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AUX POTENTIALITÉS DE L’OUTIL

Dans le document Réseaux sociaux numériques : (Page 146-149)

Même si deux ou trois des jeunes ont été guidé.e.s par leurs amis pour créer un compte et se servir des réseaux sociaux, la quasi-totalité affirme avoir appris à les utiliser tout.e seul.e et par la pratique. Lorsqu’on leur demande si elles.ils pensent maîtriser ces outils, Marie répond « maîtriser l’outil oui, maîtriser l’ampleur non ». La plupart opère effectivement une distinction entre les fonctionnalités offertes d’une part et les algorithmes d’autre part.

12 d’entre elles.eux doutent de leur capacité à maîtriser l’outil comme Léa B. « je pense contrôler les réseaux sociaux mais pas les dangers des réseaux sociaux ». Même Gabriel, pourtant modérateur d’un forum et féru d’Internet affirme « je dirais que je suis conscient du risque mais je ne peux pas dire que je maîtrise parfaitement le réseau social ». On se rend compte que ce sont les jeunes les plus présent.e.s sur les réseaux qui affirment le plus souvent ne pas les maîtriser, comme si leur expérience leur avait fait prendre conscience de l’ampleur de leurs pouvoirs et/ou de leurs dérives. Ceci est loin d’être décourageant puisque cela témoigne moins d’un manque de maîtrise que d’une capacité à entrevoir les profondeurs des réseaux sociaux numériques.

Cette méfiance est générée par les dangers des réseaux sociaux dont elles.ils sont conscient.e.s pour une grande majorité, soit parce qu’elles.ils en ont fait l’expérience, soit parce qu’elles.ils y ont été sensibilisé.e.s. Elles.ils ont conscience que ces réseaux peuvent parfois être dangereux comme le précise Ludovic « chez certaines personnes qui n’ont pas la maturité ou l’intelligence de distinguer le vrai du faux et le bon du mauvais, pour ces personnes-là ça peut être dangereux car elles vont prendre une information qui sera peut-être fausse et la croire et ça peut aller très loin » ou Marianne « je ne me sens pas concernée mais pour les enfants, les jeunes ou même des gens un peu influençables, ça peut être dangereux pour plein de raisons ».

Certain.e.s ont pu citer des cas de harcèlement dont elles.ils avaient entendu parler ou dont elles.ils avaient été témoin. Le cas de la jeune fille qui s’est suicidée en direct sur Périscope semble les avoir beaucoup marqué.e.s. Pour une part d’entre elles.eux, le cadre familial

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a pu jouer un vrai rôle de prévention en retardant leur ouverture de compte, en les mettant en garde contre tous les types de danger qu’elles.ils pouvaient rencontrer et sur les bonnes pratiques qu’elles.ils devaient adopter. Pour une autre part, l’école a pu jouer ce rôle par le biais de conférences ou, de manière plus informelle, lors de cours non forcément dédiés à cette thématique.

Cette prise de conscience leur a fait adapter leur pratique notamment, on l’a vu, au niveau de leur vie privée en s’exposant de façon beaucoup plus réfléchie comme Sofia

« si on expose trop sa vie, ça peut créer plein de choses. J’ai connu des gens où ça a vraiment gâché leur vie, les réseaux sociaux. (…) Les gens ne se rendent pas compte mais ça peut prendre de l’ampleur. Il y a des choses qui restent alors qu’on aimerait oublier. C’est pour ça que chez moi, tout est réfléchi » ou Léa C. « je pense qu’il faut modérer nos publications et tout ce qui touche à notre vie privée ».

Dans ces bonnes pratiques, ne pas révéler ses informations, utiliser les paramètres de confidentialité voire utiliser un pseudonyme ont été évoqués par certain.e.s d’entre elles.eux comme des moyens de se protéger sur ces réseaux. Quasiment tou.te.s affirment avoir réglé les paramètres de confidentialité de leurs comptes mais le pseudonymat ne semble pas très répandu dans le groupe témoin.

Toutefois, bien qu’elles.ils aient conscience de ces limites et qu’elles.ils adaptent leur pratique en fonction, leur connaissance de ces plateformes reste imparfaite et limitée. Aussi, même si elles.ils sont nombreux à pouvoir nommer le fondateur de Facebook et son histoire (dont beaucoup ont vu le récit grâce au film The social network), elles.ils ignorent pour la plupart les modes de financement de ces outils ou en ont une connaissance très vague.

Aussi, elles.ils s’accommodent davantage qu’elles.ils n’approuvent le marché tacite conclu entre les réseaux sociaux et leurs utilisateur.rice.s par le marchandage de leurs données au profit de la gratuité de l’outil. Elles.ils semblent assez résigné.e.s comme Bethsabée « ça fait partie du jeu » ou Sofia « si on ne veut pas que ce soit vendu, on ne se met pas dessus et puis c’est tout » ou Julien « à part utiliser le dark web ou le deep web on laissera toujours des traces. C’est à nous dans l’utilisation qu’on en fait d’être vigilant ».

