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II.1 Etude bibliographique

II.1.1 Polymérisation radicalaire en milieu aqueux dispersé

II.1.1.1 Polymérisation en émulsion

II.1.1.1.1 Généralités

Parmi les divers procédés de polymérisation en milieu dispersé, la polymérisation en émulsion est le procédé le plus souvent utilisé pour synthétiser des particules de polymère. La polymérisation en émulsion s’est développée à grande échelle pour la production de latex synthétiques depuis sa première exploitation à l’échelle industrielle dans les années 1920 [2]. Aujourd’hui, des millions de tonnes de latex synthétiques sont fabriqués pour des applications très diverses : peintures en phase aqueuse, caoutchoucs synthétiques, adhésifs, revêtements protecteurs,…

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A l’état initial, après une étape d’émulsification, le milieu est constitué d’une phase continue aqueuse dans laquelle le monomère est faiblement soluble et est dispersé sous forme de grosses gouttelettes. Lorsque la concentration en tensioactif utilisé est supérieure à la concentration micellaire critique (cmc), des micelles de tensioactifs gonflées de monomère sont aussi présentes dans le milieu (Schéma II-1). La décomposition de l’amorceur en radicaux hydrosolubles par voie thermique, photochimique ou suite à l’addition d’un activateur (système redox), déclenche la polymérisation et conduit à la formation de particules de polymère de 50 à 500 nm de diamètre. La taille des particules dépend essentiellement de la fraction de monomère dans la phase aqueuse, de la concentration du tensioactif, de la température de polymérisation et de la concentration en amorceur. Idéalement, les particules sont sphériques et identiques en taille. Pendant la polymérisation, deux processus existent simultanément :

x La formation et la croissance de particules de latex stables

x La polymérisation qui conduit à la formation de chaînes macromoléculaires.

La formation des radicaux et l’amorçage ayant lieu dans la phase aqueuse, la polymérisation se déplace naturellement de la phase aqueuse vers la phase organique ou vers les micelles grâce à la formation de particules gonflées de monomère.

Le Schéma II-1 décrit le principe d’une polymérisation en émulsion dans le cas où la concentration en tensioactif est supérieure à la cmc.

< 300 nm

gouttelette

de monomère

A

A

A

A

M

M

M

M

M Gouttelette

de monomère

A

A

A

A

M

M

M

M

M M

A

Tensioactif Monomère solubilisé dans l’eau Amorceur Particule de polymère Micelle contenant du monomère

Schéma II-1 : Représentation schématique de la polymérisation en émulsion dans le cas où la concentration en tensioactif est supérieure à la cmc. A gauche : état initial et à droite : état final.

49 II.1.1.1.2 Constituants

Dans un procédé de polymérisation en émulsion type, le milieu réactionnel est composé : x d’eau qui constitue la phase dispersante.

x d’un amorceur de polymérisation radicalaire généralement hydrosoluble, qui génère des radicaux et permet d’amorcer la polymérisation en phase aqueuse.Ce sont généralement des peroxydes ou des azoïques hydrosolubles.

x d’un ou plusieurs monomères, initialement présents sous forme de gouttelettes. Il s’agit principalement de dérivés éthyléniques mono ou disubstitués (styréniques, (méth)acrylates, (méth)acrylamides, diènes conjugués, acétate de vinyle, chloroprène, …). x d’un ou plusieurs tensioactifs qui se placent aux interfaces et stabilisent les particules de

latex. Ils déterminent la taille et donc le nombre de particules. Ils peuvent être anioniques, cationiques, non chargés, zwitterioniques, polymérisables ou non polymérisables (cf. paragraphe II.1.1.3).

x d’autres composés éventuels : tampons pH, agents de transfert, électrolytes, comonomères ioniques ou ionisables, agents de réticulation etc…

II.1.1.1.3 Cinétique de la polymérisation en émulsion

Smith et Ewart [3] ont arbitrairement divisé le mécanisme de la polymérisation en émulsion en trois étapes ou intervalles distincts (Figure II-1) :

x Intervalle I : Nucléation des particules x Intervalle II : Croissance des particules x Intervalle III : Fin de la polymérisation

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I II

III

C

o

n

v

ersi

o

n

Temps

0

100 %

I II

I II

III

C

o

n

v

ersi

o

n

Temps

0

100 %

Figure II-1 : Courbe cinétique type d'une réaction de polymérisation radicalaire en émulsion.

Etape I – Nucléation des particules

Dans cette étape, l’amorceur soluble dans l’eau se décompose en radicaux hydrosolubles par voie thermique, photochimique ou suite à l’addition d’un activateur (système redox). Ces derniers réagissent avec le monomère soluble dans l’eau donnant ainsi des oligoradicaux. C’est l’étape durant laquelle il se forme, selon divers mécanismes, des particules dont le nombre et la taille augmentent.

