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Le « slacktivisme » est-il de l’engagement ?

Dans le document Réseaux sociaux numériques : (Page 91-94)

COMMENT RENFORCER L'ENGAGEMENT CITOYEN ?

A. Le « slacktivisme » est-il de l’engagement ?

Rapport

pas seulement par les réseaux sociaux, je pense que je prendrai un réel engagement. Les réseaux sociaux peuvent servir à déclencher quelque chose mais ce n’est pas déterminant ».

Léa C., 22 ans : « Ça reste virtuel. Le virtuel ce n’est pas réel … ! J’ai toujours beaucoup de réticences par rapport au virtuel ».

Marion, 19 ans : « Je pense que c’est quand même un engagement mais on peut moins être sûr de ce que la personne avance parce que c’est sur Internet. Ça peut être un engagement aussi mais il y a moins d’impact ».

Clémentine, 24 ans : « En fait, toutes les personnes même physiquement n’ont pas la capacité à manifester. Et il me semble que participer au financement d’une plateforme d’informations sur un sujet très spécifique qui concerne des minorités (…), c’est aussi très important. Il y a plein de formes d’engagement et je pense que chacun fait avec les possibilités qu’il ou elle a. Après c’est dur de voir une hiérarchie ».

L’engagement via les réseaux sociaux est-il de même valeur ou de même qualité que les autres formes d’engagement ? N’est-ce pas une sorte d’ersatz d’engagement, un succédané de qualité inférieure? Ces questions ont été présentes dans nos débats et ont régulièrement été posées lors des auditions et des entretiens.

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES plus traditionnelles de mobilisation, elle souligne qu’on ne peut comparer que ce qui est

comparable et qu’il n’y a pas une linéarité de l’engagement indépendante des outils dont disposent celles.ceux qui s’engagent. Et, de fait, signer une pétition sur Internet, la faire connaître à celles.ceux devant qui on s’expose sur les réseaux sociaux voire la partager, sont des engagements qui peuvent être plus coûteux que le fait de signer une pétition que l’on vous propose au coin d’une rue.

Dominique Cardon ne dit pas autre chose lorsqu’il affirme comme nous le rappelons plus haut que l’expression sur les réseaux sociaux, c’est « du mouvement social »81 : une autre forme de légitimation de l’action collective qui est la production de signaux dans l’espace public, destinés à agir sur les acteur.rice.s public.que.s.

On peut, comme l’a fait Mounir Mahjoubi notamment, citer le Ice Bucket challenge*

pour montrer que les réseaux sociaux induisent des formes d’engagement nouvelles et efficaces82. Une autre initiative lancée sur les réseaux sociaux en septembre 2015 pour éviter la liquidation d’une usine en Corrèze et sauver une trentaine d’emplois a donné naissance au collectif #i4Emploi (influenceurs pour l’emploi) qui accompagne des personnes au chômage en mettant en avant leurs compétences et en leur donnant une importante visibilité sur Twitter. Aujourd’hui, #i4Emploi regroupe plus de 1 000 influenceur.euse.s (cumulant plus de de 1 million de followers*)83.

Par ailleurs, ils peuvent permettre une prise de conscience et un débat politique. Un bon exemple en est le hashtag* #BringBackOurGirls à la suite de l’enlèvement de jeunes lycéennes nigérianes par la secte Boko Haram. Si sa diffusion n’a certes pas abouti à leur libération, elle a contribué à la prise de conscience du problème et de la situation dans la région par une opinion, notamment américaine, qui parfois ignorait même la situation géographique de la région concernée ; elle a également contraint les autorités à agir et à ne pas oublier le sort de ces jeunes filles.

Et il faut souligner que ces phénomènes de « conscientisation » et de débat politique existent y compris sur des sites qui en semblent très éloignés et permettent à des catégories généralement écartées du débat public de s’en emparer. Ainsi, Laurence Monnoyer Smith nous a expliqué comment des forums sur les questions de santé (Doctissimo par exemple) avaient permis à des groupes de femmes d’avoir des discussions approfondies sur les politiques de santé.

Or, si l’on a recours aux travaux et recherches croisant psychologie sociale et sciences de l’information et de la communication on peut mieux comprendre ces phénomènes. En effet, ces recherches se sont depuis longtemps interrogées sur la façon dont il est possible d’influencer et faire évoluer les attitudes et les comportements. Elles mettent en lumière des phénomènes complexes, parfois contre-intuitifs, dont il importe de mesurer à la fois les effets immédiats et les effets à long terme. Lors d’un entretien avec les rapporteur.e.s, Stéphane Amato84 en a donné un exemple significatif et utile.

81 Entretien avec les rapporteur.e.s du 16 mars 2016.

82 Audition du 3 mai 2016.

83 Alban Jarry, fondateur #i4Emploi. Table-ronde du 5 octobre 2016.

84 Stéphane Amato, Institut de Recherches en Sciences de l’Information et de la Communication, Aix Marseille Université. Entretien avec les rapporteur.e.s du 16 juin 2016.

Rapport

Celui-ci nous a décrit une expérience qui met en lumière combien le fait d’accepter d’apposer un flyer sur son parebrise pour recommander la prudence au volant avait conduit les mêmes personnes à accepter une action plus engageante, à savoir la pose d’un panneau dans leur jardin. L’expérience résumée dans le tableau ci-dessous montre combien une forme minimale d’engagement peut avoir comme effet dans une deuxième étape un engagement bien plus consistant et coûteux. Cela est cohérent avec les résultats de divers travaux qui montrent combien un comportement, résultant de circonstances particulières, peut avoir un effet en retour sur l’attitude. Si celle-ci est en décalage avec le comportement, l’individu concerné cherchera à résoudre cette « dissonance cognitive » en mettant son attitude en accord avec ses actes.

Schéma n° 10 Engagement sur les réseaux sociaux ou communication engageante

Source : Entretien de Stéphane Amato avec les rapporteur.e.s du 16 juin 2016.

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES

B. Engagement sur les réseaux sociaux

Dans le document Réseaux sociaux numériques : (Page 91-94)