Quand on leur demande si pour elles.eux les réseaux sociaux peuvent participer à renforcer le lien social, à développer la société et à faire en sorte que les gens s’impliquent davantage dans la vie de la cité, les réponses sont très réservées. En effet, une poignée fait état d’un potentiel certain, comme Léa B., qui estime qu’ils peuvent nous permettre de « créer des liens, développer des relations avec certaines personnes ». Elle dit n’avoir jamais vu « autant de solidarité que sur les réseaux sociaux après les attentats par exemple ou après des événements tragiques en France ou aux États-Unis » ou Gabriel, pour qui les réseaux sociaux participent déjà au développement de la société « actuellement (…) il y a beaucoup d’événements qui se produisent parce que quelqu’un lance l’idée sur un réseau social ». Selon les interviewé.e.s, le principal atout des réseaux sociaux est leur capacité à mieux informer. Effectivement, pour Antoine « ça permet davantage de communication avec les gens et d’échanges d’informations » de même que pour Marion « je pense que ça peut aider à la citoyenneté puisque les gens peuvent partager plus rapidement les informations ». Marianne loue aussi le fait que, sur les réseaux sociaux, « l’information soit moins conventionnelle ou en tout cas qu’elle soit plus ouverte et qu’elle permette de nous ouvrir par rapport à ce qu’on peut regarder soi-même ».

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES Néanmoins les jeunes n’ont pas manqué de souligner toutes les limites de ces outils,

conscient.e.s qu’il n’existe pas de déterminisme technologique. En premier lieu, François montre que l’ouverture à l’autre sur les réseaux est relative dans la mesure où il faut être

« prêt à faire la démarche de lire et être ouvert à la lecture de ce que l’autre raconte » et met en évidence le phénomène des bulles de filtre « il y a quand même le souci que nos amis nous ressemblent souvent donc on entretient beaucoup nos idées. Au-delà de changer d’avis, on entretient surtout nos idées sur les réseaux sociaux ».

En deuxième lieu, Agathe craint que celles.ceux qui s’engagent sur les réseaux soient finalement celles.ceux qui s’engagent de toute manière en dehors des réseaux sociaux. De façon complémentaire Alexandra et Bethsabée craignent que l’engagement numérique ne prenne le pas sur l’engagement physique comme on a pu le voir dans la partie IV. b. : « ça peut être pratique, ça peut nous aider à organiser des événements mais d’autre part ça peut nuire à la mobilisation. Il y a des gens qui vont aimer la page de l’événement et ne pas forcément y aller » tout comme Arthur « on peut tomber dans le piège de liker la publication et de s’engager par ce moyen-là ».

D’autres craintes encore sont présentes chez Clémentine qui s’interroge : « comment éviter que des idées néfastes prolifèrent, des idées haineuses et comment faire en sorte que la bienveillance s’installe ?  » et ajoute « ça peut tout à fait servir à consolider et à rendre la communauté meilleure mais je ne sais toujours pas maintenant comment y parvenir sans laisser la possibilité à des choses beaucoup plus dangereuses – je pense par exemple au néonazisme – de se développer ». Gabriel semble, lui, craindre que ces réseaux n’incitent trop à « paraître » et moins à « transmettre de réelles informations ».

Enfin, comme n’importe quel outil, Julien rappelle que « la place qu’ils auront sera celle qu’on leur donnera ». Ludovic appelle à « la clairvoyance et l’esprit pour en faire quelque chose de bien ». Enfin, pour Sofia, les réseaux peuvent avoir un impact positif car ils font réfléchir et incitent à se renseigner sur certains sujets mais uniquement dans la mesure où il y a une implication dans la vie réelle.

Si les entretiens n’ont pas permis de mettre en évidence un lien direct entre la pratique des réseaux sociaux et l’engagement, cela ne signifie pas qu’il n’existe pas pour autant. Ce lien est peut-être indirect voire même inconscient. Pour les jeunes interviewé.e.s, les réseaux sociaux sont avant tout des lieux de discussion, de loisir et dans une moindre mesure, d’informations. Or, cette façon conviviale d’envisager les réseaux sociaux n’invite pas à prendre parti et s’engager (bien que certains engagements associatifs ou caritatifs soient moins sujets à polémique que d’autres) mais ce qui ne veut pas dire qu’elles.ils ne s’engagent pas. Plusieurs études6 ont d’ailleurs réfuté cette image d’une jeunesse désintéressée de la vie de la cité et nos témoignages ont montré que si elles.ils n’exposaient pas leurs opinions, cela ne les empêchait pas d’en avoir. Au final, on peut se demander si ce n’est pas parce que l’engagement sur les réseaux sociaux souffre d’un manque de légitimité et de crédibilité qu’elles.ils déconsidèrent ces formes d’engagement et n’osent s’y investir davantage.

6 Par exemple celle de France Stratégie : Béligh NABLI, Marie-Cécile Naves, « Reconnaître, valoriser, encourager l’engagement des jeunes », France Stratégie, juin 2015.

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