Au début de la polymérisation, le monomère est présent dans la phase aqueuse où une faible proportion se trouve dissoute, dans les micelles si elles sont présentes et dans les gouttelettes. Le partage du monomère entre ces différentes phases dépend de la nature du monomère utilisé (et notamment de sa solubilité dans l’eau), de la température du milieu réactionnel, de la nature du tensioactif et de sa concentration. Suivant la solubilité du monomère dans la phase aqueuse et la présence ou non de micelles dans le milieu, il existe trois mécanismes permettant d’expliquer la formation des particules :

x La nucléation micellaire x La nucléation homogène x La nucléation coagulative

a) La nucléation micellaire

Cette approche de la nucléation micellaire a été développée qualitativement dans le travail fondateur de Harkins [4]. Le milieu réactionnel comporte au départ un tensioactif dont la concentration est supérieure à sa concentration micellaire critique : le milieu comporte donc

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des micelles. Au démarrage de la polymérisation, le monomère est réparti entre plusieurs sites : il se trouve en grande partie (> 90 %) dans les gouttelettes. Il est aussi solubilisé dans les micelles et il est enfin présent dans la phase aqueuse, en très faible quantité. La surface spécifique des micelles est largement supérieure à celle des gouttelettes et c’est la raison pour laquelle on considère que les oligoradicaux générés dans la phase aqueuse sont capturés préférentiellement par les micelles. Ces derniers ne peuvent pénétrer dans les micelles que lorsqu’ils atteignent un degré de polymérisation zcrit à partir duquel ils acquièrent un caractère tensioactif. Les micelles deviennent alors le lieu principal de la polymérisation. La réaction se poursuit ensuite par diffusion du monomère au travers de la phase aqueuse depuis les gouttelettes qui jouent le rôle de « réservoir ». Les micelles non atteintes par un radical disparaissent progressivement et assurent la stabilité des particules de polymère en croissance. Le nombre final de particules obtenues est donc nettement inférieur au nombre de micelles initialement présentes.

b) La nucléation homogène

Ce mécanisme connu sous le nom de la théorie HUFT (Hansen-Ugelstad-Fitch-Tsai theory), a été proposé d’abord par Jacobi [5, 6] puis traité quantitativement par Fitch et al. [7] et Ugelstad

et al. [8]. Il intervient surtout lorsque la concentration en monomère dans l’eau est importante et/ou lorsque le milieu réactionnel ne comporte pas de micelles. Selon ce modèle, les radicaux réagissent avec le monomère soluble dans l’eau donnant ainsi des oligoradicaux. Ces oligomères croissent alors en phase aqueuse jusqu’à ce que leur degré de polymérisation atteigne une valeur critique jcrit (jcrit > zcrit) pour laquelle ils deviennent insolubles et précipitent. Ceci conduit à la formation de très petites particules appelées nucléi ou particules primaires qui sont stabilisées par les charges des fragments d’amorceurs. La présence de tensioactif dans le milieu réactionnel peut aussi contribuer dans certains cas à la stabilisation des particules fraîchement nucléées. Ces particules grossissent ensuite soit par gonflement avec le monomère et polymérisation, soit par floculation avec d’autres nucléi.

c) La nucléation coagulative

Le mécanisme de nucléation coagulative a été proposé par Napper et al. [9] comme une extension de la nucléation homogène ce qui lui vaut couramment le nom de nucléation homogène-coagulative. Les précurseurs ou les nucléi (2 à 3 nm) issus de l’un ou l’autre des mécanismes de nucléation décrits précédemment s’aggrègent vue leur faible stabilité

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colloïdale et leur faible tendance au gonflement par le monomère [10]. L’agrégation de ces précurseurs entraîne la formation de particules matures, de stabilité colloïdale accrue. Ce phénomène est assez général et peut intervenir même pour des concentrations en tensioactif supérieures à la cmc et dans ce cas, on parle de nucléation coagulative de façon plus générale.

Etape II : Croissance des particules

Dans cette étape, le monomère transite à travers la phase aqueuse des gouttelettes vers les particules formées durant l’étape de nucléation. La concentration en monomère dissous dans l’eau et dans les particules de polymère atteint un état quasi-stationnaire tant que des gouttelettes de monomère subsistent. La croissance s’effectue donc à vitesse constante puisque la concentration en monomère dans chaque particule [M]p est constante. Cette étape se poursuit jusqu’à ce que toutes les gouttelettes soient consommées. Le passage de l’intervalle II à l’intervalle III s’effectue généralement à des taux de conversion compris entre 80 et 90%.

