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Quelles stratégies territoriales pour les métropoles européennes ?

1. Du gouvernement à la gouvernance métropolitaine

1.1. Les stratégies métropolitaines, vecteurs de développement et de rayonnement

La métropolisation est le résultat de plusieurs stratégies menées par les élus qui cherchent à renforcer leur territoire dans différents domaines et à lui permettre d’être non seulement concurrentiel par rapport aux autres, mais aussi agréable à vivre pour ses habitants. Ces stratégies sont intérieures en ayant un impact direct sur l’évolution de l’espace métropolitain et/ou extérieures lorsqu’elles s’adressent à un public dont les autorités cherchent à susciter l’intérêt pour leur territoire.

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Les stratégies que nous qualifions d'intérieures les plus visibles sont celles qui relèvent de l'aménagement urbain dans la mesure où elles entraînent des mutations spatiales et fonctionnelles. Elles sont orientées par des documents de planification (plans directeurs, plans stratégiques) conçus par des agences de développement qui suivent aussi leur mise en application sur le terrain. Elles fournissent aussi aux conseillers municipaux les expertises nécessaires à la prise de décisions. L'objectif est d'organiser le territoire afin d'en assurer la cohérence et d'en réduire les déséquilibres, principalement selon les principes du polycentrisme maillé en Europe (Antier, 2005). Leur application cherche à éviter la concentration des activités au centre-ville et donc sa congestion. Des centralités périphériques sont créées, reliées au centre et entre elles par des infrastructures de communication : ces espaces tertiaires regroupent le plus souvent des centres d’affaires et des centres commerciaux qui tirent parti d’une bonne localisation facilement accessible. Ces stratégies d'aménagement métropolitain visent la réalisation de grands projets, que ce soit des équipements culturels ou sportifs ou des grands quartiers à travailler et à vivre (Delaugerre, 2006). Les opérations de renouvellement urbain sont aussi l'une des expressions de ces stratégies qui peuvent s'appuyer sur des échanges d'expériences, d'expertises : des opérations menées avec succès dans une autre métropole peuvent être adaptées par les autorités à leur propre territoire (benchmarking)40. Ces grands projets concernent aussi les infrastructures structurantes qui assurent la connexion de la métropole (autoroutes, gare, aéroport international).

Ensuite, les stratégies de mobilité visent à assurer la fluidité des circulations et la complémentarité des modes de transport. La construction d'infrastructures routières, le développement d'un réseau de transports en commun et de piste cyclables vont dans ce sens. La construction de routes de contournement (périphériques, rocades) détourne le trafic de transit du centre-ville afin d'éviter sa congestion (Mérenne, 2008). On assiste souvent à une

40 Le parangonnage urbain est le fait pour une ville de s'inspirer de la gestion, de l'organisation d'une autre ville (projets urbains, gestion des réseaux, services à la population…).

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concurrence entre les différents modes suivant l'espace disponible, en particulier lorsque le système viaire est étroit. ). Améliorer la qualité du déplacement en transports en commun est l’enjeu qui se pose aux autorités pour attirer des populations non captives (les usagers de l’automobile ou du scooter). La stratégie à mener pour les opérateurs de transports est de renforcer l’aisance de leur service : en effet, pour être attractifs, les transports en communs doivent être fréquents, ponctuels, rapides, confortables, sûrs et accessibles tant en termes d’orientation, d’accès à bord, que de tarifs (Tillous, 2009). Par ailleurs, des stratégies environnementales valorisent un site agréable à vivre. Elles luttent contre la pollution sonore (mise en place de revêtements phono absorbants, de fenêtres isolantes), les rejets de CO2 (sensibilisation de la population aux économies d'énergie), mais s'assurent aussi de la qualité des espaces publics (propreté, par exemple) et des espaces verts (Benton-Short et Rennie Short, 2008). D'ailleurs,

« Le végétal devient un élément central des compositions urbaines et des opérations d’urbanisme réalisées dans un souci de viabilité et d’habitabilité. Il apporte attractivité et qualité au cadre de vie. Il participe à la diversité urbaine et au vivre ensemble » (Da Cunha, 2009 : 8).

D'autres stratégies sont menées par les autorités locales et nationales comme le soutien à la formation ou la mise en place d'une fiscalité avantageuse.

En Suisse, l’arrêté Bonny pris en 1995 destiné aux régions en difficulté économique permet ainsi des allégements fiscaux (impôt communal et cantonal à Genève) pour les entreprises. Ce dispositif a permis d’attirer de nombreuses multinationales.

