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Genève et Prague, métropoles en Europe

1. Mise en contexte géographique

1.2. La population de Prague augmente à nouveau depuis 10 ans

Prague est LA métropole de la République tchèque : elle concentre 12

% de la population et est la seule ville tchèque à dépasser le million d’habitants.

Prague qui s'étend sur 496 km² (0,6 % du territoire tchèque) présente des contrastes de peuplement : ainsi, le quartier le plus peuplé concentre 128 000 habitants (Prague 4), le moins peuplé 250 (Nedvězí). On observe aussi des différences assez classiques entre les quartiers centraux densément peuplés comme Prague 2 où l'on enregistre la plus forte densité de population (11 755 habitants/km²) et la périphérie comme Královice qui a la plus faible densité de Prague (64 habitants/km²). Au niveau administratif, Prague est divisée depuis 2001 en 22 quartiers et en 57 districts urbains autonomes qui élisent leurs représentants. Ces quartiers présentent une forte hétérogénéité avec des espaces très urbains, des espaces pavillonnaires et même des espaces que l'on pourrait qualifier de ruraux. Comme pour de nombreuses autres villes, Prague s'est agrandie au fil des siècles, à partir de la deuxième moitié du neuvième siècle quand fut construit le château de Prague et que les villages alentour lui firent allégeance. Mais c'est sous le règne de Joseph II, en 1784 que quatre villes indépendantes (Staré Město, la vieille ville, Malá Strana, le petit côté, Nové

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Město, la nouvelle ville, et Hradčany, la colline du château) furent regroupées.

Quatre autres faubourgs les rejoignent dans la deuxième moitié du XIXe siècle : Josefov en 1850, Vyšehrad en 1883, Holešovice-Bubny en 1884 et Libeň en 1901. Au début du XXe siècle, Prague s'étend donc sur 4 % du territoire actuel.

C'est la loi du Grand Prague du 6 février 1920 qui va considérablement augmenter la superficie de la ville puisque ce sont 39 villes voisines qui s'agrègent à Prague. De nouvelles extensions territoriales ont lieu en 1960, en 1968, en 1970 et une dernière en 1974 en incorporant des villes de la région voisine Středočeský (Figure 27).

Figure 27 : 1784-1974 : les différentes étapes de l’expansion de Prague

Source : Office tchèque de la statistique, 2012.

Ces différents ajouts expliquent la progression de la population de Prague qui est cependant irrégulière en fonction des événements (Printemps de Prague en 1968, par exemple). La population diminue après la chute du régime

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socialiste, avant d'augmenter à nouveau à partir de 2002 (Figure 28), plus fortement même à partir de 2006 où l'on enregistre un solde naturel positif39. Les projections prévoient un vieillissement de la population lié à l’augmentation de l’espérance de vie (75,95 ans pour les hommes, 80,94 ans pour les femmes au 31 décembre 2010), et une baisse démographique qui pourrait être compensée par des migrations internes et par l’immigration qui a cependant chuté de près de 30% entre 2008 et 2010 (33 461 immigrés se sont installés à Prague en 2010, venant en majorité de pays proches). A l’instar des métropoles occidentales, Prague devra relever le défi du vieillissement de la population alors que le taux de dépendance augmente déjà, résultat de l’augmentation des classes « 0-14 ans » et des plus de 65 ans tandis que la classe des actifs, elle, reste stable entre 2008 et 2010 : le taux de dépendance passe ainsi de 38,9%

en 2008 à 41,25% en 2010 d’après nos calculs effectués à partir des statistiques tchèques.

39 Cette singularité dans la trajectoire démographique de Prague se retrouve dans d’autres grandes villes des pays d’Europe centre-orientale.

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Figure 28 : L’évolution de la population de Prague entre 1945 et 2011

Conception et réalisation : J.-B. Delaugerre ; source : Czech Statistical Office, août 2012.

Figure 29 : L'évolution de la population du canton de Genève entre 1950 et 2012

Conception et réalisation : J.-B. Delaugerre ; source : OCSTAT, 2013.

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1.3. 1 million d'habitants pour l'espace transfrontalier genevois en 2018 ?