La vitesse de polymérisation s'exprime dans le cas général (mol.Le-1.s-1) par :

> @ > @ > @

x

d M dt k M R

Vp / p p II-1

Avec kp : constante de vitesse de propagation (Lp.mol-1.s-1), [M]p : concentration de monomère dans les particules, lieu de la polymérisation (mol.Lp-1), [Rx] : concentration en radicaux dans l’émulsion (mol.Le-1)

La concentration en radicaux peut également s’exprimer selon :

> @

A p N N n Rx II-2

Avec n: nombre moyen de radicaux par particule, Np : nombre de particules par unité de volume d’émulsion, NA : nombre d’Avogadro

D’où :

> @

p A p p p M N N n k V ( )u II-3

Durant l’intervalle II, le nombre de particules Np est constant. Si de plus le nombre moyen de radicaux par particule est constant (supposé vrai pour le styrène) et égal à 0,5, alors la vitesse

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Vp est constante. L’ordre en monomère est donc de zéro ce qui entraîne une linéarité de la conversion en fonction du temps sur cet intervalle.

Etape III : Fin de la polymérisation

La polymérisation se poursuit dans les particules gonflées de monomère jusqu'à ce que tout le monomère ait réagi. La concentration en monomère dans les particules diminue. Le nombre de particules étant constant, la vitesse de polymérisation décroît généralement. Toutefois, on peut observer parfois une accélération brutale de cette vitesse à forte conversion en raison de l’effet gel ou effet Trommsdorf [11] causé par l’augmentation de la viscosité interne dans les particules qui entraîne une très forte diminution de la vitesse de terminaison des macroradicaux. La polymérisation atteint 100% de conversion lorsque tout le monomère résiduel a réagi.

II.1.1.1.4 Procédés de polymérisation

On distingue trois types de procédés de polymérisation en émulsion :

Le procédé en réacteur fermé ou «batch»

Un réacteur batch est un système fermé dans lequel le temps est la seule variable indépendante. Dans ce procédé, la totalité des réactifs (eau, tensioactif, amorceur et monomère) est introduit en une seule fois dans le réacteur au début de la réaction. Ce procédé est rarement employé dans l’industrie à cause : i) de sa faible productivité (si on considère le temps de chargement du réacteur, de déchargement et de nettoyage), ii) des difficultés pour contrôler la température du réacteur, iii) de l’impossibilité de contrôler les propriétés du polymère et iv) d’une mauvaise reproductibilité au niveau du processus de nucléation des particules.

Le procédé semi-continu ou semi-«batch»

La majorité des procédés industriels actuels sont de type semi-batch. Dans un premier temps, une partie des réactifs est chargée dans le réacteur en une seule fois au début de la réaction afin de maîtriser le processus de nucléation, c'est-à-dire de fixer le nombre de particules. Le complément de réactif est ensuite introduit de manière graduelle dans le réacteur selon un programme défini. En variant la composition de la charge initiale et sa quantité, de même que

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la composition et les débits des flux d’alimentation, on peut contrôler à la fois la température et la qualité du polymère. Ce procédé permet en outre d’ajuster les caractéristiques du polymère formé comme par exemple la composition d’un copolymère, la distribution des masses molaires, l’architecture macromoléculaire, la morphologie des particules et la distribution des tailles de particules. On peut agir aussi sur la granulométrie en programmant l’alimentation en tensioactif ce qui permet de contrôler les processus de nucléation, de floculation et d’agglomération au cours de l’avancement de la réaction. Enfin, on peut agir sur le degré d’avancement de la réaction en introduisant une charge supplémentaire d’amorceur pour augmenter la conversion ou en terminant la polymérisation par une phase de cuisson destinée à consommer la totalité du monomère résiduel. Les latex sont parfois aussi soumis en fin de polymérisation à un post traitement de stripage lorsqu’un simple traitement thermique ne suffit pas à éliminer les monomères résiduels.

Les procédés continus

Ils sont principalement utilisés pour des polymérisations à grande échelle (c’est le cas par exemple de la synthèse de latex SBR : Styrene Butadiene Rubber). Dans ce type de procédé, les réactifs sont introduits en continu dans le réacteur alors que les produits de la réaction sont simultanément évacués de façon continue. Le premier réacteur est le pied de cuve et les additions de monomère sont effectuées progressivement avec une chaîne de réacteurs en cascade. En général, pour des raisons de qualité, les réactions sont arrêtées volontairement avant de recycler le monomère résiduel. Dans un procédé continu, il est difficile d’ajuster finement la granulométrie et la morphologie des particules [3].