais aussi dans les discussions avec les enquêtés qui nous parlent de réflexes. Par exemple Julie qui développe le « eye contact » avec les automobilistes à Rome, c’est-à-dire qu’elle cherche le regard des conducteurs pour s’assurer de sa sécurité dans un contexte qu’elle qualifie de rapport de force. Autre exemple, Armand, 64 ans, qui a toujours eu une pratique importante du vélo utilitaire, et qui nous raconte transposer son comportement de cycliste lorsqu’il utilise sa voiture :

« Donc la bande cyclable je m'y mets à la limite gauche pour anticiper les ouvertures de portes, ça c'est le grand truc auquel il faut faire attention […] J'anticipe énormément de choses, j'anticipe les piétons qui vont passer, les voitures qui peuvent débouler, ouais je suis tout le temps en anticipation » (Armand)

« En voiture je conduis un peu comme en vélo, c'est-à-dire que je freine très peu, j'anticipe un feu, je vais ralentir longtemps avant pour pas avoir à freiner » (Armand)

Si ces capacités se développent lors de l’enfance et de l’adolescence, elles peuvent aussi apparaître avec une pratique urbaine du vélo à l’âge adulte.

4.1.3. Faire l’expérience du vélo dans un contexte favorable : question de genre

En comparant les biographies des enquêtés, on remarque que certaines villes reviennent parmi celles dans lesquelles ils ont vécu. Ainsi, Lyon revient pour six personnes (Benoît, Alexandre, François, Nathan, Julie et Elena), Strasbourg pour trois (Armand, Julie et Elena) tout comme Paris (Benoît, Cyril et Julie). Rennes, Grenoble ou encore Toulouse reviennent deux fois. Certains enquêtés vont même dans d’autres pays, comme l’Allemagne, les Pays-Bas ou les Etats-Unis. Tous n’ont pas pratiqué le vélo dans ces villes, mais tous ont pu y observer d’autres pratiques du vélo que celles qu’ils avaient jusque-là expérimentées. Nous y reviendrons (4.2.2). A partir des notes du baromètre des villes cyclables de 2017, j’ai pu estimer le « score des villes pratiquées » des enquêtés (simplement représenté par une nuance de couleur). Ce score n’a que peu de valeur, il n’est utile qu’à l’analyse pour deux raisons. La première est que les cyclistes n’étaient pas forcément dans ces villes en 2017, année du baromètre, mais parfois bien avant (en particulier pour Armand, 64 ans, qui a conscience d’avoir fait du vélo à une époque où il n’existait pas d’aménagements cyclables). La deuxième est que la note concerne l’échelle de la ville, or la pratique utilitaire du vélo ne fait traverser au cycliste qu’une partie de ce territoire (à moins d’être coursier à vélo). Ainsi, des villes classées au climat défavorable pourront être très bien vécues par les enquêtés, et inversement. C’est le cas de Nathan qui s’est mis au vélotaf à Toulouse (3.01/6 : plutôt défavorable) mais qui empruntait le canal du Midi sur la plus grande partie de son trajet, lui laissant le souvenir d’une ville agréable pour le vélo.

Les quelques entretiens dont je dispose semblent faire apparaître une question de genre. En effet, pour les hommes qui ont circulé dans d’autres villes, leurs « scores » sont plutôt moyens voire bas, tandis que pour les femmes, ils sont meilleurs. Si les femmes sont un peu moins nombreuses dans le panel stéphanois, du fait de leur plus faible nombre en tant que cycliste sur le territoire13, elles ont

13 Plus le taux de pratique du vélo augmente, plus il se féminise. Ainsi, à Strasbourg, les données sont proches, comme dans les pays d’Europe du nord, de la parité : 52 % pour les hommes, 48 % pour les femmes. À l’inverse, dans des villes où la pratique est faible, comme à Clermont-Ferrand ou à Marseille, elle est très peu féminine :

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plus pratiqué le vélo dans des villes favorables que les hommes, comme Strasbourg et Grenoble en France, Munster en Allemagne (38% de part modale vélo selon l’EPOMM, 2013) ou encore Amsterdam aux Pays-Bas (32% en 2011 selon « Dienst Infrastructur Verkeer en Vervoer »). Ainsi, il serait plus facile pour les hommes de se mettre à faire du vélo dans une ville peu cyclable, que pour les femmes, qui auraient besoin d’un stock d’expériences plus important, ou du moins de meilleures expériences, dans des villes plus favorables. Des mauvaises expériences peuvent en effet dissuader l’utilisation d’un mode de transport, souvent de façon définitive, par la dégradation de l’image que l’on s’en fait.

4.2.

S’approprier le vélo comme moyen de transport

4.2.1. Le déclenchement de la pratique utilitaire

Le déclenchement de la pratique utilitaire chez les individus correspond à un moment donné où le vélo devient le mode principal pour faire les trajets pendulaires. Aussi appelé point de bascule, ou « tipping point », il n’est pas systématique et nécessite des conditions préalables, qui correspondent ici en partie à toutes les compétences acquises par les cyclistes depuis l’apprentissage du vélo. Cette mise au vélo utilitaire peut être progressive ou rapide, c’est-à-dire qu’elle peut mûrir d’une réflexion plus ou moins longue de l’individu, comme chez François pour qui cette pratique « est venue progressivement, c’est comme s’il y avait un temps de réapprentissage de la ville ». Dans ce cas, elle est un choix, mais il arrive parfois qu’elle soit contrainte, comme pour Cyril :

« Il y a une époque [où ma femme avait besoin de la voiture], je pouvais pas aller travailler en transport, ça prenait trop de temps, et puis pour des raisons économiques on a fait le choix de pas acheter une deuxième voiture, donc après c'était vélo obligatoire je me posais plus la question » (Cyril)

Par ailleurs, si la plupart des enquêtés a vécu ce déclenchement de la pratique dans une autre ville, d’autres l’ont réalisé à Saint-Etienne, comme Alban, Cyril, Céline et Aurore, invalidant alors mon hypothèse selon laquelle la pratique du vélo utilitaire dans cette ville dépendrait d’une pratique antérieure dans un contexte plus favorable. Cependant, même s’ils n’ont pas fait de trajet domicile-travail dans d’autres villes, ils ont au moins eu une certaine pratique du vélo, de loisir pour tous,

Par ailleurs, si la plupart des enquêtés a vécu ce déclenchement de la pratique dans une autre ville, d’autres l’ont réalisé à Saint-Etienne, comme Alban, Cyril, Céline et Aurore, invalidant alors mon hypothèse selon laquelle la pratique du vélo utilitaire dans cette ville dépendrait d’une pratique antérieure dans un contexte plus favorable. Cependant, même s’ils n’ont pas fait de trajet domicile-travail dans d’autres villes, ils ont au moins eu une certaine pratique du vélo, de loisir pour tous,