En 2018, l'espace transfrontalier genevois regroupera un million d'habitants selon l'Observatoire statistique transfrontalier qui est formé par l'OCSTAT et l'INSEE. Cet espace dépasse le périmètre du Grand Genève puisqu'il associe aux cantons de Genève et de Vaud la zone d'emploi du Genevois français (les zones d'emploi ont été créées en 2010 en France) (Observatoire statistique transfrontalier, 2012). Dans le cœur de l'agglomération, le canton de Genève, la population a augmenté de 9% en 10 ans, passant de 427 700 individus en 2002 à 466 919 en 2011. Cela représente en moyenne 4 475 habitants de plus chaque année. Genève est par ailleurs la deuxième ville de Suisse derrière Zurich. Tout comme à Prague, on observe de fortes disparités de peuplement entre les communes très peuplées du centre (Genève compte 191 964 habitants fin 2011) et les villages situés en périphérie (Russin et Gy comptent respectivement 482 et 483 habitants) (Figure 30). Les douze villes du canton (plus de 10 000 habitants) concentrent 82% de la population, soit 383 700 personnes. Parmi ces villes, le poids de la ville de Genève est écrasant puisque ce sont 41% des habitants du canton qui y résident (191 800).

La deuxième ville du canton, Vernier, est ainsi près de six fois moins peuplée avec 33 800 habitants (7% de la population totale du canton) ; suivent trois autres villes de plus de 20 000 habitants (Lancy, Meyrin et Carouge), les autres villes ne dépassant que de peu les 10 000 habitants, exception faite d'Onex (17 650 habitants). La prochaine commune à accéder au statut de ville – c'est-à-dire à dépasser le seuil des 10 000 habitants – sera Bernex, désormais desservie

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Figure

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) .En un an, entre 2010 et 2011, la plus forte progression démographique est enregistrée dans la ville de Vernier qui gagne 510 habitants, suivie de Genève (+388) et Meyrin (+373) pour les plus fortes augmentations, alors que 14 communes perdent des habitants.

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Figure 30 : La population par commune dans le canton de Genève (octobre 2012)

Conception et réalisation : J.-B. Delaugerre, novembre 2012 (d’après les données de l’OCSTAT).

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Figure 31 : Densités de population dans les communes du canton de Genève (octobre 2012)

Conception et réalisation : J.-B. Delaugerre, novembre 2012 (d’après les données de l’OCSTAT).

Une des principales caractéristiques de Genève est la part des étrangers qui représentent un peu moins de 40% de la population totale. Sur les 185 000 étrangers, les plus nombreux sont les Portugais (34 000 individus, soit 18,4% des étrangers), suivis des Français (25 200, 13,7%), des Italiens (20 300,

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11%) et des Espagnols (13 500, 7%). Près des trois-quarts des étrangers sont originaires d'Europe (64% de l'Union européenne à 27 membres), le solde se distribuant de manière quasiment égale entre l'Amérique, l'Afrique et l'Asie. La progression de la population genevoise qui s'expliquait en 2010 en grande partie (72%) par un solde migratoire largement positif (+4 546 individus en 2010) et un solde naturel vigoureux (1 745 individus) a connu un bouleversement en 2011.

Genève jouit d'une forte attractivité économique dont l'augmentation démographique, et tout particulièrement le solde migratoire positif, est l'une des conséquences. Lorsque la conjoncture est moins bonne, ce solde migratoire qui met en évidence ces mouvements diminue : en 2011, il y a ainsi eu 24 961 arrivées (– 10,0 % par rapport à 2010) et 23 794 départs (+ 2,6 %). En vingt ans, cet indicateur a toujours été positif, exceptions faites de 1996 (-2 personnes) et 1997 (-783), années qui marquent la fin d'une période de stagnation économique (à prix constants, le niveau du PIB est presque inchangé entre 1990 et 1996). Après 2000, les ralentissements conjoncturels (crise de 2008 par exemple) n'ont eu que peu d'impact sur le solde migratoire qui est resté excédentaire, contrairement à ce que l'on pouvait observer dans les années septante et nonante. En 2011, le solde migratoire reste positif (+1 167 individus), mais c'est le solde naturel qui explique en grande partie (61%) la progression de la population (+2 999 habitants). Il s'établit à 1 832 individus, ce qui est élevé par rapport aux précédentes années. La population étrangère se concentre au centre du canton, dans les villes et dans les communes qui bordent le lac ; la campagne apparaît moins concernée par le phénomène (Figure 32).

