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D’après les écrits d’Hippocrate (460 - 377 avant JC) et Galien (129 - 216 après JC), le choléra figure parmi les plus anciennes et les plus dramatiques maladies de l’humanité (1). Pourtant, au vu de la situation actuelle dans le monde, en se référant aux

épidémies de Goma en 1994 (2) et à celles plus actuelles du Zimbabwe (3), le choléra reste malheureusement encore d’actualité aujourd’hui et n’a rien perdu de son ampleur d’antan.

Tout au long de l'histoire de l’humanité, six flambées dévastatrices de choléra ont frappé les populations du monde entier. Les foyers originels sont connus depuis

l'antiquité dans les plaines du Gange (4). Durant toutes ces pandémies, l’Afrique n’a été que très faiblement touchée à partir des zones côtières déjà en contact, par le commerce essentiellement, avec le reste du monde.

Le choléra a été la première maladie pestilentielle à faire l’objet, dès le

XIXème siècle, d’une surveillance internationale.

Les connaissances modernes sur le choléra ne remontent cependant qu'au début du

19ème siècle, lorsque les chercheurs ont commencé à progresser dans leur compréhension

des causes et du traitement de la maladie. L’essentiel de ces recherches sur le choléra sont conduites dans les régions côtières d’Asie du Sud-Est, principalement autour du golfe du Bengale.

En 1961, la septième vague pandémique démarre en Indonésie et gagne rapidement d'autres pays asiatiques, l'Europe, l'Afrique et finalement, en 1991, l'Amérique latine qui n'avait plus eu de choléra depuis plus d'un siècle (4). Elle se

propage alors rapidement sur ce continent où elle provoque près de 400 000 cas et 4 000 décès dans 16 pays des Amériques cette année-là.

En 1992, un nouveau sérogroupe, dérivant génétiquement du biotype El Tor, apparaît au Bangladesh où il provoque une épidémie étendue. Appelée V. cholerae O139 Bengal (5), cette nouvelle souche a été détectée dans 11 pays. Même si les risques de nouvelle pandémie due à cette souche sont pour l’instant exclus, elle mérite cependant d'être étroitement surveillée.

Les données de surveillance épidémiologique rapportées par l’OMS placent actuellement l’Afrique au rang du continent le plus touché par la maladie. A elle

seule, l’Afrique concentre plus de 95% des cas et plus de 98% des décès dus au choléra rapportés dans le monde par l’OMS (6, 7). Ainsi, malgré « ses origines » Asiatiques, depuis 1970, avec l’arrivée de la septième pandémie, le choléra est devenu actuellement une maladie africaine.

Dès les premières épidémies de choléra en Afrique, le bilan a été foudroyant avec plusieurs dizaines de milliers de cas et des milliers de décès en quelques mois

(7). Dans beaucoup de pays d’Afrique, la gestion des épidémies de choléra est fortement tributaire des aides financières et logistiques des équipes extérieures.

Depuis le début des années 1970, le choléra en Afrique se manifeste dans deux types d’espaces dont les caractéristiques déterminent deux types d’approche opérationnelle. Il y a le choléra dans les camps de réfugiés ou de déplacés internes, puis

le choléra en dehors des camps, appelé aussi dans le langage humanitaire le « choléra en milieu ouvert ».

La prise en charge du choléra a été assez codifiée par l’OMS et les Organisations Non Gouvernementales Internationales dont la plus engagée sur le sujet est Médecins Sans Frontière (8). Les guides de prise en charge du choléra élaborés par l’OMS (9) et par MSF (8) sont le reflet de cette maîtrise de la gestion des cas de choléra dans les camps de réfugiés.

A la différence des camps de réfugiés, la gestion du choléra dans les « milieux ouverts » pose encore d’énormes difficultés aux acteurs de terrain. Les équipes de

terrain n’ont aucune possibilité d’anticiper les périodes et les lieux des récurrences épidémiques, les facteurs de ces récurrences ne sont pas toujours connus de façon claire et irréfutable. Au niveau de la prise en charge, très souvent, il est fait référence à certains critères d’évaluation qui relèvent en réalité de la gestion du choléra en milieu fermé (camps de réfugiés), comme choisir un taux de létalité inférieur à 1% comme critère de bonne prise en charge curative (8).

De plus, il est sans preuve attribué aux nombreuses zones d’eau douces (lac, fleuves, rivières) se trouvant dans les zones continentales touchées par le choléra, des propriétés de « réservoir pérenne » du choléra. Là encore, c’est un parallèle fait avec les propriétés des zones estuarines d’Asie du Sud-Est où des recherches ont été conduites qui explique ces affirmations (10-13).

En effet, les résultats des recherches sur l’épidémiologie du choléra en Asie ont permis de mettre en évidence le rôle prépondérant de l’écologie marine (10), des phénomènes climatiques (12) et du comportement des populations dans la dynamique du choléra. Les zones estuariennes d’Asie du Sud-Est sont des réservoirs pérennes du Vibrio

cholerae. Cette bactérie y vit en étant fixé au zooplancton qui fait partie de l’écosystème

de ces régions (10).

Ainsi donc, en Afrique en général et principalement dans les zones

continentales où des épidémies se succèdent quasiment chaque année depuis les années 1994 (14, 15), très peu d’éléments de connaissance sur l’épidémiologie du choléra permettent actuellement d’orienter les programmes de lutte.

Depuis 1994, plusieurs programmes nationaux et internationaux se sont mis en place pour renforcer la lutte contre le choléra en Afrique. Les résultats mitigés obtenus sur le terrain ont permis de conforter l’idée selon la quelle l’épidémiologie du choléra en Afrique reste très peu connue et n’est pas superposable à l’épidémiologie du choléra étudiée en Asie du Sud-Est.

Ces dernières années, quelques publications sur le choléra en Afrique ont apporté quelques pistes pour un début de compréhension de l’épidémiologie du choléra

dans cette région du monde (14-18). Toutefois, ces publications reprenaient pour la plus part des concepts évoqués en Asie (17, 18) en essayant de les vérifier dans les régions

focalisaient sur des flambées épidémiques en recherchant des facteurs de risque de contamination des personnes touchées (16, 19- 21).

Ainsi, très peu d’études se sont focalisées sur une étude globale à plusieurs échelles du choléra et plus spécifiquement dans les zones continentales où l’écologie est totalement différente des zones estuariennes asiatiques.

De plus, en dehors des publications recommandant le recours à la vaccination (22),

très peu d’études sur le choléra proposent des stratégies opérationnelles globales, visant à maîtriser la recrudescence du choléra en Afrique en général et dans les zones continentales en particulier.

C’est pour contribuer à apporter un début de solution à certains de ces problèmes sans réponse qu’il a été utile de conduire ce travail en République Démocratique du Congo, l’un des pays les plus touchés actuellement par le choléra dans le monde (6, 14, 15).