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La clinique du choléra est très simple à comprendre dès lors que l’on connaît le rôle majeur joué par la toxine cholérique dans les mouvements ioniques et hydriques de l’organisme d’un sujet infecté.

Après une incubation variant de quelques heures à cinq jours, les symptômes, essentiellement diarrhée et vomissements, apparaissent brutalement. Le signe clinique le plus caractéristique est la diarrhée très abondante, hydrique, pratiquement sans matières fécales, d’odeur fétide et d’aspect grisâtre avec des particules blanchâtres en suspension, décrite sous le terme « eau de riz » (eau obtenue après cuisson du riz). Les vomissements peuvent aussi être abondants, hydriques et alcalins. Dans la forme classique chez l’adulte, les pertes hydriques atteignent rapidement 0,5 à 1 litre par heure, entraînant rapidement un tableau de déshydratation sévère. Diarrhée et vomissements peuvent être accompagnés de crampes musculaires, de douleurs abdominales, mais pas de fièvre. Les autres signes du choléra sont secondaires à la déshydratation et varient selon son importance : soif (pertes de 3 à 5% du poids du corps), hypotension orthostatique, tachycardie, début de pli cutané (5 à 8%), pouls filant, hypotonie oculaire, plis cutané marqué (fontanelle déprimée chez l’enfant), altération de l’état général et troubles de la vigilance (à partir de 10%), coma et convulsions.

La déshydratation s’accompagne d’une anurie, qui ne se corrigera qui si le patient est correctement réhydraté. De nombreux patients peuvent aussi présenter des signes d’acidose métabolique avec des signes respiratoires tels qu’une dyspnée de Kussmaul. Dans sa forme la plus aiguë, le patient décède en quelques heures d’un choc hypovolémique, parfois même avant d’avoir extériorisé la diarrhée.

Plusieurs complications, généralement liée à un traitement inadéquat peuvent aussi survenir. Il peut s’agir d’insuffisance rénale organique liée à une hypotension prolongée en rapport avec une correction trop tardive ou insuffisante de la déshydratation. D’autres patients peuvent présenter une hypoglycémie plus ou moins sévère selon les cas ou une hypokaliémie, en particulier lorsque la réhydratation est menée avec des solutés non appropriés (51). Des fausses couches ou des accouchements prématurés peuvent survenir chez les femmes enceintes à la suite d’une hypoperfusion placentaire (51).

Notons dès maintenant que la survenue brutale, dans un contexte épidémique,

de cette maladie qui va toucher des personnes initialement en parfaite état de santé apparente et modifier leur aspect radicalement, en seulement quelques heures, a de quoi effrayer le commun des mortels. La déshydratation aiguë transforme les victimes

en une caricature desséchée de leur propre apparence initiale. Les troubles respiratoires et l’agonie peuvent s’accompagner d’une cyanose donnant une couleur bleue à la peau, et de troubles neurologiques, évoquant un phénomène de possession.

Figure 3 : La Mort égorgeuse, Epidémie de choléra à Paris en 1832 par Heinrich Heine

Source: http://www.amicale-genealogie.org/Histoires_temps-passe/Epidemies/chol03.gif

A partir d'un récit du célèbre poète allemand Heinrich Heine, Alfred Rethel a gravé en 1851 la scène de l'émergence soudaine de l'épidémie de choléra en l'an 1832 à Paris. Ici, pendant un bal masqué du carnaval de Paris, la mort surgit de façon soudaine, se mêle à la foule et y joue une sorte de violon, pendant que les musiciens fuient. Près d'eux, une silhouette féminine décharnée, enveloppée d'un suaire: symbole de la maladie. Au premier plan, des fêtards ont déjà succombé au fléau.

Comment cette maladie, dont l’aspect peut être si fantastique, pouvait-elle toucher des villes sans effrayer les foules ? Et que dire lorsque l’épidémie se met à

frapper en plein carnaval ? Le poète allemand Heinrich Heine, décrivait, ainsi dans une lettre à un ami, une flambée de choléra à Paris lors d’un bal masqué «Soudain le plus gai

des Arlequins s’effondra, les membres froids et enleva son masque, la face violet bleu. Le rieur mourut, la danse cessa et en quelques instants des chariots de gens se précipitaient

patients, les morts étaient poussés sans ménagement dans des tombes rudimentaires dans leur costume d’Arlequin » Comment ne pas succomber à la panique dans un tel contexte,

surtout pour ceux qui ignorent la cause de la maladie ?

Cependant, le choléra ne se présente pas toujours sous une forme aussi grave, au contraire. La grande majorité des patients contaminés par le choléra reste asymptomatique ou ne présente qu’un épisode diarrhéique banal que le patient n’identifie pas au choléra.

Ceci est dû pour une part aux différences inter-individuelles en matière de susceptibilité au choléra (groupe sanguin, acidité gastrique, immunisation antérieure (52)) et d’autre part, à la quantité de bactéries ingérées. D’un point de vue médical, cette forte proportion de patients asymptomatiques et pauci-symptomatiques est un bienfait, mais d’un point de vue épidémiologique, elle a malheureusement des conséquences sur la dissémination du germe. En effet, l’existence de porteurs asymptomatiques rend caduque toute tentative de dépistage des porteurs et gène les tentatives d’interruption de la

transmission. Enfin, pour la bactérie et le phage CTXΦ, l’existence de porteurs

asymptomatiques est plutôt bénéfique, car cela leur permet de voyager avec leur nouvel hôte humain sans le tuer, ni même l’immobiliser, et ainsi d’accroître les chances d’aller coloniser de nouveaux biotopes qui auraient été inaccessible pour eux sans l’aide de l’homme.

Maintenant que l’agent pathogène et sa toxine ont été présentés et que les aspects cliniques de la maladie chez l’homme ont été expliqués, nous pouvons étudier l’impact des épidémies de choléra dans des sociétés humaines.