Des stratégies extérieures sont aussi les vecteurs du développement et du rayonnement de la métropole. Elles visent à attirer les investisseurs en leur faisant connaître les potentialités de la métropole. La promotion économique est assurée par un service spécialisé qui démarche des entreprises ou répond à leurs sollicitations. L'objectif est de leur fournir des informations économiques sur le territoire et de les convaincre de s'y installer. La densité de services aux

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entreprises, la présence de clusters et la fiscalité sont des éléments déterminants pour le choix d'implantation (Sénécal et Bherer, 2009). Les services de promotion économique peuvent opérer par sélectivité en choisissant certains types d’activités plus particulièrement porteuses pour le développement de la métropole, pour renforcer un cluster ou en créer un nouveau. Cette stratégie économique repose sur l’offre d’avantages particuliers pour l’entreprise visée : cela peut être la mise à disposition de terrains, un accès facilité à l’immobilier de bureaux, ou encore des allégements fiscaux.

Par ailleurs, des stratégies de mise en réseau, de connexion sont menées afin de rendre la métropole facilement accessible : la construction et l'amélioration d'infrastructures de transports (aéroports en premier lieu) vont dans ce sens. La participation à des réseaux de villes pour échanger des idées et des expériences permet aussi aux décideurs d'élargir la vision qu'ils ont des territoires métropolitains. Enfin, des stratégies de communication s'efforcent de faire connaître ces potentialités et surtout de véhiculer une bonne image de la métropole. Différents supports de marketing urbain sont utilisés : des publicités dans différents médias, la participation à des salons internationaux, la tenue de pages web interactives. Les métropoles recourent aussi à des slogans et des logos pour se faire connaître (branding) et se vendent auprès des investisseurs comme des marques afin d’accroître leur visibilité et leur rayonnement (Rosemberg, 2000).

Toutes ces stratégies menées par les leaders métropolitains, qu’elles soient économiques, spatiales ou de communication reflètent la vision et l’ambition qu’ils ont pour leur territoire qu’ils cherchent à développer et à faire rayonner, au profit de la population.

1.2. Quelle gouvernance pour les métropoles ?

Les villes se dotent de structures de gouvernance qui est définie

« comme un processus de coordination d'acteurs, de groupes sociaux, d'institutions pour atteindre des buts propres discutés et définis collectivement » (Bagnasco et alii., 1997 : 38). Étudier la gouvernance urbaine permet de mieux

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comprendre les processus d’associations ou d'oppositions entre les différents acteurs de la ville qui président à la métropolisation. Cela permet donc de mieux saisir les logiques du développement métropolitain dans les villes analysées.

Étudier la gouvernance amène à s'interroger sur le jeu des acteurs politiques, économiques, associatifs, sur les intérêts de ces derniers qui expliquent leur vision de la métropole et les stratégies qu'ils portent. Quel est le poids respectif de chacun des acteurs au niveau de la métropole ? Quel rôle joue le contexte politique dans leur influence ? Alors que le terme de gouvernance est à l’origine assez normatif, la réponse à ces questions met en évidence une certaine hétérogénéité des modes de gouvernance urbaine en Europe, entre des pays où les gouvernements urbains sont quasiment tout-puissants (cas de Prague) et d'autres où de nombreux contre-pouvoirs les contraignent systématiquement à la négociation pour pouvoir mener des projets (cas de Genève). Dès lors, l’analyse des deux métropoles montre-t-elle plutôt une diversité des contextes territoriaux et politiques, ou met-elle en évidence une « modèle » de gouvernance métropolitaine ?

Par ailleurs, les métropoles échangent leurs expériences et pratiques dans le cadre de réseaux de villes qui permettent d'établir des partenariats, des collaborations avec plusieurs champs d'application. Le plus important en Europe est celui des Eurocités – dont font partie Genève et Prague – qui a été fondé en 1986 par les maires de six grandes villes (Barcelone, Birmingham, Francfort, Lyon, Milan et Rotterdam). Il regroupe plus de 140 villes de plus de 30 pays européens qui se réunissent autour de trois thèmes : l'environnement afin de promouvoir une croissance durable, l'économie pour développer l'emploi et l’innovation dans des villes attractives, l'inclusion qui vise à lutter contre les déséquilibres sociaux. Ces métropoles se retrouvent chaque année lors d'une grande conférence où les maires se rencontrent (à Nantes en novembre 2012) et où sont exposées les démarches entreprises pour renforcer ces trois priorités et dégager des expertises. Ce réseau montre la volonté des leaders métropolitains européens non seulement d'offrir à leurs habitants de bonnes conditions de vie, mais aussi de s'affirmer, de se positionner à l'échelle mondiale comme des territoires attractifs. Ainsi, le réseau renforce la capacité des métropoles à être des pôles économiques performants en Europe, avec une

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ouverture sur le monde. La gouvernance des métropoles européennes se joue à différents niveaux : à l’échelle locale, les gouvernements métropolitains doivent souvent compter avec les leaders économiques et associatifs, même si cela dépend beaucoup du contexte politique national ; à l’échelle supra locale, la mise en réseau permet de nouer des partenariats et d’échanger des expertises afin de renforcer la compétitivité et l’attractivité des territoires. La gouvernance métropolitaine est aussi sous l'influence d'un autre acteur : l'Etat.

2. Quels contextes politiques et institutionnels en Suisse et en