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Figure 32 : La part des étrangers dans la population des communes genevoises (octobre 2012)

Conception et réalisation : J.-B. Delaugerre, novembre 2012 (d’après les données de l’OCSTAT).

Les autorités fédérales (Office Fédéral de la Statistique, OFS) et cantonales (Office Cantonal de la Statistique, OCSTAT) ont élaboré différents scénarios d'évolution démographique pour Genève. Le premier scénario prévoit

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une augmentation de 40% de la population cantonale jusqu'en 2035 (année où s'arrête l'analyse), soit environ 640 000 habitants. Le deuxième scénario réduit cette augmentation à 20%, soit environ 550 000 habitants, tandis que le troisième et assez improbable scénario, prévoit une baisse de population de 4%.

Le deuxième scénario est sans doute le plus vraisemblable même s'il faut garder à l'esprit que ces projections peuvent être perturbées par la conjoncture économique, par des facteurs politiques locaux (blocages en matière de logements) ou internationaux. Mais si la croissance économique du canton se poursuit, la croissance démographique qui l'accompagnera devrait alors établir la population entre 550 000 et 600 000 Genevois en 2035. Une autre tendance concerne le vieillissement de la population. Cette évolution est déjà mise en évidence par l'augmentation du taux de dépendance des personnes âgées par rapport aux personnes actives. En 10 ans, celui-ci a progressé de presque 5 points, passant de 20,8 à 25%. De toutes les classes d'âges, la population âgée de plus de 65 ans est d'ailleurs celle qui augmente le plus (20,4%). Elle s'accroîtra encore dans les années à venir tandis que la proportion des jeunes devrait diminuer. La dépendance des personnes âgées par rapport aux individus en âge de travailler (classe des 20-64 ans) progressera donc, passant de 25%

aujourd'hui à environ 35% en 2035. Dans ce domaine, le défi du canton pour les prochaines années consiste donc à accompagner le vieillissement de la population en proposant des hébergements et des services adaptés et en veillant à la qualité de la prise en charge, qu'elle soit en structure spécialisée ou à domicile.

L'un des points communs entre Genève et Prague est leur attractivité comme lieux de travail qui dépasse largement leurs limites administratives. Leur performance économique qui se lit dans des taux de chômage très bas en comparaison avec les régions environnantes (3,8% à Prague au 31 décembre 2010 et 4,7% en juillet 2012 à Genève) entraîne une dynamique pendulaire importante : 126 600 personnes (fin 2010) extérieures à la région viennent travailler chaque jour à Prague, principalement de la Bohême centrale (Středočeský) qui entoure la région de Prague (100 000 individus) par effet de proximité, tandis que 63 373 frontaliers font de même à Genève (frontaliers actifs, fin 2011). En journée, les usagers de la ville sont ainsi beaucoup plus

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nombreux que la seule population enregistrée statistiquement : à Prague, c'est plus de 1,5 million de personnes qui fréquente la ville quotidiennement comme

2.1. Prague, une ville plusieurs fois capitale

Prague a toujours été une ville de pouvoir : elle a été fondée en même temps qu'une forteresse à la fin du IXe siècle par la dynastie slave ducale puis royale (1085) des Premyslides à Hradčany. Avec le développement économique et politique des XIe et XIIe siècle, cette forteresse est ensuite consolidée en 1135 : un palais de style roman démoli ultérieurement est construit pour le souverain. Assez classiquement, une cité se développe au pied du château au bord de la rivière Vltava dans l'actuel Malá Strana. Mais le peuplement et des activités commerciales s'étendent sur la rive droite à partir de la fin du XIe siècle lorsque le prince Vratislav II établit sa résidence à Vysehrad, plus au sud. C'est donc pour relier les deux rives qu’est construit un premier pont au XIIe siècle, remplacé deux siècles après par l'actuel pont Charles. En 1198, la dynastie des Premyslides devient héréditaire ;

« désormais, le pays un statut clairement défini de fief d'empire : il est placé sous la suzeraineté de l'empereur, mais bénéficie d'une position privilégiée. Le royaume de Bohême prenait ainsi place parmi les grands Etats de l'Europe médiévale » (Michel, 1998 : 40).

Plusieurs aménagements sont entrepris pour protéger la ville comme la construction de remparts au milieu du XIIIe siècle (actuelles avenues Národní třída et Na Příkopě, cette dernière signifiant d’ailleurs « sur les douves »). Une